Année politique Suisse 1996 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
 
Europe: autres institutions
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Conseil de l'Europe
Le 6e rapport sur la Suisse et les conventions du Conseil de l'Europe ainsi que celui sur les activités de la Confédération au sein de l'organisation en 1995 n'ont suscité l'opposition d'aucun groupe parlementaire lors de leur examen par les Chambres fédérales. La discussion relative à ces deux documents a toutefois fourni l'occasion aux députés de débattre de certains enjeux auxquels se trouve confronté le Conseil de l'Europe. Au premier rang de ceux-ci a figuré la question de l'accès à l'organisation des pays d'Europe de l'Est et plus spécifiquement de la Russie dont l'adhésion en début d'année a été contestée par certains orateurs tant du Conseil national que du Conseil des Etats, soucieux de ne voir siéger au Conseil de l'Europe que les Etats susceptibles de se conformer aux principes démocratiques et de respect des droits de l'homme édictés par l'organisation. Les problèmes de la claire définition des objectifs et de la répartition des tâches entre le Conseil de l'Europe, l'OSCE et l'Union européenne ont également retenu l'attention des députés qui se sont prononcés en faveur d'une meilleure coopération entre ces trois organisations. Enfin, l'ordre des priorités de ratification des conventions du Conseil de l'Europe tel que fixé par le Conseil fédéral dans le 6e rapport sur cet objet a essuyé les critiques des socialistes qui ont principalement déploré le rang accordé à la Charte sociale européenne dans cet agenda [20].
Consécutivement à l'adhésion de la Fédération de Russie en février et à celle de la Croatie en novembre, le Conseil de l'Europe regroupe désormais 40 membres. Le statut d'invité spécial a par ailleurs été octroyé à l'Arménie, à la Géorgie et à l'Azerbaïdjan dont les demandes d'admission ont été transmises pour examen à l'Assemblée parlementaire. Enfin, les Etats-Unis, le Canada et le Japon se sont vus reconnaître un statut d'observateur auprès de l'organisation. En menant cette politique d'élargissement, le Conseil de l'Europe a poursuivi la mission visant à créer un vaste espace de sécurité démocratique en Europe qui lui avait été assignée lors du Sommet de Vienne de 1993. L'année 1996 a en outre été marquée par de nombreux débats concernant le renforcement de la coopération avec l'OSCE et l'Europe des Quinze, principalement. A ce titre, l'arrangement de 1987 avec l'UE a été actualisé et englobe désormais tous les domaines couverts par le Traité sur l'Union européenne [21].
Sous les auspices du Conseil de l'Europe se sont déroulées à Genève les premières Rencontres économiques Est/Ouest des régions d'Europe. Organisée par la Confédération et les autorités cantonales genevoises, cette manifestation a réuni près de 500 délégués venus de toute l'Europe. La réunion a été principalement marquée par la création d'une Fondation pour le développement économique des régions d'Europe (FDERE) dont la première tâche a consisté à mettre sur pied un serveur Internet par lequel les autorités régionales, les responsables de différentes branches de l'industrie et les partenaires économiques pourront coopérer en s'échangeant des informations [22].
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AELE
Bien que réduite à une portion congrue de quatre membres (Suisse, Norvège, Islande et Liechtenstein), l'AELE a poursuivi sa politique d'accords de libre-échange en développant de nombreux contacts avec les pays d'Europe centrale et orientale ainsi qu'avec certains Etats du Sud de la Méditerranée et du Moyen-Orient. Ainsi, après avoir signé fin mars un accord de coopération commerciale avec la Macédoine, les ministres des pays membres de l'AELE ont paraphé une déclaration de coopération avec l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) qui à terme devrait déboucher sur l'instauration d'une zone de libre-échange. Profitant de la première conférence ministérielle de l'OMC qui s'est tenue à Singapour dans le courant du mois de décembre, l'association a par ailleurs tenu une première réunion régionale avec les pays de l'ASEAN en vue d'élargir les contacts entre ces deux entités économiques [23].
