Année politique Suisse 2010 : Chronique générale / Défense nationale
Organisation militaire
Le Conseil national a accepté par 142 voix contre 26 une motion de sa CPS chargeant le gouvernement d’étudier systématiquement la possibilité d’
améliorer la capacité énergétique des installations de l’armée en construction ou en rénovation, et d’y intégrer des installations de production d’énergie renouvelable. La commission souhaite de la sorte diminuer la part d’énergies fossiles consommée et si possible vendre une partie de l’énergie ainsi produite. Le Conseil des Etats a décidé de transmettre la motion à l’unanimité
[11].
Le Tribunal fédéral a rendu un arrêt estimant que
l’obligation générale de servir ne contrevient pas à l’interdiction de la discrimination inscrite dans la Convention européenne des droits de l’homme. Des citoyens astreints au service avaient fait recours contre le paiement de la taxe d’exemption car ils considèrent que l’obligation, faite aux hommes seulement, est discriminante
[12].
Le Conseil des Etats a transmis une motion Eichenberger-Walther (plr, AG) demandant au gouvernement de mettre en place des mesures plus exigeantes en matière de
non-recrutement ou d’exclusion de l’armée. Le Conseil national a par contre rejeté son initiative parlementaire visant à mieux repérer les délinquants mineurs lors du recrutement
[13].
Le
Conseil des Etats a adopté tacitement deux motions identiques de Felix Gutzwiller (plr, ZH) et d’Urs Schwaller (pdc, FR) chargeant le Conseil fédéral de présenter un plan de mesures visant à
remédier aux carences observées au sein de l’armée avec les moyens à disposition. Ce plan doit notamment proposer de nouveaux modèles de services militaires plus économiques. Les motionnaires répondent ainsi au chef du DDPS qu’ils accusent de se plaindre de ne pas avoir assez d’argent sans faire de proposition concrète. En mai, le PLR a appuyé cette offensive contre Ueli Maurer en l’accusant de jouer un jeu de provocation et de faire des propositions hâtives au lieu de faire un travail consciencieux. Le
Conseil national a également décidé de transmettre les deux motions
[14].
Au mois d’octobre, après plusieurs reports, le Conseil fédéral a présenté son message concernant le rapport sur l’armée 2010 faisant suite au rapport sur la politique de sécurité (voir supra). Au niveau des principes de base, le gouvernement souhaite maintenir ceux de neutralité, de milice ainsi que d’obligation générale de servir. S’il relève que l’armée a répondu à tous ses engagements, il constate une insuffisance de personnel pour l’instruction de base et l’entretien du matériel ainsi que des problèmes infrastructurels. Il souligne également que le financement est insuffisant et ne correspond plus aux prestations que l’armée doit fournir. Toutefois, il considère comme possible de stabiliser les besoins financiers autours de 4,4 milliards de francs par an et de garantir des finances équilibrées grâce à des économies massives. Le gouvernement a donné une année au DDPS pour faire des propositions de rééquilibrage. Le Conseil fédéral a encore estimé qu’au vu des menaces et des dangers, l’armée doit maintenir le développement de la défense comme compétence clé et collaborer à l’intérieur ainsi qu’à l’extérieur du pays. Aussi, il a jugé pertinent de continuer d’orienter la défense vers une mission de protection globale et d’élever le nombre et la qualité des engagements de promotion de la paix. Du reste, le Conseil fédéral a décidé de diminuer les effectifs à 80 000 soldats. Les troupes consacrées à la défense traditionnelle du territoire doivent ainsi être réduites à 22 000 militaires de réserve opérationnelle, celles de soutien aux autorités civiles à 35 000, et celles assumant des tâches de renseignements, d’aide électronique au commandement et de service de santé à 22 000 spécialistes. Les troupes engagées à l’étranger ont encore été limitées à un maximum de 1000 militaires.
