Année politique Suisse 1997 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications
 
PTT
A la suite du Conseil national, le Conseil des Etats a approuvé très largement les quatre nouvelles lois relatives à la réforme des secteurs de la poste et des télécommunications. En effet, tant la séparation définitive de la Poste et des Télécom, la refonte de leur statut que la libéralisation des marchés postal et des télécommunications ont rencontré l'aval de sénateurs soucieux notamment d'éviter à la Suisse de ne pas être au diapason de la libéralisation prévue parallèlement au sein de l'Union européenne. Suite à l'approbation du parlement, un comité composé de personnalités issues principalement de la gauche genevoise (Alliance de gauche), opposé à la privatisation des Télécom ainsi qu'à la séparation des deux entreprises, a lancé un quadruple référendum contre les différentes lois. Privé de nombreux soutiens - dont celui de l'Union PTT, de l'USS et du parti socialiste suisse - et, par conséquent, peinant à récolter des signatures, le comité a décidé, durant l'été, d'abandonner son entreprise. Cette décision permettra à la réforme d'entrer en vigueur le 1er janvier 1998, simultanément à la libéralisation prévue au sein de l'UE [59].
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Réforme des PTT
Au sujet du premier volet de la réforme - la révision du statut des deux entreprises - les sénateurs ont approuvé à l'unanimité tant la loi sur l'organisation de la Poste que celle sur l'entreprise de télécommunications. Les deux nouveaux textes législatifs consacrant la séparation définitive des deux entreprises, les sénateurs ont souligné que cette mesure était indispensable afin de faire bénéficier les deux secteurs d'un maximum d'autonomie lors de la libéralisation conduite parallèlement. Certains parlementaires ont également ajouté que l'arrivée de nouveaux concurrents sur le marché des télécommunications signifiera vraisemblablement une baisse importante des marges bénéficiaires des Télécom et que, par conséquent, il était préférable que ces derniers n'aient plus à éponger les éventuels déficits de la Poste, à moins d'accepter de mettre en péril la santé de l'entreprise.
En ce qui concerne plus particulièrement la loi sur l'organisation de la Poste, peu de modifications - et la plupart de détails, voire même uniquement rédactionnelles - furent apportées par les sénateurs. Principale modification d'importance discutée, la proposition de la commission des transports et des télécommunications (CTT) demandant que les objectifs stratégiques soient soumis périodiquement au parlement fut par ailleurs rejetée. Une courte majorité des conseillers aux Etats a en effet estimé que le gain en autonomie de gestion que permettait la nouvelle loi pourrait être remis en cause par une telle disposition et a préféré s'en tenir à la copie du Conseil national qui laisse au Conseil fédéral le soin de fixer les grandes lignes de développement de l'entreprise.
La loi relative à l'entreprise des Télécom n'a elle non plus pas été l'objet de vastes discussions ni de modifications d'importance. Contrairement à ce qui s'était passé au Conseil national, les dispositions prévoyant d'engager le personnel sur la base d'un contrat de droit privé n'ont par exemple suscité aucune contestation, pas même parmi les représentants socialistes. De même, la transformation du statut de l'entreprise en société anonyme ainsi que la future privatisation de son capital a reçu un soutien unanime [60].
Lors de la procédure d'élimination des divergences, la chambre du peuple a facilement avalisé les désaccords de détail introduits par les sénateurs dans les deux textes [61].
Le Conseil des Etats a par ailleurs partiellement transmis une motion de la commission de gestion chargeant l'exécutif de dissoudre le régime de prévoyance professionnelle prévu pour le personnel temporaire de la Poste ainsi que pour celui soumis à des rapports de service de droit privé, ce afin d'intégrer dans la Caisse fédérale de pension (CFP) les assurés concernés. Cette intégration nécessitant une modification des statuts de la CFP, les sénateurs n'ont transmis qu'à titre de postulat la partie de la motion demandant que le Conseil fédéral présente d'ici la fin de l'année son message, ce afin de permettre à ce dernier de remédier en priorité aux multiples autres carences de la CFP dénoncées en 1996 par la commission d'enquête parlementaire [62].
En prévision de la libéralisation de leur marché respectif, les deux entreprises ont entamé de sérieuses réformes de leurs structures internes. Ces mesures de réorganisation entraîneront de nombreuses suppressions de postes [63]. Aux Télécom, ce ne sont pas moins de 4000 postes qui devraient disparaître d'ici 2001 (1100 en 1998) alors qu'à la Poste, elles concerneront quelque 1500 emplois. Selon les directions des deux entreprises, il ne sera procédé à aucun licenciement, mesure d'ailleurs impossible à prendre tant que la réforme du statut du personnel n'a pas eu lieu. Des propositions de retraite anticipée (jusqu'à 55 ans), de réaffectation ou de réduction du temps de travail seront faites aux personnes concernées [64].