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OSCE
L'année 1996 - durant laquelle la Suisse s'est vue confier la présidence de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe - a fourni l'occasion à la diplomatie helvétique de jouer un rôle de premier plan sur la scène internationale, puisque c'est sous l'égide de l'OSCE qu'ont été organisées et que se sont déroulées les premières élections présidentielles et législatives de l'après-guerre en Bosnie-Herzégovine. Bien que l'Accord de paix conclu à Dayton en 1995 stipule que ces élections devaient avoir lieu durant la période comprise entre la mi-juin et la mi-septembre, Flavio Cotti n'a néanmoins pas exclu d'emblée un éventuel report de ce délai-butoir au cas où les conditions requises pour un déroulement satisfaisant de ce processus démocratique ("élections libres, équitables et démocratiques") n'auraient pas été remplies. Par cette attitude déterminée, le chef du DFAE a fait preuve d'une autorité certaine en freinant les ardeurs de la diplomatie américaine qui souhaitait que ces élections aient lieu le plus tôt possible pour des motifs ayant trait au calendrier électoral américain. Au terme d'un examen pragmatique de la situation, et suite aux recommandations que le chef de mission de l'OSCE à Sarajevo - le diplomate américain Robert Frowick - adressa à Flavio Cotti, la date de déroulement des élections fut finalement arrêtée au 14 septembre, ultime délai fixé à Dayton. Au vu des conditions démocratiques minimales dans lesquelles devait se dérouler cette consultation, les quelque 1000 superviseurs et 2000 observateurs internationaux chargés de surveiller le scrutin ne purent empêcher la survenance de certaines irrégularités dont le nombre fut néanmoins jugé acceptable compte tenu de la logique de division qui prévalait alors en Bosnie. En conséquence, l'OSCE a fait connaître sa décision de valider les résultats sortis des urnes. A l'heure du bilan de cette année de présidence, l'ensemble des observateurs se sont accordés à reconnaître le mérite du chef du DFAE dans la conduite des affaires qui lui incombaient de par sa position à la tête de l'OSCE. Celui-ci s'est quant à lui réjoui du rôle grandissant acquis par l'organisation paneuropéenne au cours de ces deux dernières années [24].
Parallèlement à la supervision des élections en Bosnie et conformément au mandat défini dans l'Accord de Dayton, l'OSCE a par ailleurs joué un rôle important en matière de respect des droits de l'homme dans ce pays. En charge du dossier en tant que médiatrice pour le compte de l'OSCE, la Suissesse Gret Haller a débuté ses fonctions dans le courant du mois de mars. Secondée par la Chambre des droits de l'homme, l'ex-ambassadrice de la Suisse auprès du Conseil de l'Europe s'est vue confier la tâche d'examiner les plaintes qui lui seront adressées dans ce domaine et d'intervenir auprès des autorités impliquées. Hormis ces succès rencontrés par la diplomatie helvétique en Bosnie est venu s'ajouter celui de la mission de médiation de l'OSCE en Tchétchénie: placée sous la direction du diplomate suisse Tim Guldimann, celle-ci a en effet largement contribué à la pacification du conflit opposant les indépendantistes tchétchènes à la Fédération russe.
En qualité de présidente en exercice de l'OSCE, la Confédération a en outre eu pour tâche de rédiger un rapport portant sur l'élaboration d'un modèle de sécurité européen pour le XXIe siècle. Ce document - fruit du travail du DFAE - a servi de base de discussion aux 54 pays membres de l'organisation lors du sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de l'OSCE qui s'est tenu début décembre à Lisbonne. En grande partie dominés par le désaccord entre Américains et Russes sur l'élargissement de l'OTAN à l'Europe centrale, les pourparlers concernant cette nouvelle architecture sécuritaire pour le Vieux Continent n'ont dès lors conduit qu'à l'adoption de principes généraux, dont ceux de liberté, de respect du droit et de coopération [26].
