Année politique Suisse 1995 : Chronique générale / Défense nationale
 
Organisation militaire
Le Conseil national a transmis comme postulat une motion Bonny (prd, BE) demandant au gouvernement de prendre des mesures efficaces afin de lutter contre les nombreux abus commis en matière d'exemption du service militaire [7].
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Réforme de l'armée
Les divergences majeures au sujet de la loi sur l'armée et l'administration militaire (LAAM) ayant été éliminées en 1994, le Conseil national s'est facilement rallié en début d'année à la petite Chambre sur les derniers points de désaccord, de sorte qu'Armée 95 a pu entrer en vigueur cette année comme prévu [8].
Dans le cadre de la législation d'exécution de la LAAM, le Conseil fédéral a adopté une nouvelle ordonnance sur les tâches et l'organisation du service de sécurité militaire. La principale innovation porte sur la création d'un bataillon de police militaire qui pourra être engagé non seulement lors du service actif, mais également dans le cadre d'un service d'appui aux autorités civiles. En effet, s'il advient, par exemple, que les forces de police ordinaires ne sont plus à même de garantir la sécurité de conférences internationales ou celle de centrales nucléaires, les autorités civiles cantonales pourront faire appel à ce bataillon. Le DMF a tenu à souligner que ce dernier n'était ni une police fédérale de sécurité ni une troupe antiémeute, mais uniquement une force d'intervention d'appoint réservée à des situations extraordinaires [9].
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Réforme du DMF
Le Conseil fédéral a présenté son message concernant la réforme du DMF. Le projet gouvernemental prévoit principalement une réduction d'effectifs dans l'administration militaire ainsi qu'une restructuration de l'organigramme du DMF. En ce qui concerne la diminution des effectifs, le but poursuivi est celui d'augmenter l'efficacité de l'administration militaire, notamment en concentrant en des lieux uniques certains domaines, qui, du fait de leur dispersion actuelle, sont à l'origine de multiples redondances au sein du département. Les suppressions de postes seront particulièrement importantes et à la mesure de la réduction d'un tiers des effectifs d'Armée 95. Les secteurs industriel et de l'entretien seront les premiers touchés puisque ce n'est pas moins de 3300 emplois - soit une baisse de 23% - qui devront être supprimés d'ici à l'an 2000. Cette cure d'amaigrissement signifiera également la fermeture de 35 des 95 entreprises industrielles et autres ateliers, ainsi que la réduction du nombre de sites d'exploitation de 177 à 148. Le canton de Berne (1400 emplois supprimés) et la Suisse orientale seront plus particulièrement affectés par ces mesures, le Conseil fédéral ayant eu comme souci d'épargner prioritairement les régions déjà gravement touchées par la crise, à savoir la Suisse romande et le Tessin.
Au sujet du nouvel organigramme du DMF, le gouvernement a finalement opté pour une articulation composée de quatre grands pôles: l'Etat-major général (ex-Groupement de l'état-major général), les Forces terrestres (ex-Groupement de l'instruction), les Forces aériennes (ex-Commandement des troupes d'aviation et de défense contre avions) et le Groupement de l'armement. En effet, conformément à la tradition militaire helvétique réfractaire à une concentration monocratique du pouvoir, le Conseil fédéral a renoncé à regrouper l'instruction et l'engagement sous l'autorité du seul chef de l'Etat-major, préférant une variante distribuant plus également le pouvoir et, de ce fait, plus à même de garantir un contrôle politique du DMF. Le gouvernement a par ailleurs cherché à pallier à certains défauts inhérents à la structure de commandement et à la répartition des compétences actuelle. Ainsi, pour permettre au chef de l'Etat-major d'assurer sa fonction de direction de manière plus efficace, le gouvernement a tenu à simplifier la structure de son groupement, en diminuant le nombre d'échelons hiérarchiques. De plus, le chef de l'Etat-major verra ses compétences réduites et sera chargé avant tout de définir la doctrine générale de l'armée ainsi que de traduire les directives politiques du gouvernement en directives militaires. En outre, pour remédier à l'absence de continuité du régime actuel entre les situations ordinaire et extraordinaire, il commandera l'armée dans les premiers temps de l'engagement jusqu'à l'élection d'un général. Le chef des Forces terrestres sera, pour sa part, responsable de l'instruction non seulement dans les écoles de recrue, mais également dans les cours de répétition (à l'exception de l'instruction des Forces aériennes), et ce afin d'améliorer l'unité de doctrine et la coordination dans le domaine de l'instruction entre les écoles et les corps d'armée. Le chef des Forces terrestres (ainsi que celui des Forces aériennes) disposera par ailleurs désormais de ses propres moyens logistiques et de sa propre infrastructure afin de garantir une instruction adéquate. Au sujet des Forces aériennes, le projet du gouvernement prévoit que celles-ci jouissent également de compétences non seulement dans le domaine de l'instruction mais également dans celui de l'engagement, ce qui accroîtra l'autonomie indispensable à cette arme. Enfin, le Groupement de l'armement sera chargé de la recherche, du développement et de l'acquisition du matériel sur la base des données du chef de l'Etat-major [10].
