Année politique Suisse 1994 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications
Trafic routier
Le Conseil des Etats a transmis un postulat Huber (pdc, AG) demandant que le Conseil fédéral, en collaboration avec toutes les instances concernées, assure une meilleure gestion du trafic sur le routes nationales et principales en favorisant la diffusion des informations routières relatives aux obstacles,
embouteillages ou déviations
[27].
Le comité "Rétrotrafic", réunissant divers groupements écologistes, a lancé une
initiative populaire "visant à réduire de moitié le trafic routier motorisé afin de maintenir et d'améliorer les espaces vitaux". Ce texte propose que les diverses instances politiques agissent de sorte que cet objectif soit rempli dans les dix ans. Le volume de trafic atteint devrait ensuite rester stable. Les transports publics ne seraient pas pris en compte. Les moyens à utiliser pour parvenir au but fixé sont laissés à l'initiative du législateur; si ce dernier tardait trop, le gouvernement pourrait cependant intervenir par voie d'ordonnance
[28].
Le Conseil national a transmis un postulat Zwygart (pe, BE) demandant d'élargir l'application du principe du pollueur-payeur en matière de circulation routière, notamment par une extension des possibilités de subventionnement de mesures de protection de l'environnement par le biais des droits d'entrée sur les carburants
[29].
Le souverain s'est prononcé sur les trois objets relatifs aux taxes routières adoptées par le parlement en 1993. Les deux premiers concernent la prorogation et l'adaptation au renchérissement de la vignette autoroutière et de la taxe poids lourds. Le troisième consiste en la possibilité pour la Suisse d'introduire une taxe poids lourds liée aux prestations sur le même modèle que celle que l'UE pourrait créer à l'avenir.
Tous ces projets ont été largement
acceptés par plus des deux tiers des votants, le canton le plus favorable étant celui de Bâle-Ville avec plus de 80% de oui dans les trois cas. Sans surprise, les cantons les plus réfractaires à ces redevances furent les cantons romands. Toutefois, alors qu'ils avaient tous refusé la taxe autoroutière et la taxe poids lourds lors de leur introduction en 1984, seuls Vaud et Neuchâtel ont dit non à la première et aucun à la seconde. Pour la taxe poids lourds liée aux prestations, Vaud et le Valais, uniquement, se sont opposés au projet présenté
[30].
Arrêté fédéral concernant la prorogation de la redevance pour l'utilisation des routes nationales
Votation du 20 février 1994
Participation: 40,8%
Oui: 1 259 609 (68,5%) / 18 6/2 cantons
Non: 579 877 (31,5%) / 2 cantons
Mots d'ordre:
- Oui: PRD (2*), PS, PDC, UDC (4*), PE (1*), AdI, PEP, DS (1*), PdT; Vorort, USS, CSCS, USP, TCS, ATE.
- Non: PdL (ex-PA), Lega; USAM, Association des transporteurs routiers.
- Liberté de vote: PL (1*); ACS.
* Recommandations différentes des partis cantonaux
Les
partisans des redevances routières, soit la grande majorité des partis et organisations, ont estimé que ces taxes et leur augmentation étaient justifiées par le fait que
le trafic privé ne couvre pas ses coûts et que les usagers doivent continuer à participer aux frais d'infrastructure, à l'image de ce qui se fait dans de nombreux autres pays. Ils ont ainsi considéré, eu égard à l'état des finances fédérales, que ces sources de revenu étaient nécessaires pour financer l'achèvement du réseau des routes nationales ainsi que les futures transversales alpines. Concernant la vignette autoroutière, ils ont fait remarquer que son prix était relativement modique par rapport aux prélèvements effectués dans les pays voisins (France et Italie notamment). Les défenseurs de la taxe poids lourds l'ont justifiée en arguant que plusieurs pays de l'UE avaient décidé d'en instaurer une. La possibilité d'introduire une taxe poids lourds liée aux prestations a été présentée comme allant dans le sens de l'équité et de la protection de l'environnement (principe du pollueur-payeur), mais aussi comme une nécessité en vue d'une harmonisation avec les projets de l'UE
[31].
Arrêté fédéral concernant la prorogation de la redevance sur le trafic des poids lourds
Votation du 20 février 1994
Participation: 40,8%
Oui: 1 324 242 (72,2%) / tous les cantons
Non: 509 222 (27,8%)
Mots d'ordre:
- Oui: PRD (6*), PS, PDC (1*), UDC (9*), PE, AdI, PEP, DS, PdT; Vorort, USS, CSCS, USP, ATE.
- Non: PL (1*), PdL (ex-PA), Lega; USAM, Association des transporteurs routiers.
