Année politique Suisse 2007 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications
 
Poste et télécommunications
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Télécommunications
À peine entrés en fonction, les nouveaux services de renseignement, qui ont remplacé le 111 à partir du 1er janvier, ont fait l’objet de nombreuses critiques suite à la publication d’une enquête de la Fédération romande des consommateurs (FRC). Jugés catastrophiques, les résultats ont montrés que les nouveaux services étaient non seulement plus chers que le 111, mais aussi de moins bonne qualité. Dans seulement 30% des cas, les informations fournies étaient exactes. L’Office fédéral de la communication (OFCOM) a dû se saisir d’un problème d’un autre genre. Ces nouveaux services sont accessibles par des numéros 18xy. Or, depuis le 1er janvier, les urgences des pompiers (118) ont reçu un nombre si considérable de faux appels que la bonne marche du service, voire la sécurité de la population s’en est trouvée menacée. Pour y remédier, l’OFCOM et les instances compétentes en matière de défense contre l’incendie ont présenté des solutions telles que le filtrage technique des appels, l’amélioration du message d’erreur du numéro 111 et l’incitation des opérateurs à faire preuve de la plus grande clarté dans leur propagande [51].
Suite à l’appel d’offres public émis en octobre 2006, la Commission fédéral de la communication (ComCom) n’a reçu qu’un seul dossier de candidature pour l’attribution de la prochaine concession de service universel (2008-2017). Sunrise ayant finalement renoncé, Swisscom s’est par conséquent retrouvée seule en course. L’incertitude quant au coût du service universel semble avoir dissuadé les autres opérateurs de tenter l’aventure. Swisscom n’ayant jamais demandé de dédommagement à la Confédération, aucune information chiffrée n’est disponible. L’actuelle concessionnaire a toutefois admis que l’estimation de l’OFCOM (entre 100 et 150 millions de francs par an) était vraisemblable. Fin juin, la ComCom a officialisé l’octroi de la concession à Swisscom pour la période 2008-2017 [52].
Fin septembre, la ComCom a décidé d’octroyer la concession pour la télévision portable à Swisscom Broadcast SA, filiale de l’opérateur historique. Valable dix ans, cette concession doit permettre de diffuser sur l’ensemble du territoire national des émissions de télévision sur les téléphones portables, ce dès le Championnat d’Europe de football de juin 2008. S’estimant lésée par l’adjudication, la société Mobile TV Schweiz AG, unique concurrente de Swisscom dans cette procédure, a fait recours [53].
Les conditions auxquelles Swisscom met ses infrastructures à la disposition des autres prestataires de services de télécommunication ont été mises en accusation à plusieurs reprises au cours de l’année sous revue. Le Tribunal fédéral, d’abord, a donné raison à Monsieur Prix et à la ComCom en condamnant Swisscom à rembourser plusieurs millions de francs à Cablecom. Les juges de Mon Repos ont considéré que cette dernière avait payé des frais excessifs pour le transfert de clients sans changement de numéros de téléphone entre 2004 et 2006. Peu après, la Commission de la concurrence (ComCo) a sanctionné l’opérateur historique d’une amende de 333 millions de francs pour avoir abusé de sa position dominante en exigeant de ses concurrents une taxe de transmission sur le réseau mobile deux fois plus élevée que la moyenne européenne. Swisscom a immédiatement annoncé son intention de déposer un recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral. En fin d’année, la ComCom a décidé de baisser rétroactivement les prix d’interconnexion pratiqués par Swisscom entre 2004 et 2006 de 15 à 20%, de sorte à les aligner sur les coûts requis effectivement pour l’interconnexion. Les concurrents lésés peuvent dès lors demander le remboursement des montants indûment perçus [54].
Peu avant l’ouverture, le 1er avril, du dernier kilomètre, Swisscom a annoncé que le raccordement serait facturé 31 francs par client et par mois. L’opérateur historique a justifié ce prix, largement supérieur à la moyenne européenne (17,50 francs) et au tarif pratiqué jusque-là (25,25 francs), par les salaires et les coûts élevés dans le secteur de la construction en Suisse, ainsi que par les frais d’entretien des 60 000 kilomètres de fil de cuivre installés dans tout le pays. Les concurrents ont jugé ce tarif irréaliste et impraticable. Huit d’entre eux ont saisi la ComCom afin qu’elle détermine le prix du raccordement. Fin novembre, Sunrise a néanmoins pu inaugurer le premier central téléphonique dégroupé à Oerlikon (ZH) [55].
