En novembre 2023, Albert Rösti a annoncé l'opposition du Conseil fédéral à l'initiative populaire de l'UDC «200 francs ça suffit! (initiative SSR)». Simultanément, il a rendu public la volonté du gouvernement de réduire la redevance à CHF 300 par année, au lieu des CHF 335 actuels, afin de contrer l'initiative populaire. Cette mesure entrerait en vigueur dès 2029, suite à la votation sur l'initiative et à la définition de la nouvelle ordonnance pour la redevance radio-TV. La perte pour la SSR s'élèverait, d'après le ministre, à CHF 170 millions d'ici 2029, forçant le service public à redessiner ses priorités. Il devrait se focaliser sur l’information, la formation et la culture, reléguant le divertissement et le sport au second plan. Ces annonces ont suscité une grande activité médiatique à la fin de l'année 2023.
En octobre, les premiers sondages Tamedia ont annoncé que l'initiative, qui souhaite soulager l'économie, les foyers et les jeunes en réduisant la redevance radio-TV, remporterait les votations. En effet, ces derniers ont annoncé que 61 pour cent des sondé.e.s soutenaient l'initiative de l'UDC. Selon ce sondage, le rejet de l'initiative par les jeunes serait moins important qu'en 2018, lors de la votation sur l'initiative «No Billag», comme l'initiative est moins stricte. Ceci concerne particulièrement les chaînes de radios et télévisions locales qui seraient épargnées par la nouvelle initiative. La SSR et certains acteurs politiques s'y sont opposés. Aussi, Gilles Marchand, directeur général de la SSR, a qualifié l'initiative d'«attaque contre la Suisse», comme a notamment rappelé le Tages Anzeiger du 6 octobre.
Afin de contrer l'initiative, qui aurait des «répercussions importantes sur l’offre journalistique et l’ancrage régional de la SSR», et répondre au cri des initiants, le Conseiller fédéral Rösti a ressorti du placard un plan d’action qui avait déjà été évoqué par Doris Leuthard en 2018. Il souhaite ainsi abaisser la redevance à CHF 300. De plus, Albert Rösti propose de fixer le seuil d'exonération pour les entreprises à CHF 1.2 millions de chiffre d'affaires annuel. Cependant, la proposition du Conseiller fédéral n'a pas fait l'unanimité, ne convaincant ni le spectre politique, ni le comité d'initiative, ce qui laisserait la porte ouverte à l'initiative. Ainsi, le comité d'initiative a regretté que, via la mesure du Conseiller fédéral Rösti, le débat sur le rôle de la SSR soit évité, que les mesures prévues par le Conseil fédéral n'entrent en vigueur qu'en 2029 – après la votation sur la nouvelle redevance – et que les entreprises ne soient pas épargnées. Aussi, Fabio Regazzi (centre, TI), a rejoint le comité d'initiative, quand il était question des entreprises, et a considéré que la proposition de révision du Conseil fédéral était uniquement cosmétique, laissant la charge de la taxe Serafe peser sur les entreprises. Le 5 décembre, un article du Temps a aussi évoqué une décision du tribunal administratif fédéral (TAF) en lien avec la défense des entreprises. En effet, le tribunal a qualifié l'ordonnance d'inconstitutionnelle. Comme, actuellement, la taxe Serafe ne prend pas en compte le bénéfice ou le nombre de salariés d'une entreprise, mais uniquement le chiffre d'affaires, selon les juges, la taxe ne respecte ni l'égalité de traitement ni le principe de capacité contributive. L'article du Temps a illustré cette position en évoquant une entreprise de négoces, devant payer la redevance, malgré des comptes dans le rouge. En effet, ce type d'entreprise génère un chiffre d'affaires élevé, mais les marges étant petites, le bénéfice est lui beaucoup moins important. Le Conseil fédéral doit, selon le tribunal, agir pour «sécuriser le financement des médias en Suisse». A gauche, la socialiste Valérie Piller Carrard (ps, FR) a affirmé que «s'en prendre à la redevance, c'est s'en prendre à la cohésion nationale». Selon son parti, pour des raisons idéologiques, le service public devrait être renforcé pour garantir un «paysage médiatique diversifié». En outre, les syndicats ont critiqué la poursuite de «l'érosion de la diversité et de la qualité des médias suisses».
La SSR craint une perte de financement plus importante que ce qu'a avancé Albert Rösti (CHF 240 millions contre CHF 170 millions). Gilles Marchand a ainsi expliqué cette différence avec les pertes publicitaires que le Conseil fédéral n'aurait pas pris en compte dans ses calculs. En effet, il affirme que suite à la suppression de programmes, engendrée par la diminution de la redevance, les revenus publicitaires diminueront et généreront un phénomène dit de cercle vicieux. Aussi, la pluralité des programmes et des emplois seraient en danger, contrairement à ce qu'Albert Rösti a affirmé. S'opposant aux affirmations du Conseil fédéral, la SSR affirme que les fluctuations naturelles ne permettraient pas d'éviter les licenciements et que 900 postes seraient sur la sellette d'ici à 2027. Actuellement, l'entreprise de service public compte 5'500 postes à plein temps répartis sur 7’000 collaborateurs. Un article du Aargauer Zeitung du 11 novembre a aussi remis en question le chiffre avancé par Albert Rösti, mais dans la direction opposée. D'après l'article, la croissance démographique permettrait plus d'entrées dans les caisses fédérales que ce qu'avance le collège, réduisant les conséquences sur le budget de la SSR.
Pour pimenter un peu les débats, en décembre, la série «Davos 1917», au financement de laquelle la SRF a participé à une hauteur de CHF 7 millions sur les CHF 18 millions totaux, a été lancée. Un article du Sonntagsblick affirmait que pour contrer les critiques des initiants, la série se devait d'être populaire. En effet, elle est à ce jour la série suisse la plus chère produite par la SSR. Comme les initiants ont le divertissement dans le viseur – séries, films et musique –, son échec jouerait grandement contre la SSR qui porte beaucoup de valeur a raconter la Suisse par la Suisse, apportant une touche différente au marché que les productions internationales.
Les débats ne font que commencer et les sondages risquent de fournir des pourcentages différents au fil de la campagne, comme écrit dans le 24H du 6 octobre. Finalement, c'est le peuple qui rendra dans les urnes sa sentence à la SSR.
Dossier: La redevance de radio-télévision des entreprises est soumise aux critiques