Année politique Suisse 1996 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications
Chemins de fer
Le Conseil fédéral a publié un message concernant la modification du protocole additionnel à la convention relative à la constitution d'
Eurofima (Société européenne pour le financement du matériel ferroviaire). La modification porte sur la révision des avantages fiscaux dont bénéficie l'organisation internationale. Il s'agit notamment de tenir compte de la révision partielle de la loi sur les droits de timbre ainsi que de l'introduction de la TVA en lieu et place de l'ICHA
[31].
Le Conseil national a transmis un postulat Bircher (pdc, AG) invitant l'exécutif à soumettre au parlement tous les quatre ans un
plan concernant les transports publics régionaux du type de celui qu'il présente au sujet des CFF. Selon le postulant, si la nouvelle loi sur les chemins de fer donne plus de compétences en la matière aux cantons, il reste cependant indispensable qu'un minimum de coordination et de planification soit assuré par la Confédération
[32].
Alors que le Conseil fédéral avait annoncé qu'il entendait rendre sa décision définitive concernant les NLFA ainsi que les autres projets d'infrastructures ferroviaires pour fin janvier, les partis gouvernementaux ont convaincu le gouvernement de repousser celle-ci au mois d'avril. Doutant que le projet gouvernemental présenté en 1995 soit à même de réunir une majorité parlementaire et populaire, les quatre partis ont en effet tenu à mettre sur pied un
groupe de travail chargé d'élaborer, du point de vue financier notamment,
une proposition plus réaliste politiquement [33].
Composé de deux représentants de chaque parti gouvernemental ainsi que de hauts fonctionnaires du DFTEC et du DFF, le groupe de réflexion a rendu son rapport au mois de mars. Prônant à l'instar du gouvernement la construction simultanée des deux transversales (avec un tunnel du Lötschberg à une seule voie), les représentants des partis gouvernementaux se sont en revanche radicalement distancés des intentions de l'exécutif en ce qui concerne leur financement. Alors que le gouvernement avait laissé entendre qu'il pourrait renoncer - devant l'opposition des milieux économiques - à financer les grands travaux par la future redevance poids lourd liée aux prestations et la remplacer par un impôt sur l'huile de chauffage et le gaz, le groupe interparti a en effet
proposé de puiser les ressources financières nécessaires essentiellement dans le produit de la nouvelle taxe. Selon les termes du rapport, une telle solution serait réalisable et supportable pour les milieux routiers à condition notamment de lever l'interdiction des 40 tonnes. En effet, le gain de productivité engendré par cette mesure permettrait de percevoir une taxe poids lourd d'un montant suffisamment élevé (1,64 centime par kilomètre pour un 40 tonnes) pour réunir, sans asphyxier les transporteurs routiers, les fonds nécessaires (3 milliards de francs) au financement des différentes infrastructures, au désendettement des CFF ainsi qu'au subventionnement du transport de marchandises. Outre de répondre à une exigence incontournable de l'UE, cette solution aurait par ailleurs comme mérite d'éviter la hausse du prix de l'essence de 10 centimes proposée par le gouvernement, mesure dont l'impopularité risquait de faire capoter l'ensemble du projet de financement. Examinant la proposition, l'administration fédérale a estimé celle-ci intéressante. Ayant procédé à ses propres calculs, elle a cependant relevé que le montant de 3 milliards de francs de recettes avancé par le groupe de réflexion était amplement exagéré. Selon les experts fédéraux, dans la mesure où une grande partie des camions aurait un tonnage inférieur à 40 tonnes, le montant de la taxe poids lourd serait en moyenne beaucoup plus bas que celui avancé et, par conséquent, la recette finale nettement inférieure. Celle-ci permettrait de financer uniquement la réalisation des infrastructures ferroviaires, mais serait loin d'être suffisante pour désendetter les CFF ou rendre le rail plus attractif
[34].