Le projet du Conseil fédéral relatif à l'envoi éventuel d'un contingent de quelque 150 bérets bleus en Bosnie-Herzégovine en vue de fournir un soutien logistique (troupes sanitaires, du génie et de sauvetage) aux troupes de l'IFOR a été brusquement abandonné. Le motif invoqué à l'appui de ce renoncement a été celui d'une incompatibilité entre la loi sur l'armée - qui, neutralité oblige, interdit aux autorités fédérales d'envoyer des troupes suisses armées à l'étranger - et les conditions fixées par l'OTAN aux termes desquelles les effectifs engagés dans des opérations de maintien de la paix sur le territoire bosniaque se doivent d'assurer leur propre protection. En lieu et place de bérets bleus, le gouvernement a alors immédiatement proposé de mettre à la disposition de l'OSCE un contingent d'environ 75 volontaires non armés pour sa mission en ex-Yougoslavie. Composé d'hommes et de femmes aisément reconnaissables à leur béret jaune, ce détachement de militaires a apporté à partir de la fin du mois de mars un appui logistique dans des domaines aussi divers que le transport aérien, l'entretien des véhicules, les consultations médicales, le ravitaillement en matériel et la distribution du courrier. Suite à une requête expresse de l'OSCE, la durée de l'engagement des bérets jaunes en Bosnie a été prolongée jusqu'à la fin de l'année 1997 par le Conseil fédéral [27].
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Europe centrale et orientale
Parachevé au mois de novembre 1995, le rapport de la Commission de gestion du Conseil national concernant l'inspection des services de la Confédération chargés de l'aide aux Etats d'Europe de l'Est a été officiellement publié. Cette inspection - jugée nécessaire à plusieurs reprises en raison de la mise en exergue dès 1992 de problèmes touchant aussi bien l'opportunité des projets que l'organisation interne de l'administration concernant la gestion des crédits de programme - a principalement porté sur les objectifs et instruments de l'aide, sa cohérence dans son ensemble, les structures d'organisation ainsi que le déroulement et la mise en oeuvre de la coopération helvétique avec les pays bénéficiaires. Bien que le rapport de la commission ne s'attache pas à déterminer si l'aide à l'Europe de l'Est est opportune en soi, ce document comporte néanmoins certaines recommandations dans l'optique de rendre plus cohérent et plus efficace le soutien de la Confédération dans ce domaine: parmi celles-ci, la nécessité de renforcer la collaboration et la coordination entre l'OFAEE et le Bureau de coopération pour l'Europe de l'Est (BCE), d'améliorer la complémentarité entre l'assistance technique et l'aide financière et de fixer des objectifs davantage contraignants afin de rendre possible un examen de l'efficacité des projets. Conformément au souhait exprimé par la Commission de gestion, le Conseil fédéral devrait lui transmettre un rapport sur les mesures prises à la suite de cette inspection avant la fin mars 1997. Relevons que les critiques grandissantes quant à l'efficacité du soutien fourni par la Confédération à l'Europe de l'Est ainsi que les restrictions budgétaires opérées dans ce domaine avaient déjà conduit le gouvernement à réorienter en 1995 sa politique d'aide en faveur de ces pays.
A l'occasion de la publication du rapport annuel 1995 sur l'aide suisse à destination de l'Europe de l'Est, les responsables du DFAE et de la DDC ont pu rendre compte des premiers effets induits par la réorientation opérée l'année dernière en la matière: après s'être concentrée durant cinq ans sur les pays d'Europe centrale - qui, du fait de leur transition rapide vers l'économie de marché, deviendront à terme des partenaires économiques classiques -, l'assistance technique et financière helvétique s'est progressivement tournée vers les pays des Balkans et les républiques issues de l'ex-URSS. Cette tendance s'est d'ailleurs renforcée durant l'année sous revue: lors d'un séjour marathon dans les Balkans, le secrétaire d'Etat Franz Blankart a en effet signé deux accords de rééchelonnement de la dette avec la Macédoine (21,7 millions de francs) et la Croatie (34,5 millions) auxquels est venu s'ajouter un accord de coopération commerciale et économique entre la Suisse et le premier de ces deux pays. De son côté, le Conseil fédéral a décidé de porter l'assistance financière attribuée à la Roumanie de 25 à 55 millions de francs. Quelques jours auparavant, Flavio Cotti avait en outre signé un accord de coopération technique d'un montant de 14 millions de francs en faveur de l'Ukraine afin que celle-ci soit en mesure de moderniser ses installations hydro-électriques. A ce premier montant vint s'ajouter un crédit de 20 millions de francs que le Conseil fédéral octroya au président ukrainien Leonid Koutchma lors de son passage à Berne. Cette somme viendra alimenter le fonds de la BERD créé pour assurer la reconversion de la centrale nucléaire de Tchernobyl [29].
