Année politique Suisse 1999 : Infrastructure, aménagement, environnement / Energie
Politique énergétique
Au cours de l’année sous revue, la question d’une taxe énergétique a sans nul doute constitué l’élément le plus controversé et le plus complexe des débats parlementaires dans le domaine énergétique. Les partisans (gauche, écologistes, cantons de montagne) et détracteurs (UDC, organisations économiques) de la taxe ont multiplié les interventions pour faire basculer l’opinion des députés en leur faveur. Les deux Chambres ont par ailleurs peiné à trouver un terrain d’entente sur le sujet; une conférence de conciliation a eu finalement raison de leurs désaccords.
En janvier, le
Conseil fédéral, dans une lettre adressée à la Ceate du Conseil des Etats, s’est prononcé sur le projet de taxation énergétique de cette dernière. La Ceate avait proposé en 1998 d’agir en deux étapes: premièrement, une taxe incitative de 0,2 centime par kilowattheure (disposition constitutionnelle transitoire) sur les énergies non renouvelables serait introduite; dans un second temps ce prélèvement se transformerait en taxe financière (norme constitutionnelle fondamentale) dont les recettes serviraient prioritairement à réduire les charges salariales. L’exécutif s’est engagé pour l’introduction rapide d’une telle taxe incitative sur l’énergie comme solution transitoire vers le nouveau régime des finances fédérales et pour faire pièce aux deux initiatives populaires pendantes («énergie-environnement» et «solaire»). Il a soutenu une taxe incitative limitée dans le temps, d’un montant se situant entre 0,2 et 0,3 ct/kWh. Il a toutefois laissé ouverte la question de l’affectation du produit de la taxe, mais n’a pas exclu une indemnisation des investissements non-amortissables (INA) des centrales hydrauliques
[1].
En février,
la Ceate du Conseil des Etats
a publié
son projet d’arrêté fédéral relatif à une taxe d’encouragement
en matière énergétique (ATE) sous la forme d’
une initiative parlementaire, ainsi qu’un rapport. Il s’agit du texte d’application d’une nouvelle disposition transitoire de la Constitution fédérale, contre-projet à l’initiative „solaire“. L’ATE remplace l’arrêté sur une taxe énergétique voté par le Conseil national en 1998. La Ceate a publié ainsi son projet avant l’entrée en vigueur de la disposition constitutionnelle transitoire sur laquelle l’ATE se fonde et également avant son adoption au parlement. Cette procédure spéciale a été décidée pour des motifs de rapidité, le Conseil national ayant déjà adopté son arrêté en 1998. La Ceate a souhaité que l’ATE et le projet de disposition constitutionnelle fassent l’objet d’un traitement conjoint par les Chambres. L’ATE propose de prélever une
taxe incitative d’un montant de 0,2 ct/kWh sur les agents énergétiques non renouvelables. L’importation et la production sur territoire suisse de carburants et de combustibles fossiles et d’électricité seront soumis à la taxe qui pourra être restituée dans certaines cas, notamment lorsque le courant aura été produit par des énergies renouvelables ou pour des entreprises tributaires de grandes quantités d’énergie. Le produit de la taxe permettra des investissements initiaux pour encourager les énergies renouvelables, des travaux d’assainissement énergétique ou d’amélioration de rendement énergétique, ainsi que le maintien et la rénovation des centrales hydrauliques suisses. L’arrêté sera valable jusqu’à l’entrée en vigueur de la disposition constitutionnelle relative à la taxe (voir plus bas), mais au plus tard pendant 15 ans
[2].
Le
Conseil fédéral
a ensuite donné son avis officiel sur l’ensemble du projet énergétique de la Ceate. Concernant la disposition constitutionnelle, le gouvernement souhaiterait pouvoir allouer une partie des recettes au financement des assurances sociales, au lieu de réduire uniquement les charges salariales. L’exécutif s’est déclaré favorable à l’initiative parlementaire de la Ceate (ATE), mais il s’est montré réticent à une indemnisation générale des INA. Une indemnisation dans des cas spécifiques aurait sa préférence, permettant une aide transitoire ponctuelle à l’énergie hydraulique, condition politique à l’ouverture du marché de l’électricité
[3].
A la session de printemps, le Conseil des Etats a traité le projet de taxe sur l’énergie (ATE) et développé les deux articles constitutionnels faisant office respectivement de contre-projets directs aux initiatives «énergie et environnement» et «solaire». Le premier consiste en un article constitutionnel fondamental en vue d’une réforme fiscale écologique, le second en une disposition constitutionnelle transitoire pour une taxe d’incitation de 0,2 ct/kWh.
