Année politique Suisse 2007 : Infrastructure, aménagement, environnement / Energie
Politique énergétique
Au printemps, la problématique énergétique a été le principal objet de discussion du Conseil fédéral et des partis gouvernementaux à l’occasion des Entretiens de Watteville. En marge de la rencontre, Moritz Leuenberger a présenté à la presse le rapport final « Perspectives énergétiques pour 2035 » publié par l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) en janvier. L’étude propose quatre scénarii correspondant à quatre stratégies énergétiques distinctes. La consommation d’énergie étant essentiellement tributaire de l’évolution de l’économie, les auteurs planchent sur une croissance du PIB de 35% d’ici à 2035. Le premier scénario, dit « Statu quo », correspond à la poursuite de la politique actuelle. En fonction d’une croissance annuelle de 2% de la consommation globale d’énergie et de 29% de celle d’électricité d’ici à 2035, il en résulterait une pénurie évaluée à 22 terawattheures (tWh), soit 36% de la demande actuelle. Pour combler ce manque, il serait nécessaire de construire deux centrales nucléaires ou sept centrales à gaz supplémentaires. Le deuxième scénario intitulé « Collaboration renforcée » consiste en l’instauration d’un système de taxes modérées sur le CO2, les combustibles fossiles et l’électricité censé permettre de promouvoir les énergies renouvelables à hauteur de 330 millions de francs/an et l’amélioration de l’efficacité énergétique pour un montant de 200 millions/an. À l’horizon 2035, la consommation devrait baisser de 4%, mais celle d’électricité croître de 22%, de telle sorte que la pénurie s’élèverait à 18,6 tWh. Il faudrait par conséquent recourir à deux centrales nucléaires ou cinq usines à gaz supplémentaires. Le scénario « Nouvelles priorités » procède en fonction d’objectifs précis : atteindre 24% d’énergies renouvelables dans le secteur de la chaleur, 10% dans celui des carburants, et réduire de 34% les émissions de CO2. Les mesures prévues sont une taxe élevée sur les carburants fossiles (doublement du prix final) et l’électricité (hausse du prix final de 30%). La consommation globale baisserait ainsi de 14%, tandis que celle d’électricité augmenterait de 13%. Le manque de 13 tWh devrait être compensé par une centrale nucléaire ou quatre centrales à gaz. Enfin, le scénario « Société 2000 Watts » poursuit des objectifs plus drastiques : une réduction de moitié des émissions de CO2, de 30% de la consommation globale et de 2% de celle d’électricité. Une combinaison de taxes très élevées et de prescriptions très strictes en matière de consommation en tous domaines (véhicules, appareils et bâtiments) permettrait de ramener la pénurie à 5 tWh.
Le clivage traditionnel droite/gauche, pro/anti-atome, n’a rien perdu de sa saillance et aucune base commune aux partis gouvernementaux n’est ressortie des
Entretiens de Watteville. Pour prévenir la pénurie qui menace le pays dès 2012, mais de façon certaine à l’horizon 2020, le
PRD préconise la construction de deux nouvelles centrales nucléaires, le raccourcissement de la procédure d’autorisation et la promotion des énergies alternatives. Il exclut par contre le recours à des usines à gaz en raison de l’importance de leurs émissions de CO2.
L’UDC plaide également pour de nouvelles centrales nucléaires, mais souligne que la Confédération doit laisser faire l’économie privée et se limiter à l’établissement de conditions cadres favorables et à garantir l’indépendance énergétique du pays. Plus réservé, le
PDC n’exclut pas le recours aux centrales à gaz et laisse également ouverte l’option nucléaire. Le
PS, quant à lui, rejette toute nouvelle centrale nucléaire et soutient une stratégie de promotion massive des énergies alternatives et d’amélioration de l’efficacité énergétique. Il convient cependant de relever que la droite suit exceptionnellement une stratégie distincte des
grands groupes énergétiques (EOS, AXPO, FMB, etc.), qui ont conservé au gaz un rôle important dans leurs options stratégiques
[1].