- Liberté de vote: ACS.
* Recommandations différentes des partis cantonaux
Les
opposants aux redevances et, en particulier, à leur augmentation - l'Association suisse des transporteurs routiers dirigée par le conseiller national Friderici (pl, VD), mais également les automobilistes ou l'USAM ainsi que les démocrates du centre, les libéraux et la majorité des sections cantonales du PRD dans le cas de la taxe poids lourds liée aux prestations - ont protesté contre de nouvelles ponctions opérées en direction des automobilistes et des transporteurs qui, selon eux,
nuiraient à l'économie suisse en général. Ils ont considéré que l'augmentation de la taxe autoroutière était inadmissible alors que les citoyens devaient déjà supporter une hausse du prix de l'essence ou l'introduction de la TVA. Pour la taxe poids lourds, ils ont estimé que son augmentation risquait de provoquer des mesures de rétorsion de la part des pays étrangers, renchérirait le prix des marchandises et diminuerait la capacité de concurrence des transporteurs suisses. Quant à la taxe poids lourds liée aux prestations, ils ont contesté son eurocompatibilité, faisant remarquer que l'UE n'avait pris encore aucune décision et que, en son sein, les oppositions étaient nombreuses, notamment de la part des pays du sud de l'Europe
[32].
Arrêté fédéral concernant l'introduction d'une redevance sur le trafic des poids lourds liée, soit aux prestations, soit à la consommation
Votation du 20 février 1994
Participation: 40,8%
Oui: 1 221 630 (67,1%) / 18 6/2 cantons
Non: 597 911 (32,9%) / 2 cantons
Mots d'ordre:
- Oui: PRD (16*), PS, PDC (2*), PE, AdI, PEP, DS, PdT; Vorort, USS, CSCS, USP, ATE.
- Non: UDC (4*), PL (1*), PdL (ex-PA), Lega; USAM, Association des transporteurs routiers.
- Liberté de vote: ACS.
* Recommandations différentes des partis cantonaux
L'
analyse VOX de ces votations a relevé que la motivation principale des personnes ayant voté oui a été relative à une volonté de garantir la vérité des coûts dans le trafic routier ainsi qu'à la nécessité de donner des moyens financiers supplémentaires à l'Etat, en particulier afin de réaliser de nouvelles infrastructures routières. Le principe du pollueur-payeur a trouvé un large écho, notamment en ce qui concerne la taxe poids lourds liée aux prestations. Ce sont les personnes proches des organisations de protection de l'environnement, du PSS et du PDC qui ont voté le plus massivement oui. Les sympathisants du PRD et de l'UDC ont en revanche été beaucoup plus divisés
[33].
En 1993, le nombre de tués sur les routes a atteint son
chiffre le plus bas depuis 1949 avec 723 morts, soit 111 de moins qu'en 1992 (-13,3%). Le nombre de blessés fut également en recul (-1,6%). Selon le Bureau de prévention des accidents, cette évolution positive est notamment due au fait que les véhicules roulent plus lentement et que la sécurité passive s'est nettement améliorée (freins ABS, airbags, etc.)
[34].
Le Conseil fédéral a mis en vigueur sa
révision de l'ordonnance sur les règles de la circulation routière. D'une part, certaines mesures en matière de signalisation ont été prises en vue d'harmoniser les prescriptions suisses avec celles de l'UE. D'autre part, dès le 1er juin, les automobilistes ont eu l'obligation d'accorder la priorité aux piétons se trouvant près d'un passage si ceux-ci ont l'intention manifeste de l'emprunter, et ceci sans qu'il soit nécessaire pour eux de faire un signe de la main ou de s'engager avec un pied
[35]. En outre, le port de la ceinture de sécurité à l'arrière du véhicule est devenu obligatoire dès le 1er octobre
[36].
Le Conseil des Etats a adopté le projet de
révision de la loi sur les amendes d'ordre. La Chambre a approuvé le fait de porter le montant maximal des amendes à 300 francs au lieu de 100 et de donner au gouvernement le soin d'adapter cette somme au renchérissement. Elle n'a ainsi pas suivi sa commission qui proposait de s'en tenir à 250 francs et de conserver au parlement la tâche de modifier ce montant. Par ailleurs, manifestant le souci de ne pas encourager la délation, la petite chambre a biffé du projet la possibilité de punir un contrevenant sur dénonciation d'un particulier. Elle a également repoussé la suggestion du Conseil fédéral de rendre possible un cumul illimité d'amendes d'ordre et a fixé comme somme à ne pas dépasser le double du montant maximal
[37].
