Année politique Suisse 1995 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
Europe: autres institutions
Les changements qui ont marqué le Conseil de l'Europe depuis la chute du mur de Berlin se sont poursuivis en 1995 avec notamment l'adhésion de cinq nouveaux Etats membres: la Lettonie, la République de Moldova, l'Albanie, l'ex-République yougoslave de Macédoine et l'Ukraine. L'organisation compte désormais
38 membres. Suspendue en février suite à l'intervention de l'armée russe en Tchétchénie, la procédure d'adhésion de la Fédération de Russie - candidate à l'entrée au sein du Conseil de l'Europe au même titre que la République de Bélarus, la Croatie et la Bosnie-Herzégovine - devait être remise en vigueur dès le mois de septembre par l'Assemblée Parlementaire. Hormis ces nouvelles adhésions, l'année 1995 a en outre été marquée par l'adoption d'un système de contrôle relatif au respect des engagements contractés par les Etats membres ainsi que par des discussions sur le renforcement de la coopération avec d'autres organisations internationales (OSCE et UE, en particulier). Placée sous la vice-présidence de la Suisse, la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance a par ailleurs élaboré un projet de disposition visant à améliorer la protection contre la discrimination dans le cadre de la CEDH. Signalons enfin que la Confédération a signé en février la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et que le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a accordé aux Etats-Unis le statut d'observateur auprès de l'organisation
[21].
A l'occasion de la discussion relative au rapport annuel du Conseil fédéral sur les activités de la Suisse au Conseil de l'Europe en 1994, plusieurs députés sont intervenus pour
débattre des enjeux auxquels l'organisation se trouve confrontée. Outre les problèmes d'ordre général tels que la poursuite de l'ouverture du Conseil de l'Europe aux pays de l'Est (Fédération de Russie, en particulier), la nécessité de réformer l'institution au vu de l'élargissement qu'elle a connu ces cinq dernières années et la séparation des tâches entre le Conseil de l'Europe et d'autres organisations européennes, des points plus spécifiques ont également été abordés suite à l'intervention du député Steffen (ds, ZH): notamment insatisfait de la nouvelle Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, celui-ci a souhaité que le Conseil national prenne acte du rapport du gouvernement dans le sens d'un rejet. Sa proposition n'a cependant été appuyée que par une très faible minorité de parlementaires
[22].
Le Conseil fédéral a soumis à l'approbation des Chambres les deux conventions du Conseil de l'Europe sur la
protection du patrimoine archéologique et architectural (Conventions de Malte et de Grenade). Soulignant le fait que ces deux accords vont dans le sens de la politique poursuivie par la Suisse dans ce domaine, le gouvernement a en outre stipulé que leur mise en oeuvre n'entraînerait aucune obligation financière nouvelle pour la Confédération ou pour les cantons. C'est à la quasi-unanimité que la Chambre haute a décidé d'autoriser la ratification de ces deux conventions par l'exécutif fédéral. Elle a été suivie en cela par le Conseil national lors de la session parlementaire d'hiver
[23].
Le parlement a décidé, à l'unanimité des votants, d'autoriser le gouvernement à ratifier le
Protocole no 11 à la Convention européenne des droits de l'homme. Rappelons que ce document a pour but principal d'instituer une nouvelle Cour permanente afin de faire face au nombre croissant de requêtes soumises à l'actuelle Cour
[24].
Après les déconvenues rencontrées par l'AELE en 1994, les perspectives d'avenir quant à l'évolution de l'organisation se sont quelque peu améliorées durant l'année sous revue. Désireuse de renforcer sa présence et son influence européenne sans pour autant élargir le nombre de ses membres, l'Association a adopté à Bergen (Norvège) une déclaration prévoyant la conclusion de
nouveaux accords de libre-échange avec les pays tiers. Dans cette perspective, l'AELE devait tout d'abord signer un accord de ce type avec la Slovénie dont la demande d'adhésion à l'organisation est toujours pendante. Lors de la réunion des ministres des pays membres qui s'est déroulée à Zermatt (VS), l'Association a par la suite conclu des accords multilatéraux de libre-échange avec la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie ainsi que des déclarations de coopération avec trois pays d'Afrique du Nord (Egypte, Maroc et Tunisie). Celles-ci pourraient servir de base à la création d'une future zone de libre-échange. Signalons enfin que le secrétariat général de l'AELE - qui a repris ses activités début juillet après avoir été réorganisé et redimensionné - restera basé à Genève
[25].