Premier volet du débat, le contre-projet direct à l’initiative «énergie et environnement» prévoit l’introduction d’une norme fondamentale dans la Constitution permettant de prélever une taxe particulière sur les agents énergétiques non renouvelables. Le produit de la taxe devra décharger les milieux économiques d’une partie des charges salariales annexes obligatoires. La taxe sera fixée en tenant compte de l’effet des différents agents énergétiques sur l’environnement et le climat, ainsi que d’autres taxes déjà imposées à ces agents. Des exceptions sont prévues pour des modes de production nécessitant une grande consommation d’énergie non renouvelable. La taxe devra tenir compte de la capacité concurrentielle de l’économie et sera introduite par étapes. Dans le vote sur l’ensemble, cette nouvelle disposition a été approuvée à l’unanimité. Le Conseil des Etats a recommandé de rejeter l’initiative populaire et d’approuver le contre-projet qui permettrait, dès 2004, de prélever entre 2,5 et 3 milliards de francs par année afin de diminuer les coûts du travail.
Second volet du débat, le contre-projet direct à l’initiative «solaire» se présente sous la forme d’une disposition constitutionnelle transitoire prévoyant l’introduction d’une taxe d’encouragement aux énergies renouvelables. Deux propositions UDC et radicale, demandant de supprimer la nouvelle disposition, ont été rejetées par 24 voix contre 11. La question du montant de la taxe fut au centre des débats. Au sein même des partis, les représentants ne sont pas parvenus à parler d’une voix unique. A l‘UDC, on oscillait entre un rejet et 0,2 ct/kWh; au PRD, entre le rejet, 0,2 et 0,6 ct/kWh; au PDC, entre 0,4 et 0,6 ct/kWh; et au PS entre 0,4 et 0,6 ct/kWh. La majorité de la commission proposa une taxe de 0,2 ct/kWh sur les énergies non renouvelables. Une minorité, essentiellement PDC, souhaita la porter à 0,4 ct/kWh. Les députés Maissen (pdc, GR), puis Bloetzer (pdc, VS) demandèrent 0,6 ct/kWh, craignant qu’avec un niveau trop bas, l’effet d’encouragement soit nul. Les partisans d’une taxe élevée, dont les représentants des cantons de montagne, ont insisté sur la nécessité de soutenir les centrales hydrauliques en vue de l’ouverture prochaine du marché de l’électricité. Ils ont également réclamé une prise en charge des INA. Toutefois, les sénateurs ont préféré une taxe de 0,2 ct/kWh (contre 0,4 ct/kWh), par 25 voix contre 14.
Avec une telle taxe, les revenus ont été estimés à 300 millions de francs en moyenne par année. Elle sera affectée à l’encouragement des énergies renouvelables (solaire, bois, biomasse), au soutien d’une utilisation rationnelle de l’énergie, ainsi qu’au maintien et au renouvellement des centrales hydrauliques indigènes. Au moins un quart du produit ira à chacune des affectations. La taxe d’encouragement sera remplacée par la redevance particulière (norme constitutionnelle), pour autant que le peuple et les cantons l’acceptent. La validité de la taxe a été limitée à fin 2010, avec une prolongation possible de cinq ans minimum, au moyen d’un arrêté fédéral soumis au référendum. Finalement, le délai fixé pour l’examen des initiatives «énergie et environnement» et «solaire» a été prorogé d’une année, soit jusqu’au 20 mars 2000. Au vote sur l’ensemble, les sénateurs ont accepté le contre-projet à l’unanimité.
Après avoir approuvé les dispositions constitutionnelles transitoires, la petite Chambre s’est prononcée sur la législation d’exécution s’y rapportant, soit sur l’
ATE. L’entrée en matière a été décidée sans opposition. La question de l’amortissement des INA a été renvoyée dans le cadre de la loi sur l’ouverture du marché de l’électricité. Les sénateurs se sont conformés en tous points au projet de leur commission. Au vote sur l’ensemble, le projet a été approuvé par 31 voix contre 1
[4]. La Chambre haute n’a pas traité l’ancien arrêté concernant une taxe écologique sur l’énergie (loi sur l’énergie) du Conseil national, ayant proposé et voté son propre projet
[5]. Au cours de la même session, le Conseil national a à son tour accepté de proroger d’une année le délai fixé pour l’examen des initiatives populaires «énergie et environnement» et «solaire»
[6].
Lors de la session d’été, le Conseil national s’est penché sur le paquet énergétique conçu par le Conseil des Etats. Un débat fleuve a précédé l’entrée en matière sur les deux contre-projets directs aux initiatives populaires. Le National s’est finalement rallié à la stratégie en deux étapes mise au point par le Conseil des Etats (taxe d’incitation d’abord, impôt écologique ensuite).