Le Conseil fédéral ne fait pas preuve de plus d’unanimité à la veille de sa séance du 21 février consacrée à la stratégie énergétique de la Confédération, chaque conseiller défendant les options de son parti. Le collège gouvernemental est néanmoins parvenu à un compromis sur les grandes lignes de la stratégie énergétique à moyen et long terme. Il ne s’est cependant pas déterminé sur les mesures concrètes proposées par le ministre de l’énergie sur la base du scénario « Nouvelles priorités » de l’OFEN. Il a par contre entériné quatre objectifs stratégiques : l’amélioration de l’efficacité énergétique, le développement des énergies renouvelables, la garantie de l’approvisionnement électrique par la construction de nouvelles installations et la formulation d’une politique extérieure en matière énergétique. Convaincu de la nécessité de construire de nouvelles centrales nucléaires, le Conseil fédéral n’en a pas pour autant exclu les usines à gaz comme solution transitoire jusqu’en 2020, date probable d’entrée en fonction d’une nouvelle installation nucléaire. Toutefois, cette option est soumise à l’exigence pour les entreprises électriques de compenser totalement les émissions de leurs installations décidée par le parlement (cf. infra, Produits pétroliers et gaz). Enfin, le collège a confié au DETEC la tâche de lui présenter un plan d’action proposant des mesures concrètes pour réaliser les objectifs ainsi définis d’ici à la fin de l’année en cours.
La réaction de la presse fut très mitigée entre la satisfaction que le gouvernement soit parvenu à un compromis et la déception qu’il ait privilégié une solution peu innovante. Les
partis bourgeois se sont montrés satisfaits, tandis que
le PS et les Verts ont réaffirmé leur refus de toute nouvelle centrale nucléaire. Les Verts ont notamment rappelé leur objectif à long terme de faire de la Suisse une « société 2000 watts », c’est-à-dire dans laquelle chaque personne ne consomme que 2000 watts par an, contre 6000 actuellement. Les entreprises de la branche électrique se sont pour leur part dites satisfaites, alors que les organisations environnementales ont exprimé de vives critiques. Les jeunesses du PDC, du PRD, du PS, de l’UDC et des Verts ont par ailleurs adopté une prise de position commune pour exprimer leur refus des centrales à gaz
[2].
Année électorale aidant, les partis politiques n’ont pas attendu que le DETEC présente son plan d’action pour proposer des mesures visant, selon les options partisanes, à promouvoir un type d’énergie au détriment d’un autre. Par voie parlementaire, le PRD et l’UDC se sont faits porte-parole du lobby nucléaire par leurs efforts pour préparer la voie pour la construction de nouvelles centrales, notamment par la disqualification de la solution des usines à gaz et la promotion de l’indépendance énergétique. À l’inverse, le PS, les Verts et les évangéliques ont proposé des mesures en faveur des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique, tout en essayant de faire obstacle à l’option nucléaire. Le Conseil national a adopté deux motions du groupe radical. La première charge le Conseil fédéral de présenter à l’Assemblée, dans un délai de six mois, un
rapport sur les divers moyens de combler les insuffisances de l’approvisionnement électrique sans hausse des émissions de CO2, tout en garantissant l’indépendance énergétique du pays. La seconde exige du gouvernement qu’il prenne les dispositions nécessaires afin de
moderniser et rééquiper les centrales nucléaires existantes. Le résultat du vote (105 voix contre 66) montre clairement l’opposition frontale entre la droite et la gauche sur la question nucléaire. La Chambre basse a en outre approuvé, par 101 voix contre 71, une motion du conseiller national Keller (udc, ZH) confiant au gouvernement la tâche
d’inciter l’industrie de l’électricité à planifier sans délai jusqu’au stade décisionnel les centrales nucléaires nécessaires à l’approvisionnement du pays. Partant des mêmes considérations que les motions radicales, le motionnaire a fait valoir que, la faisabilité du stockage final des déchets radioactifs étant acquise, plus rien ne s’oppose à la construction de nouvelles centrales
[3].