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Libéralisation du marché postal
A l'instar des deux lois concernant la restructuration des PTT, la loi sur le marché postal a été adoptée à l'unanimité par le Conseil des Etats. Contrairement à ce qui s'était passé au Conseil national, le caractère somme toute modéré de la libéralisation ne fut remis en cause par aucun des sénateurs. Ainsi, par exemple, la limite de 2 kilogrammes au dessous de laquelle la Poste continuera de jouir du monopole pour le transport des colis n'a soulevé aucune polémique, les conseillers aux Etats partageant l'avis que le maintien de ce monopole était nécessaire si l'on désirait que la Poste puisse financer les prestations qu'elle était légalement tenue d'assurer (service universel). Seule question à faire l'objet de discussions, l'offre de services financiers a suscité la crainte dans les rangs bourgeois de voir la Poste concurrencer le secteur bancaire. Afin de prévenir cette éventualité, les sénateurs ont fait leurs les modifications du Conseil national visant à exclure la possibilité pour l'entreprise publique de développer des activités spécifiquement bancaires. Animés de préoccupations similaires, les représentants des cantons ont en outre adopté, sur proposition de la CTT, une disposition exigeant de la Poste qu'elle dédommage la Confédération pour la garantie que celle-ci lui offre en cas d'insolvabilité. Selon la majorité de la petite chambre, ce dédommagement était justifié puisque la Poste jouissait, grâce à la garantie étatique, d'un avantage certain sur ses concurrents privés [65].
Lors de la procédure d'élimination des divergences, la grande chambre a facilement approuvé les différentes modifications introduites par le Conseil des Etats. Sur la question de la garantie étatique et de son dédommagement, les conseillers nationaux ont en revanche refusé de suivre la petite chambre. Les députés ont en effet estimé que la Confédération recevait d'ores et déjà une contre-partie suffisante sous la forme du bénéfice tiré de ses activités que la Poste est tenue de verser dans la caisse fédérale. Lors d'une seconde lecture, les sénateurs se sont ralliés à l'avis exprimé par la grande chambre [66].
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Libéralisation du marché des télécommunications
Dernier volet du triptyque, la libéralisation du marché des télécommunications a suscité de loin le plus de discussions au sein de la chambre des cantons, même si, au vote sur l'ensemble, les sénateurs ont tous approuvé, à l'exception des représentants socialistes, la nouvelle loi. A l'instar de ce qui s'était passé au Conseil national, ce sont les questions d'ordre social ainsi que celles relatives à la défense des régions périphériques qui ont été au centre de l'attention des conseillers aux Etats. Ainsi, concernant le premier point, les sénateurs ont supprimé, sur proposition de la CTT et malgré l'opposition socialiste, la disposition introduite par la grande chambre exigeant de la part des entreprises concessionnaires qu'elles respectent les pratiques usuelles de la branche en matière de salaires et de conditions de travail. Etant de l'avis que cette exigence obligerait les différents opérateurs à calquer leur politique salariale et sociale sur celle des Télécom, la majorité bourgeoise du Conseil des Etats a craint qu'elle ne repousse les entreprises.
Sur le second point - la défense des régions périphériques - les sénateurs ont eu à examiner une proposition de la commission de n'accorder, en ce qui concerne le service universel, qu'une seule concession obligeant à couvrir l'ensemble du territoire. Selon la CTT, le système alternatif adopté par la grande chambre - diviser le pays en différentes zones et accorder pour chaque région des concessions aux plus offrants - ne pouvait que conduire à une situation prétéritant les régions périphériques, celles-ci étant moins susceptibles, faute d'attractivité, d'attirer des entreprises. Relevant que la proposition de la CTT, défendue par de nombreux socialistes et démocrates-chrétiens, conduirait à consacrer de facto le monopole des Télécom, la majorité de la chambre a préféré s'en tenir à la mouture chère au Conseil national et au gouvernement. Afin de rassurer les représentants des régions de montagne, le conseiller fédéral Leuenberger a par ailleurs souligné que le découpage des différentes zones prendra en compte leurs préoccupations, l'exécutif veillant à ce que les régions les moins intéressantes économiquement soient rattachées à des zones plus rentables.
