Année politique Suisse 1990 : Infrastructure, aménagement, environnement / Protection de l'environnement
Qualité de l'air
Le rapport annuel de I'OFEFP stir les résultats enregistrés par le réseau national de mesure des polluants atmosphériques (NABEL)
a révélé une situation plutôt stationnaire de la qualité de l'air en Suisse en 1989. Du côté des améliorations se trouvent les immissions de dioxide de soufre dont la diminution est permanente, ainsi que la concentration de métaux lourds dans l'air (plomb, zinc, cadmium) qui est demeurée en-deça des limites fixées. Par contre, la valeur moyenne de la teneur de l'air en dioxyde d'azote (NO2) a dépassé les normes admises dans les agglomérations et est en augmentation par rapport à 1988. Cela provoqua d'ailleurs une longue période de smog au début de l'année
[26]. Au sujet de l'ozone de basse altitude – ou smog estival – (formé à partir des NO,, et des hydrocarbures (HC) sous l'effet du soleil), la situation est restée identique à celle de 1988, les limites ayant été dépassées à de nombreuses reprises
[27].
L'été 1990, en particulier lors des périodes de grandes chaleurs, a été marqué par de
fortes teneurs en ozone sur tout le territoire suisse. Le record absolu en la matière a été relevé à Chiasso où fut enregistrée une concentration de 365 microgrammes de ce gaz par m3, alors que l'ordonnance sur la protection de l'air (OPair) en fixe la limite à 120, laquelle ne devrait être franchiequ'une fois l'an
[28]. Aucunes mesures d'urgence ne furent édictées par les cantons, la Confédération ayant conseillé, en 1989, de renoncer à prendre des décisions à court terme, mais plutôt d'aller dans le sens d'un assainissement à long terme permettant une réduction des émissions nocives durable et valable pour toute la Suisse, en conformité avec les buts de l'OPair. Un certain nombre de cantons, de Suisse centrale principalement, ont cependant émis des recommandations à la population, l'invitant à limiter ses activités physiques et à réduire l'utilisation des automobiles. Si les partis bourgeois sont également restés hostiles à toute mesure d'urgence, les partis de gauche, les indépendants, les évangélistes et les écologistes les ont réclamées instamment
[29].
Le Conseil des Etats a transmis le postulat Bühler (prd, LU) concernant le smog d'été. Considérant que la pollution par l'ozone de basse altitude lors des périodes de beau temps risque de persister encore un bon nombre d'années, ce texte prévoit que le Conseil fédéral établisse, à l'intention des cantons, une
liste de recommandations sur les mesures à prendre, tout en fixant, comme pour le smog d'hiver, des valeurs limites ainsi que différents niveaux d'alerte
[30].
Par le biais d'un postulat, déposé par W. Frey (udc, ZH) et transmis par le Conseil national, le Conseil fédéral s'est vu enjoint la mission d'établir un
rapport sur les problèmes relatifs au dioxyde de carbone (CO2)
et à l'effet de serre. Destiné à servir de base officielle aux discussions futures sur le sujet, il devra notamment contenir des éléments quantitatifs très complets sur la production de gaz carbonique en Suisse et dans le monde, la proportion de CO2 provenant des combustibles et carburants d'origine fossile et le rôle de ces émissions dans l'effet de serre
[31].
Les cantons ont poursuivi l'élaboration de
leurs plans de mesures concernant les polluants atmosphériques, ainsi que le prévoit l'OPair dans le but de pouvoir arriver, en 1994, à respecter partout en Suisse les valeurs limites d'immissions de substances dommageables pour l'environnement. Ces plans auraient dû être terminés le ler mars 1989, mais la plupart sont encore en cours de réalisation. Au 1 er août 1990, ceux de Zurich, de Bâle-Ville, de Bâle-Campagne, de Schaffhouse, de Zoug et d'Uri étaient achevés. Des plans partiels étaient prêts pour Lucerne, Soleure, et Schwyz. Ceux d'Argovie, de Saint-Gall, du Tessin, de Glaris et de Berne étaient en consultation. Ils sont, en principe, basés sur un inventaire des émissions polluantes, et comportent des mesures entrant dans la compétence des cantons ainsi que des propositions relevant de la compétence de la Confédération et soumises à l'examen du Conseil fédéral. Ces dernières consistent par exemple en un renforcement des normes relatives aux gaz d'échappement pour les poids lourds, les engins utilisés dans la construction ainsi que les machines agricoles. Elles concernent également des limitations de vitesse en certains endroits sur les routes nationales, un soutien accru aux transports publics et au ferroutage, l'instauration de taxes incitatives ou la promotion d'économies d'énergie. Selon certains cantons (Zurich, par exemple), les mesures prévues, mêmes appliquées immédiatement, ne seront pas suffisantes pour assurer la réalisation des buts de l'OPair
[32].