Sur la base d’une expertise de la ComCo établissant la position dominante de Swisscom sur le marché de l’accès à haut débit, la ComCom a rappelé cette dernière à l’ordre et l’a obligé à respecter le dégroupage total décidé par l’Assemblée fédérale l’année précédente. Swisscom doit donc offrir un accès à haut débit à prix coûtant à ses concurrents. La commission a ainsi donné raison à Sunrise et Orange qui, en septembre, avaient déposé plainte concernant une offre ADSL de Swisscom. Cette dernière proposait à ses clients un accès ADSL sans ligne téléphonique fixe, par un abonnement de téléphonie mobile. Le raccordement au réseau fixe n’était par conséquent pas facturé et il en résultait une économie de 25,25 francs par mois pour les clients. Or, si une autre entreprise de télécommunications souhaitait proposer la même offre, elle devait payer à Swisscom le prix du raccordement ou le facturer à ses clients [56].
Concernant la motion Schweiger (prd, ZG) visant à interdire la diffusion de pornographie sur les réseaux de télécommunications, cf. supra part. I, 1b (Strafrecht).
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Swisscom
Le Conseil national s’est saisi des motions adoptées par le Conseil des Etats l’année précédente suite au refus d’entrer en matière sur le projet gouvernemental de privatisation de Swisscom. À la session de printemps, la Chambre basse a approuvé sans discussion un postulat de sa commission demandant au Conseil fédéral de présenter un rapport sur les questions figurant dans les motions Escher (pdc, VS), Lombardi (pdc, TI) et Pfisterer (prd, AG). Lors de la session d’automne, le plénum a encore suivi sa CTT en rejetant les motions Lombardi et Pfisterer, rendues caduques par le postulat, mais s’est par contre rallié à la minorité de la commission en décidant, par 74 voix contre 68, de transmettre au Conseil fédéral la motion Escher (pdc, VS) avec le mandat de présenter un projet garantissant le service universel sur l’ensemble du territoire national et le maintien de Swisscom sous le contrôle d’investisseurs suisses. Cette courte majorité, issue des rangs radicaux, démocrates-chrétiens et UDC, a estimé que le postulat de la CTT-CN ne respectait pas la volonté des motionnaires de progresser sur la voie de la privatisation, tandis qu’en face socialistes et écologistes ont vainement dénoncé une tentative de contournement du refus exprimé par le parlement l’année précédente [57].
En mai, la direction de Swisscom a annoncé un plan de réorganisation complète de l’entreprise, effectif dès le 1er août de l’année sous revue. La nouvelle structure résulte d’un changement de stratégie, désormais axée sur la clientèle, et non plus sur la technique. L’entreprise est réorganisée en unités par type de clientèle (« clients privés », « PME » et « grandes entreprises ») et œuvrera prioritairement à la conquête de clients de grande taille (notamment des multinationales basées en Suisse), à l’expansion en Europe de l’est avec le haut débit et au développement de l’offre en matière de télévision numérique. Cette restructuration prévoit également la suppression de 500 à 800 postes de travail par année sur cinq ans au moins. Les syndicats ont appelé les dirigeants à renoncer à des licenciements au profit des départs naturels et de reclassements à l’interne [58].
Au printemps, la direction de Swisscom a fait une offre de rachat de l’entreprise italienne Fastweb, spécialisée dans l’Internet à large bande et numéro deux des fournisseurs d’accès en Italie. Après avoir obtenu l’aval de la Commission européenne, elle a vu son offre acceptée par 80,7% des actionnaires de Fastweb. Le montant de la transaction s’est établi à 4,2 milliards d’euros (6,9 milliards de francs) et permet à Swisscom de contrôler 82,4% de la société transalpine [59].
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Poste
En début d’année, la direction de l’ancienne régie et le Syndicat de la communication sont parvenus à un accord au sujet de la réforme Ymago. Le plan social ainsi ratifié prévoit que la suppression des 400 à 500 emplois s’accomplira sans licenciements économiques ni réduction des taux d’activité. Les salaires des responsables d’office âgés de plus de 55 ans seront garantis jusqu’à la retraite, et ceux des plus jeunes jusqu’en 2011. Se félicitant du résultat des négociations, le syndicat a toutefois rappelé son opposition à la transformation de 200 offices en agences dans des épiceries [60].
