Année politique Suisse 1990 : Bildung, Kultur und Medien / Bildung und Forschung
Hautes écoles
L'Assemblée fédérale a définitivement
accepté la création, au sein du Département fédéral de l'intérieur (DFI), d'un groupement de la science et de la recherche, les dernières divergences entre les deux chambres ayant été éliminées. La principale d'entre elles résidait dans l'organisation même du groupement. Alors que le Conseil des Etats estimait cette dernière de la seule compétence de l'exécutif fédéral, celui du peuple décidait de la définir et soumettait la formation de cette entité à la condition d'une séparation structurelle et personnelle entre ses fonctions directrices et celles des hautes écoles. Le gouvernement s'étant rallié à la position défendue par la grande chambre, le Conseil des Etats ne maintint pas son attitude initiale. Il transmit également, par 21 voix contre 20, une motion de la commission de la science du Conseil national demandant que le directeur de cet organisme puisse porter, lors de ses déplacements à l'étranger, le titre de
secrétaire d'Etat. Cette acceptation se fit à l'encontre de la volonté du Conseil fédéral, qui estima prématuré une extension du nombre des secrétaires d'Etat
[19]. Le directeur de ce nouveau groupement est Heinrich Ursprung, auparavant président du Conseil des écoles polytechniques
[20].
Dans le cadre du second train de mesures pour une nouvelle répartition des tâches entre la Confédération et les cantons, la commission de la science et de la recherche du Conseil national a débuté son examen de la révision totale de la
loi fédérale sur l'aide aux universités. Elle a approuvé, dans ce contexte, les propositions du DFI relatives à une intervention additionnelle de la Confédération dans le domaine du
logement des étudiants, répondant en cela aux demandes pressantes des milieux estudiantins, notamment de l'Union nationale des étudiants de Suisse (UNES). En 1989, le Conseil des Etats s'était prononcé, à une faible majorité, contre une telle intercession
[21]. La commission de la chambre basse a, par ailleurs, salué la précision du cahier des charges de la Conférence universitaire suisse (CUS) apportée par les sénateurs et a décidé d'une représentation appropriée de toutes les catégories de personnes fréquentant les universités au sein de la CUS
[22]
.
Selon le Conseil suisse de la science, un
besoin en professeurs se fera sentir entre 1990 et 2000 puisque plus de 700 retraites surviendront lors de cette période. Afin de contribuer à la relève universitaire, la Conférence universitaire romande (CUR) a proposé un certain nombre de mesures, dont la diminution de la durée des doctorats et la non-fragmentation des postes d'assistants. Egalement préoccupés par ce problème, le député Auer (prd, BL) et le sénateur Iten (pdc, NW) ont déposé deux motions similaires, demandant des suggestions en la matière
[23]
.
La contribution peut-être la plus notable à la relève universitaire réside dans les mesures envisagées par le Conseil fédéral au titre de la
promotion de la mobilité et de la coopération internationale en matière d'enseignement supérieur, déjà adoptées, sans opposition, par le Conseil des Etats. Ce programme se décompose en trois volets
[24]
.
Le premier a trait à la ratification de cinq
conventions du
Conseil de l'Europe, élaborées dès 1953, et de celle de l'UNESCO, datant de 1979. Ces textes ont pour but la libre circulation des universitaires en Europe et visent à coordonner les aspects formels de ces déplacements
[25]
. En vertu de la souveraineté cantonale en matière d'éducation, de l'autonomie universitaire, de l'absence de réglementation intercantonale quant à la reconnaissance réciproque des études, des capacités d'accueil limitées ainsi que de la proportion déjà élevée d'étudiants étrangers dans les hautes écoles helvétiques, ces dernières, comme les cantons universitaires et le Conseil des écoles polytechniques, se prononcèrent, jusqu'en 1988, contre la ratification de ces six textes. Cette position changea cette année-là, sous l'influence probable de la pression européenne. Si toutes les autorités académiques sont donc désormais favorables à une telle adhésion, la CDIP et la Conférence universitaire suisse (CUS) ont néanmoins demandé à la Confédération d'émettre une réserve permettant de garantir les compétences cantonales en matière d'éducation et de bourses.
Le second volet de ces mesures concerne la
participation de la Suisse aux programmes de la Communauté européenne (CE) portant sur la mobilité et la coopération en matière d'enseignement supérieur. Actuellement, seuls 4% d'étudiants helvétiques sont inscrits dans des établissements supérieurs étrangers
[26]
. Les raisons d'un tel statisme sont à chercher dans des motifs d'ordre personnel et familial, mais aussi dans les frais supplémentaires engendrés par un séjour à l'étranger, le problème du logement, le manque de reconnaissance des prestations d'étude et des diplômes ainsi que dans les difficultés à obtenir des renseignements pratiques. Afin de corriger cet état de fait, le Conseil fédéral souhaite voir la Suisse participer aux programmes communautaires encourageant la mobilité européenne des étudiants, plus spécifiquement à ERASMUS (European Action Scheme for the Mobility of University Students). Les négociations à ce sujet ont été entamées en décembre avec la CE, celle-ci s'étant toujours refusée, jusqu'à maintenant, à ouvrir ERASME aux pays de I'AELE
[27]. Cependant, ce second axe comporte également la participation de la Suisse à d'autres projets communautaires tels que LINGUA, portant sur l'enseignement des langues, et ceux relatifs aux échanges de jeunes ("Jeunesse pour l'Europe" ainsi que PETRA, destiné plus particulièrement aux jeunes travailleurs). Pour l'ensemble de ces mesures, le gouvernement sollicite un crédit d'engagement de 52 millions de francs, lequel comprend aussi un certain nombre de bourses pour les Suisses désirant étudier dans des institutions européennes d'enseignement supérieur tels le Collège de l'Europe à Brugges (B) et l'Institut européen de Florence (I).
