Loi fédérale portant sur la modification des mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes responsabilité solidaire (MCF 12.039)

Compte tenu des abus salariaux liés à la libre circulation des personnes et des interventions qui en ont découlé au parlement au fil de l’année 2011, le Conseil fédéral a décidé de prendre les devants en présentant en mars un message relatif à la loi fédérale portant sur la modification des mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes. Le gouvernement a proposé une série de durcissements. Afin de lutter contre l’indépendance fictive des prestataires étrangers, l’introduction d’une obligation de fournir des documents attestant le statut de l’entreprise et de nouveaux dispositifs de sanction ont été envisagés. En outre, le Conseil fédéral a proposé la possibilité de sanctionner les employeurs qui ne respectent pas les salaires minimaux prévus par les contrats-types de travail et d’interdire aux entreprises étrangères d’offrir leurs services en Suisse si elles ne respectent pas les lois. Ces mesures ont fait l’unanimité au sein des Chambres fédérales. Cependant, la question de l’introduction de la responsabilité solidaire a fait l’objet de vives controverses lors des délibérations au parlement. Selon ce principe, l’entreprise contractante et les sous-traitants sont solidairement responsables en cas de non-respect des conditions minimales. Au Conseil national, une courte majorité de 94 voix contre 86 a décidé de séparer cet objet des autres mesures d’accompagnement. Alors que la gauche, le PDC et une partie de PLR s’étaient prononcés en faveur de la responsabilité solidaire pour faire face au dumping salarial, l’UDC et une partie du camp bourgeois s’y sont farouchement opposés en mettant en avant les conséquences négatives pour les PME suisses. Lors de la session d’automne, le Conseil des Etats a décidé, par 22 voix contre 18, d’introduire le principe de la responsabilité solidaire dans le domaine de la construction, du génie civil et du second œuvre. Avalisée par une coalition de la gauche et du PDC, cette mesure a été principalement justifiée par l’objectif d’atténuer les inquiétudes suscitée par la libre circulation des personnes. A la grande satisfaction des syndicats et contre l’avis des associations patronales de l’économie en général et du bâtiment en particulier, le Conseil national s’est finalement rallié, par 115 voix contre 74, à la position du Conseil des Etats en décembre de l’année sous revue.

la responsabilité solidaire renforcée

Au 15 juillet, le Conseil fédéral a mis en vigueur la responsabilité solidaire renforcée dans le domaine de la construction. Le parlement avait, dans le but de lutter contre l’indépendance fictive des prestataires étrangers, adopté cette mesure au cours de l’année passée. La mise en œuvre a été inscrite dans l’ordonnance sur les travailleurs détachés. Sous la houlette du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO), un groupe d’experts, composé de représentants du secteur de la construction, des partenaires sociaux et des cantons, a élaboré un projet qui précise notamment les documents que les sous-traitants sont obligés de fournir afin de garantir le respect des conditions de travail en général et salariales en particulier par les entreprises. Le Conseil fédéral a approuvé le texte à la fin du mois de juin.

Rapport sur l’efficacité de la responsabilité solidaire de l’entrepreneur contractant dans la construction.

Le Conseil fédéral a approuvé le rapport d’évaluation sur l’efficacité de la responsabilité solidaire de l’entrepreneur contractant dans la construction. Il répond ainsi à la demande de l'Assemblée fédérale, de lui soumettre un rapport à ce sujet, cinq ans après son entrée en vigueur en juillet 2013. En décembre 2012, l’Assemblée fédérale avait statué en faveur d’un renforcement de la responsabilité solidaire de l’entrepreneur contractant en cas de non-respect des conditions minimales de salaire et de travail par ses sous-traitants. Dès lors, un entrepreneur est responsable civilement lorsqu’un sous-traitant ne respecte pas les conditions de salaire et de travail en vigueur. Si le respect des conditions est prouvé lors de la réattribution des travaux, l’entrepreneur peut s’exonérer de sa responsabilité. D’après le rapport, la réglementation joue un rôle préventif. Elle a rendu les entrepreneurs contractants plus prudents dans le choix de leurs sous-traitants. De plus, la majorité des entreprises interrogées vérifieraient le respect des conditions par les sous-traitants lors de la réattribution de travaux. Ainsi, les objectifs fixés par le Parlement ont été atteints. Le Conseil fédéral recommande de conserver la réglementation. Il invite également les associations du secteur de la construction à davantage informer leurs membres de cette réglementation.