Le PS et les Verts ont lancé plusieurs
attaques contre l’option nucléaire, toutes neutralisées par la majorité bourgeoise du Conseil national. Le groupe écologiste a ainsi vainement proposé un moratoire de dix ans sur l’octroi d’autorisations pour la construction de centrales nucléaires, tandis que le socialiste bâlois Rechsteiner a demandé que le Conseil fédéral garantisse que toute nouvelle autorisation serait soumise au référendum facultatif. La motion du groupe socialiste pour l’instauration d’une responsabilité civile illimitée pour les exploitants de nouvelles installations a également été balayée. Le Conseil des Etats a toutefois transmis au Conseil fédéral un postulat Ory (ps, NE) demandant un
rapport complet sur les coûts réels de l’énergie nucléaire, c’est-à-dire l’ensemble des coûts engendrés par la construction, l’entretien, l’exploitation et le démantèlement des centrales, afin d’évaluer précisément l’option nucléaire dans le cadre de l’élaboration de la stratégie énergétique de la Suisse à moyen et long terme
[4].
La réduction de la consommation grâce à des
mesures d’amélioration de l’efficacité énergétique a également suscité l’intérêt des parlementaires. Les Chambres ont ainsi transmis au Conseil fédéral une motion Leuthard (pdc, AG) lui donnant mandat de présenter un
projet de loi permettant la conclusion de conventions avec les cantons afin de renforcer les mesures promotionnelles prévues par la loi sur l’énergie (LEn), notamment en matière de
rendement énergétique. La LEn attribuant à la Confédération la responsabilité de l’utilisation rationnelle et économe de l’énergie pour les installations, les véhicules et les appareils (art. 8) et aux cantons la responsabilité du secteur du bâtiment (art. 9), la motionnaire souhaite renforcer la collaboration entre la Confédération et les cantons au moyen de conventions par lesquelles les cantons s’engageraient à atteindre des objectifs prédifinis en matière de rendement énergétique dans un laps de temps donné. Un tel dispositif permettrait à la Confédération de coordonner au niveau national les mesures d’amélioration de l’efficience énergétique et ainsi de réduire l’écart manifeste entre les cantons les plus actifs en la matière et ceux y accordant peu d’importance
[5].
Le Conseil des Etats a débattu de deux motions visant à
l’édiction de prescriptions de consommation pour les appareils de télévision numérique. La transition vers la technologie digitale implique une forte croissance à court terme du nombre d’appareils de ce type. Or, ces appareils ne connaissent que deux modes : fonctionnement et veille. Même en veille, l’appareil requiert l’alimentation du réseau à des fins d’actualisation des programmes et de reconnaissance des canaux numériques. La diffusion de ces appareils va donc à elle seule occasionner une hausse de la consommation d’énergie électrique estimée entre 1 et 2% d’ici fin 2008. Forts de ce constat, la conseillère aux Etats Sommaruga (ps, BE) et la commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Conseil des Etats (CEATE-CE) ont déposé des motions visant à
l’édiction de normes de consommation pour ces appareils au moment de l’entrée en vigueur de la révision de la loi sur l’énergie et des ordonnances s’y rapportant. Le Conseil des Etats a adopté la motion de la CEATE-CE et la conseillère Sommaruga a par conséquent retiré la sienne. Le Conseil national, malgré l’opposition d’une minorité emmenée par des députés UDC, a approuvé la motion par 110 voix contre 30
[6].
Le parlement s’est par ailleurs intéressé à la question de
l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments. Selon les chiffres de l’OFEN, environ 45% de la consommation énergétique finale est imputable au secteur du bâtiment. Le Conseil fédéral estime quant à lui à 50% les économies réalisables dans ce domaine. Le Conseil national a d’abord approuvé un postulat Heim (ps, SO) demandant au Conseil fédéral d’examiner, en collaboration avec les cantons, la possibilité d’introduire un
certificat énergétique pour les bâtiments. Comme l’étiquette Energie pour les appareils et véhicules, ce certificat doit fournir une information transparente sur la consommation énergétique des biens immobiliers et inciter les acteurs du marché immobilier à recourir aux techniques nouvelles pour réduire la consommation globale et la part des énergies non renouvelables. Par 96 voix contre 80, la Chambre basse a également adopté une motion de la conseillère nationale Teuscher (pe, BE) chargeant le Conseil fédéral d’édicter des
normes légales en matière de consommation d’énergie dans la construction et la rénovation des bâtiments de sorte à en réduire non seulement la consommation globale mais également la part des énergies non renouvelables. Convaincue sur le fond, la commission du Conseil des Etats a cependant considéré que l’art. 89 de la Constitution n’attribue aucune compétence à la Confédération pour prendre de telles mesures. Dans son rapport, la
CEATE-CE invite donc les sénateurs à rejeter la motion Teuscher mais leur en soumet deux autres, l’une visant à modifier l’art. 89 de la Constitution pour octroyer à la Confédération la compétence d’édicter une réglementation pour les bâtiments, et l’autre réclamant, à l’instar du postulat Heim, l’introduction d’un certificat énergétique au niveau national. Suite à la réponse du Conseil fédéral et aux assurances reçues de la part des cantons concernant la poursuite de leurs efforts, la commission a finalement décidé de retirer la première motion
[7].