L’autorité de régulation du marché postal PostReg a critiqué la décision de la Poste d’augmenter de 30 centimes les frais de traitement pour les versements en espèces au guichet. Jugeant la hausse disproportionnée (+23%), l’autorité de contrôle a estimé qu’un renchérissement de 10 centimes aurait été acceptable. Elle a également contesté la nécessité économique de cette mesure, en soulignant les excellents résultats d’ensemble de PostFinance. Le directeur général de la Poste, Ulrich Gygi, a réagi en niant la compétence de PostReg. La Poste occupant une position dominante sur le marché postal, Monsieur Prix est la seule autorité compétente pour se prononcer sur les tarifs postaux. Or, le surveillant des prix, Rudolf Strahm, a étudié la décision de la Poste et conclu que le prix de la prestation concernée avait été fixé correctement. Le directeur de l’ancienne régie a par conséquent refusé de revenir sur sa décision [61].
En avril, la Poste a lancé un service de signature électronique. Premier pas sur la voie vers un système d’échanges en ligne sécurisés, le nouveau service permet notamment l’envoi de courriers électroniques recommandés. Dans une première phase dite « d’essai », ces nouvelles prestations ne seront disponibles que dans les cantons de Zurich et Saint-Gall [62].
Lors de la session de printemps, le Conseil national a approuvé sans discussion un postulat du groupe radical-libéral demandant au Conseil fédéral de présenter un rapport sur l’avenir de la Poste dans un marché libéralisé. Le gouvernement doit notamment étudier les effets d’une libéralisation totale du marché postal sur l’ensemble des acteurs concernés (la Poste et ses concurrents, ainsi que leurs clients). Le rapport doit également proposer une définition du service public compatible avec un marché totalement libéralisé et évaluer les avantages et inconvénients d’une privatisation de la Poste [63].
L’Assemblée fédérale a transmis au Conseil fédéral une motion Germanier (prd, VS) le chargeant de présenter un projet sur l’organisation et les compétences de l’autorité de régulation du marché postal qui garantisse son indépendance vis-à-vis du législateur, du DETEC et du propriétaire de la Poste. L’autorité de régulation actuelle, PostReg, est rattachée administrativement au DETEC et ne peut, selon le motionnaire, pas accomplir sa mission avec l’impartialité nécessaire [64].
En septembre, le Conseil fédéral a établi la feuille de route pour l’ouverture du marché postal suisse. Début 2008, il mettra en consultation un projet de nouvelle législation prévoyant une ouverture en deux étapes. Dès 2011, le monopole des lettres sera abaissé de 100 à 50 grammes. Puis, deux à cinq ans plus tard, le parlement se prononcera sur la libéralisation complète et sa décision sera soumise au référendum facultatif. La future loi prescrira le respect par toutes les entreprises des conditions de travail usuelles dans la branche et garantira, au besoin, le financement du service universel par un fonds alimenté par les entreprises de la branche ou par des indemnités de l’Etat. La Poste, aujourd’hui établissement de droit public, sera transformée en société anonyme de droit public dont la Confédération sera obligatoirement l’actionnaire majoritaire. Les réactions n’ont pas tardé. Le PS, les Verts et le Syndicat de la communication ont répété leur opposition à toute libéralisation, tandis que les partis bourgeois ont fait part de leur satisfaction, PRD et UDC appelant même à accélérer le processus d’ouverture. Du côté de l’ancienne régie, on s’est dit prêt à la poursuite de la libéralisation [65].