L’UDC a considéré le rapport comme une menace pour la défense nationale. Elle a rejeté le texte et exigé une armée de 120 000 hommes, dont 40% intégrés aux troupes de combat, ainsi que la fin des engagements à l’étranger. Elle a également estimé que l’armée ne doit s’occuper que de défense territoriale et mieux cibler ses moyens. Elle a été soutenue dans ce sens par le groupe Giardino créé par des hauts gradés principalement retraités et proches des thèses de l’UDC. Il s’oppose à la réduction des effectifs et des moyens de l’armée, et envisage de lancer une initiative populaire inscrivant l’armée de milice dans la Constitution. Si les verts ont critiqué le rapport, le PS, le PDC ainsi que le PBD l’ont plutôt bien accueilli tandis que le PLR a un avis partagé. Lors du traitement du rapport en fin d’année, la CPS-CE a exigé unanimement l’élaboration de rapports complémentaires sur les coûts, les structures, les profils de prestations et les priorités d’engagement pour quatre variantes de l’armée comprenant respectivement 60 000, 80 000, 100 000 ou 120 000 militaires. Au demeurant, elle souhaite également un positionnement plus clair au niveau international et l’examen du remplacement des avions de combat.
A la suite de cette publication, Ueli Maurer a présenté un mandat d’économie pour le chef de l’armée proposant de réduire d’un quart le personnel du DDPS, de supprimer un tiers des places d’armes, de réduire le nombre de chars d’assaut et de pièces d’artillerie blindée et de supprimer l’artillerie de forteresse.
[15].
Le GSsA a lancé une initiative populaire «
Oui à l’abrogation du service militaire obligatoire ». Le contexte a été considéré comme favorable au vu des atermoiements de la politique nationale de sécurité et de la publication prochaine du rapport sur l’armée
[16].
Le
Conseil des Etats a transmis un postulat Konrad Graber (udc, LU) qui invite le gouvernement à énumérer les
dysfonctionnements de l’armée qui ne seraient pas supprimés par le rapport sur la sécurité. Il demande également de déterminer les modifications à apporter ainsi que les scenarii permettant à l’armée de remplir sa mission sans augmentation de budget et tout en maintenant l’obligation de servir. Le conseiller aux Etats a effectivement estimé qu’il y a un manque de volonté politique pour résoudre les problèmes rencontrés
[17].
Le
Conseil national a traité du projet de modification de la
loi sur l’armée et l’administration militaire adopté par le Conseil des Etats l’année précédente. Il est entré en matière sans opposition et a modifié le projet. Ainsi, les médecins, les psychologues et les autorités ont la possibilité, et non plus l’obligation, de dénoncer un militaire auprès de l’armée s’il représente potentiellement un danger pour lui-même ou pour des tiers. La chambre basse a également modifié la législation pénale en permettant d’inscrire au casier judiciaire les actes de violences graves commis par des jeunes même si aucune peine privative de liberté n’est prononcée. Une proposition Widmer (ps, BE) visant à supprimer l’obligation de revêtir un grade ou une fonction, une proposition Bartassat (pdc, GE) désirant rendre possible le remplacement des cours de répétition par un congé parental l’année de la naissance d’un enfant et une minorité Allemann (ps, BE) proposant de supprimer la limite de 15% de militaires en service long dans une même classe de recrutement ont été rejetées par respectivement, 97 voix contre 65, 115 voix contre 60 et 120 voix contre 38. Si les deux premières ont été soutenues par la gauche dans son ensemble, la dernière n’a trouvé écho que chez les socialistes. Le
Conseil des Etats a aisément adhéré à la décision du Conseil national. Au
vote final, la chambre basse a adopté le projet par 158 voix contre 2 et 31 abstentions et la chambre haute à l’unanimité
[18].