Au mois d'avril, le Conseil fédéral a fait part de son projet définitif conformément au calendrier convenu avec les partis gouvernementaux. A l'instar de ce qui avait été annoncé en 1995, celui-ci prévoit la construction simultanée des deux transversales sans les voies d'accès. Le tunnel du Lötschberg sera construit sur deux voies, mais seule une sera en fonction, la seconde galerie servant de voie d'entretien et de secours. En ce qui concerne l'axe du Gothard, le gouvernement a également renoncé à la construction du tunnel du Hirzel (ZH et ZG) reliant la Suisse orientale à la future transversale. Pour justifier la décision de construire simultanément les deux NLFA, le Conseil fédéral a souligné que la solution retenue offrait le plus de garanties du point de vue de la fluidité du trafic et intégrait au mieux la Suisse dans le réseau européen. Il fut également relevé que la construction de deux tunnels diminuait les risques de retard du aux procédures et aux aléas de la construction. Enfin, le gouvernement a laissé entendre que le souci de garantir la cohésion nationale du pays - passablement mise à mal par la décision de Swissair de rapatrier sur Zurich la plupart de ses vols long-courriers (cf. infra) - n'était pas étranger au choix de construire également le Lötschberg.
Au sujet du financement des transversales alpines et des autres infrastructures ferroviaires, le projet soumis au parlement prévoit que les différents travaux seront financés pour 25% par l'emprunt et pour 75% par trois types de recettes fiscales spéciales: hausse de 10 centimes du prix de l'essence (recette annuelle: 600 millions de francs), prélèvement de 25% sur le revenu actuel des droits d'entrée sur les carburants (320 millions) et taxe poids lourd actuelle (360 millions). Cette dernière sera vraisemblablement doublée, avant d'être remplacée dès 2001 par la taxe poids lourd liée aux prestations. L'ensemble de ces sources financières sera perçu jusqu'en 2017 et devrait permettre de couvrir le coût de 30,4 milliards de francs devisé pour les différentes infrastructures (Gothard: 9,7 milliards; Lötschberg: 3,8 milliards; Rail 2000: 13,4 milliards; lutte contre le bruit: 2,3 milliards; raccordement TGV: 1,2 milliard). Ces recettes ne suffisant pas jusqu'en 2008 à couvrir les besoins de financement, il sera cependant nécessaire de puiser des avances importantes (jusqu'à 530 millions par an) dans la caisse fédérale. Celles-ci seront remboursées ultérieurement par le produit des différents impôts. Défendant son plan de financement, le gouvernement a estimé qu'il avait choisi une solution équilibrée, réaliste et susceptible de réunir une majorité parlementaire et populaire. Au sujet des propositions du groupe de travail interparti, le Conseil fédéral a notamment relevé que le montant de la taxe poids lourd kilométrique préconisé était trop important pour être accepté par l'Union européenne. L'exécutif a cependant reconnu que l'effort de réflexion des partis gouvernementaux lui avait permis de réintroduire dans son projet la taxe poids lourd kilométrique comme source de financement.
Les
réactions au projet gouvernemental furent multiples. Alors que les principaux partis ainsi que les cantons romands et celui de Berne saluaient la décision du Conseil fédéral de ne pas sacrifier le Lötschberg, les cantons partisans du Gothard ont très vivement regretté que les voies d'accès ne soient pas construites. Principaux concernés, les cantons du Tessin et d'Uri ont fait savoir que la charge pour l'environnement et pour les populations riveraines du tracé serait intolérable sans de tels aménagements
[36]. Autres insatisfaits du projet gouvernemental, les cantons de Suisse orientale ont réclamé la construction du tunnel du Hirzel. Selon ces cantons, les sacrifices n'étaient pas équitablement répartis, le projet proposé faisant la part beaucoup trop belle à la Suisse occidentale.
En ce qui concerne le mode de financement prévu, les critiques furent le fait principalement des partis bourgeois ainsi que du lobby routier. Le reproche principal adressé aux propositions gouvernementales tenait au fait que ces dernières faisaient porter le coût des NLFA à raison de 75% sur le dos des usagers de la route. A titre de financement alternatif, le PRD, le PL ainsi que la FRS ont proposé qu'un fonds d'investissement pour les transports publics - calqué sur le principe du compte routier et alimenté de manière plus équitable par les différents secteurs de l'économie - soit mis sur pied en lieu et place du financement spécial cher au Conseil fédéral. Unanimes à rejeter toute velléité d'alimenter ce fonds par le biais de la taxe poids lourd, le PRD, le PL et la FRS ont cependant divergé sur la façon de remplacer cette dernière. Alors que les radicaux souhaitaient alimenter ce fonds par une hausse de 1% de la TVA ainsi que par une taxe de 10 centimes sur le prix de l'essence, les libéraux et l'organisation faîtière des défenseurs des usagers de la route ont exprimé leur préférence pour un impôt énergétique frappant l'essence, l'huile de chauffage, l'électricité et le gaz. Pas totalement opposé à la future taxe poids lourd, le PDC a pour sa part insisté pour que l'on examine plus attentivement les possibilités d'ouvrir à des capitaux privés le financement des NLFA.