Durant l'année 1995, le chef du DFAE, Flavio Cotti, a multiplié les contacts diplomatiques en vue de préparer l'accès de la Suisse à la
présidence de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe en 1996. Membre, dès cette année, de la "troïka" qui dirige l'OSCE aux côtés de la Hongrie (présidente en titre) et de l'Italie, la Suisse a décidé d'axer sa présidence autour de la défense des droits de l'homme, de la promotion de la société civile, de la protection des minorités nationales, de la prévention des conflits et de l'élaboration d'un modèle de sécurité pour le XXIe siècle. Le rôle diplomatique de dimension internationale auquel la Confédération accédera dès le 1er janvier 1996 aura d'autant plus d'importance que l'OSCE - suite à la signature, fin novembre, de l'Accord de paix de Dayton (Etats-Unis) sur l'ex-Yougoslavie - s'est vu chargée d'organiser les premières élections de l'après-guerre en Bosnie, ainsi que de veiller au respect des droits de l'homme et au désarmement des ex-belligérants. Les ministres des affaires étrangères des 54 pays membres de l'organisation paneuropéenne ont en effet accepté cette mission à l'occasion de la conférence annuelle de l'OSCE qui s'est tenue début décembre à Budapest
[26].
Suite à la signature de l'Accord de paix de Dayton, l'ambassadrice Gret Haller a été nommée
médiatrice pour les droits de l'homme en Bosnie par le président hongrois de l'OSCE, Laszlo Kovacs. Ce mandat d'une durée de cinq ans contraint l'ancienne présidente du Conseil national à renoncer à son poste d'ambassadrice de Suisse auprès du Conseil de l'Europe auquel elle avait accédé en 1994
[27].
L'initiative du chef de la diplomatie helvétique visant à envoyer - dans le cadre de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe - une commission d'inspecteurs des
droits de l'homme en Turquie s'est soldée par un échec par faute de n'avoir pu rassembler le quorum de dix pays membres de l'OSCE nécessaire à la réalisation d'une telle mission. Portée à la connaissance des médias par des fuites au sein du DFAE, la démarche de Flavio Cotti a été critiquée, notamment par la NZZ, qui a jugé que celle-ci était maladroite, puisque initialisée peu après le rétablissement des relations diplomatiques entre Berne et Ankara. De son côté, le Conseil fédéral a fermement condamné la divulgation prématurée de cette initiative confidentielle qui a mis en lumière certains dysfonctionnements au sein de ce département récemment restructuré
[28].
Le Conseil national a rejeté un postulat Haering (ps, ZH) qui invitait le gouvernement à publier dans la Feuille fédérale un
rapport annuel sur les activités de la Suisse au sein de l'OSCE ainsi que le rapport annuel du secrétaire général de l'organisation
[29].
A l'instar du Conseil des Etats en 1994, la Chambre du peuple a approuvé le projet d'
arrêté fédéral concernant la coopération avec les Etats d'Europe de l'Est. Si, lors du débat sur l'entrée en matière, l'ensemble des intervenants a reconnu la nécessité de poursuivre l'aide fournie aux pays d'Europe centrale et orientale afin de les soutenir dans leur processus de réformes politique, économique et sociale, les porte-paroles des différents groupes ont néanmoins souhaité que cette coopération passe par une concentration, un ciblage et une évaluation des programmes qui seront mis sur pied. Plusieurs modifications ont par ailleurs été introduites par rapport à la version retenue initialement par le Conseil des Etats. La plus importante est sans conteste née de l'adoption d'une disposition autorisant expressément le gouvernement à cesser ou à interrompre partiellement ou totalement des programmes de coopération en cas de graves violations des droits de l'homme et de discriminations de minorités. L'ensemble des innovations apportées par la Chambre basse a été accepté, en seconde lecture, par le Conseil des Etats
[30].