Une modification de l'OPair a été demandée par H. Seiler (udc, BE) au moyen d'un postulat transmis par le Conseil national. Elle devrait aller, selon le député, dans le sens d'un renforcement des expertises des
installations modernes de chauffage à bois et veiller à ce que les coûts provoqués par les contrôles obligatoires ne créent pas d'inégalités entre ce type de chauffage et les autres
[33].
Dans le cadre du paquet de mesures arrêté par le gouvernement l'an passé et établi dans le but de retrouver un air de la qualité de celui d'il y a trente ans, le Conseil fédéral a adopté l'idée d'une
taxe sur les énergies fossiles
[34]. Ce projet sera soumis à consultation en été 1991. Le parlement pourra ainsi en débattre en 1992 et il devrait être mis en application en 1993. Il vise à réduire les émissions de CO2 (principal gaz responsable de l'effet de serre) et consiste essentiellement en une application plus stricte du principe du pollueur-payeur et en une dissuasion par la hausse des prix à la consommation des substances polluantes. Cela devrait se traduire par une taxation de l'essence de 15% (+15 centimes par litre par rapport au prix de septembre 1990), du diesel de 18% (+18 centimes par litre), de l'huile de chauffage extra-lourde de 46% (+108 francs par tonne), de l'huile de chauffage mi-lourde et légère de 23% (+110 francs par tonne), du charbon de 42 à 105% (+89 francs par tonne) et du gaz de 20% (+0,7 centime par kWh). Cela rapporterait ainsi 1,9 milliards de francs et devrait permettre une réduction de 3,1 millions de tonnes des émissions de CO2, soit une diminution de 2,5% par rapport à 1990
[35]. Un tiers de cette somme servirait à financer des mesures de politique énergétique et environnementale, le reste étant consacré, par mesure de compensation, à alléger l'impôt fédéral direct ou à subventionner certains secteurs dans le domaine social (caisses-maladies)
[36].
Ces taxes sont loin d'avoir fait l'unanimité. Les écologistes les trouvent insuffisantes et le PdT antisociales, les partis bourgeois restent dubitatifs et les Romands, en général, sont fidèles à leur traditionnelle hostilité envers toute norme restrictive en matière de circulation routière. Si certains les reconnaissent comme constituant l'amorce d'un
tournant dans la politique écologique et fiscale de la Confédération, d'autres leur reprochent d'être une sorte d'impôt déguisé, l'affectation de leur produit pouvant entrer en contradiction avec leur caractère d'instrument incitatif
[37]..
Toujours dans le but d'aller plus avant dans la mise en oeuvre de sa politique d'assainissement de l'air, le Conseil fédéral a mis en consultation un projet de
révision de l'OPair. Celui-ci a principalement pour but de réduire de façon significative les émissions d'oxydes d'azote et d'hydrocarbures provenant des chauffages (dont une bonne partie devra subir des examens approfondis avant de pouvoir entrer en action) et des installations industrielles (pour la fabrication de ciment, de briques ou de verre aussi bien que pour l'élimination des ordures ou des déchets spéciaux)
[38].
Dans le cadre de l'instauration de zones limitées à 30 km/h en ville, une polémique est née entre IOFEFP et l'Empa (Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherches). Ce dernier, sur demande de l'Association suisse des importateurs d'automobiles, a effectué une
étude comparative sur le comportement des véhicules aux vitesses de 30 et 50 km/h. Il en a conclu qu'à 30 km/h, les voitures consommaient plus d'essence et augmentaient leurs émissions polluantes. L'OFEFP considère que cette étude ne tient pas compte de tous les paramètres et qu'il n'est pas question de remettre en cause la politique suivie, qui cherche d'abord à dissuader d'utiliser les véhicules individuels au profit de moyens de transport moins polluants
[39].