Outre ces deux questions, les sénateurs ont tenu à exprimer au sujet d'autres dispositions leur souci d'aboutir à une situation véritablement concurrentielle. Ainsi, par exemple, afin d'éviter que les intérêts que possède la Confédération au sein de l'entreprise des Télécom n'interfère avec le rôle de garant du bon fonctionnement du marché que celle-ci devra assumer, le Conseil des Etats a explicité les dispositions relatives à la commission de la communication: les sénateurs ont notamment pris soin de souligner l'indépendance de cet organe chargé de veiller à ce qu'aucun obstacle n'empêche la libre concurrence entre les différents acteurs économiques [67].
Lors de la procédure d'élimination des divergences, le Conseil national a avalisé la plupart des modifications proposées par la chambre des cantons. Seule exception notoire à cette convergence des points de vue, la suppression décidée par les sénateurs de l'obligation pour les employeurs de respecter les pratiques usuelles en matière de salaire n'a pas trouvé grâce auprès des conseillers nationaux. Selon une majorité de députés socialistes et démocrates-chrétiens, il était absurde de mettre en danger les quatre nouvelles lois par une consultation populaire, l'Union PTT n'ayant pas manqué de faire entendre qu'elle lancerait un référendum contre l'ensemble de la réforme en cas de suppression de la disposition concernée. A cette argumentation, certains parlementaires ont même ajouté que le seul report de la réforme impliqué par l'aboutissement du référendum serait très dommageable étant donné qu'il était impératif que celle-ci entre en vigueur au 1er janvier 1998, date de la libéralisation parallèlement prévue sur le marché européen. Devant à nouveau se prononcer sur la question, le chambre des cantons s'est ralliée à la position exprimée par les conseillers nationaux [68].
Contrairement au Tribunal fédéral qui, l'an dernier, avait blanchi la régie, la commission de la concurrence a estimé que l'offre des Télécom en matière d'accès au réseau Internet (Blue Windows) violait la loi sur les cartels, la régie ayant subventionné son offre très attractive - une tarification des communications au prix local pour l'ensemble du pays - grâce aux revenus provenant d'autres secteurs. A titre de mesures provisionnelles, la commission a exigé notamment que la régie tienne une comptabilité séparée pour Blue Windows et qu'elle propose aux autres fournisseurs le même numéro d'accès que celui prévu pour sa propre plate-forme [69].
Saisie d'une seconde affaire concernant les Télécom et ayant trait à la participation de ces derniers au capital du plus grand câble opérateur du pays (Cablecom), la commission a à nouveau estimé que la législation avait été enfreinte. Arguant que cette importante participation pouvait conduire, en contradiction avec la libéralisation à venir, à une situation de monopole privé dans le secteur clé du réseau téléphonique urbain, l'organe de surveillance a recommandé au Conseil fédéral de contraindre les PTT à se défaire de leur part au sein de Cablecom. Ayant à statuer sur la recommandation de la commission, le Conseil fédéral a décidé, en fin d'année et après longue réflexion, de ne pas suivre cette dernière. Rappelant qu'il ne devait pas, à la différence de la commission, examiner la question sous le seul angle de la concurrence, mais prendre en compte également les intérêts généraux du pays, l'exécutif a relevé qu'il n'avait aucune raison de désavantager par rapport aux concurrents internationaux - lesquels ne sont pas soumis à ce genre de restrictions dans leur pays respectif - une entreprise qui occupe quelque 20 000 personnes. Le Conseil fédéral a également ajouté que la Confédération avait, en tant que propriétaire de l'entreprise, un intérêt légitime à tout faire pour que l'entrée en bourse des Télécom se fasse le mieux possible [70].
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Activité commerciale
Les comptes 1997 des PTT ont fait apparaître un bénéfice de 259 millions de francs (chiffre d'affaires: 15,7 milliards), ce malgré des frais liés à la séparation de la Poste et des Télécom s'élevant à 1,293 milliard de francs. L'accroissement du bénéfice par rapport à 1996 est de 9 millions. Pour leur dernière année d'existence commune, tant la Poste que les Télécom ont pu boucler leurs comptes dans les chiffres noirs [71].
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Organisations internationales
Le Conseil fédéral a publié un message relatif à la Convention instituant le Bureau européen des télécommunications (ETO). Selon les termes du message gouvernemental, le parlement est invité à approuver une convention internationale - signée par 43 Etats dans le cadre de la Conférence européenne des Administrations des Postes et des Télécommunications (ECTRA) - visant à donner une assise juridique définitive au jusque là provisoire ETO. Cet organe est chargé d'envisager des solutions à certains problèmes administratifs et techniques rencontrés sur le marché européen des télécommunications. Selon l'exécutif, il est indispensable que la Suisse puisse siéger au sein de cet organe afin de pouvoir défendre ses intérêts à l'échelle européenne [72].
