Année politique Suisse 2010 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik
Europe: UE
Durant l’année sous revue, l’UE a exigé la mise en place d’un
échange automatique d’information en matière fiscale et a attaqué fortement les régimes fiscaux cantonaux. Ainsi, la commission des affaires économiques et monétaires de l’UE a adopté une résolution en faveur de la généralisation de ce type d’échange entre administrations fiscales à l’échelle internationale. De plus, le parlement européen a adopté une résolution similaire visant à éradiquer le secret bancaire et a recommandé à la Suisse d’appliquer son code de bonne conduite en matière de fiscalité. Cette thématique est traitée dans la partie I, 4b (Banken)
[12].
Les chambres ont adopté sans opposition le projet présenté par le Conseil fédéral en novembre de l’année précédente relatif à l'approbation et à la mise en œuvre de l'accord sur la
facilitation et la sécurité douanières. L’accord concerne le transport des marchandises et a été signé puis mis en application de manière provisoire en été de l’année précédente
[13].
Le Conseil des Etats a approuvé l’accord avec l’unité de coopération judiciaire de l’UE
Eurojust visant au renforcement de la coordination et de la coopération entre les autorités pénales des pays concernés dans la lutte contre le terrorisme, la participation à des organisations criminelles, la traite des êtres humains, le trafic illicite de stupéfiants, les escroqueries, les fraudes et le blanchiment d’argent. Le Conseil fédéral a estimé indispensable d’institutionnaliser cette collaboration dans un but de transparence et de sécurité du droit
[14].
Le Conseil des Etats a suivi le Conseil national et a adopté à l’unanimité les deux projets liés à la participation de la Suisse aux
programmes européens de l’éducation, de la formation professionnelle et de la jeunesse présentés en septembre de l’année précédente
[15].
Les chambres ont adopté une motion de la CPE-CE chargeant le Conseil fédéral de présenter des mesures spécifiques afin de permettre au parlement d’être informé suffisamment tôt au sujet des
projets d’actes législatifs européens d’intérêt. Les chambres ont modifié le projet initial en intégrant une proposition de compromis issue du gouvernement et en allégeant le mandat donné. Le Conseil fédéral a effectivement recommandé de rejeter la motion en raison des mesures déjà prises. Il a également estimé que le suivi complet de la législation européenne aurait exigé le déploiement de nouvelles ressources non efficientes
[16].
Le Conseil des Etats a adopté un postulat de sa CPE chargeant le gouvernement de produire un rapport sur la compatibilité de la
Charte sociale européenne révisée avec l’ordre juridique suisse ainsi que sur l’opportunité de la ratifier dans les meilleurs délais. Cette dernière représente le pendant social de la Convention européenne des droits de l’homme. La ratification de la Charte avait été rejetée à deux reprises au parlement, les milieux économiques s’y étant fortement opposés
[17].
Le parlement a pris acte du rapport faisant état des
relations entre la Suisse et les agences européennes et découlant d’un postulat David (pdc, SG). La majorité des députés a estimé que le rapport présente une analyse pertinente, même si certains ont regretté qu’il ne propose pas de stratégie globale
[18].
Le comité mixte sur
l’accord de libre-échange entre la Suisse et l’UE a présenté la liste des griefs de chaque partie. La Suisse a déploré les problèmes croissants rencontrés par les entreprises helvétiques pour accéder au marché intérieur de l’UE, tandis que cette dernière reproche à la Confédération d’imposer des mesures protectionnistes aux travailleurs détachés sous prétexte d’éviter toute concurrence sociale déloyale. Le comité s’est inquiété que d’anciennes entraves persistent et que de nouvelles apparaissent alors que la Suisse reste le quatrième partenaire commercial de l’UE
[19].
La thématique du Cassis de Dijon est traitée dans la partie I, 4a (Wettbewerb), celle de la Convention sur l’Institut européen des forêts dans la partie I, 4c (Sylviculture) et celle relative à l’accord européen sur le transport de marchandises dangereuses par voie de navigation intérieure dans la partie I, 6b (Navigation).
En cours d’année, les relations avec l’UE se sont crispées à plusieurs reprises et ont montré les
limites à la praticabilité de la voie bilatérale. D’une part, la Suisse a fait le constat qu’elle perd de fait une partie de souveraineté par la reprise unilatérale de certains acquis communautaires. Elle veut malgré tout entamer de nouvelles négociations dans les domaines de l’agriculture, de la fiscalité, de l’électricité et de la santé. D’autre part, l’UE a affirmé avec insistance que la voie bilatérale a atteint ses limites. Elle ne souhaite plus gérer 120 accords bilatéraux qui ne contiennent aucune mise à jour automatique du développement légal communautaire. Elle a donc invité la Suisse à rejoindre l’espace économique européen ou, du moins, à conclure un accord-cadre permettant la reprise automatique des acquis communautaires, affirmant ne plus vouloir lui consentir des régimes d’exception. La Confédération a lié tout accord au respect de la souveraineté helvétique et au bon fonctionnement des institutions existantes en Suisse
[20].