A l’automne, une polémique a éclaté au sujet des coûts réels du service universel. En cause, la non publication par le DETEC d’un rapport des consultants BDO Visura et Wik-Consult sur le modèle comptable de la Poste qui relève que les charges des bureaux de poste pourraient avoir été surévaluées. Le directeur de la Poste, Ulrich Gygi, a toujours insisté sur le fait que l’entretien du réseau postal (environ 400 millions de francs) devait être financé grâce au monopole sur les lettres jusqu’à 100 grammes. Pour les partis bourgeois et Economiesuisse, si ce coût est moindre, il ne peut plus justifier les précautions avec lesquelles le Conseil fédéral a planifié la libéralisation du marché postal. À l’inverse, la gauche et les syndicats dénoncent une manipulation de la Poste pour justifier la fermeture de 1150 bureaux de postes. Pour faire toute la lumière sur cette affaire, la CTT-CN a demandé et reçu ledit rapport. En décembre, le chef du DETEC a présenté une étude approfondie sur les répercussions de l’ouverture du marché postal. Censée servir de référence dans la révision de la législation postale, cette étude prospective montre que le financement du service universel peut être garanti par le monopole sur les lettres de moins de 50 grammes. En cas de libéralisation complète, le maintien des prestations excédant les exigences légales minimales et des conditions de travail actuelles de la Poste nécessiterait une compensation financière de l’Etat. Sans contribution étatique, la Poste pourrait seulement financer les prestations minimales prévues dans la loi [66].
En 2007, La Poste a bouclé son bilan avec un bénéfice consolidé de 909 millions de francs. En progression de 10,3% par rapport à 2006, les produits d’exploitation s’établissent à 8,712 milliards de francs. Cet excellent résultat provient principalement de la croissance de PostFinance (+350 millions de francs de chiffre d’affaires) et de l’intégration du groupe GHP à l’unité Clients stratégiques et solutions (+296 millions). Toutes les unités proposant des produits ont contribué, à des degrés divers, au bénéfice consolidé. Les frais dûs à la mise en service des nouveaux centres de tri du courrier (projet REMA) ont toutefois occasionné une baisse du résultat d’exploitation de PostMail (236 millions de francs contre 383 en 2006). PostLogistics et Swiss Post International ont aussi enregistré un recul de leur résultat, en raison de l’accroissement des coûts respectivement dans le secteur du dépôt et de la distribution et dans celui de l’exportation (frais de transport). CarPostal et, surtout, PostFinance ont par contre accrû leur marge bénéficiaire. Le transport des voyageurs affiche un excédent de recettes de 32 millions de francs (2006: 28 millions), tandis que PostFinance établit un nouveau record avec un résultat d’exploitation de 318 millions de francs (2006: 245 millions). Grâce au bénéfice réalisé, La Poste entend augmenter ses fonds propres, assainir sa caisse de pension et, pour la première fois, redistribuer une partie du bénéfice à la Confédération (250 millions de francs) [67].
 
[51] Lib., 12.1.07 (FRC); NZZ, 26.1.07 (OFCOM). Cf. APS 2006, p. 152.
[52] LT, 3.2.07 (clôture de l’appel d’offres); BZ et NZZ, 23.6.07 (adjudication).
[53] Presse du 29.9.07.
[54] 24h, 8.2.07 (transfert); presse des 17.2 (transmission) et 18.12.07 (interconnexion). Concernant la méthode de calcul employée pour la révision des tarifs d’interconnexion, cf. APS 2005, p. 153.
[55] Presse du 21.3.07 (Swisscom); Bund, 14.8.07 et TG, 28.11.07 (concurrents); presse du 28.11.07 (Sunrise).
[56] LT, 31.8.07 (Sunrise); NZZ, 15-16.9.07 (Orange); presse du 23.11.07 (ComCom). Cf. APS 2006, p. 152.
[57] BO CN, 2007, p. 575 (postulat) et 1688 ss. (motions). Cf. APS 2006, p. 153 s.
[58] Presse du 23.5.07.
[59] Presse du 12 au 17.3 et du 10 au 18.5.07.
[60] LT, 27.2.07. Cf. APS 2006, p. 155 s.
[61] NZZ et TA, 21.3.07; Lib., 24.3.07 (Ulrich Gygi).
[62] Presse du 5.4.07.
[63] BO CN, 2007, p. 576.
[64] BO CN, 2007, p. 573; BO CE, 2007, p. 939.
[65] Presse du 22.9.07. Cf. APS 2006, p. 155.
[66] Presse des 17.10, 10.11 et 20.12.07 (étude); DETEC, communiqué de presse, 19.12.07.
[67] Presse du 20.3.08. Concernant l’acquisition du groupe GHP, cf. APS 2006, p. 156.