 
[59] Concernant le référendum lancé contre la réforme, voir presse des 5.5, 16.5, 24.5, 23.6 et 24.7.97.59
[60] BO CE, 1997, p. 120 ss.; presse du 7.3.97. Voir également APS 1996, p. 192 ss. M. Leuenberger a fait savoir que la privatisation partielle du capital (49%) pourrait avoir lieu lors du second semestre 1998.60
[61] BO CN, 1997, p. 382 s. et 837 s.; BO CE, 1997, p. 423; FF, 1997, II, p. 1406 ss. (Poste) et 1452 ss. (Télécom).61
[62] BO CE, 1997, p. 503 ss. Voir également APS 1996, p. 35 s.62
[63] Parmi les différents projets de la Poste figurait celui visant à confier à la chaîne de magasins d'alimentation Prima/Vis-à-Vis la charge d'assurer les prestations postales. Indigné par un projet qui, selon eux, faisait disparaître entre 1200 et 1800 offices postaux (sur les 3700 existants), les syndicats, qui n'avaient pas été consultés, ont très vivement réagi. Face à la mobilisation des associations du personnel, la direction de l'entreprise a préféré retirer son projet: 24 Heures, 26.11 et 17.12.97; NQ, 28.11.97.63
[64] Poste: JdG, 8.2.97; NQ, 27.2.97; Lib., 1.4.97; Bund, 30.4.97. Télécom: JdG, 25.3 et 30.9.97; 24 Heures, 25.3.97; Bund, 28.8.97; presse du 24.10.97. Notons encore que Télécom s'appelle désormais Swisscom.64
[65] BO CE, 1997, p. 110 ss.; presse du 7.3.97. Voir également APS 1996, p. 194 s. Dans le cadre de la discussion de la loi sur la poste, le CE a par ailleurs transmis comme postulat une motion CTT invitant le gouvernement à réexaminer les dispositions relatives au subventionnement du transport de la presse. Selon la CTT, le système actuel a ceci de regrettable qu'il distribue les subventions selon le principe de l'arrosoir et ne permet pas de venir en aide aux publications réellement nécessiteuses: BO CE, 1997, p. 118 ss.65
[66] BO CN, 1997, p. 380 ss. et 837; BO CE, 1997, p. 332 ss. et 423; FF, 1997, IV, p. 1397 ss.66
[67] BO CE, 1997, p. 69 ss.; presse des 6.3 et 7.3.97. Voir également APS 1996, p. 195 s. Dans le cadre de la loi sur les télécommunications, les sénateurs ont par ailleurs adopté une recommandation CTT invitant le CF à prendre toutes les mesures afin de garantir la compatibilité (interconnexion) des infrastructures des différents opérateurs, ce dès l'entrée en vigueur prévue de la loi. Selon la majorité de la petite chambre, il est en effet nécessaire de mettre tout en oeuvre afin d'éviter que les clients d'un fournisseur X ne puissent communiquer avec les clients d'un fournisseur Y, faute de compatibilité technique entre les installations des deux opérateurs: BO CE, 1997, p. 109.67
[68] BO CN, 1997, p. 373 ss. et 836; BO CE, 1997, p. 330 ss. et 423; FF, 1997, II, p. 1420 ss.; presse du 21.3.97. Signalons que cette décision de maintenir certaines garanties contre le risque de dumping social a grandement contribué à la décision de l'Union PTT de ne pas soutenir le référendum lancé contre les quatre nouvelles lois: presse du 3.5.97. En ce qui concerne la législation d'exécution de la loi sur les télécommunications, voir presse du 7.10.97.68
[69] NQ, 20.5 et 11.6.97. Voir également APS 1996, p. 196. 69
[70] Presse des 1.2, 23.10 et 2.12.97. Voir également APS 1995, p. 189.70
[71] PTT, Rapport de gestion 1997, Berne 1998; NZZ, 20.3.98. Comptes 1996: BO CN, 1997, p. 1657 ss.; BO CE, 1997, p. 501 ss.; FF, 1997, IV, p. 763 s. Voir également APS 1996, p. 196. En ce qui concerne le budget 1998 de la régie, relevons que celui-ci n'est désormais plus soumis, du fait du nouveau régime, à l'approbation du parlement.71
[72] FF, 1997, IV, p. 1050 ss. Au sujet de l'accord international de libéralisation des marchés des télécommunications nationaux conclu dans le cadre de l'OMC, cf. supra, part. I, 2 (Organisations internationales: OMC). Au sujet du message du CF concernant l'Union postale universelle, voir supra, part. I, 2 (Organisations internationales: Genève, ville internationale).72