Les critiques grandissantes - émises notamment par l'Inspection des finances et la Commission de gestion du Conseil national - quant à l'
efficacité de l'aide suisse en faveur des pays d'Europe centrale et orientale ainsi que les coupes budgétaires dans ce domaine ont conduit le Conseil fédéral à repenser sa politique de soutien envers ces Etats. Après avoir rattaché, dans le cadre de la restructuration du DFAE en 1994, le Bureau pour la coopération avec l'Europe de l'Est à la Direction pour la coopération au développement (DDA), puis remplacé l'ancien chef de l'aide à l'Est par le vice-directeur de la DDA, Remo Gautschi, le gouvernement a par ailleurs défini de nouvelles lignes directrices en la matière dans un rapport publié début novembre. Bien que qualifiant de globalement positifs les efforts consentis jusqu'ici par la Confédération dans le domaine de l'assistance technique et financière en faveur des pays d'Europe centrale et orientale, ce document ne consacre pas moins une véritable réorientation de la coopération avec les Etats de l'ancien bloc soviétique. Ainsi, à la multiplication de projets ponctuels et isolés succède une stratégie de concentration sur les pays les plus démunis: Albanie, Roumanie, Bulgarie, Macédoine, Russie, Ukraine et Kirghizistan. Quant aux pays d'Europe centrale et aux Etats baltes qui jusqu'alors bénéficiaient du soutien de la Confédération, ils verront les engagements suisses progressivement diminuer, voire disparaître
[31].
Il est à relever que pareille réforme avait déjà été annoncée lors de la présentation, en juillet, du
bilan des cinq premières années de l'aide suisse en faveur des pays de l'Est. A cette occasion, les responsables de la coopération avec l'Europe centrale et orientale du DFAE et du DFEP avaient en effet déclaré qu'au vu des succès économiques rencontrés par les pays du groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, Tchéquie et Slovaquie) il convenait désormais de concentrer l'aide suisse sur les pays du Sud-Est de l'Europe. Depuis 1990, les autorités fédérales ont mis à disposition un montant total de
1,2 milliard de francs pour la reconstruction et les réformes dans les pays de l'Est. Sur cette somme, 993 millions ont été alloués sous la forme d'aide financière, alors que les 216 millions restants ont été investis dans le domaine de la coopération technique
[32].
[21]
FF, 1996, I, p. 1061 ss. (rapport du CF sur les activités de la Suisse au Conseil de l'Europe). Le CF a par ailleurs transmis au parlement le 6e rapport sur la Suisse et les conventions du Conseil de l'Europe:
FF, 1996, I, p. 405 ss. Cf. aussi
APS 1994, p. 64.21
[22]
BO CE, 1995, p. 255 ss.;
BO CN, 1995, p. 667 ss.22
[23]
FF, 1995, III, p. 441 ss.;
BO CE, 1995, p. 824 ss.;
BO CN, 1995, p. 2420 ss.23
[24]
BO CE, 1995, p. 326 s.;
BO CN, 1995, p. 1235 s. Voir également
APS 1994, p. 64 s.24
[25]
24 Heures, 10.1.95; presse des 15.6 et du 7.12 au 9.12.95;
JdG, 19.8.95. Cf. aussi
APS 1994, p. 65.25
[26] Presse des 21.11, 7.12 au 9.12 et 21.12.95;
NQ, 11.12.95. Voir infra, Visites en Suisse.26
[27] Presse du 22.12.95. Cf. également
APS 1994, p. 65.27
[28]
TA, 21.1.95; presse du 22.1 au 24.1.95;
BaZ, 30.1.95;
JdG, 4.3.95. Voir aussi
APS 1994, p. 60 et 78 s.28
[29]
BO CN, 1995, p. 951.29
[30]
BO CN, 1995, p. 405 ss. et p. 1006 s.;
BO CE, 1995, p. 250 s.;
FF, 1995, II, p. 432 ss.; presse des 8.3, 9.3 et 14.3.95. Voir aussi
APS 1994, p. 66.30
[31]
BaZ, 3.2.95;
TA, 7.7.95;
SoZ, 22.10.95; presse des 9.11 (rapport du CF) et 25.11.95 (recommandations de la Commission de gestion du CN).31
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