A l'occasion de l'élection du Grand Conseil tessinois de 2023, un nouveau record de candidatures a été atteint. En effet, 924 noms ont été couchés sur 14 listes, 190 de plus que lors des précédentes élections cantonales en 2019: jamais les 90 sièges du législatif tessinois n'avaient été aussi prisés. Avec un ratio de plus de dix candidatures par siège, cela pourrait même constituer un record au niveau suisse, a estimé le politologue de l'université de Lausanne Oscar Mazzoleni. Parmi les 14 listes, 8 étaient complètes. Questionné sur les raisons sous-jacentes à ce record de candidatures, Oscar Mazzoleni a relevé que des mouvements minoritaires qui peinaient habituellement à rassembler des candidat.e.s ont cette fois-ci présenté des listes complètes. En 2023, «des personnalités qui n'ont pas forcément une expérience au parlement ont lancé des listes, avec un succès étonnant», en se positionnant sur des thèmes d'actualité, notamment liés au marché du travail et aux mesures adoptées durant la pandémie. C'était notamment le cas de deux listes qui apparaissaient pour la première fois dans le microcosme politique du sud des Alpes. D'une part, le mouvement HelvEthica était issu des milieux hostiles aux mesures sanitaires adoptées par les autorités durant la pandémie de Covid-19. D'autre part, des anciens membres du PS se sont présentés sous la bannière Avanti après avoir quitté le bateau socialiste. Des divergences sur les candidatures à présenter pour le Conseil d'Etat étaient la cause de cette scission. Avanti a fait liste commune avec Ticino & Lavoro, se positionnant fortement sur les problématiques du marché du travail.
Alors que les partis gouvernementaux avaient déjà connu un affaiblissement lors des élections cantonales de 2019, les observateurs et observatrices de la politique tessinoise s'attendaient à voir la fragmentation augmenter encore au sein du législatif cantonal. Dans la presse, des commentaires ont relevé que des dossiers importants n'avançaient pas en raison de cette fragmentation, qui rend plus compliquée la recherche de compromis. S'est donc posée la question d'introduire un quorum, comme dans le canton de Genève, afin de rendre plus difficile l'accès au législatif pour les petits partis. Cependant, cela sonnait comme une fausse bonne idée aux oreilles de l'éditorialiste Gianni Righinetti, qui a argué dans le Corriere del Ticino qu'un quorum serait anachronique face à la nécessité de respecter les choix de l'électorat, et non de les contourner.
Parmi les 924 candidatures, 40% étaient féminines, avec la liste Più Donne qui présentait à elle seule 56 candidates. En 2019, le mouvement exclusivement féminin avait obtenu deux sièges, dans un parlement qui comptait, pour rappel, 31 femmes lors de la législature écoulée.
La participation s'est élevée à 56% lors de l'élection. Les prévisions concernant la fragmentation du parlement se sont concrétisées, 12 listes obtenant au moins un strapontin. Avec 21 sièges, le PLR reste le premier parti du canton, mais perd quand même deux sièges (23.8%, -1.5pp par rapport à 2019). En conservant ses 16 sièges, le Centre profite des déboires de la Lega pour devenir la deuxième force du parlement. L'ex-PPD est le seul des partis gouvernementaux à ne pas essuyer de pertes (17.5%, -0.1pp). Entre la Lega et l'UDC, le système des vases communicants se poursuit, le flux allant toujours dans le même sens: comme en 2019, la ligue des tessinois perd quatre sièges et n'en a plus que 14 (15.0%, -4.9pp). Déçu de ne pas avoir pu accrocher un siège au gouvernement, l'UDC compense avec ses deux sièges supplémentaires au parlement (9 sièges, 10.3%, +3.5pp). Le parti en avait déjà grappillé deux en 2019. Ces transferts de voix entre les deux partis de toute façon proches idéologiquement ont notamment été attribués à la visibilité acquise par l'UDC avec son sénateur et président du parti au niveau suisse Marco Chiesa. Simultanément, la Lega n'endosse plus le rôle de parti d'opposition qu'elle avait à ses débuts en 1991. Avec deux conseillers d'Etat, le parti hostile aux frontaliers fait désormais partie de l'establishment au niveau cantonal. De l'autre côté de l'échiquier politique, le PS et les Vert-e-s reculent. Avec 13.3 pourcent des suffrages (-1.2pp), les socialistes lâchent un siège pour s'établir à 12, alors que les Vert-e-s en perdent aussi un pour n'en garder que 5 (5.4%, -1.2pp). Ainsi, la gauche est particulièrement dispersée: le MPS (1.7%, -0.7pp) et le parti communiste - POP (1.9%, +0.7pp) obtiennent deux sièges chacun (-1 pour le MPS). «L'exploit», dixit le Corriere del Ticino, vient d'Avanti con Ticino & Lavoro. Pour sa première participation, le mouvement récolte trois sièges, au détriment des socialistes en particulier (3.7%). Avec 2.0% des scrutins (-0.1pp), Più Donne conserve ses 2 sièges. Comme Avanti con Ticino & Lavoro, deux autres partis font leur entrée au Grand Conseil. HelvEthica obtient 2 sièges (2.3%), tout comme le PVL (1.6%, +0.6pp). Enfin, les listes Dignità ai pensionati (0.8%) et Movimento MontagnaViva (0.8%) ne récoltent pas de siège. Le parlement tessinois nouvellement constitué compte 29 femmes dans ses rangs. 34 parlementaires siégeront pour la première fois au sein du législatif cantonal, qui travaillera avec un gouvernement dont la composition partisane n'a pas changé.
Dossier: Kantonale Parlamentswahlen 2023