Le Conseil fédéral a transmis au parlement un message concernant la participation de la Suisse à l'augmentation du capital de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) afin de permettre à cette dernière de poursuivre ses actions de soutien financier aux pays d'Europe centrale et orientale au-delà de 1997. A ce titre, les Chambres fédérales auront à se prononcer sur l'octroi d'un crédit d'engagement d'un montant de 342 millions de francs dont seuls 77 millions seront effectivement déboursés, le solde constituant du capital de garantie [30].
Le Conseil national a décidé de ne pas transmettre une motion Pini (prd, TI) qui - partant du constat que la totalité des commandes passées dans le cadre de l'aide en faveur de l'Europe de l'Est a été attribuée uniquement à des entreprises alémaniques (80%) et romandes (20%) - chargeait notamment le gouvernement d'en assurer une répartition équilibrée entre les trois régions linguistiques suisses [31].
 
[20] BO CN, 1996, p. 4 ss.; BO CE, 1996, p. 164 ss.; presse des 26.1, 5.3 et 20.3.96. Voir aussi APS 1995, p. 74 s.20
[21] FF, 1997, I, p. 1371 ss. (Rapport annuel du CF sur les activités de la Suisse au Conseil de l'Europe).21
[22] JdG, 16.1.96; NQ, 22.1.96; BaZ, 25.1.96.22
[23] Presse des 1.4 et 17.12.96. Relevons enfin que les négociations relatives à la conclusion d'accords de libre-échange avec Malte et Chypre n'ont pas pu commencer malgré la fréquence des contacts bilatéraux: presse du 14.6.96; JdG, 17.12.96.23
[24] Presse des 3.1, 12.1, 30.1, 31.1, 13.5, 24.5, 13.6, 26.6, 21.8, 23.8, 10.9, 13.9, 23.9, 30.9, 23.11, 3.12 et 4.12.96; Bund, 5.1.96; NZZ, 17.1, 18.3, 22.5, 15.6 et 21.12.96; 24 Heures, 18.1, 29.3, 19.4, 5.6 et 30.11.96; JdG, 9.2, 28.5, 16.7, 4.10 et 2.12.96; Ww, 29.2.96; NQ, 18.3, 29.3, 7.5, 3.6, 5.6, 11.6, 21.6, 15.8, 12.9, 16.9, 17.9, 19.9 et 26.9.96; TA, 11.5 et 27.12.96; NLZ, 10.6.96; BZ, 3.12.96; BaZ, 4.6 et 21.12.96. Il est à relever qu'au vu du nombre élevé d'irrégularités commises notamment lors de l'enregistrement des futurs électeurs, Robert Frowick a finalement décidé de repousser les élections municipales bosniaques du 14 septembre 1996 au mois de juin 1997. Compte tenu de la prolongation du mandat de l'OSCE en Bosnie jusqu'en décembre 1997, il incombera à l'organisation paneuropéenne de superviser ce nouveau scrutin: JdG, 24.8, 15.11, 2.12 et 30.12.96; presse des 28.8, 15.10, 16.10 et 4.12.96; NQ, 29.8, 23.9 et 4.12.96; Express, 30.11.96.24
[26] NQ, 6.11.96; QJ, 28.11.96; Bund, 27.11.96; presse des 30.11, 3.12 et 4.12.96.26
[27] Presse des 26.1, 27.1, 1.2, 2.2, 22.2, 23.3, 9.5, 17.8 et 19.12.96; TA, 31.1.96; 24 Heures, 23.2.96; Blick, 16.6.96. Cf. aussi APS 1995, p. 79.27
[29] NZZ, 6.1, 11.1, 12.1, et 20.4.96; presse des 16.1 (Ukraine), 26.1 (Roumanie), 23.3 (Koutchma) et 19.6.96 (DFAE, DDC). Relevons qu'en 1995, la Confédération a dépensé 134 millions de francs au titre de la coopération avec les pays de l'Est. Sur ce montant, 50 millions ont été affectés à l'assistance technique alors que 66 autres millions ont été consentis pour l'aide financière: NZZ, 18.9.96. Cf. aussi APS 1995, p. 76 s.29
[30] FF, 1997, p. 1178 ss.30
[31] BO CN, 1996, p. 1676 ss.31