Peu avant la session d'hiver du parlement,
la commission des transports et des télécommunications (CTT) du Conseil des Etats a fait part de ses propositions. Estimant le projet du gouvernement trop coûteux et peu susceptible de réunir une majorité parlementaire et populaire, les membres de la commission ont proposé de
construire dans un premier temps le seul axe du Gothard. Le Lötschberg pourrait certes être construit ultérieurement si les impératifs du trafic et la réalisation des objectifs de l'initiative des Alpes le rendaient indispensable. Une décision favorable du parlement suffirait alors sans que le peuple ait à être consulté, le projet de financement de la commission comprenant les 3,5 milliards de francs nécessaires à la réalisation du Lötschberg. Au chapitre du financement, la commission a également apporté quelques modifications - de moindre importance - au projet du gouvernement. Tout en souscrivant à l'augmentation du prix de l'essence de 10 centimes, elle a en effet réservé la possibilité d'opérer un augmentation moins conséquente. Elle s'est en outre opposé au doublement de la taxe poids lourd forfaitaire et a ramené des deux tiers à la moitié la part de la future redevance kilométrique affectée au financement des différentes infrastructures ferroviaires
[38].
Au Conseil des Etats, la discussion au sujet des différents tracés et du mode de financement ne fut pas moins animée et confuse qu'elle ne l'avait été par médias interposés en dehors de l'arène parlementaire. Lors du débat d'entrée en matière, différentes propositions de renvoi au gouvernement ou à la commission, voire de non entrée en matière, furent rejetées par la majorité des sénateurs. L'une d'entre elles, celle du radical Schoch (AR), exigeait de reprendre toute l'affaire à zéro et de soumettre à l'approbation populaire un nouvel article sur le transit alpin limité à un seul axe. Une autre, celle de l'argovien Reimann (udc), proposait le renvoi au Conseil fédéral afin que ce dernier prenne connaissance des priorités de l'Union européenne et choisisse à bon escient l'axe qui devait être construit. Ayant été convaincus par l'argumentation du chef du DFTCE quant aux risques de voir le dossier s'enliser définitivement suite à de tels renvois, les conseillers aux Etats avaient encore à se prononcer sur les différentes modalités de tracés et de financement qui leur étaient proposées. Outre le projet du gouvernement et celui de la CTT, une proposition du bernois Zimmerli (udc) de construire en priorité l'axe du Lötschberg était soumis à l'approbation des sénateurs. Ecartant en premier lieu la variante favorable au Lötschberg, les sénateurs ont opté finalement, non sans surprise, pour le projet du Conseil fédéral. Une extrêmement courte majorité des conseillers aux Etats a en effet estimé que construire simultanément les deux axes était nécessaire si l'on entendait que le projet passe devant le peuple et les cantons. Il fut également souligné que le Lötschberg devrait vraisemblablement connaître moins de problèmes géologiques que le Gothard, ceci garantissant que les engagements européens de la Suisse soient honorés dans les temps.
Suite à ce vote de soutien à la variante en réseau chère à l'exécutif, la petite chambre a cependant tenu à apporter des modifications importantes. Les sénateurs ont en effet décidé d'ajouter dans le projet tant le raccordement de la Suisse orientale - sur proposition d'une minorité de la commission emmenée par le thurgovien Onken (ps) - que les voies d'accès sur l'axe du Gothard - à l'invitation des conseillers aux Etats uranais et tessinois. Le conseiller fédéral Leuenberger ainsi que le président de la commission W. Loretan (prd, AG) se sont vivement opposés à ces modifications, ne manquant pas de relever qu'elles signifiaient faire table rase de tous les efforts entrepris depuis quatre ans pour redimensionner les NLFA et réduire leurs coûts.