Dans l’examen de détail concernant la norme fondamentale constitutionnelle, les députés ont accepté que le produit de la taxe soit utilisé pour alléger les primes d’assurances sociales obligatoires, par 83 voix contre 64. L’objectif était de réduire les primes de l’assurance-maladie et ainsi de procéder à une redistribution à chaque citoyen, ce que ne permettait pas la version des Etats. Le taux de la taxe sera fixé en fonction de l’efficience énergétique et des autres taxes qui grèvent déjà ces agents énergétiques (les Etats souhaitaient que le taux dépende des effets des agents énergétiques sur l’environnement et le climat). Les représentants du peuple ont fixé, par 95 voix contre 75, un taux maximal de perception de la taxe à 2,0 ct/kWh, malgré une levée de boucliers des socialistes et des Verts qui estimaient qu’une telle limitation allait à l’encontre d’une réelle réforme fiscale écologique. Le PRD et le PDC ont soutenu ce nouvel amendement. Moritz Leuenberger jugea que la limitation contredisait l’effet incitatif de la taxe. Une minorité (UDC et radicale) souhaitait le rejet de l’initiative sans proposer de contre-projet; une autre minorité (PS et Verts) demanda l’approbation de l’initiative populaire. Au vote sur l’ensemble, le contre-projet a finalement été approuvé par 108 voix contre 61.
Concernant les dispositions constitutionnelles transitoires, le cœur du débat fut à nouveau constitué par la hauteur de la taxe. Les conseillers nationaux ont suivi la majorité de la commission en fixant la taxe à 0,6 ct/kWh contre l’avis de minorités préconisant un niveau moins élevé. Les députés ont préféré 0,6 ct/kWh à 0,4 ct/kWh, par 80 voix (majorité socialiste, verte, quelques radicaux et démocrates-chrétiens) contre 44 (majorité démocrate-chrétienne, puis UDC) et 43 abstentions (majorité radicale, puis UDC). Avec 0,6 ct/kWh, la taxe rapportera en moyenne annuelle 900 millions de francs. Des aides financières pour encourager l’utilisation des agents renouvelables et l’utilisation rationnelle de l’énergie pourront être versées à l’étranger. En outre, la durée de validité de la taxe sera limitée à 20 ans. Les députés ont également biffé un article stipulant que l’exécutif pouvait abroger la taxe de soutien avant terme ou la réduire si la situation sur le marché de l’énergie rendait les mesures prévues superflues. Le rejet de l’initiative populaire et l’approbation du contre-projet ont été recommandés par 91 voix contre 64.
Les députés se sont ensuite penchés sur le
texte d’application des dispositions constitutionnelles transitoires (ATE). Ils ont accepté, par 94 voix contre 61, l’entrée en matière contre l’avis d’une minorité de la commission (UDC-PRD). Concernant l’affectation du produit de la taxe, l’énergie éolienne a été introduite dans les énergies renouvelables à encourager, alors que l’énergie à la chaleur ambiante a été supprimée. La Ceate a souhaité, dans certains cas exceptionnels désignés par l’exécutif, que des
prêts puissent être accordés à des centrales hydrauliques suisses ne pouvant pas temporairement amortir leurs INA, en raison de l’ouverture du marché de l’électricité. La Confédération n’accordera une aide financière qu’à partir d’un montant des coûts imputables de 5000 francs (1000 francs pour la version des Etats). Les bénéficiaires de prêts devront fournir des garanties. La Confédération et les cantons adopteront conjointement un programme d’encouragement. En cas de résultat excédentaire, les bénéficiaires d’aides financières ou de prêts pourront être sollicités pour une contribution non remboursable au fonds. Aussi, les prêts et emprunts pour des centrales hydrauliques devront être remboursés au fonds dès que leur situation financière le permettra. La Confédération pourra financer des organisations privées garantes de projets de financement de tiers sous forme de capital initial ou de cautionnements. En outre, elle pourra verser aux cantons des contributions globales annuelles pour soutenir des mesures directes ou indirectes prévues par le programme d’encouragement. Le présent arrêté sera valable au plus tard pendant
20 ans
[7]. Le National a ensuite renoncé à son ancien arrêté concernant une taxe écologique sur l’énergie en raison du nouveau projet proposé par la petite Chambre
[8].
Le projet est retourné au Conseil des Etats lors de la session d’automne. Au sujet de la norme
fondamentale, les sénateurs ont maintenu une ultime divergence: le produit de la taxe sera destiné uniquement à décharger l’économie d’une partie des charges salariales annexes obligatoires.