Le Conseil fédéral a modifié
l'ordonnance sur les émissions de gaz d'échappement des voitures automobiles légères (OEV 1) en renforçant les normes pour les émissions de particules des véhicules diesel. Pour les véhicules utilitaires équipés d'un moteur diesel et dont la charge utile est de 1400 kg et plus, la limite admise a passé de 0,48 grammes/km à 0,37 pour les deux ans à venir. Durant cette même période, la limite autorisée pour les véhicules de moins de 1400 kg de charge utile reste à 0,37. A partir du ler octobre 1992, la limite pour tous les véhicules utilitaires légers avec moteurs diesel sera abaissée à 0,162 grammes/km. Ces nouvelles mesures sont entrées en vigueur le ler octobre
[40]
.
La deuxième Conférence mondiale sur le climat, faisant suite à celle de 1989 à Noordwijk (Pays-Bas), s'est déroulée à Genève, au début du mois de novembre. Organisée par le programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) et par l'Organisation météorologique mondiale (OMM), elle avait pour but de jeter les bases d'une future convention internationale sur le climat. Rassemblant une centaine de pays, elle consista en une réunion de 500 scientifiques suivie d'une rencontre ministérielle. Dans sa partie politique, si chacun a reconnu la nécessité de mettre en oeuvre des mesures rapides (en particulier pour lutter contre l'effet de serre), aucune décision contraignante ne fut prise. La résolution adoptée, bien que prônant la stabilisation des émissions de gaz carbonique, ne prévoit pas de délais ou d'objectifs précis. Ces maigres résultats ont été fortement critiqués par les organisations de protection de l'environnement. Les négociations sur le traité sur le climat doivent néanmoins débuter en février 1991, le texte devant être prêt pour juin 1992.
Plusieurs clivages sont apparus lors de cette conférence; les Etats-Unis, suivis de l'URSS, de la Grande-Bretagne, du Japon et de l'Arabie Séoudite, sont en tête des pays freinant toute mesure coercitive; la CE et l'AELE, par contre, sont unanimes pour vouloir stabiliser leurs émissions d'ici l'an 2000, et les pays des zones du Pacifique et des Caraïbes, premières victimes potentielles d'un réchauffement de l'atmosphère terrestre, veulent une politique plus volontariste dans ce domaine de la part des autres nations. La Suisse, quant à elle, a plaidé, par la voix du président de la Confédération A. Koller, pour un changement radical du mode de fonctionnement de nos sociétés, et a déclaré être déterminée à réduire de 20% ses émissions de
CO2 d'ici l'an 2005 et de 50% d'ici 2025
[41]
.
Les Chambres ont adopté à l'unanimité le
protocole du 31 octobre 1988 à la Convention de 1979 sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance, relatif à la lutte contre les émissions d'oxydes d'azote ou leurs flux transfrontières. Ce texte prévoit, dans un premier temps, de ramener, d'ici 1994, les émissions annuelles nationales de NOX ou leurs flux transfrontières à leur niveau de 1987 afin de les geler et, dans un deuxième temps, de prendre, dès 1996, des mesures de réduction dont l'élaboration aura été axée sur le concept de "charge critique"
[42].
[26] Le Fonds national de la recherche scientifique a lancé un important programme de recherche sur le smog nommé "Pollumet" (pollution de l'air et météorologie en Suisse). Il durera plusieurs années et se consacrera également à l'étude de la formation de l'ozone: presse du 4.7.90; Vat., 14.7.90; BZ, 26.7. et 31.7.90; TA, 6.8.90. Par ailleurs, un autre programme de recherche a été lancé, s'attachant cette fois à examiner les effets de la pollution de l'air sur la santé humaine: presse du 22.12.90; NZZ, 24.12.90.