Au chapitre du financement, les sénateurs ont rejeté les différentes propositions faites par la commission à l'encontre de la taxe poids lourd (actuelle et future). Conformément au projet du gouvernement et pour des raisons financières, la majorité de la petite chambre a en effet tenu à ce que la taxe poids lourd forfaitaire soit bel et bien doublée et que l'on affecte non pas la moitié mais les deux tiers du produit de la future taxe kilométrique à la réalisation des différentes infrastructures ferroviaires. Elle a en revanche suivi la commission au sujet de la possibilité de percevoir les différents impôts au maximum 5 ans après 2017, et non pas - à l'instar de ce que désirait le gouvernement - tant que les travaux ne seraient pas achevés.
A la fin des débats, les sénateurs Frick (pdc, SZ) et Loretan (prd, AG) ont proposé de
renvoyer l'ensemble du projet respectivement à la commission et au Conseil fédéral. Les deux représentants bourgeois estimaient en effet que le Conseil des Etats avait failli totalement à la tâche, ce dernier ayant renchéri de plus de 4 milliards de francs le projet par l'ajout des voies d'accès et du raccordement de la Suisse orientale. Nombreux à penser que l'exercice n'avait pas été réussi, les sénateurs ont cependant préféré transmettre le projet en l'état au Conseil national, afin d'éviter des retards trop importants et dans l'espoir que la chambre du peuple apporte les corrections nécessaires
[39].
Le Conseil fédéral a par ailleurs demandé au parlement de libérer la deuxième tranche du crédit concernant les travaux préparatoires au Lötschberg et au Gothard. Selon l'arrêté adopté en 1995 par le parlement, l'exécutif n'était autorisé à utiliser le montant de 645 millions de francs qu'une fois le financement global des NLFA assuré. Ce dernier tardant à être garanti et les 210 millions débloqués en 1995 ne suffisant plus pour poursuivre les attaques intermédiaires des deux galeries, le gouvernement s'est dès lors vu obligé de demander aux deux chambres de revenir sur leur décision et de débloquer les sommes concernées. Selon le Conseil fédéral, l'arrêt des travaux entraînerait un gaspillage important de ressources financières et de savoir-faire. En outre, l'arrêt du percement des puits intermédiaires signifierait un retard sur le projet d'ensemble d'environ 12 mois.
Le gouvernement a également transmis son message relatif à la
convention bilatérale passée avec l'Allemagne. Cet accord vise à garantir que les lignes d'accès aux NLFA sur territoire allemand permettent une utilisation optimale des transversales helvétiques. La convention prévoit notamment d'accroître la capacité de la ligne Karlsruhe-Offenbourg-Bâle - principal accès nord aux NLFA - ainsi que de réduire le temps de parcours des lignes Stuttgart-Zurich et Munich-Zurich
[41].
Pour le financement de Rail 2000 et du raccordement de la Suisse romande au réseau TGV français, voir ci-dessus, NLFA et autres infrastructures ferroviaires.
Douze régions de montagne situées entre le Lac Léman et celui des Quatre-Cantons ont présenté un vaste projet prévoyant de relier différentes lignes ferroviaires privées. Un rail à voie étroite serait notamment posé sur le tronçon Zweisimmen-Interlaken (BE), créant ainsi une
liaison ininterrompue entre Montreux (VD) et Lucerne. Selon les défenseurs du projet, cette ligne posséderait un potentiel touristique très important et pourrait être réalisée à un moindre coût (56 millions de francs)
[42].
Les CFF ont présenté la politique qu'ils entendaient poursuivre en matière de lutte contre le bruit. Principale mesure envisagée, le parc des véhicules sera progressivement entièrement renouvelé. Parallèlement, des parois antibruit seront érigées sur les tronçons pour lesquels le renouvellement du parc ferroviaire n'aura pas été suffisant. Des fenêtres avec isolation acoustique pourraient être également posées sur certaines maisons. Le coût total de ces mesures s'élèvera entre 1,7 et 2,3 milliards de francs. Elles seront financées par les différentes taxes que le Conseil fédéral entend prélever pour financer l'ensemble des grands projets ferroviaires (voir supra)
[43].