Concernant les
dispositions constitutionnelles transitoires, les sénateurs ont suivi la minorité de la Ceate en maintenant la taxe à
0,2 centime par kWh, par 22 voix contre 16. La majorité de la commission proposait 0,4 ct/kWh. Ils ont en outre maintenu la durée de validité de la taxe à
fin 2010, retardable de cinq ans. Une troisième divergence a été introduite: l’exécutif pourra prévoir, pour les entreprises grandes consommatrices d’énergie, d’abroger la taxe avant terme ou de la réduire si la situation sur le marché de l’énergie rend superflues les mesures prévues pour encourager l’utilisation des agents renouvelables et l’utilisation rationnelle de l’énergie. Cette proposition Hess (prd, OW) a été acceptée par 20 voix contre 17
[9].
Dans l’
ATE, la Chambre des cantons a procédé à quelques modifications de détail. Puis, les sénateurs ont supprimé l’énergie éolienne des énergies renouvelables à encourager, et ils ont réintroduit l’énergie à chaleur ambiante. Par 19 voix contre 18, la petite Chambre s’est ralliée au National concernant la
possibilité d’accorder des prêts aux propriétaires de centrales hydrauliques temporairement incapables de procéder aux amortissements requis. Ils ont également ramené à 3000 francs le montant minimum des coûts imputables d’un projet pour que la Confédération puisse accorder une aide financière. Ils ont supprimé la disposition stipulant qu’en cas de résultat positif, les bénéficiaires d’aides financières pourront être sollicités pour une contribution non remboursable au fonds. En outre, les contributions globales que la Confédération peut verser aux cantons seront calculées selon l’efficacité des mesures. Les aides financières versées à l’étranger ne seront pas limitées à 60 % des coûts imputables. L’arrêté sera limité au plus tard à
15 ans [10].
A la session d’automne, le
Conseil national s’est à nouveau prononcé sur le paquet énergétique. Dans la norme constitutionnelle fondamentale, il a accepté d’affecter la taxe aux charges salariales annexes obligatoires. Mais il a souhaité une autre forme de restitution pour les personnes ne disposant d’aucun salaire. Concernant les dispositions constitutionnelles transitoires, le National a maintenu la taxe à
0,6 ct/kWh, contre la majorité de la Ceate qui proposait 0,4 ct/kWh, par 85 voix contre 45 et 51 abstentions. La durée de validité de l’arrêté a été maintenue à 20 ans. En outre, les députés se sont ralliés à une proposition initiale des Etats: l’exécutif pourra abroger la taxe de soutien avant terme ou la réduire si la situation sur le marché de l’énergie rendait les mesures prévues superflues
[11]. Concernant l’ATE, l’exécutif pourra prévoir des exceptions en faveur des entreprises grosses consommatrices d’énergie qui n’auraient pas droit à la restitution de la taxe pour des motifs de production de biens utilisant des méthodes tributaires de grandes quantités d’énergie. La possibilité de solliciter les entreprises bénéficiaires pour verser une contribution non remboursable au fonds spécial a été maintenue. Enfin, la validité maximum de l’arrêté est restée à 20 ans
[12].
Par la suite, le
Conseil des Etats n’a cédé ni sur l’utilisation du produit de la taxe, ni sur sa hauteur, soit
0,2 ct/kWh. Il n’a pas bougé non plus sur la limitation du prélèvement de la taxe incitative
[13]. L’ATE prévoit donc une taxe de 0,2 ct/kWh avec un délai maximum de 15 ans
[14].
Lors du dernier round de la navette, le
Conseil national a maintenu sa version concernant l’utilisation du produit de la taxe, par 98 voix contre 62 et selon la proposition de la majorité de la Ceate. Pour le second arrêté, les députés ont accepté de descendre à
0,4 ct/kWh, par 100 voix contre 66. La Chambre basse a proposé une durée de perception de 12 ans avec une possibilité de prolongement de 8 ans (20 ans au total)
[15]. Dans l’ATE, on en reste donc à 0,4 ct/kWh avec une validité de 20 ans
[16].
Les deux Chambres, ne trouvant pas de compromis, ont nécessité une
conférence de conciliation. Celle-ci leur a proposé une taxe énergétique de
0,3 ct/kWh rapportant 450 millions de francs annuellement. Pour la durée de validité de la taxe, la conférence a proposé de se rallier à la version de la petite Chambre (15 ans maximum). Concernant la norme constitutionnelle, le produit de la taxe sera exclusivement utilisé pour alléger les charges salariales annexes. Le Conseil des Etats a accepté une taxe à 0,3 ct/kWh, par 23 voix contre 18; la grande Chambre par 110 voix contre 52. Les conseillers nationaux ont approuvé l’affectation du produit de la taxe, par 122 voix contre 34
[17].