Un rapport d'une commission d'experts mise en place par le DFJP sur la sécurité dans la circulation routière, et dont le Conseil fédéral a pris connaissance, a proposé, par le biais de diverses mesures, de
diminuer dans les années à venir
de deux tiers le nombre de morts sur les routes. Il a, pour ce faire, proposé diverses stratégies assorties de nombreuses mesures plus ou moins réalisables à court terme. Un des thèmes majeurs abordé est celui de l'alcool au volant. Pour contribuer à résoudre ce problème, la principale mesure avancée est l'abaissement de 0,8 à 0,5 pour mille du taux d'alcoolémie autorisé. Les autres recommandations concernent notamment la prise en compte de la conduite sous l'influence de drogues ou de médicaments, l'amélioration de la qualité des routes, la modification des points dangereux ou la systématisation des contrôles. Les experts n'ont pas prévu de nouveaux abaissements des limites maximales de vitesse
[38].
Le Conseil national a transmis un postulat de sa commission des transports et des télécommunications recommandant que, dans le cadre de la révision de la loi sur la circulation routière, des sanctions plus sévères s'appliquent aux récidivistes
[39]. La grande chambre a, par contre, décidé de ne pas donner suite à une initiative parlementaire Gonseth (pe, BL) exigeant que les
coûts externes des accidents de la circulation, lorsqu'ils ne sont pas pris en charge directement par les personnes responsables, soient couverts par les droits d'entrée sur les carburants et non plus assumés par l'ensemble de la collectivité
[40].
Ce même conseil a encore rejeté une motion Bischof (ds, ZH) prescrivant que, pour des raisons de sécurité, les
porte-bicyclettes sur les véhicules soient interdits
[41].
Le Conseil fédéral a présenté un message concernant des modifications de la loi sur la circulation routière et de la loi sur la surveillance des assurances. Ce projet répond à la nécessité de
libéraliser l'assurance responsabilité civile pour véhicules automobiles et de répondre, quant à l'étendue de sa garantie, au droit de l'UE. Cette révision vise ainsi à supprimer la réglementation actuelle qui prévoit principalement l'existence d'un tarif uniforme approuvé par l'Office fédéral de assurances privées. Cela doit placer l'assurance responsabilité civile pour véhicules automobiles sur le même pied que les autres branches d'assurance dérèglementées. L'adaptation au droit de l'UE a pour objectif notamment d'améliorer la situation du détenteur d'un véhicule qui circule comme passager lorsqu'il est victime d'un dommage corporel. Il s'agit par ailleurs d'éviter que la protection garantie par la responsabilité civile ne soit réduite lors d'accidents survenant à l'étranger. Les assureurs se voient en outre contraints de constituer en commun un bureau national d'assurance ainsi qu'un fonds national de garantie
[42].
[27]
BO CE, 1994, p. 1053 s.27
[28]
FF, 1994, III, p. 1418 ss.; presse du 17.9.94. Pour sa part, l'ATE a renoncé à lancer une initiative visant à ramener à cinq litres aux 100 km l'essence consommée par les véhicules automobiles: presse du 13.6.94.28
[29]
BO CN, 1994, p. 597.29
[30]
FF, 1994, II, p. 690 ss.; presse du 21.2.94. Voir aussi
APS 1991, p. 162,
1992, p. 160 et
1993, p. 154 s.30
[31] Presse des mois de janvier et février 1994.31
[32] Presse des mois de janvier et février 1994.32
[33] S. Hardmeier / W. Linder,
Analyse des votations fédérales du 20 février 1994, Vox no 52, Adliswil 1994.33
[35] A ce sujet, le CN a transmis comme postulat un point de la motion Wiederkehr (adi, ZH) demandant que le non-respect, par un automobiliste, du droit de priorité des piétons aux passages réservés à ces derniers soit sanctionné au moins d'un avertissement:
BO CN, 1994, p. 1886 s.35
[36] Presse du 8.3.94. Voir aussi
APS 1993, p. 155.36
[37]
BO CE, 1994, p. 65 ss.; presse du 4.3.94;
NZZ, 21.4.94. Voir aussi
APS 1991, p. 163 et
1993, p. 155.37
[38]
Bund, 23.2.94; presse des 11.4 et 23.4.94. Cf.
lit. DFJP.38
[39]
BO CN, 1994, p. 1194.39
[40]
BO CN, 1994, p. 1149 ss.;
Bund, 17.6.94.40
[41]
BO CN, 1994, p. 2463 s.41
[42]
FF, 1995, I, p. 49 ss. Des interventions parlementaires avaient exigé des modifications allant dans ce sens: cf. notamment
APS 1993, p. 154.42
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