Au mois de juin, la direction générale des CFF a annoncé son intention de
réduire, dès 1997, de manière linéaire le salaire du personnel de 2% - voire 4% pour les cadres supérieurs - ainsi que de supprimer l'allocation de renchérissement. Selon les dirigeants de la régie, de telles mesures étaient nécessaires si l'on entendait éviter la suppression d'un nombre important de postes de travail. Réagissant de manière très vive à ces décisions, le Syndicat du personnel des transports (SEV) a déclaré que les employés des CFF n'avaient pas à payer pour les erreurs commises par la direction dans la gestion de l'entreprise. Selon le SEV, le redressement des finances de la régie passait plutôt par des mesures à même de séduire une plus ample clientèle (abaissement du prix de l'abonnement demi-tarif, réduction à 3% de la TVA). Tenant à exprimer l'intensité de son opposition à ces baisses de salaire, le syndicat cheminot a organisé en août une vaste
manifestation réunissant quelque 7000 employés des CFF sur la Place fédérale
[44].
Tenu d'avaliser les propositions de la direction, le Conseil fédéral a donné, dans un premier temps, son accord à une baisse des salaires, réduite toutefois à 1,5%. Dans un second temps, sur proposition du conseil d'administration de la régie,
le gouvernement
a cependant
renoncé à des baisses linéaires. Maintenant la réduction de 50 millions de francs de la masse salariale, il a préféré principalement diminuer de 50 et 10% respectivement les augmentations consécutives à une promotion et les indemnités pour résidence, cette dernière mesure ne s'appliquant pas aux salaires les plus bas. Lors de la discussion du budget 1997 des CFF, le parlement a adopté ces mesures, non sans quelques difficultés (voir infra). Non content du nouveau plan d'économies, le syndicat cheminot a dénoncé ce qui à ses yeux restait un démantèlement inacceptable des salaires. Envisageant de brandir, voire d'utiliser, l'arme de la grève, le SEV n'a en revanche pas obtenu le soutien nécessaire de la part de ses membres: bien que plus de 80% des votants aient donné leur accord pour la grève, la majorité requise - à savoir les deux tiers des ayants droit - n'a pu être atteinte puisque seuls 59% des membres du syndicat ont participé au scrutin
[45].
Selon les
comptes 1996 des CFF, le déficit de la régie fédérale a diminué de 41% par rapport à l'année précédente, passant de 496 à 293 millions de francs (produits: 6,7 milliards de francs; charges: 6,4 milliards). Si le découvert a apparemment diminué après une triste année record, la baisse est en réalité moindre, les CFF ayant puisé dans leurs réserves latentes. Sans cette mesure, le déficit s'élèverait à 416 millions. Les recettes du trafic voyageurs ont diminué de 0,2%, celles du trafic marchandises de 9,7% alors que le trafic international reculait de 4,3%. Pour la première fois, l'apport de la Confédération a perdu de son importance, passant de 2,735 milliards à 2,6 milliards de francs (-5,7%). La part des cantons a pour sa part augmenté de 15 à 212 millions de francs
[46].
Les CFF ont pu présenter cette année un
budget 1997 un peu plus équilibré que les années précédentes. Alors que le déficit budgeté en 1996 était de 263 millions de francs, les CFF sont en effet parvenus, grâce à de multiples mesures, à le ramener à 153 millions de francs (produits: 6,318 milliards de francs; charges: 6,471 milliards). Outre l'amortissement du déficit du bilan ainsi que l'assainissement des engagements de la régie vis-à-vis de sa caisse de pension, la direction générale a décidé notamment de réduire de 1,5% les charges de personnel, cette dernière mesure permettant d'économiser quelque 50 millions de francs (voir supra). Espérant pouvoir poursuivre à l'avenir ce redressement de leurs finances, les CFF estiment possible de ramener en 1998 le déficit à 88 millions de francs et de rentrer dans les chiffres noirs dès 1999. Si au Conseil des Etats, le budget a été facilement adopté, il n'en est pas allé de même au Conseil national où il n'a été approuvé que d'extrême justesse. Un large front hétéroclite - comprenant les députés socialistes, agrariens et ceux du parti de la liberté - s'est en effet opposé à la mouture proposée. Bien évidemment, les raisons de ce refus étaient très diverses: alors que les socialistes voulaient que les économies en matière de personnel soient ramenées à 24 millions, les représentants de l'UDC désiraient pour leur part réduire de 100 millions supplémentaires le déficit budgeté, les ex-automobilistes souhaitant quant à eux que le gouvernement présente un nouveau budget après avoir concentré le trafic des CFF sur les seules lignes rentables. La majorité des conseillers nationaux a estimé cependant que le budget proposé constituait une voie médiane réaliste, éloignée des positions extrémistes défendues par ses détracteurs
[47].