Dans les votes finaux, les Chambres ont adopté l’ensemble du projet. Au Conseil national, les groupes PS et PDC ont soutenu le projet d’ensemble à l’opposé des groupes UDC, PdL, d’une majorité du PRD et des Verts. Ces derniers ont estimé que leur projet de réforme écologique avait été tué dans l’œuf. Le contre-projet à l’initiative «énergie et environnement» a été approuvé par 124 voix contre 59 au National, et par 41 voix contre 3 au Conseil des Etats. Le contre-projet à l’initiative «solaire» a été accepté par 125 voix contre 63 au National, et par 30 voix contre 10 au Conseil des Etats. Finalement, l’ATE a recueilli 123 voix contre 67 à la Chambre basse, et 26 voix contre 19 à la Chambre haute
[18].
Le comité de l’initiative «solaire» a décidé de maintenir son initiative, jugeant le contre-projet du parlement insuffisant. Le comité de l’initiative «énergie et environnement» a demandé au Conseil fédéral de lui accorder un délai de réflexion supplémentaire pour décider de l’éventualité d’un retrait. Les initiants ont souhaité réétudier la situation au début 2000, aux vues des nouvelles connaissances dans le domaine
[19].
Notons que le Conseil fédéral, répondant à deux interpellations, a affirmé sa volonté de maintenir les
redevances hydrauliques. Supprimer ces redevances et leur compensation par une taxe sur l’énergie réduirait la capacité d’autofinancement des collectivités de montagne concernées, tout en accroissant leur dépendance vis-à-vis des transferts de la Confédération, a estimé l’exécutif. Une telle mesure serait contraire au projet de nouvelle péréquation financière entre la Confédération et les cantons et entraînerait une modification de la Constitution fédérale
[20].
Le Conseil national a transmis un postulat Vallender (prd, AR) demandant à l’exécutif, dans le cadre de la mise en œuvre de la loi sur l’énergie, une égalité de traitement entre les
installations de couplage chaleur-force qui utilisent des énergies renouvelables et les usines d’incinération de déchets ménagers. Précisément, la suppression de l’obligation d’un rendement annuel minimum (de 60 à 80 %) pour les installations de couplage chaleur-force a été sollicitée
[21].
Le Conseil national a classé une initiative parlementaire
Steinemann (pdl, SG) qui demandait de supprimer l’obligation d’installer le
décompte individuel des frais de chauffage dans les bâtiments existants. Car cette mesure avait été acceptée dans la loi sur l’énergie adoptée par le parlement en 1998
[22].
L’
Agence internationale de l’énergie (AIE), structure autonome de l’OCDE,
a publié un rapport sur la politique énergétique suisse. Dans ses recommandations, l’AIE pousse la Suisse à ne pas renoncer au nucléaire, estimant que les centrales nucléaires suisses sont bien gérées, qu’elles contribuent de manière importante à la fourniture d’électricité avec une part d’environ 40 %, ainsi qu’à diminuer la part de CO2 dans l’atmosphère. L’AIE encourage la Suisse à diminuer les émissions de polluants à effet de serre et à ouvrir à la concurrence les marchés de l’électricité et du gaz naturel. Elle s’oppose toutefois à l’indemnisation des investissements non amortissables. L’AIE considère que la Suisse a fait de grands efforts pour réduire ses émissions de CO2 dans le cadre du Protocole de Kyoto, mais qu’elle devrait mettre au point un programme d’économie d’énergie, notamment dans les bâtiments, pour pouvoir abaisser de 8 %, par rapport à 1990, les émissions à effet de serre. Il faudrait en outre encourager l’utilisation des transports publics et favoriser les énergies renouvelables. Finalement, l’Agence approuve les taxes sur l’énergie et le CO2, souhaite une suite au programme «Energie 2000», suggère d’abaisser les prix des énergies renouvelables autres qu’hydroélectriques et salue le programme suisse en matière de recherche et de développement sur l’énergie
[23].
L’Académie suisse des sciences techniques (ASST) a publié une étude dans laquelle les chercheurs estiment qu’en améliorant la rentabilité énergétique, il serait possible, par rapport à 1990, de
diminuer la consommation des énergies fossiles en Suisse de 40 % d’ici à 2020. Une diminution de moitié serait même envisageable d’ici au deuxième quart du XXIe siècle, au moyen d’un renchérissement progressif des énergies fossiles. Les prix devraient progressivement et massivement s’adapter aux coûts énergétiques réels à long terme, a estimé l’ASST. Il faudrait tenir compte du potentiel de substitution des énergies renouvelables, en utilisant à fond les techniques innovatrices
[24].
