Année politique Suisse 1987 : Politique sociale / Population et travail
Protection des travailleurs
Les Chambres fédérales n'ont pas été en mesure d'aplanir toutes les divergences qui subsistaient entre elles au sujet de la révision du Code des obligations qui doit servir de
contre-projet indirect à l'initiative des syndicats chrétiens "Pour la protection contre les licenciements". Déposée en 1981, elle vise notamment à contraindre l'employeur à motiver par écrit un congé si le travailleur concerné en formule la demande et à permettre à l'ouvrier d'attaquer, par voie juridique, son éventuel renvoi. A l'instar des députés du Conseil national, les sénateurs ont accepté l'obligation, si une partie en fait la demande, de motiver par écrit le licenciement ordinaire et le licenciement immédiat. En revanche, le Conseil des Etats s'est montré plus restrictif en ce qui concerne les dispositions relatives au congé abusif. S'il a accepté de considérer comme abusif le congé donné en raison de l'appartenance du travailleur à une organisation syndicale ou à une commission d'entreprise ou encore l'accomplissement d'obligations militaires, il s'est par contre démarqué de la Chambre du peuple en décidant de ne pas considérer comme abusif le congé donné pour des raisons inhérentes à la personnalité ou en raison de l'exercice d'un droit constitutionnel si ces raisons portent un préjudice au travail dans l'entreprise. La majorité a fait valoir que les personnes incriminées constituaient une charge inacceptable pour les entreprises. Il a également refusé d'intégrer dans les licenciements abusifs ceux donnés afin d'empêcher le salarié de revendiquer des avantages dus. Au cours de la procédure d'élimination des divergences, le Conseil national s'est aligné sur plusieurs points. Il a notamment admis qu'un congé donné pour une raison liée à la personnalité du travailleur ou en raison de l'exercice d'un droit constitutionnel ne sera pas jugé abusif si le comportement du travailleur porte un grave préjudice à l'entreprise. Par contre, il a maintenu l'obligation non seulement de notifier le congé immédiat par écrit, mais encore de le motiver sur demande de l'une des parties. En fin d'année, il subsistait toujours des divergences entre les deux chambres
[25].
Le Conseil national a adopté le projet de révision de la loi fédérale sur le service de l'emploi et la location de service. Ce faisant, il a assuré une meilleure protection aux travailleurs. Ainsi, dans le domaine du placement privé, le projet étend le régime de l'autorisation obligatoire aux placements effectués par les organisations professionnelles, les organismes d'utilité publique, à la location de services ainsi qu'aux conseillers en personnel s'occupant de la recherche de collaborateurs et de la sélection de partenaires contractuels. Une forte minorité, emmenée par les radicaux et les libéraux, a fustigé l'interventionnisme des dispositions adoptées et a dénoncé une nouvelle ingérence de l'Etat dans les relations entre employeurs et employés. Elle s'est également opposée en vain à l'obligation pour les entreprises de travail intérimaire de fournir des sûretés comme garantie minimum de salaire. La droite et les milieux économiques craignent que la loi, en renforçant le rôle des services publics de placement et des offices communaux de travail, n'aboutisse à un monopole de l'Etat en matière d'emploi. Les députés du Conseil national ont par ailleurs repoussé une proposition Couteau (pl, GE) visant à réserver le service public de placement aux seuls chômeurs ou salariés menacés de perdre leur emploi.
De leur côté, les partisans de la révision, la gauche et le PDC, ont défendu l'idée selon laquelle ladite révision avait pour but de prévenir les abus de la part de petites officines dont les travailleurs sont victimes. Autres innovations adoptées: les conditions de travail et de salaire seront appliquées aux travailleurs si l'entreprise est soumise à une convention collective dont les effets sont étendus à l'ensemble de la branche, les bureaux de placement et de location de service seront désormais obligés de présenter un rapport aux autorités s'occupant du marché de l'emploi et enfin, les employeurs seront obligés de déclarer les licenciements importants et les fermetures d'entreprises
[26]. Après les délibérations, les représentants de l'économie ont maintenu que la conception de ladite révision était erronée et inefficace sur le marché de l'emploi mais ont aussi dénoncé le fait qu'elle renforce, à leurs yeux, le placement public au détriment du privé et qu'elle contribue à gonfler l'appareil administratif de l'Etat
[27].
Le dossier de la participation des travailleurs dans les entreprises a avorté sans qu'aucune solution acceptable pour les uns comme pour les autres ait pu finalement être trouvée. En effet, la commission du Conseil national chargée de trouver un consensus pour une loi limitant la participation à l'exploitation, à l'exclusion de la gestion d'entreprise, a rejeté l'entrée en matière sur les variantes qui lui étaient soumises. Les commissaires ont ainsi refusé un premier projet visant à établir une loi laissant une marge de manoeuvre aux partenaires sociaux dans l'élaboration des règles contractuelles sur la participation. Ils ont également écarté un deuxième projet qui prévoyait de confier la participation des travailleurs aux partenaires économiques.
Les syndicats, qui tentaient d'imposer une participation des salariés qui s'étende aussi aux conseils d'administration des entreprises, ont déclaré vouloir peser de toute leur influence pour élargir le droit de participation individuel et celui des commissions d'entreprises au travers des conventions collectives de travail. Pour eux, une loi sur la participation n'aurait de sens que si elle ouvrait la voie à l'élargissement des commissions d'entreprises et des compétences reconnues à la participation. Même si elles se montrent conciliantes à l'égard de certaines formes de consultation des travailleurs au niveau de l'exploitation, notamment au travers des conventions collectives de travail, les associations économiques sont hostiles à une participation plus large. Une telle innovation compromettrait, à leurs yeux, la capacité de décision des entreprises et, partant, l'esprit d'initiative
[28].
[25] BO CE, 1987, p. 302 ss., 334 ss. et 610 ss.; BO CN, 1987, p. 1257 ss. Cf. aussi APS, 1986, p. 154 s. Patronat: SAZ, 2.7., 10.9. et 10.12.87. Syndicats: USS, 24.6.87.
[26] BO CN, 1987, p. 177 ss. Cf. aussi APS, 1985, p. 139 s.
[27] SAZ, 5.3. et 19.3.87.
[28] USS, 16.9.87; SAZ, 29.9.87. Cf. aussi APS, 1986, p. 155.
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