[27] Le Tessin se trouve en tête des cantons où la situation ne cesse de s'aggraver, les limites fédérales étant souvent et largement dépassées dans tous les domaines. Presse du 15.8.90; LNN, 16.8.90. Voir aussi APS 1989, p. 173 s.
[28] JdG, 22.5. et 24.7.90; BaZ, 26.6.90; TW, 14.7. et 20.7.90; LM, 24.7. et 27.7.90; presse du 25.7.90; SGT, 26.7.90; TA, 27.7.90. Sur l'ozone, voir encore AT, 28.7.90; BaZ, 2.8.90; TA, 10.8.90; Ww, 16.8.90; LNN, 1.9.90. Signalons que de trop fortes concentrations d'ozone ont des conséquences néfastes pour la santé humaine; cela provoque momentanément des irritations des muqueuses du nez, de la gorge et des yeux, surtout lors d'efforts physiques.
[29] Vr et JdG, 27.7.90; CdT, 28.7.90; BaZ et TW, 1.8.90; NZZ, 2.8.90; Ww, 2.8.90; LM et SGT, 4.8.90; BZ, 16.8.90.
[30] BO CE, 1990, p. 940 s.
[31] BO CN, 1990, p. 1261 s.
[32] BZ, 1.8.90. SO: LNN, 9.1.90. BL et BS: TA, 23.2. et 1.3.90; BaZ, 29.8.90; NZZ, 30.8.90. ZH: Suisse, 19.5.90; SN, 3.8.90. GE: Suisse, 19.5.90. UR: TW, 20.6.90; TA, 30.6.90. TI: CdT, 28.9. et 29.9.90. AR: AT, 28.9.90.
[33] BO CN, 1990, p. 1916.
[34] Voir APS 1989, p. 174 s.
[35] Ajouté au résultat des autres mesures prises, la réduction totale de CO2 devrait atteindre 9,2 millions de tonnes, soit 10% par rapport à 1990.
[36] LNN, 12.6. et 31.10.90; Ww, 28.6.90; TA, 10.10., 30.10. et 1.12.90; SHZ, 11.10.90; presse des 26.10. et 1.11.90; Vr, 30.10. et 31.10.90. Sur d'autres mesures envisagées afin de réduire les émissions de substances polluantes, cf. supra, part. I, 6b (Trafic routier).
[37] TW, 7.11.90; Suisse, 22.11.90. Voir aussi VO, 45, 8.11.90; RFS, 45, 6.11.90; DP, 1015, 8.11.90; USS, 34, 7.11.90 et L'Hebdo, 8.11.90.
[38] BaZ, 25.4.90; NZZ, 25.4., 20.8. et 8.10.90; Bund, 16.8.90; SZ, 31.8.90.
[39] Presse du 27.9.90; Ww, 11.10.90; BaZ, 27.10.90: SGT, 18.12.90; Bulletin de l'OFEFP, 1990, n° 4. Sur les zones à 30 km/h, voir APS 1989, p. 141.
[40] RO, 1990, II, p. 1488 s.; NZZ, 13.9.90. La Confédération envisage, par ailleurs, de financer partiellement (de 30 à 92% du coût selon la sorte de mesure et la catégorie de véhicule), à l'aide du produit des droits d'entrée sur les carburants, les mesures prises par les cantons en ce qui concerne la réduction des gaz d'échappement des véhicules motorisés: NZZ, 26.4.90.
[41] NZZ, 12.4.90; Bund, 13.10.90; presse des 27.10., 29.10., 30.10., 4.11., et 6.-8.11.90 ainsi que DP, 1008, 20.9.90. Sur les problèmes climatiques, voir aussi TWet CdT, 16.6.90; LM et TW, 27.6.90; Ww, 6.12.90 ainsi que SGU-Bulletin, 1990, n° 3, p. 3 ss. et Bulletin de l'OFEFP, 1990, n° 3. Voir aussi APS 1989, p. 175 s.
[42] La "charge critique" est une mesure de tolérance des écosystèmes à la pollution. FF, 1990,1, p. 19 ss.; BO CE, 1990, p. 170; BO CN, 1990, p. 1228 s.; NZZ, 20.9.90. Voir aussi APS 1989, p. 176.
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