Dans la procédure d’élimination des divergences, le Conseil national n’a pas cédé sur la compétence de l’introduction de la taxe sur le CO2. Il l’a maintenue du ressort des Chambres fédérales, par 91 voix contre 63
[25]. Le Conseil des Etats est revenu sur la question au cours de la session de printemps. Il a également campé sur ses positions en maintenant cette compétence à l’exécutif, par 20 voix contre 18
[26]. A la session d’été, le National ne cédant pas, une
conférence de conciliation a été nécessaire
[27]. Elle a proposé une solution de compromis:
le Conseil fédéral pourra introduire la taxe sur le CO2, si l’objectif de réduction du volume d’émissions n’est pas atteint. Toutefois, l’exécutif devra tenir compte de l’efficacité d’autres taxes sur l’énergie, des mesures adoptées par d’autres Etats, des prix des combustibles et des carburants dans les Etats voisins, de la capacité concurrentielle de l’économie en général et des différents secteurs économiques. Cependant,
le montant de la taxe sera soumis à l’approbation de l’Assemblée fédérale. La Chambre haute a accepté la variante proposée sans discussion, la Chambre basse par 101 voix contre 36. Dans les votes finaux, la Chambre des cantons a accepté le projet par 38 voix contre 1, celle du peuple par 143 voix contre 44 et 7 abstentions. Au National, l’opposition était à majorité UDC, suivie de quelques radicaux et membres du PdL
[28].
Le Conseil national a transmis un
postulat Rechsteiner (ps, BS) demandant à l’exécutif de favoriser une libéralisation anticipée du marché de l’électricité pour les nouvelles formes d’énergies renouvelables. L’exécutif s’est déclaré prêt à accepter le postulat
[29].
Le Conseil fédéral a transmis au parlement son
message concernant la
loi sur le marché de l’électricité (LME). Il rappelle qu’il a décidé, début 1999, de soutenir l’introduction d’une taxe temporaire sur l’énergie et de compenser, de manière limitée, certains cas spécifiques d’INA de centrales hydrauliques. Cette question n’est pas traitée dans la LME. L’exécutif a décidé d’une ouverture sur six ans, alors que l’avant-projet en envisageait neuf. De plus, il a refusé de prévoir une pause de réflexion après six ans, ce qui aurait permis d’estimer la situation au niveau européen. Les exploitants des réseaux devront acheminer sans discrimination le courant des clients autorisés qui le souhaiteront. Pourront avoir accès au réseau, dès l’entrée en vigueur de la loi, les consommateurs dont la demande annuelle dépasse 20 gigawattheures (GWh), soit quelque 110 entreprises. En même temps, les entreprises de distribution auront également accès au marché, cela pour les quantités d’énergie fournies à des clients autorisés, ainsi qu’à hauteur de 10 % de leurs fournitures à des clients captifs. Cette première étape correspondra à une ouverture de 21 % du marché. Après trois ans, le seuil devrait s’abaisser à 10 GWh pour les clients, et la limite imposée aux entreprises distributrices sera relevée à 20 %.
Après six ans, les entreprises de distribution et les consommateurs auront accès au
libre marché sans restriction. Finalement, l’industrie de l’électricité devra instituer
une société suisse pour l’exploitation du réseau de transport. Les exploitants auront trois ans pour convenir d’une solution
[30].
Le président de
l’Union des centrales suisses d’électricité (UCS)
a réagi vivement au message de l’exécutif, jugeant trop rapide le projet de libéralisation en six ans. Toutefois, le conseiller fédéral Leuenberger a relativisé la situation, estimant que le parlement aura besoin au minimum de deux ans pour traiter le projet, si bien que la loi n’entrerait en vigueur qu’en 2002. L’ouverture totale du marché ne devrait donc pas être effective avant 2008. Par la suite, le président de l’UCS a rencontré, avec d’autres acteurs du marché de l’électricité, la Ceate du Conseil national en vue de l’examen du projet de l’exécutif. Le président de l’UCS a réclamé une adaptation au marché européen qui aura en 2007 des degrés d’ouverture divers: 33 % en France, 40 % en Italie, 50 % en Autriche et 100 % en Allemagne. Il souhaiterait que la Suisse ait la possibilité de réorienter sa politique en 2007, en fonction de la situation européenne. Il a également réclamé de régler au niveau de la LME la question des INA des centrales hydrauliques, pour éviter un vide juridique si les taxes énergétiques étaient rejetées en référendum
[31].