Sous-traitance vers l'étranger, modification de la Loi sur les travailleurs détachés (Iv.pa.18.419)

Dossier: Propositions de modification de la loi sur les travailleurs détachés (LDét)

Carlo Sommaruga (ps, GE) demande la modification de la Loi sur les travailleurs détachés (LDét) pour une réelle mise en œuvre de la responsabilité solidaire des entreprises. L'entrepreneuse ou l'entrepreneur devrait répondre solidairement au non-respect des conditions de travail de ses sous-traitants, qu'importe si ces derniers ont été préalablement poursuivis ou ne peuvent être poursuivis. Actuellement, il faut que la procédure contre l'entreprise dans le pays d'origine de la travailleuse ou du travailleur ait été engagée sans succès, pour que l'entrepreneuse ou l'entrepreneur soit traduit en justice. Le parlementaire aimerait que les travailleurs détachés puissent directement saisir la justice en Suisse à l'encontre de l'entrepreneuse ou l'entrepreneur contractant, pour leur garantir une procédure correcte.
Lors du passage en commission, la CER-CN décide de ne pas donner suite par 17 voix contre 6 et 2 abstentions. Partageant l'avis du conseiller national, elle n'est pas d'accord avec l'approche de la modification de la loi proposée. Une minorité souligne la nécessité de prendre des mesures en la matière. L'initiative parlementaire passera au Conseil national.

Le Conseil national a décidé de ne pas donner suite, par 99 voix contre 61 et 4 abstentions, à l’initiative parlementaire visant la modification de loi sur les travailleurs détachés (LDét) pour une meilleure mise en œuvre de la responsabilité solidaire des entreprises. Lors des débats, Carlo Sommaruga (ps, GE) a reconnu que sa proposition n'était «pas forcément la solution idéale ni celle qu'il faudrait retenir à la fin». La minorité de la CER-CN a renoncé à s'exprimer. Seuls les Verts et les socialistes voulaient y donner suite.

Modification de la LDét afin d'étendre le champ d'application de la responsabilité solidaire (Iv.pa 19.423)

Dossier: Propositions de modification de la loi sur les travailleurs détachés (LDét)

Beat Jans (ps, BS) demande d'étendre le champ d'application de la responsabilité solidaire au secteur tertiaire. Il reprend l'une des initiatives parlementaires déposées par Carlo Sommaruga (ps, GE) sur le sujet. Tout comme les entreprises contractantes des secteurs de la construction, du génie civil et du second œuvre, celles du secteur tertiaire devraient répondre civilement du non-respect par les sous-traitants des salaires minimaux nets et des conditions de travail. La modification de l'article 5 LDét permettrait ainsi, dans ce secteur, de protéger les conditions de travail, les salaires et les entreprises contre la concurrence déloyale.
La CER-CN propose, par 16 voix contre 8, de rejeter l'initiative parlementaire. Peu de conventions collectives de travail (CCT) réglementent le secteur tertiaire. De plus, il dispose rarement de salaires minimaux. Pour la majorité des membres de la commission, l'extension de la responsabilité solidaire resterait donc sans effet. En revanche, une minorité estime que la disposition pourrait exercer un effet préventif contre le dumping salarial.

Par 113 voix contre 71, le Conseil national – tout comme la majorité de la CER-CN – a refusé d'étendre le champ d'application de la responsabilité solidaire au secteur tertiaire. Seuls les socialistes, les Verts et quelques voix du centre ont supporté la demande de Beat Jans (ps, BS).