En mars, le Conseil national a repris les discussions relatives à la motion Hiltpold (plr, GE) sur les
armes à sous-munitions demandant d’introduire une disposition supplémentaire prohibant le financement des armes interdites par la Convention d’Oslo
dans la modification de la loi sur le matériel de guerre (LMG). Cette modification vise à permettre la ratification de ladite convention. Le motionnaire exige encore l’établissement de sanctions pénales en cas d’infraction. Cette motion est strictement identique à celle Maury-Pasquier (ps, GE) déposée en même temps et adoptée par le Conseil des Etats l’année précédente. Le Conseil fédéral a recommandé d’approuver les deux motions. La majorité de la CSP-CN a invité par 13 voix contre 10 au rejet des motions estimant qu’elles sont très difficilement applicables et qu’il y a des risques de délocalisation d’entreprises et donc de perte d’emplois. La chambre du peuple a cependant adopté les deux motions, respectivement par 94 voix contre 59 et par 81 contre 74. Les motions ont été soutenues de manières unanimes par la gauche et en partie par les groupe PLR et PDC, le groupe PLR ayant soutenu quasi unanimement la proposition Hiltpold. En juin, le
Conseil des Etats a décidé de transmettre la motion Hiltpold de manière tacite
[19].
En début d’année, le Conseil fédéral a présenté son message relatif à l’engagement de l’armée lors du
XIIIe
Sommet pour la Francophonie. Le gouvernement a demandé l’approbation du parlement pour l’engagement d’un maximum de 6500 militaires en service d’appui au profit des autorités civiles dans le cadre des mesures de sûreté prises pour la conférence. Le gouvernement vaudois, qui a proposé de participer à l’organisation du sommet, a demandé à ce que la Confédération prenne à sa charge les coûts liés à la sécurité de l’événement. Les montants estimés entrainent un surcoût maximal de 4 millions de francs par rapport à un service d’instruction et de vol usuel. Il est couvert dans le cadre du budget alloué. Le
Conseil des Etats a adopté le projet du Conseil fédéral à l’unanimité. Au
Conseil national, une minorité Voruz (ps, VD) a demandé de limiter le nombre de militaires engagés à 3500. Le député a estimé que les chiffres annoncés par la Confédération sont moins réalistes que ceux du canton de Vaud. Il a également considéré qu’il ne faut pas confondre la sécurité du pays avec la sécurité publique. Si la première est la tâche de la Confédération, la seconde incombe aux cantons et doit être assumée par des policiers professionnels et non par des soldats de milice. La proposition a été rejetée par 99 voix contre 50, seule la gauche l’a soutenue. Au vote d’ensemble, le projet du Conseil fédéral a été adopté par 129 voix contre 15. La thématique est traitée dans la partie I, 2 (Organisations internationales)
[20].
Le DDPS a estimé que les engagements subsidiaires en service de sûreté et de soutien à l’occasion du
Sommet de la Francophonie à Montreux et du
World Economic Forum se sont déroulés sans incidents sérieux. Des maxima de 4400 et 4000 militaires ont été engagés respectivement au profit des autorités civiles du canton de Vaud (voir supra) et de celles du canton des Grisons
[21].
[11]
BO CN, 2010, p. 1116 ss.;
BO CE, 2010, p. 960 ss.
[13]
BO CE, 2010, p. 248;
BO CN, 2010, p. 1124. Voir
APS 2009, p. 88.
[14]
BO CE, 2010, p. 249 ss.;
BO CN, 2010, p. 1270 ss.;
TG, 17.3.10;
LT, 26.5.10.
[15]
FF, 2010, p. 8109 ss.;
NZZ, 25.9, 2.10, 5.10, 6.10 et 20.11.10 (CPS-CE);
LT, 2.10, 11.11 et 23.11.10 (mesures d’économie);
TG, 23.11.10 (mesures d’économie).
[16]
FF, 2010, 4005 ss.;
NZZ, 19.4.10; presse du 6.7.10.
[17]
BO CE, 2010, p. 550 ss.
[18]
BO CN, 2010, p. 237 ss. et 5788;
BO CE, 2010, p. 246 s. et 362. Voir
APS 2009, p. 87 s.
[19]
BO CE, 2010, p. 301 ss.;
BO CN, 2010, p. 736. Voir
APS 2009, p. 88.
[20]
FF, 2010, p. 2173 ss.;
BO CE, 2010, p. 542 s.;
BO CN, 2010, p. 1242 ss.
[21] DDPS,
Communiqué de presse, 31.01 (WEF) et 24.10.10 (Francophonie).
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