En juillet, la
Ceate du National s’est penchée sur le projet de loi de l’exécutif. Dans un premier temps, elle a souhaité attendre l’adoption de la taxe sur l’énergie par les deux Chambres, le projet devant régler la question de l’indemnisation des INA. La Ceate envisageait de laisser cet examen au nouveau parlement, élu en novembre. En septembre, elle est toutefois revenue sur sa décision, car sa remplaçante (nouvelle Ceate) n’aurait pas pu traiter l’objet avant décembre. En novembre, elle a proposé (12 voix contre 11) de lier l’entrée en vigueur de la LME avec l’acceptation populaire de la taxe d’incitation de 0,3 ct/kWh sur les énergies non renouvelables. De plus, elle a accepté l’idée d’une société nationale unique pour l’exploitation du réseau et refusé de traiter la question de l’indemnisation des INA dans la LME. Elle s’est prononcée pour une ouverture progressive sur six ans et pour l’accès immédiat au marché libéralisé des producteurs d’énergies renouvelables et des petites centrales hydrauliques
[32].
Dans ce contexte d’ouverture prochaine du marché suisse de l’électricité et d’ouverture effective du marché européen en février, les
producteurs suisses d’électricité ont accéléré leurs projets de
restructuration et d’
alliances nationales et étrangères. Notamment, quatre compagnies de la partie orientale du pays ont annoncé la mise en commun de leurs propres réseaux de transport au sein de Swissgrid SA. Il s’agit des Forces motrices de la Suisse centrale (CKW), d’Electricité de Laufenburg (EGL), des Forces motrices du Nord-Est de la Suisse (NOK) et des entreprises d’électricité de la ville de Zurich (EWK). Dans un premier temps, la nouvelle société sera chargée de l’exploitation et de l’entretien des réseaux. A terme, elle devrait devenir propriétaire des lignes de transport des quatre partenaires. Ce regroupement des réseaux des compagnies de l’Est fait suite à un processus identique de la part du groupe Ouest qui a constitué la SNG SA (société de réseau suisse) à la fin 1998. Ce groupe comprend Energie Ouest Suisse à Lausanne (EOS), Aar et Tessin SA d’électricité à Olten (Atel) et les Forces motrices bernoises (FMB). Ce sont donc dans les faits deux sociétés régionales de réseaux qui se sont constituées. Le Groupe Ouest s’est déclaré farouchement opposé à l’idée d’une société unique d’exploitation propriétaire des infrastructures, tandis que le Groupe Est a adhéré à cette proposition. Quant à l’Union des centrales suisses d’électricité (UCS), elle a proposé une sorte d’agence de coordination du réseau regroupant les différents propriétaires de réseaux, l’OSCAR (Office suisse de coordination d’accès au réseau) qui serait chargé de la distribution sur une base non discriminatoire
[33].
Le mouvement de regroupement des compagnies électriques s’est encore amplifié en cours d’année. Trois des principaux fournisseurs d’électricité romands, CVE-RE (Compagnie vaudoise d’électricité et Romande Energie), les Entreprises électriques fribourgeoises (EEF) et Electricité neuchâteloise SA (ENSA) ont annoncé une
alliance stratégique visant à développer des produits communs et de nouveaux marchés. La nouvelle alliance pourra compter sur 21 centrales hydroélectriques et 5 centrales thermiques. Toutefois, à terme, aucune fusion n’est envisagée, a déclaré le directeur d’EEF
[34]. En novembre, les NOK ont constitué avec les entreprises électriques cantonales d’Argovie, Zurich, Schaffhouse, Thurgovie, Saint-Gall et des deux Appenzell, une société de vente et de commerce commune du nom d’Axpo. A long terme, elles ambitionnent de fusionner en un consortium d’électricité évoluant sur le marché international. Enfin, les entreprises électriques de 16 villes suisses ont annoncé leur alliance. Une société anonyme commune devrait voir le jour en février 2000
[35].
La Commission de la concurrence a annoncé l’ouverture d’une enquête contre les Forces motrices bernoises (FMB) qui ont refusé à un gros consommateur l’utilisation de leur réseau pour transporter l’électricité. Une plainte a été déposée par Swissmetal et EGL auprès de la Commission de la concurrence. Celle-ci a estimé que les entreprises en situation dominante sur le marché ne devaient pas refuser l’accès à leurs infrastructures. Les FMB ont riposté en déposant plainte auprès de la Commission de recours pour les questions de concurrence, afin d’obtenir l’ouverture d’une enquête sur la Commission de la concurrence, ainsi qu’un arrêt de la procédure
[36].
