Année politique Suisse 2004 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik
 
Europe: UE
print
Bilatérales I
Le conseiller fédéral Pascal Couchepin a signé à Bruxelles, le 16 janvier, l’accord-cadre sur la recherche entre la Suisse et l’Union européenne. Grâce à cet accord, les chercheurs suisses pourront lancer et diriger des programmes comme leurs homologues européens dans le cadre du 6ème programme-cadre de l’UE. Pour la Suisse, les coûts de cet engagement seront d’environ 210 millions de francs par an. Le parlement avait d’ailleurs déjà accepté en 2002 un crédit en vue de cette participation. Dernier des sept accords bilatéraux signés en 1999, celui-ci a dû sa signature tardive au fait qu’il était le seul à avoir une durée limitée. Les programmes-cadres de l’UE portant sur quatre ans seulement, la Suisse avait négocié sa participation pour 1999-2002. Or, puisque les bilatérales ne sont finalement entrées en vigueur qu’en juillet 2002, il a fallu remettre l’ouvrage sur le métier pour la période 2003-2006. Cet accord est entré en vigueur au 1er janvier de l’année sous revue [11].
top
 
print
Elargissement de l’UE et conséquences pour la Suisse
Le 1er mai, dix nouveaux pays (Chypre, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Slovénie) ont fait leur entrée dans l’UE. Ils ont repris l’intégralité des dispositions législatives de l’UE (l’acquis communautaire). Cela englobe les accords avec des pays tiers, entre autres l’accord de libre-échange Suisse-CE et les Accords bilatéraux I. Au vu de son extension aux dix nouveaux Etats membres de l’UE, l’accord sur la libre circulation des personnes, conclu tant avec l’UE qu’avec les différents pays membres, devait, après sa dénonciation au 1er mai, faire l’objet de négociations. Ces dernières se sont achevées avec succès le 19 mai à Bruxelles. La signature du protocole à l’accord sur la libre circulation des personnes a eu lieu le 26 octobre. Le Conseil fédéral avait auparavant lancé une procédure de consultation. Au final, seuls deux partis politiques se sont prononcés contre l’extension de la libre circulation : l’UDC et les DS. Les autres partis politiques, les cantons, les associations faîtières et les différents partenaires sociaux s’y sont en revanche montrés favorables [12].
Le Conseil fédéral a approuvé, le 1er octobre, le message portant approbation du protocole à l’accord entre la Suisse et l’UE sur la libre circulation des personnes et l’a transmis au parlement. Dans son message, le Conseil fédéral a invité ce dernier à ratifier l’extension de la libre circulation. Celle-ci sert en effet, selon lui, les intérêts du pays, notamment en raison de la perspective de l’ouverture d’un marché intérieur élargi et de l’évolution démographique en Suisse [13].
La commission spéciale « libre circulation » du Conseil national, chargée de rechercher une solution équilibrée autour des mesures d’encadrement prévues dans le cadre de l’extension de la libre circulation aux nouveaux pays membres de l’UE, a débuté ses travaux à la fin du mois d’octobre par l’audition des partenaires sociaux. Suite à des problèmes observés sur le marché du travail dans certains cantons (« faux indépendants », entreprises de travail temporaire, etc.), elle a reconnu la nécessité de mettre des garde-fous à l’extension de la libre circulation des personnes. L’engagement de 150 inspecteurs supplémentaires pour contrôler le marché du travail a été une mesure envisagée, parmi d’autres, pour éviter le lancement d’un référendum syndical. La commission a en outre approuvé l’extension de la libre circulation [14]. La commission de politique extérieure du Conseil des Etats s’est à son tour saisie de la question. Elle s’est ralliée aux idées de la commission de la chambre basse et a voté le protocole additionnel à l’unanimité [15].