Les Chambres ont en outre approuvé l’introduction de
mesures incitatives à destination principalement des propriétaires immobiliers. À la suite du Conseil national, le Conseil des Etats a adopté la motion de la CEATE-CN demandant l’introduction dans le droit du bail du principe selon lequel les améliorations écologiques constituent des prestations supplémentaires, ainsi qu’une liste des mesures considérées comme des améliorations écologiques. Il s’agit d’
inciter les propriétaires à mettre en œuvre des mesures d’économie d’énergie en leur permettant d’en reporter le coût sur les loyers. La Chambre basse a pour sa part approuvé par 93 voix contre 75 une motion Bäumle (verts libéraux, ZH) chargeant le Conseil fédéral de présenter une modification de la loi sur l’énergie introduisant un
soutien financier de la Confédération et des cantons pour la construction et la transformation de bâtiments selon les standards Minergie et Minergie-P. Le motionnaire souhaite développer les incitations financières existantes de telle sorte que la Confédération (pour 75%) et les cantons (pour 25%) prennent à leur charge au minimum 60% du surcoût imputable aux standards Minergie. Le groupe démocrate-chrétien a pour sa part proposé de réviser la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID) pour
exonérer d’impôts le capital épargné destiné à financer des assainissements ou d’autres mesures améliorant l’efficacité énergétique des immeubles. Malgré l’opposition du gouvernement, le Conseil national a approuvé cette motion par 118 voix contre 57. Dans le même sens, la Chambre basse a adopté par 132 voix contre 47 une motion Leutenegger (prd, ZH) visant à
modifier l’ordonnance sur la déduction des frais relatifs aux immeubles privés dans le cadre de l’impôts fédéral direct pour permettre une répartition de l’investissement déductible sur plusieurs années, et non plus sur une seule
[8].
Afin de
promouvoir les véhicules à faible consommation, le Conseil national a adopté une motion Donzé (pep, BE) et un postulat Heim (ps, SO). La motion demande que la Confédération incite les cantons, seuls compétents en la matière, à calculer l’impôt sur les véhicules à moteur en fonction de leur consommation. Le postulat, quant à lui, charge le Conseil fédéral d’examiner la possibilité d’instaurer une taxe proportionnelle sur la surconsommation lors de l’admission des véhicules à l’importation et de présenter un projet en ce sens
[9].
Au mois de juin de l’année sous revue, une première série de mesures visant à améliorer l’efficacité énergétique a été présentée dans le cadre de la
deuxième étape du
programme SuisseEnergie. Se donnant pour objectif de réduire de 20% la consommation d’agents fossiles et de contenir la croissance de la consommation électrique à un taux maximal de 5% d’ici 2020 par rapport à 2000, les auteurs proposent d’édicter des normes contraignantes en matière de construction et assainissement de bâtiments, d’appareils domestiques et de moteurs, et d’instaurer un système de bonus/malus pour les voitures privées. Ils préconisent également la création par la Confédération et les cantons d’un programme d’encouragement en faveur de l’assainissement des bâtiments dont le financement à hauteur de 150 à 200 millions de francs/an proviendrait de la taxe sur le CO2. Outre la disparition, d’ici à 2012, des lampes à incandescence, ils plaident pour une harmonisation des taxes cantonales sur les véhicules en fonction de leur consommation
[10].