Le Conseil national a par ailleurs transmis un postulat Hämmerle (ps, GR) et un postulat Keller (ds, BL) demandant tous deux que le prix de l'
abonnement demi-tarif soit abaissé, le député grison exigeant plus particulièrement qu'il soit réduit de moitié à titre d'essai pendant deux ans
[48].
Le Conseil fédéral a publié son
message concernant la réforme des chemins de fer. Accueilli globalement positivement lors de la procédure de consultation, le projet du gouvernement vise principalement deux objectifs
[49]: accroître la compétitivité des chemins de fers (publics et privés) et améliorer le rapport coût-bénéfice pour les pouvoirs publics. Afin de mener à bien ces deux objectifs, le texte soumis à l'approbation des deux chambres comprend principalement
trois volets: libre accès au réseau ferroviaire, réforme des CFF et désendettement de ces derniers.
En ce qui concerne le premier aspect de la réforme, le gouvernement propose de reprendre dans ses grandes lignes une directive de l'UE exigeant l'ouverture des réseaux ferroviaires à la concurrence. N'allant pas aussi loin que certains pays (Grande-Bretagne et Suède), le projet de l'exécutif envisage cependant d'autoriser des compagnies étrangères ou des entreprises de transports concessionnaires (ETC) helvétiques à offrir leur prestations dans le domaine du trafic de voyageurs et de marchandises. Outre le fait de devoir remplir certaines exigences techniques notamment en matière de sécurité, les compagnies désirant rouler sur le réseau helvétique (privé et public) devront acheter un sillon horaire en s'acquittant d'une redevance proportionnelle à la longueur et à l'attractivité du tracé demandé. Selon l'exécutif, cette redevance devrait permettre de couvrir pour le moins les coûts marginaux d'utilisation de l'infrastructure. L'Office fédéral des transports (OFT) sera compétent pour adjuger les sillons horaires, une commission indépendante de recours étant cependant prévue pour tout litige concernant notamment le montant de la redevance. L'OFT et la commission de recours devront empêcher que les nouvelles compagnies ne fournissent des offres attrayantes qu'aux heures de pointe. Ils devront également attribuer en priorité des tracés aux compagnies offrant des liaisons avec correspondances ainsi que des horaires cadencés, ceci permettant par ailleurs de privilégier les CFF, obligés de fournir des prestations plus étendues.
Cette libéralisation du secteur des transports ferroviaires ne sera pas sans conséquences sur le fonctionnement interne des entreprises de transports ferroviaires (CFF et ETC). Ces dernières devront en effet établir une comptabilité séparée des secteurs de l'exploitation et de l'infrastructure. En effet, seule une telle séparation comptable permettra de garantir la transparence des coûts nécessaire au calcul du montant de la redevance relative à l'utilisation de l'infrastructure. Les grosses entreprises de transports - et parmi celles-ci, évidemment les CFF - devront pousser la séparation de ces deux secteurs sur le plan de l'organisation également. Outre de permettre une plus grande autonomie de ces deux domaines au sein de chaque entreprise, cette différenciation devrait garantir l'impartialité de l'organe responsable de l'attribution des sillons horaires entre les différentes compagnies.