Durant l’été, la visite de Doris Leuthard à Bruxelles et la perspective de la publication du rapport sur la politique européenne en automne ont relancé le débat sur l’adhésion à l’UE. Si les avis divergent sur le fond, l’ensemble des acteurs ont estimé que la situation de la Grèce a rendu politiquement très invraisemblable une adhésion à court terme. Ainsi, l’UDC s’est opposée à tout rapprochement avec l’UE arguant que la Suisse perdrait sa souveraineté. Le PS et les écologistes se sont eux montrés favorables à une adhésion à l’UE avec conditions, considérant qu’elle permettrait des avancées à différents niveaux malgré les tendances néolibérales à l’œuvre. Le PLR a prôné la continuation de la voie bilatérale. La conférence des gouvernements cantonaux s’est elle montrée favorable à un accord-cadre avec l’UE tout en rejetant une reprise automatique. Elle a estimé que ce dernier est une bonne solution et peut répondre à leur perte d’autonomie dans la reprise du droit européen. Avenir Suisse a considéré qu’une adhésion à l’espace économique européen ou à l’UE sont les meilleures solutions. Economiesuisse a estimé qu’il n’y a pas d’alternative à la voie bilatérale. L’USAM a souligné que les petites et moyennes entreprises n’ont pas forcément les mêmes intérêts que l’industrie, l’agriculture ou la finance. L’Union suisse des professions libérales (USPL) s’est alignée sur la position de l’UE et a affirmé que la position réactive de la Suisse pénalise certaines professions et certains pans de l’économie helvétique
[21].
En septembre, le parlement européen a adopté une résolution non contraignante dénonçant les
obstacles helvétiques à la pleine mise en œuvre du marché intérieur. Cette résolution réclame l’élaboration d’un mécanisme d’actualisation aux développements de la législation européenne tout en refusant d’accorder à la Suisse une plus grande participation au processus décisionnel de l’UE. Les eurodéputés rejoignent donc la position de la Commission européenne et la position des Etats membres de l’Union
[22].
Le même mois, le Conseil fédéral a présenté un rapport d’évaluation de
la politique européenne en réponse au postulat Markwalder (plr, BE) adopté l’année précédente et demandant d’évaluer les avantages et les inconvénients des instruments de politique européenne. Ainsi, le gouvernement a estimé que l’UE demeure un point de référence central pour la politique étrangère et économique extérieure de la Suisse. Il a souligné une tendance nette à l’érosion de la marge de manœuvre suisse dans les relations bilatérales, au vu des revendications de la reprise intégrale des acquis de l’UE et de leurs développements futurs (voir supra). Il a également relevé que les acteurs économiques helvétiques souhaitant accéder au marché européen risquent de se heurter à tout moment à des obstacles en tant que ressortissants de pays tiers. Aussi, il a présenté différentes options de politique européenne : 1) La poursuite de la voie bilatérale sans nouveaux accords permettrait d’amoindrir les problèmes du parallélisme. Cependant, l’UE aurait la possibilité de soumettre l’accès au marché communautaire à de nouvelles exigences. 2) La poursuite de la voie bilatérale vers de nouvelles négociations dans des secteurs d’intérêts communs exigerait de trouver un équilibre entre l’adaptation efficace au développement du droit européen et le respect de la souveraineté suisse. 3) La mise en place d’un cadre institutionnel permettrait de ne pas renégocier pour chaque nouvel accord les questions relatives au développement du droit, à la surveillance des marchés et à la jurisprudence. Il favoriserait la transparence et l’efficacité et accroîtrait la sécurité juridique de la voie bilatérale. 4) L’adhésion à l’espace économique européen (EEE) ne permettrait pas un traitement égal des deux parties. Les membres de l’AELE/EEE ont un droit de participation à l’élaboration de propositions mais pas aux prises de décisions formelles, tout en étant obligés de reprendre le développement de la législation européenne. Toutefois, cette option renforcerait la sécurité juridique et améliorerait l’accès au marché de l’EEE. 5) L’adhésion à l’UE permettrait à la Suisse de participer directement au processus décisionnel de l’UE. Toutefois, une adhésion aurait un impact sur les institutions suisses, notamment sur les compétences du parlement, des cantons et du corps électoral. Cela impliquerait donc une réforme interne de grande ampleur qui transférerait une part considérable de la capacité décisionnelle helvétique.