Le 3 septembre, le ministre de l’énergie a présenté et mis en consultation les
plans d’action « Efficacité énergétique » et « Energies renouvelables » de mise en œuvre de la stratégie du Conseil fédéral pour les années 2007-2020. Le premier comprend dix-huit mesures notamment dans les domaines des bâtiments, de la mobilité, des appareils et moteurs électriques, de la recherche et du transfert de technologies. Se fondant sur les recommandations de SuisseEnergie et concrétisant les motions Bäumle, Donzé, Leutenegger, Leuthard, groupe démocrate-chrétien, CEATE-CN et CEATE-CE, ainsi que les deux postulats Heim (cf. supra), le plan d’action a pour objectif, d’ici 2020, de réduire la consommation d’énergies fossiles de 1,5% par année, de stabiliser celle d’électricité au niveau de 2006 et d’encourager un comportement énergétiquement responsable de la part des entreprises, des particuliers et des pouvoirs publics. Le second plan d’action vise quant à lui à accroître, d’ici 2020, la part des énergies renouvelables dans la consommation globale d’au moins 50% (de 16,2% aujourd’hui à 24%) au moyen de huit mesures en particulier dans les domaines de la production de chaleur, de la force hydraulique, des carburants biogènes, de la recherche et du transfert de technologies. Les deux plans prévoient l’édiction de nouvelles normes, l’instauration d’incitations financières, une réforme écologique de la fiscalité et la formulation de recommandations à destination des cantons. Si certaines mesures sont immédiatement applicables, d’autres nécessitent par contre des modifications d’ordonnances et de lois existantes qui seront soumises au parlement d’ici fin 2008. Les réactions ont été contrastées. D’un côté, les organisations environnementales (WWF, Greenpeace, ATE, etc.) ont trouvé les objectifs et les moyens prévus insuffisants et peu ambitieux. À l’inverse, Economiesuisse a jugé irréaliste l’objectif d’accroître de 50% la part des énergies renouvelables, tandis que l’Association des transporteurs routiers, l’UDC et le PRD ont refusé catégoriquement la création d’une taxe sur le CO2 sur les carburants fossiles d’un taux maximal de 50 centimes/litre. Le PS et les Verts ont accueilli favorablement les vingt-six mesures proposées, ces derniers les ont toutefois estimées insuffisantes
[11].
Lors de la session de printemps, les Chambres fédérales ont repris leurs débats concernant la loi sur l’approvisionnement en électricité (LApEI) et la loi sur l’énergie (LEn). Des divergences subsistaient alors principalement sur les modalités du soutien aux énergies renouvelables (art. 7a, al. 5, let. b LEN) ainsi que sur le rythme d’ouverture du marché (art. 6, al. 5 LApEI). Le Conseil des Etats est revenu sur la question du soutien à l’énergie photovoltaïque. Lors d’une session antérieure, la Chambre haute avait décidé de restreindre le cercle des énergies renouvelables qui bénéficieraient d’un soutien financier par l’édiction d’un prix de revient maximal de 40 centimes par kilowattheure (5 fois le prix du marché). Or, l’adoption de cette valeur-limite aurait exclu l’énergie photovoltaïque de toute mesure d’encouragement. Considérant cette technologie comme fort prometteuse, le Conseil des Etats s’est rallié, par 29 voix contre 13, à la décision de la Chambre basse. Il a par contre refusé de la suivre au sujet du rythme de la libéralisation. À l’unanimité, la Chambre haute a rejeté la proposition d’ouvrir le marché dès la première étape pour les groupements d’entreprises ayant une consommation commune égale ou supérieure à 100 mégawattheures (mWh) par an.
Le règlement de cette divergence majeure et de quelques autres de moindre importance a nécessité la convocation d’une Conférence de conciliation. La proposition finalement soumise aux deux Chambres reprenait la solution du Conseil des Etats concernant l’ouverture du marché électrique. Elle fut approuvée par les deux conseils, notamment par 123 voix contre 31 au Conseil national. En conséquence, dans un premier temps, seuls les clients consommant plus de 100 mWh/an pourront choisir librement leur fournisseur, alors que dans un second les autres clients (petites et moyennes entreprises et ménages) le pourront également. Sur deux autres points de désaccord, on a retenu la solution proposée par le Conseil national, notamment un programme de renforcement de l’efficacité énergétique. Au vote final, le Conseil des Etats a adopté unanimement le projet, tandis que le Conseil national l’a approuvé par 166 voix contre 27 (principalement des membres du groupe UDC favorables à une libéralisation plus rapide et des représentants de l’extrême gauche hostiles à toute libéralisation).
