Début février, la nouvelle ministre des affaires étrangères a émis l’idée d’organiser une grande conférence humanitaire sur le thème de l’Irak pour la fin du mois. Il ne s’agissait pas d’une offre de médiation de la dernière chance. De plus, cette réunion ne devait pas se dérouler à un niveau ministériel, mais réunir des hauts fonctionnaires. Les conséquences humanitaires et les interventions possibles sur place, en cas de conflit armé, devaient y être discutées. Les pays invités à cette rencontre seraient ceux touchés, directement ou indirectement, par une éventuelle guerre: l’Irak et ses voisins, les Etats-Unis, la Grande–Bretagne et de nombreux membres de l’UE. Les organisations internationales concernées allaient aussi être conviée (HCR et autres agences de l’ONU, CICR…). La ministre des affaires étrangères a informé les parlementaires à l’occasion d’une séance commune des Commissions de politique extérieure des deux conseils (CPE-CN et CPE-CE). Elle n’avait informé ses collègues du gouvernement qu’après la conférence de presse consécutive à son audition par les commissions parlementaires. Au moment de l’annonce à la presse, aucun pays ou organisation concernés n’avaient été contactés. Cela n’a pas manqué de susciter le scepticisme de nombreux observateurs. Il lui a notamment été reproché de faire primer l’effet d’annonce sur l’efficacité diplomatique. Les méthodes utilisées par la conseillère fédérale pour donner une certaine visibilité à la politique étrangère suisse ont fait l’objet de nombreuses critiques. La DDC a été chargée de l’organisation de la conférence humanitaire. Les pays et les organisations concernés se sont déclarés intéressés sur le principe, tout en attendant une invitation officielle pour se prononcer définitivement. Ces invitations ont été envoyées quelques jours après l’annonce de l’organisation de cette réunion. Elles étaient adressées à une trentaine d’Etats (dont les membres permanents du Conseil de sécurité et les voisins de l’Irak) et aux grandes agences humanitaires. Les autorités suisses ont annoncé que l’Irak ne participerait finalement pas à cette réunion. Elles ont justifié cette absence par la nature technique de la conférence (échanges d’informations, coordination international) et la nécessité de ne pas lui donner un contour politique et ainsi la transformer en plate-forme contre la guerre. La ministre des affaires étrangères avait cependant explicitement mentionné l’Irak comme invité potentiel. De nombreux observateurs ont fait état de pressions exercées par certains pays, dont les Etats-Unis, pour empêcher la participation de l’Irak. Les Etats-Unis ont annoncé leur absence de la conférence et leur intention de collaborer avant tout au niveau de l’ONU. La première conférence a eu lieu, à huis clos, à la mi-février. Au terme de la rencontre, le directeur de la DDC, Walter Fust, a estimé que les objectifs avaient été atteints. Les Etats-Unis ont été le seul pays à avoir décliné l’invitation. Ce sont ainsi environ 150 experts, 21 agences humanitaires et 29 gouvernements qui ont participé à cette rencontre humanitaire sur l’Irak. La conseillère fédérale n’avait assisté qu’à l’ouverture des débats pour ensuite s’éclipser, estimant qu’il était essentiel de ne pas donner de contour politique à la réunion. Au-delà de la satisfaction officielle d’usage, les commentateurs ont estimé qu’il était difficile d’en tirer un bilan précis et que peu de résultats concrets avaient été présenté lors de la conférence de presse finale. De plus, un pays comme la France a d’emblée annoncé sa présence comme observateur, ne voulant ainsi pas donner l’impression de ne plus croire à une autre issue que la guerre. Quelques intervenants ont également déploré le fait d’avoir été invités en dernière minute. Les échanges se sont déroulés à relativement bas niveau, dans la mesure ou un seul ministre (le ministre jordanien du plan) a participé aux discussions. Au final, cette première réunion a plus permis des échanges d’opinion que la prise de décisions concrètes. Aucun des acteurs n’avait l’intention de multiplier les mécanismes de coordination. Outre l’accélération de la construction d’un camp de réfugiés en Jordanie, la rencontre a permis la création de groupes de travail. Une deuxième réunion humanitaire, en présence des Américains, s’est tenue au début du mois d’avril. Le thème central a été la création de corridors permettant aux organisations internationales d’avoir accès aux victimes du conflit irakien. Ni la ministre des affaires étrangère, ni le directeur de la DDC n’ont assisté à cette deuxième réunion. Elle a principalement servi de plate-forme de dialogue mais aucune décision n’y a été prise.