De la sorte, le gouvernement a considéré que la voie bilatérale est l’instrument le plus approprié pour l’heure, mais qu’il peut en être autrement par la suite. En effet, un certain nombre de faiblesses ont été relevées notamment au niveau de l’influence de la Suisse sur les normes européennes, de la limitation en termes souveraineté liée à la reprise du droit européen et de l’absence d’accès complet aux marchés européens. Le Conseil fédéral a ainsi rappelé que la Suisse exclut tout automatisme dans la reprise des acquis, exige de participer aux prises de décision la concernant et réclame le respect du processus décisionnel helvétique. Il a mis en place un groupe d’experts chargé d’étudier les différents scénarios. Le
Conseil national a pris acte du rapport en décembre de l’année sous revue. De l’avis des commentateurs, la proximité des élections fédérales n’est pas propice à une réflexion sur une adhésion
[23].
Une initiative populaire intitulée «
Pour un
moratoire sur l’adhésion à l’UE » a été lancée par un comité exclusivement alémanique mené par un élu radical zurichois et des sympathisants de l’UDC et du PLR. Elle demande l’instauration d’un moratoire de dix ans empêchant la Confédération d’engager des négociations, et dont la prolongation est soumise à votation. Le comité d’initiative prétend réagir de la sorte aux pressions de l’UE et éviter une adhésion de fait sans que la population ne puisse se prononcer. Le PLR et l’UDC s’en sont distanciés
[24].
En fin d’année, le chef de la mission suisse à Bruxelles, Jacques de Watteville, a été auditionné dans le cadre du
comité bimensuel chargé de l’AELE (conseil représentant les pays membres de l’UE). Les discussions ont porté sur les accords bilatéraux et le réaménagement de cette voie en négociation directe avec les Etats membres sans passer par la Commission européenne. Si l’ambassadeur helvétique a mis en avant le bilan positif de la voie bilatérale en insistant sur le faible nombre de dossiers conflictuels, l’UE a considéré que la Suisse enjolive la situation. A la suite de cette rencontre, les Etats membres ont adopté un rapport affirmant que la voie bilatérale a clairement atteint ses limites malgré certains progrès accomplis depuis le rapport de 2008. Il montre également la déception de l’UE dans l’absence de résultat satisfaisant autour de la discussion sur la fiscalité. Le rapport a encouragé la Confédération à envisager un positionnement et une stratégie européenne plus dynamiques
[25].
Le parlement a adopté une motion du groupe PLR chargeant le gouvernement de trouver une solution avec le Comité mixte de l’Accord sur la libre circulation des
personnes et les Etats concernés afin d’
éliminer les discriminations frappant les prestataires de services suisses sur les marchés européens. Plus précisément, elle cible l’obligation française de conclure une assurance contre les défauts de construction dans le domaine du bâtiment, les exigences allemandes et italiennes de verser des contributions aux caisses de congé pour les services transfrontaliers, le versement impératif d’une caution de TVA pour l’exportation temporaire de machines de chantier en Italie et la procédure d’annonce allemande pour certaines missions de courte durée
[26].
La Confédération a publié son
rapport sur les effets de l’accord sur la libre circulation, une année après la votation populaire ce concernant. Il y affirme que la plus grande ouverture du marché du travail a permis d’augmenter le potentiel de croissance économique helvétique. La libéralisation totale dès juin 2007 du marché du travail a ainsi favorisé l’arrivée de travailleurs mieux formés et occupant des emplois à haut revenu. Leurs dépenses de consommation et à la construction stimulent l’économie suisse dans une période de récession et les entreprises peuvent accéder à la main-d’œuvre qualifiée qui fait défaut. Toutefois, certains effets négatifs ont également été relevés. Les salaires moyens sont tirés vers le bas car ils ne bénéficient en général pas des mesures d’accompagnement mises en place par l’Etat. Par ailleurs, les commissions paritaires ont constaté un taux dépassant les 20% d’infraction aux conventions collectives de travail. Ainsi, l’UDC a continué d’attaquer l’accord et a proposé de le renégocier. Le PS, le PLR et le PDC ont quant à eux rétorqué que la libre-circulation est favorable économiquement à la Suisse et que les drames annoncés par les opposants n’ont pas eu lieu. Toutefois, la gauche et les syndicats ont exigé de renforcer les mesures d’accompagnement dans les zones frontalières et de mettre en place des conventions collectives avec salaires minimaux ainsi que de nouvelles mesures de réinsertion sur le marché du travail
[27].