Le délai référendaire ayant expiré sans avoir été utilisé, le Conseil fédéral a fixé au 1er janvier 2008
l’entrée en vigueur de la loi sur l’approvisionnement en électricité et de la modification de la loi sur l’énergie. Dès lors, à la session d’automne, le Conseil des Etats, sur proposition de sa commission, a refusé d’entrer en matière sur le
projet de modification de la loi sur les installations électriques à faible et fort courant (LIE). En effet, cette modification étant censée réglementer le commerce transfrontalier d’électricité jusqu’à l’entrée en force de la LApEI et de la LEN, les membres de la Chambre haute l’ont jugée désormais inutile. Enfin, l’adoption de la LApEI a également rendu caduque l’initiative Dupraz (prd, GE), que le Conseil national a donc décidé de classer lors de la session d’automne
[12].
À l’approche de l’ouverture du marché suisse, le surveillant des prix, Rudolf Strahm, a mis en garde contre un alignement à la hausse des prix estimé à 10%. La libéralisation n’est pas seule en cause, puisqu’on observe une forte croissance de la demande énergétique en général tant en Europe que dans le monde. Monsieur Prix a cependant critiqué la mise en œuvre de la LApEI telle que planifiée par le Conseil fédéral, car aucune
régulation du prix du courant électrique n’est prévue. Le gouvernement a réagi en annonçant le transfert de la compétence de contrôler le prix de l’électricité du surveillant des prix à la
Commission de l’électricité. Afin d’éviter toute hausse injustifiée, la commission pourra annuler des hausses survenues avant l’entrée en force de la loi et décider des baisses de tarifs, alors que jusque là le surveillant des prix ne pouvait qu’émettre des recommandations
[13].
Les groupes
Atel et Energie Ouest Suisse (EOS) ont repris leurs travaux en vue d’une fusion et de la constitution du groupe Ouest Energie. Le projet a pris une année de retard suite au recours déposé par un petit actionnaire et finalement rejeté par le Tribunal fédéral. La création du nouveau groupe est désormais prévue pour le milieu de l’année 2008 et l’intégration des activités industrielles des partenaires pour fin 2008
[14].
L’achèvement du
réseau à très haute tension (380 kilovolts) ne se déroule pas sans encombre. En Valais, le projet d’EOS de construire une ligne entre Chamoson et Chippis (28 km) est fortement contesté par des groupements d’habitants et des organisations écologistes qui dénoncent les atteintes au paysage et à la qualité de vie et réclament l’enterrement de la ligne. La direction d’EOS objecte que l’enterrement coûterait de 8 à 15 fois plus cher que le tronçon aérien. Après de multiples tentatives de conciliation, l’Inspection fédérale des installations à courant fort (ESTI) a transmis le dossier à l’OFEN
[15].
En novembre, le Conseil fédéral a entamé des
négociations avec l’UE en vue d’un accord bilatéral censé garantir la sécurité de l’approvisionnement électrique des parties dans un contexte de libéralisation. Cet accord doit réglementer l’accès au réseau pour le transit transfrontalier du courant et harmoniser les normes de sécurité des réseaux de transit. Des divergences se sont faites jour. L’UE souhaite que la Suisse adopte telles quelles les règles communautaires. Or, les contrats d’approvisionnement avec Electricité de France (EdF) (qui courent pour certains au-delà de 2020), qui permettent à la Suisse d’exporter du courant de pointe à prix d’or et d’importer du courant bon marché aux heures creuses, sont considérés par Bruxelles comme des entraves à la libre concurrence. Aucune solution n’est apparue lors de la première rencontre, mais les négociations se poursuivront en 2008
[16].