En ce qui concerne le second volet de la réforme - à savoir la réforme des CFF proprement dite - le projet du Conseil fédéral prévoit principalement, outre la différenciation susmentionnée, de transformer la régie fédérale en société anonyme de droit public. Justifiant cette mesure, le gouvernement a souligné que cette forme juridique permettrait aux CFF de se constituer en personne morale et de jouir par conséquent de l'autonomie suffisante pour faire face à la nouvelle situation de concurrence. Le capital-actions de la future société anonyme devrait rester dans un premier temps dans les mains de la seule Confédération. Dans un second temps cependant, il devrait être possible d'associer au capital des CFF également les cantons, les communes, voire même les particuliers, la Confédération gardant néanmoins la majorité du capital. En ce qui concerne le statut des employés des CFF, le droit applicable au personnel fédéral sera maintenu. Lors de l'entrée en vigueur de la loi actuellement en révision sur le personnel fédéral, les CFF devraient cependant bénéficier d'un assouplissement conséquent des conditions d'engagement et de licenciement ainsi que d'une réglementation des traitements tenant mieux compte des prestations et du marché. Outre ces changements concernant la structure de la régie et le statut du personnel, le texte soumis à l'approbation parlementaire prévoit également une modification des rapports entre la Confédération et l'entreprise. Ces derniers se fonderont désormais sur une convention de prestations que négocieront les deux parties tous les quatre ans. Soumise à l'approbation du parlement, cette convention précisera notamment l'ampleur de l'offre de prestations minimales attendue par les pouvoirs publics en matière de transports et d'infrastructures ainsi qu'un plafond de dépenses à ne pas dépasser. Conformément aux préceptes de la nouvelle gestion publique, les CFF auront toute autonomie pour atteindre les objectifs définis par la convention. Si les CFF devaient ne pas parvenir à réaliser ces derniers dans le cadre du plafond financier fixé, le déficit de l'entreprise ne sera pas automatiquement couvert, à moins que le parlement n'accepte de réviser les limites financières fixées dans le contrat de prestations. Les CFF pourront par ailleurs développer leur champ d'activités au-delà des objectifs convenus par la Confédération, voire proposer des services dépassant les prestations ferroviaires proprement dites. La régie ne pourra cependant se prévaloir d'aucune indemnité pour ce genre de services.
Enfin, au sujet du volet relatif au
plan de refinancement des CFF, le gouvernement propose d'
abandonner grande partie des créances détenues par la Confédération à l'encontre des CFF. Sur le total de 14 milliards de francs, 8 milliards des dettes seront épongés et donnés à la nouvelle SA à titre de capital de départ. Les 6 milliards restants seront maintenus sous forme de prêts à intérêts variables remboursables sous conditions. Justifiant cette mesure, le gouvernement a souligné que l'idée de désendetter l'entreprise avait été admise dans le projet de conception directrice approuvé en 1994 par la plupart des partis politiques et organisations concernées. Il a également relevé que ce désendettement était nécessaire afin de donner une meilleure base de départ aux CFF
[50].
Le Conseil fédéral a par ailleurs décidé de confier l'exploitation et l'entretien de l'infrastructure de la
ligne Schaffhouse-Rorschach (SG), jusqu'alors exploitée par les CFF, à la compagnie privée de chemin de fer de la Mittelthurgaubahn (MThB). Cette dernière devra montrer sur une période de 10 ans qu'elle est mieux à même de gérer la ligne que la régie fédérale. Si tel est le cas, l'expérience pourrait être reconduite, voire étendue à d'autres lignes régionales. Ayant proposé un contre-projet, les CFF ont vivement regretté, de concert avec la Fédération suisse des cheminots, cette décision, contestant que la MThB puisse obtenir de meilleurs résultats
[51].
Les CFF ont vendu
leur part (76%) du capital-actions de la société de transports Cargo Domicile à trois gros transporteurs routiers alémaniques, associés au sein du groupe Transvision. Cette décision de privatiser totalement la société a été justifiée par la direction des CFF eu égard aux pertes que celle-ci n'avait cessé de connaître
[52].
La gestion de Cargo Domicile depuis sa privatisation partielle en 1995 a par ailleurs fait l'objet d'une
enquête de la part d'un groupe de travail composé de membres
des commissions des finances et de gestion du parlement. Soulignant les multiples erreurs de gestion à l'origine de la débâcle, les parlementaires ont notamment dénoncé l'absence de coordination dans l'entreprise entre les différentes sociétés régionales de transports, lesquelles poursuivaient leur propres affaires à leur guise et paralysaient par des conflits d'intérêts le bon fonctionnement de l'entreprise. L'enquête a également révélé qu'un nouveau service informatique avait été introduit avant même que les employés y fussent initiés, manquement qui a créé une situation chaotique à l'origine de la rupture du lien de confiance avec une grande partie de la clientèle. Selon le groupe de travail, le principal responsable de cette situation qui a coûté de janvier 1995 à août 1996 quelque 113 millions de francs à la Confédération est sans aucun doute l'actuel directeur général des CFF, H. P. Fagagnini. Siégeant simultanément dans trois sociétés possédant des intérêts dans Cargo Domicile, ce dernier n'aurait pas effectué sa tâche avec le soin et la loyauté requis. Les parlementaires ont par ailleurs également critiqué la vente à Transvision, l'estimant précipitée eu égard aux prévisions qui font état que Cargo Domicile devrait rentrer dans les chiffres noirs en 1998
[53].