Lors de la session parlementaire de décembre, c’est le Conseil des Etats qui a tout d’abord examiné le dossier de l’extension de la libre circulation et celui des mesures d’accompagnement. Au vote final, la chambre haute s’est prononcée à l’unanimité (40 voix et 2 abstentions) en faveur de l’arrêté fédéral portant approbation et mise en œuvre du protocole relatif à l’extension de l’accord sur la libre circulation des personnes et portant approbation de la révision des mesures d’accompagnement concernant la libre circulation des personnes. L’approbation de l’extension de la libre circulation et des mesures d’accompagnement s’est faite de manière moins tranchée au Conseil national. Après avoir voté l’entrée en matière par 184 voix contre 51, la chambre basse a tout d’abord refusé, par 139 voix contre 51, de geler le dossier jusqu’en 2009, comme le préconisait l’UDC. Cette dernière combattait en outre le renforcement des mesures d’accompagnement. A l’inverse, la gauche estimait, quant à elle, que sans ce renforcement, l’élargissement irait au-devant de la catastrophe en votation populaire. Les députés ont ensuite accepté (par 120 voix contre 46) l’idée de Felix Gutzwiller (prd, ZH) de lier, en un seul arrêté, l’extension de la libre circulation et les mesures d’accompagnement. Ainsi, en cas de référendum (qu’avaient annoncé les Démocrates suisses), celui-ci devrait porter sur les deux volets, que défendraient alors conjointement droite et gauche. Cela permettait également d’éviter que l’un passe le cap de la votation sans l’autre. Si le vote final sur la libre circulation étendue a passé sans autre par 142 voix contre 40 (dont 36 UDC) et 8 abstentions, les mesures d’accompagnement, elles, ont soulevé quelques oppositions. Cela tient au fait que les mesures votées en 1999 pour la libre circulation à quinze ont été renforcées et, ensuite, parce que cette consolidation a été mis en vigueur immédiatement (alors qu’elle était prévue pour l’UE élargie, dès 2011). Les députés ont finalement accepté un renforcement des mesures d’accompagnement par 110 voix contre 62. Parmi celles-ci, le fait que pour qu’une convention collective de travail soit étendue à toute une branche, on n’exigera plus qu’elle lie 30% des employeurs ; il suffira en effet qu’elle lie 50% des travailleurs. L’obligation d’un contrat écrit pour tout travail de plus d’un mois, de même qu’une augmentation du nombre d’inspecteurs chargés de contrôler l’application concrète de ces mesures ont également été votées par le parlement [16].
Dans le cadre des négociations des accords bilatéraux, le Conseil fédéral a décidé d’envisager une contribution de cohésion à l’UE élargie (25 membres). À la mi-mai, il a déclaré être en principe prêt à allouer annuellement 200 millions de francs, durant cinq ans, à titre de contribution aux efforts de réduction des disparités sociales et économiques au sein de l’UE. La Suisse gèrera par ailleurs elle-même sa contribution [17]. La commission de politique extérieure du Conseil national s’est inquiétée de ce financement à la cohésion de l’UE. Elle craignait en effet que les activités de coopération au développement et avec l’Europe de l’Est en fassent les frais. Dans cette perspective, le Conseil fédéral a proposé au parlement de ne débloquer que 800 millions de francs, au lieu de 1,2 milliard, pour la poursuite de la coopération avec les Etats de l’ex-bloc communiste durant les années 2005 à 2008 [18].
Suivant l’avis du Conseil fédéral, le Conseil national a adopté un postulat Walker (pdc, SG). Ce dernier invitait le gouvernement à présenter un programme de mise en œuvre institutionnelle de la contribution de cohésion en précisant comment celle-ci serait financée, et quels en seraient les effets financiers et structurels sur les crédits-cadre actuels de l’aide aux pays de l’Est et de la coopération au développement. Le postulat demandait en outre de spécifier comment la mise en œuvre interne se ferait, comment les responsabilités seraient réparties, et comment la coordination avec l’UE et d’autres pays ou organisations donateurs serait garantie, de manière à assurer un mise en œuvre effective [19]. Le Conseil fédéral a eu l’occasion de préciser, en fin d’année, sa position par rapport à la contribution suisse à l’effort de cohésion de l’UE. Dans sa réponse à une interpellation du groupe des Verts au Conseil national, le gouvernement a précisé que les départements rapporteurs seraient le DFAE et le DFE. Ces derniers élaboreront ainsi conjointement les lignes directrices des contributions suisses. Il a ajouté que ceux-ci choisiront librement les projets auxquels un soutien financier sera apporté. À la fin de l’année sous revue, de nettes divergences persistaient entre la Suisse et l’UE. Cette dernière voulait une contribution non seulement pour les dix nouveaux membres, mais également pour le Portugal, l’Espagne et la Grèce. De plus, Bruxelles souhaitait la conclusion d’un accord avec l’UE, alors que Berne entendait traiter individuellement avec chacun des nouveaux Etats membres [20].