Le parlement a adopté facilement cette réforme. La seule récrimination a concerné les 30 millions d'honoraires versés à une firme allemande pour les conseils prodigués. Le chef du DMF a répondu que cette somme devait être comparée aux 300 à 400 millions de francs d'économies annuelles que le DMF pourra faire dès l'an 2000, entre autres grâce aux recommandations formulées par cette société [11].
Le Conseil national a transmis comme postulat une motion Haering Binder (ps, ZH) demandant au gouvernement de procéder aux modifications législatives nécessaires pour que les entreprises d'armement et d'entretien puissent dégager un bénéfice d'exploitation et constituer un capital-risque, ce afin d'accroître l'autonomie indispensable à leur reconversion civile [12].
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Justice militaire
Le Conseil des Etats a transmis comme postulat une motion Schoch (prd, AR) demandant au Conseil fédéral de préparer un projet visant à abroger le code pénal militaire et à transférer dans le code pénal les dispositions qui ne répondent qu'à des besoins spécifiquement militaires [13].
La justice militaire a dû se prononcer sur la responsabilité de deux officiers impliqués dans la mort d'une recrue en 1993. Cette dernière était décédée lors d'une marche de 20 km après avoir été tractée sur près de 8 km, arrimée par des sangles au sac de deux de ses camarades. Des deux officiers contre lesquels la charge d'homicide par négligence avait été retenue, seul le commandant de compagnie a été reconnu coupable et condamné à vingt jours d'emprisonnement assortis d'un sursis de deux ans. Le lieutenant à la tête de la section de la défunte recrue a été acquitté en raison de son rapport de subordination. Ce jugement, perçu comme particulièrement clément, a suscité de vives réactions dans l'opinion publique et a soulevé à nouveau la question de l'abolition de la justice militaire. Le conseiller fédéral Villiger, chef du DMF, s'est insurgé contre la pratique consistant à attacher une recrue avec des sangles et s'est déclaré en faveur de la désobéissance dans le cas d'ordres mettant en danger sans nécessité la vie humaine.
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Allocations pour perte de gain
Le gouvernement a mis en consultation un projet de révision de la loi sur le régime des allocations pour perte de gain. Outre une adaptation de l'ensemble des allocations au coût de la vie, le projet prévoit des améliorations sensibles pour les hommes/femmes qui ont renoncé à une activité lucrative pour s'occuper de leur enfants et qui, sous le régime actuel, ne voient pas leur travail éducatif reconnu. Selon le projet du Conseil fédéral, cette catégorie de la population militaire devrait bénéficier à l'avenir de contributions beaucoup plus importantes. Les principaux partis ainsi que les partenaires sociaux ont bien accueilli les propositions de l'exécutif [15].
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Service féminin de l'armée (SFA)
L'entrée en vigueur de la réforme Armée 95 a signifié la fin du SFA en tant qu'entité distincte. Les soldats de sexe féminin sont désormais mélangés à leurs pairs masculins. Certaines différences demeurent néanmoins: les militaires féminins ne sont armés qu'à titre volontaire et, le cas échéant, uniquement d'un pistolet. De plus, seules les missions qui n'impliquent pas une activité de combat s'étendant au-delà de la défense personnelle et de celle de personnes qui leur ont été confiées (par exemple, la défense de patients) leur sont ouvertes. Enfin, il est à noter que cette intégration n'a pas posé de problèmes relatifs au bon déroulement de la vie militaire [16].
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Nominations
Le secrétaire général du DMF, Hans-Ulrich Ernst, a annoncé sa démission pour le mois de juillet 1996 [17].
 
[7] BO CN, 1995, p. 2187.7
[8] BO CN, 1995, p. 211 s. et 345; BO CE, 1995, p. 139; FF, 1995, I, p. 655 ss. Voir également APS 1994, p. 86 s.8
[9] Presse du 16.11.95.9
[10] FF, 1995, III, 721 ss.; presse du 7.4.95. Voir également APS 1994, p. 87 s. Au sujet des suppressions d'emplois, il est à relever également que le gouvernement a prévu un plan social devant permettre, grâce à des départs en retraite anticipée et une reconversion civile de certains fonctionnaires, à cette réduction d'effectifs de se faire sans licenciements. Le CF a en outre examiné la possibilité de reconvertir l'industrie militaire à des fins civiles, mais a considéré cette solution illusoire.10
[11] BO CE, 1995, p. 892 ss. et 1064; BO CN, 1995, p. 1914 ss. et 2295; presse des 26.9 et 27.9.95; NQ, 4.10.95.11
[12] BO CN, 1995, p. 2186 s.12
[13] BO CE, 1995, p. 537 ss.13
[15] Presse du 27.5.95; NZZ, 17.10.95.15
[16] JdG, Bund et Lib., 22.2.95. Voir APS 1994, p. 88 s.16
[17] Bund, 10.11.95.17