Le Conseil fédéral a posé les premiers jalons du
programme subséquent d’Energie 2000. L’exécutif a souhaité la mise en place d’objectifs chiffrés, l’encouragement de mesures volontaires s’inscrivant dans une logique économique et finalement le maintien de la formule partenariale et fédéraliste d’Energie 2000. Les mesures volontaires seront renforcées par l’instauration d’agences, par les conventions passées avec des gros consommateurs, selon la loi sur le C02, et par des incitations financières pour l’utilisation rationnelle de l’énergie et le recours aux agents renouvelables, conformément à l’ATE. La consultation du programme auprès des cantons et des principales organisations intéressées a été dans l’ensemble positive. Seules certaines organisations économiques l’ont rejeté, alors que les écologistes ont préconisé une action plus ambitieuse, soutenus par les branches de l’énergie solaire, du bois et des installations du bâtiment
[37].
En 1999, la consommation d’énergie suisse
a augmenté de 1,7 % par rapport à l’année précédente, essentiellement à cause de la croissance économique. Toutefois, les températures plus élevées de 1999 ont atténué cette évolution. La croissance a été plus forte pour les énergies renouvelables que sont le soleil, le vent, le biogaz et la chaleur ambiante (+ 9,6 %), les ventes de carburants d’aviation (+ 6,5 %), de diesel (+ 6,1 %) et d’essence (+ 3,3 %). En revanche, les périodes chaudes ont fait diminuer la demande de combustibles pétroliers (– 2,9 %) et de bois (– 1,6 %); le gaz a poursuivi sa progression (+ 3,9 %). La demande d’électricité a crû de 3,2 %. L’apport des agents renouvelables (force hydraulique comprise) a représenté 16,3 %, contre 15,2 % l’année précédente. Grâce à la tendance à substituer le gaz au mazout pour le chauffage, les rejets de CO2 n’ont augmenté que de 0,8 %
[38].
[1] Presse du 29.01.99. Voir également
APS 1998, p. 166 ss.1
[2]
FF, 1999, p. 3088 ss.2
[3]
FF, 1999, p. 3104 s.3
[4]
BO CE, 1999, p. 109 ss. et 141.4
[5]
BO CE, 1999, p. 151. Voir également
APS 1998, p. 165 s. (loi sur l’énergie).5
[6]
BO CN, 1999, p. 377.6
[7]
BO CN, 1999, p. 845 ss.7
[8]
BO CN, 1999, p. 905.8
[9]
BO CE, 1999, p. 747 ss.9
[10]
BO CE, 1999, p. 761 ss. 10
[11]
BO CN, 1999, p. 1852 ss. 11
[12]
BO CN, 1999, p. 1861 ss. 12
[13]
BO CE, 1999, p. 865 ss. 13
[14]
BO CE, 1999, p. 868. 14
[15]
BO CN, 1999, p. 2018 ss.15
[16]
BO CN, 1999, p. 2023 s.16
[17]
BO CE, 1999, p. 947 s. et 948;
BO CN, 1999, p. 2086 et 2087 s. 17
[18]
BO CE, 1999, p. 993;
BO CN, 1999, p. 2306 s. et 2308;
FF, 1999, p. 7834 ss. (contre-projet à l’initiative énergie et environnement) et p. 7837 ss. (contre-projet à l’initiative solaire). 18
[20]
BO CN, 1999, p. 582 s.;
BO CE, 1999, p. 555 s. 20
[21]
BO CN, 1999, p. 2672. 21
[22]
BO CN, 1999, p. 2502. Cf. aussi
APS 1997, p. 168 (notes) (initiative Steinemann) et
1998, p. 165 s. (loi sur l’énergie). 22
[24] Presse du 24.6.99. 24
[25]
BO CN, 1999, p. 26 ss. Voir également
APS 1998, p. 168 s. 25
[26]
BO CE, 1999, p. 107 s. 26
[27]
BO CN, 1999, p. 1007. 27
[28]
BO CE, 1999, p. 946 s. et 994;
BO CN, 1999, p. 2088 s. et 2309;
FF, 1999, p. 7911 ss. 28
[29]
BO CN, 1999, p. 507. 29
[30]
FF, 1999, p. 6646 ss. Voir également
APS 1998, p. 169 ss. 30
[31] Presse du 8.6.99;
Lib., 6.7.99. 31
[32]
NZZ, 7.7, 8.9 et 24.11.99. 32
[33]
Bund, 8.1.99;
LT, 6.2.99. Voir également
APS 1998, p. 170 s. 33
[34] Presse du 22.6.99;
SHZ, 6.10.99. 34
[35]
NZZ, 25.11.99;
NLZ, 21.12.99. 35
[37] DETEC,
communiqué de presse du 14.6.99. 37
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