[31]
FF, 1997, II, p. 357 ss.31
[32]
BO CN, 1996, p. 591. Voir également
APS 1995, p. 179.32
[33] Presse du 10.1.96;
Lib., 18.1.96;
NQ, 28.1.96. Voir également
APS 1995, p. 179 ss.33
[34] Presse des 5.5, 15.3 et 26.3.96. Au sujet du financement des NLFA, il est à relever également qu'une initiative populaire "pour le financement d'infrastructures lourdes et durables" a été lancée au mois d'avril par un groupe de particuliers. Visant à éviter tout emprunt ou impôt supplémentaires, l'initiative prévoit d'utiliser les importantes réserves latentes d'or de la Banque nationale pour financer les différentes infrastructures:
FF, 1996, II, p. 270 s.;
NQ, 12.4.96;
JdG, 16.4.96;
24 Heures, 17.4.96.34
[36] Afin de convaincre le CF de ne pas remettre à un futur incertain la construction des rampes d'accès sur la partie tessinoise de l'axe du Gothard, le canton du Tessin a proposé au CF de participer à leur réalisation pour un montant de 300 à 400 millions de francs. Ce montant permettrait de couvrir les intérêts de l'emprunt nécessaire à un tel investissement. Le ministre des transports a refusé de l'intégrer dans son projet: presse des 6.5 et 17.5.96;
24 Heures, 10.5.96;
NZZ, 28.5.96.36
[38] Presse du 23.11.96.38
[39]
BO CN, 1996, p. 1051 ss., 1083 ss. et 1112 ss.39
[41]
FF, 1996, III, p. 392 ss.; presse du 7.9.96. Exprimant également ce souci de garantir une utilisation optimale des NLFA, le CN a par ailleurs transmis un postulat Strahm (ps, BE) invitant le CF à négocier avec l'UE un protocole à l'Accord de transit afin de définir un calendrier contraignant quant aux étapes de l'aménagement de la partie sud du Simplon par les chemins de fer italiens. Le CE a pour sa part rejeté un postulat Schüle (prd, SH) demandant également de négocier un avenant à l'Accord de transit. Le postulant souhaitait lui aussi que l'UE s'engage formellement à une utilisation des NLFA à même de rentabiliser le capital investi:
BO CN, 1996, p. 592 s. (Strahm);
BO CE, 1996, p. 161 (Schüle).41
[42]
NZZ et
24 Heures, 22.5.96;
NQ, 23.5.96.42
[44] Presse des 22.6, 24.6, 28.6 et 9.8.96.44
[45] Presse des 22.8, 25.10 et 31.10.96;
24 Heures, 8.11, 13.11, 4.12 et 14.12.96. A l'instigation des syndicats de la fonction publique, une seconde manifestation a eu lieu en octobre à Berne pour protester contre les baisses de salaires envisagées au sein de la Confédération: cf. également supra, part. I, 1b (Politische Manifestationen).45
[46] CFF,
Rapport de gestion 1996, Berne 1996; presse du 22.2.97. Comptes 1995:
FF, 1996, II, p. 846 ss.;
BO CN, 1996, p. 854 ss.;
BO CE, 1996, p. 549 ss.;
FF, 1996, III, p. 118; presse du 1.3.96. Voir également
APS 1995, p. 185.46
[47]
FF, 1996, V, p. 669 ss.;
BO CN, 1996, p. 2091 ss.;
BO CE, 1996, p. 1012 ss.;
FF, 1997, I, p. 802; presse des 3.12 et 5.12.96.47
[48]
BO CN, 1996, p. 2412.48
[49] Pour un résumé de la procédure de consultation: presse du 30.8.96.49
[50]
FF, 1997, I, p. 853 ss.; presse des 4.6 et 14.11.96. Voir également
APS 1995, p. 185 s.50
[52] Presse des 10.5, 17.5, 1.7, 27.7, 27.8 et 31.8.96.52
[53] Presse du 19.9.96. Suivant une recommandation du groupe de travail parlementaire, le chef du DFTCE a ordonné l'ouverture d'une enquête administrative à l'encontre de H. P. Fagagnini:
JdG et
NZZ, 20.9.96.53
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