Suite à la ratification de l’arrêté sur l’extension de la libre circulation et la révision des mesures d’accompagnement par le parlement, les Démocrates suisses (DS), ont décidé de lancer le référendum [21]. De son côté, le comité directeur de l’USS a décidé d’y renoncer. Celui-ci a constaté qu’il avait obtenu gain de cause sur quasiment toutes les mesures d’accompagnement supplémentaires qui avaient été demandées [22].
Une interpellation Rennwald (ps, JU), déposée au Conseil national le 17 décembre – soit directement suite à la votation finale par les chambres –, a demandé au Conseil fédéral s’il ne serait pas judicieux de réactiver rapidement la demande d’adhésion de la Suisse à l’UE suite à l’acceptation de l’extension de la libre circulation et des mesures d’accompagnement par le parlement. Le député jurassien estime en effet que le temps des accords bilatéraux est désormais révolu et qu’il faudra y renoncer [23].
Le Conseil fédéral, dans sa réponse à une question Rennwald (ps, JU), a déclaré au mois de novembre qu’il était encore trop tôt pour vouloir tirer des conclusions définitives en matière d’emploi et de conditions de travail six mois seulement après l’entrée en vigueur de la deuxième phase de la libre circulation. Le gouvernement a toutefois constaté qu’il n’y a pas eu d’immigration massive de travailleurs durant les premiers mois [24].
top
 
print
Bilatérales II
Un accord politique ayant été trouvé le 19 mai à l’occasion d’un sommet entre la Suisse et l’UE à Bruxelles, la Suisse et l’Union européenne ont signé les Accords bilatéraux II le 26 octobre à Luxembourg, après deux ans de négociations environ [25]. Ces accords concernent neuf dossiers différents : coopération dans les domaines de la justice, de la police, de l’asile et de la migration (Schengen/Dublin), fiscalité de l’épargne, lutte contre la fraude, produits agricoles transformés, environnement, statistique, culture (participation aux programmes européens de promotion du film MEDIA), pensions et éducation, formation professionnelle et jeunesse [26].
Le Conseil fédéral a décidé de soumettre les différents accords au parlement dans des arrêtés d’approbation distincts. Ils ont cependant été présentés dans un seul et même message [27]. Le Conseil fédéral a en outre proposé aux chambres une procédure d’approbation parlementaire accélérée, c’est-à-dire que le message et les accords pouvaient être traités par les deux conseils durant la même session.
Le Conseil fédéral a soumis sept accords au référendum facultatif (statistique, pensions, environnement, MEDIA, Schengen/Dublin, lutte contre la fraude, fiscalité de l’épargne), conformément à l’article 141 de la Constitution. Pour cela, il s’est fondé sur l’expertise juridique fournie par le groupe de travail interdépartemental « Procédure d’approbation des Bilatérales II » dirigé par l’Office fédéral de la justice. Le Conseil fédéral a finalement estimé qu’aucun de ces accords ne remplissait les critères constitutionnels (art.140 Cst.) du référendum obligatoire, dans la mesure où aucun de ceux-ci ne prévoyait l’adhésion à une organisation de sécurité collective ou à une communauté supranationale.
