Le bilan économique 1984 atteste une nouvelle érosion de l'emploi encore que ce repli du marché du travail soit toutefois moins marqué que celui de l'exercice précédent. Si le nombre moyen des chômeurs s'était accru de près de 100 pour cent en 1983, une progression supplémentaire de 25.8 pour cent a été enregistrée en 1984. Au-delà des fluctuations saisonnières, il passe ainsi de 27'980 à 35'185 pour se répartir entre 31'061 chômeurs complets et 3'124 personnes partiellement sans emploi. Contrairement aux quatre dernières années, la situation sur le marché du travail à temps partiel s'est donc améliorée, bénéficiant de la reprise conjoncturelle de la demande. En revanche et pour la deuxième année consécutive, le secteur tertiaire n'a pu résorber l'hémorragie des licenciements intervenus principalement dans les branches de la construction, de l'horlogerie, des machines et de la métallurgie. Cette évolution constitue par ailleurs l'un des facteurs explicatifs de l'accroissement du chômage complet observé en 1984. Comparé à l'effectif de la population active, la proportion la plus élevée des sans-emploi a été recensée dans les cantons du Jura (2.9 %), de Neuchâtel (2.8 %), de Bâle-Ville (2.7 %) et du Tessin (2.1 %). Enfin, pour l'ensemble de la Suisse, le taux de chômage s'est élevé à 1.1 pour cent (1983: 0.9 %).
La part des femmes au chômage total a augmenté, passant de 39.9 pour cent en 1983 à 44 pour cent en 1984. En 1984, en moyenne des quatre relevés effectués en janvier, avril, juillet et octobre, 25.3 pour cent des chômeurs avaient moins de 25 ans (26.6 % en 1983). Le nombre moyen de places vacantes, répertorié auprès des offices du travail, a suivi une progression presque identique à la courbe de la demande avec une augmentation annuelle de 28 pour cent. L'OFIAMT a par ailleurs précisé que le niveau du chômage à fin janvier, niveau jamais atteint depuis la seconde guerre mondiale, était attribuable avant tout à l'entrée en vigueur (au 1er janvier) de la nouvelle loi sur l'assurance-chômage ainsi qu'à une modification de la statistique du chômage. Pour la première fois en 1984, celle-ci a incorporé dans ses calculs l'évolution du nombre des personnes partiellement sans emploi.
Conscient de la situation préoccupante des personnes sans emploi, dont le droit aux prestations de l'assurance-chômage arrive à terme, le Conseil fédéral a usé à deux reprises de sa compétence pour élever le nombre maximum des indemnités journalières de l'assurance. Ainsi, pour les salariés des régions jugées économiquement menacées, il a étendu ce droit de 85 à 170 jours par année et supprimé le principe contesté de la dégressivité des allocations. Il a également porté à 250 le nombre d'indemnités que pourront désormais percevoir les chômeurs d'un certain âge ou handicapés, ayant cotisé pendant au moins six mois. Les différents comités régionaux de chômage, notamment ceux des villes de Bâle, de Genève et de l'arc horloger, avaient revendiqué une amélioration durable pour toutes les victimes des mutations économiques et technologiques en cours. Ils ont donc déploré le caractère partiel de ces concessions. Du point de vue gouvernemental, le redressement conjoncturel ne motivait pas un relèvement généralisé des prestations, mais justifiait toutes les mesures dites préventives, prévues par la nouvelle loi, pour la réinsertion des chômeurs. Le groupe parlementaire socialiste a toutefois exprimé la déception des laissés-pour-compte en déposant une motion au Conseil national. Elle propose divers remèdes, principalement pour venir en aide aux chômeurs ayant épuisé leurs droits à l'indemnisation.
Les différences enregistrées dans l'évolution de l'emploi selon les régions, les catégories professionnelles et les secteurs économiques caractérisent la persistance de problèmes structurels, contribuant pour une bonne part à la détérioration progressive du marché du travail. Pour tenter d'enrayer les effets de ce processus, le parlement a approuvé – nous l'avons exposé ailleurs – l'extension des moyens d'actions, proposée par le Conseil fédéral en 1983 en faveur des régions de montagne et de zones particulièrement touchées par la récession. Essentiellement dirigé vers un réaménagement de l'infrastructure régionale et l'octroi d'une aide appropriée dans les domaines de l'innovation et de la diversification, ce plan d'intervention devrait accélérer les restructurations et par là même dynamiser la création de postes de travail.
Le Conseil national a de son côté accepté un postulat de Silvio Bircher (ps, AG) (Po. 82.507) sollicitant à nouveau du gouvernement qu'il améliore les données statistiques du chômage et la recherche sur la situaiton de l'emploi. Pour le conseiller national Werner Carobbio (psa, TI) (Mo. 82.574), la vague des licenciements et l'introduction toujours plus fréquente des horaires réduits nécessiteraient un contrôle étatique du marché du travail plus soutenu, notamment la possiblité d'obliger les employeurs à annoncer les postes vacants. Jugée pour l'essentiel trop contraignante; cette motion a en revanche été repoussée.