Le Conseil fédéral a présenté son message relatif à l'approbation des échanges de notes entre la Suisse et la Communauté européenne concernant la reprise des bases légales du
Fonds pour les frontières extérieures et l'accord additionnel relatif à la participation des Etats associés (Suisse, Finlande, Norvège et Liechtenstein). Ainsi, annuellement la Suisse contribuerait au fonds pour un montant avoisinant les 15 millions de francs et se verrait allouer entre 3 et 5 millions pour des projets relatifs aux frontières extérieures. Le
Conseil des Etats a adopté l’arrêté à l’unanimité. Au
Conseil national, certains députés ont mis en doute l’efficacité de la coopération au sein de l’espace Schengen tandis que d’autres ont souligné le besoin d’approfondir la réflexion sur la question des refoulés et des réfugiés aux portes de l’espace Schengen. Au vote final, le projet a été adopté par 110 voix contre 73. Les écologistes et l’UDC ont rejeté massivement le texte
[28].
Le Conseil des Etats a transmis un postulat de sa CPE au gouvernement le chargeant d’examiner les opportunités d’abroger la disposition de l’arrêté fédéral relatif à Schengen fixant un
effectif minimum au corps des gardes-frontière. Il demande également au gouvernement de présenter des mesures garantissant une protection efficace des frontières et donnant la possibilité à l’Assemblée fédérale de fixer des objectifs à l’Administration fédérale des douanes
[29].
Les développements de l’acquis de Schengen concernant
l’introduction des données biométriques dans les titres de séjour pour étrangers, la reprise de la
directive sur le retour et la
protection des données sont traitées dans les chapitres I, 7d (Ausländerpolitik) et I, 1b (Datenschutz)
[30].
[12]
Lib., 28.1, 11.2, 3.3, 15.5, 1.6, 8.6 et 9.12.10;
LT, 15.3, 9.6 et 8.12.10.
[13]
FF, 2009, p. 8091 ss.;
BO CN, 2010, p. 524 ss. et 1161;
BO CE, 2010, p. 367 ss. et 751. Voir
APS 2009, p. 59.
[14]
FF, 2010, p. 23 ss.;
BO CE, 2010, p. 769.
[15]
BO CE, 2010, p. 131 ss. et 363;
BO CN, 2010, p. 578. Voir
APS 2009, p. 60.
[16]
BO CE, 2010, p. 115 et 1214;
BO CN, 2010, p. 1201.
[17]
BO CE, 2010, p. 127 ss.;
Lib., 12.1.10.
[18]
BO CE, 2010, p. 56 ss.;
BO CN, 2010, p. 1854 ss. Voir
APS 2008, p. 64.
[20] Voir presse du 4.1. au 22.12.10.
[21] Partis:
LT, 4.1 et 21.7.10;
NZZ, 30.1 et 18.10.10. Economiesuisse:
LT et
NZZ, 19.5.10. Conférence des cantons:
LT,
NZZ et
TA, 8.7.10. USAM:
LT, 30.7.10. Avenir Suisse:
NZZ, 16.7.10;
TA, 17.7.10. Initiative:
BZ, 30.7.10. USPL:
Lib., 6.10.10.
[22]
QJ, 19.2, 24.3 et 6.9.10;
NZZ et
TA, 8.9.10.
[23]
FF, 2010, p. 6615 ss.;
BO CN, 2010, p. 1856 ss.;
Lib. 5.5.10;
LT, 18 et 26.8.10;
NZZ et
TA, 20.8.10. Voir
APS 2009, p. 60.
[24]
FF, 2010, p. 7221 ss.;
LT, 24.11.10.
[25]
Lib., 21.10 et 8.11.10;
LT, 18.11.10;
NZZ, 11 et 23.12.10.
[26]
BO CN, 2010, p. 1129;
BO CE, 2010, 1169 s.
[27]
SoS, 5.2.10.;
Lib., 9.2 et 3.5.10;
NZZ,
Lib. et
LT, 12.2.10;
LT, 28.5.10. Voir
APS 2009, p. 60 ss.
[28]
FF, 2010, p. 1521 ss.;
BO CE, 2010, p. 623 s. et 1011;
BO CN, 2010, p. 1352 ss. et 1676.
[29]
BO CE, 2010, p. 1166 ss.
[30] Voir
APS 2009, p. 230.
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