Les Accords bilatéraux II, paraphés le 25 juin, ont été mis en consultation suite à cela. Les résultats de la consultation ont montré que les milieux économiques, de même que la plupart des partis, organisations et associations étaient favorables à ceux-ci. Le soutien a été tout aussi large auprès des cantons. Une majorité de l’UDC a rejeté les accords, à l’exception de celui relatif à la fiscalité de l’épargne. L’Union démocratique fédérale (UDF) et l’Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN) se sont également prononcées contre Schengen/Dublin, de même que les Démocrates suisses (DS), le Parti de la liberté et le PST/POP. Diverses associations de tir ont formulé des réserves par rapport à la révision de la loi sur les armes, nécessaire en vue d’une association à Schengen. Le Conseil fédéral a tenu compte de leurs principales revendications et a adapté en conséquence ses propositions en vue de la révision de la loi sur les armes [28].
Le Conseil fédéral a adopté, le 1er octobre, le message relatif aux Accords bilatéraux II. Le traitement du message et des accords a eu lieu en décembre au parlement. Le Conseil national a approuvé les accords à une forte majorité. Quant au Conseil des Etats, il les a acceptés à l’unanimité, à l’exception de l’accord d’association à Schengen/Dublin qui était davantage contesté. Ce dernier a néanmoins été accepté par 36 voix contre 3 au Conseil des Etats et par 129 voix contre 60 (dont une forte majorité de membres de l’UDC) au Conseil national [29].
Le référendum a été déposé par un Comité d'action suisse contre l'adhésion à Schengen/UE, un « Comité fédéral pour une Suisse neutre, souveraine et démocratique » et l’association « ProTell » (propriétaires suisses d’armes). Ce référendum, déposé uniquement contre l’accord d’association Schengen/Dublin, a été soutenu par l’UDC. Il a abouti en 2005 avec 86 732 signatures valables [30].
 
[11] FF, 2004, p. 241 ss.; presse du 17.1.04; LT, 17.9.04. Cf. APS 2002, p. 268.
[12] Presse du 1.7.04. Cf. APS 2003, p. 78.
[13] FF, 2004, p. 5523 ss.
[14] Presse du 28.10 (début des travaux) et du 4.11.04 (garde-fous et approbation).
[15] Presse du 6.11.04.
[16] FF, 2004, p. 5523 ss. (protocole d’extension de la libre circulation des personnes) et 6187 ss. (mesures d’accompagnement); BO CE, 2004, p. 731 ss.; BO CN, 2004, p. 1974 ss.; FF, 2004, p. 6685 ss. (arrêté fédéral).
[17] Communiqué de presse du CF du 12.5.04.
[18] LT, 15.5.04.
[19] BO CN, 2004, p. 2172.
[20] BO CN, 2004, Annexes V, p. 175 ss.; LT, 13.11.04.
[21] Presse du 13.12.04.
[22] LT, 22.12.04. Si l’USS craignait que cette position ne soit pas suivie par certaines sections d’UNIA appartenant à des cantons frontaliers, l’assemblée des délégués d’UNIA du 15 janvier 2005 a cependant confirmé qu’elle ne lancerait pas le référendum (communiqué de presse UNIA du 15.1.05).
[23] Ip. 04.3800; Lib., 22.12.04.
[24] BO CN, 2004, Annexes V, p. 47 ss. Cf. infra, part. I, 7d (Ausländerpolitik).
[25] Presse du 27.10.04. Les négociations ont été menées selon le principe du parallélisme, c’est-à-dire que celles-ci devaient être menées et conclues en parallèle sur les dossiers proposés par l’UE (fiscalité de l’épargne et lutte contre la fraude en matière de fiscalité indirecte), mais également sur ceux proposés par la Suisse. Cf. APS 2003, p. 79.
[26] Pour les détails, voir les chapitres correspondants. Dans ce dernier dossier, il a été convenu d’une déclaration d’intention sous forme d’échange de correspondance et non pas d’un accord.
[27] FF, 2004, p. 5593 ss.
[28] Concernant cette révision, voir supra, part. I, 1b (Strafrecht).
[29] Pour les débats et les votes relatifs à ces accords: BO CE, 2004, p. 662 ss.; BO CN, 2004, p. 1904 ss.; presse du 1.12 au 18.12.04.
[30] FF, 2005, p. 2536 s.