Pour la première fois depuis 1997, la consommation finale d’électricité a connu une baisse (-0,6%) en 2007 pour s’établir à 57,4 milliards de kWh (contre 57,8 en 2006). Cette baisse s’explique essentiellement par les températures clémentes du premier trimestre occasionnant un recul de 5,8% de la demande d’électricité par rapport au premier trimestre 2006. Si la consommation a reculé de 3,7% au premier semestre, elle est par contre repartie à la hausse au troisième (+0,8%) et, surtout, au quatrième (+4,4%) trimestres. L’OFEN impute cette augmentation à la croissance économique (hausse du PIB de 3,1% en 2007) et démographique (de 0,8%, avec 60 000 habitants supplémentaires). La production d’électricité des centrales suisses a crû de 6,1%, s’établissant à 65,9 milliards de kWh contre 62,1 en 2006. Bénéficiant de conditions d’exploitation conformes à la moyenne, les centrales hydrauliques ont produit 11,7% d’électricité de plus qu’en 2006 : 4,6% pour les centrales au fil de l’eau et 18,4% pour les centrales à accumulation. La production des centrales nucléaires a progressé de 0,4% pour atteindre la valeur record de 26,3 milliards de kWh (contre 26,2 milliards en 2006). La disponibilité des cinq centrales nucléaires a donc augmenté pour s’établir à 93,7% (contre 93,4% en 2006). Globalement, les centrales hydroélectriques ont contribué à hauteur de 55,2% à la production d’électricité, les centrales nucléaires à raison de 40,0%, tandis que l’apport des centrales thermiques conventionnelles et des autres installations était de 4,8%. En 2007, la production nationale a excédé la consommation domestique pendant sept mois. Avec des importations de 48,5 milliards de kWh et des exportations de 50,6 milliards, l’excédent des exportations s’est élevé à 2,1 milliards de kWh (contre un excédent des importations de 2,7 milliards de kWh en 2006)
[17].
[1]
NZZ et
LT, 1.2.07;
BaZ, 3.2.07; presse du 17.2.07; OFEN,
communiqué de presse, 16.2.07; cf.
APS 2006, p. 136 s.
[2]
BaZ, 21.2.07; presse du 22.2.07;
LT, 24.2.07 (jeunesses).
[3]
BO CN, 2007, p. 503 (motions radicales) et 504 (motion Keller).
[4]
BO CN, 2007, p. 495 (groupe des Verts et Rechsteiner) et 497 (groupe socialiste);
BO CE, 2007, p. 70 s.;
NZZ, 17-18.2.07. Concernant la révision de la LRCN, cf. infra Energie nucléaire.
[5]
BO CN, 2006, p. 1115 et 2007, p. 1543 s.;
BO CE, 2007, p. 616.
[6]
BO CE, 2007, p. 618 ss.;
BO CN, 2007, p. 1559 ss.
[7]
BO CN, 2007, p. 501 (postulat Heim);
BO CN, 2007, p. 503 (motion Teuscher); CEATE-CE,
Communiqué de presse, 23.11.07 (retrait motion).
[8]
BO CE, 2007, p. 256 (motion CEATE-CN);
BO CN, 2007, p. 781 s. Concernant cette modification du droit du bail, cf. infra, part. I, 6c (Wohnen);
BO CN, 2007, p. 505 (motion Bäumle), 1515 (motion pdc) et 1513 (motion Leutenegger). Sur la motion pdc, voir supra, part. I, 5 (Direkte Steuern); concernant la motion Leutenegger, voir infra, part. I, 6c (Wohnen).
[9]
BO CN, 2007, p. 498 (postulat Heim) et 500 (motion Donzé); sur ces deux objets, voir également supra, part. I, 6d.
[11] Presse du 4.9.07; OFEN,
communiqué de presse, 3.9.07;
NZZ, 17.10.07 (réactions).
[12]
BO CE, 2007, p. 43 ss., 210 ss., 286 ss. et 3087;
BO CN, 2007, p. 166 ss., 461 ss. et 593 s. ; presse du 08.03.07 (soutien du CE à l’énergie photovoltaïque). Concernant le refus d’entrer en matière sur la LIE:
BO CE, 2007, p. 927;
BO CN, 2007, p. 1818. Sur le classement de l’initiative Dupraz:
BO CN, 2007, p. 1709. Cf.
APS 2005, p. 135 s. et
2006, p. 138 s.
[13]
NZZ et
QJ, 14.11.07 (surveillant des prix);
NZZ, 29.11.07 (commission de l’électricité); DETEC,
communiqué de presse, 28.11.07.
[14]
AZ et
LT, 9.10.07; cf.
APS
2006, p. 137 s.
[16] Presse du 9.11.07; OFEN,
communiqué de presse, 8.11.07.
[17] Presse du 11.4.08; OFEN,
Communiqué de presse, 10.4.08; cf.
APS 2006, p. 139 s.
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