Le troisème axe de ces propositions est relatif à
l'encouragment de la mobilité des étudiants
en Suisse même. A l'heure actuelle, 2% des étudiants alémaniques fréquentent une université romande et 8% de romands sont inscrits dans une haute école de Suisse allemande. En décembre 1989, la Conférence des recteurs des universités suisses adopta une convention à ce sujet, permettant à un étudiant, dès 1990, de commencer ses études dans une université et de les poursuivre dans une autre sans perdre de semestre et en conservant les droits acquis à la suite d'examens . Le gouvernement entend soutenir ce mouvement en encourageant, au sein des Ecoles polytechniques fédérales (EPF), l'introduction d'un système d'unités capitalisables. Il souhaite aussi pouvoir libérer des fonds afin, notamment, de financer 900 bourses pour les déplacements en Suisse, d'encourager la mobilité des enseignants ainsi que des assistants et de développer l'information à ce sujet. A ce propos, le Conseil fédéral demande un crédit de 15 millions de francs réparti sur cinq ans, de 1991 à 1995
[28].
En mars, un accord a été signé avec la Communauté européenne concernant la participation de la Suisse au programme COMETT II (formation en technologie)
[29].
Lors du semestre d'hiver 1990/91, le
nombre total des étudiants en Suisse s'est élevé à près de 86 000, soit une croissance de 3% par rapport à 1989/90. Le nombre des nouveaux immatriculés a augmenté de 4% par rapport à l'an passé, pour se chiffrer à 16 000. L'Université de Fribourg a connu la plus forte progression (+9%), alors que celles de Saint-Gall et de Zurich ont enregistré, pour la première fois, une diminution de leurs effectifs
[30].
Le problème de la
durée des études semble se poser avec de plus en plus d'acuité en Suisse et préoccupe nombre de milieux. Selon l'Office fédéral de la statistique, la longueur moyenne des études était, en 1988, de 11,3 semestres et l'âge des étudiants à la fin de leur cursus de 27-28 ans. Ces données agrégées ne doivent cependant pas occulter les différences existant entre les régions et les facultés. En effet, la durée des études en Romandie et dans les deux EPF est, en général, de six mois à une année plus courte qu'en Suisse alémanique. Toutefois, la tendance globale est à une augmentation de la durée de la formation, en raison de la propension croissante à faire des cycles postgrades, des pauses sabbatiques prises par de plus en plus de jeunes avant de débuter le cursus supérieur et du nombre grandissant d'étudiants travaillant à côté de leurs études. Les remèdes proposés vont d'une scolarisation plus précoce à l'éducation permanente au niveau universitaire, en passant par une limitation à douze ans de la durée de l'école jusqu'à la maturité
[31]. '
L'Institut universitaire d'études européennes (IUEE), créé en 1963 par .Denis de Rougemont à Genve, a connu un certain nombre de péripétes en 1990. La crise éclata lorsque le corps professoral demanda la démission Ou directeur nommé en 1989, Peter Tschopp, invoquant son autoritarisme et son absence de connaissances au niveau européen. Suite à cette prise de position, les enseignants virent, dans un premier temps, leurs contrats de travail ne pas être renouvelés après le 31 septembre 1991. En raison des tensions régnant à l'IUEE, Peter Tschopp démissionna effectivement en juin. Le Conseil de fondation, désireux d'assurer la rentrée universitaire 1990/91, réengagea les professeurs par des mandats à plus court terme. Cependant, l'avenir de cet institut demeure, à fin 1990, très incertain puisqu'il est soumis à une évaluation et que sa gestion, à titre temporaire, est assurée par le rectorat de l'Université
[32]
. Le Conseil national a, par ailleurs, transmis sous forme de postulat une motion Pini (prd, TI) demandant un soutien financier accru de la Confédération au Centre européen de la culture, deuxième institution fondée à Genève par D. de Rougemont
[33]
.
L'Université de Zurich a élaboré, dans son plan de développement 1991-1995, un catalogue de mesures afin d'encourager la présence des
femmes en son sein. Il comporte trois grandes lignes: la destruction des barrières existantes, la motivation des femmes pour la carrière universitaire et l'encouragement actif de la nouvelle
génération académique féminine
[34]. Des initiatives similaires ont été présentées par l'Université de Genève, qui espère ainsi pouvoir concurrencer un projet de loi actuellement à l'étude
[35]
. Elles mentionnent notamment le principe du choix préférentiel ainsi que des suggestions permettant de tenir compte des années consacrées par les femmes à l'éducation de leurs enfants
[36]
. Le rapport final publié dans le cadre de l'Alma mater bernoise propose, afin de corriger la sous-représentation féminine, une réglementation par quota ainsi que la création d'un poste pour la promotion de la femme à l'Université. Ce dernier souhait a été concrétisé, la haute école bernoise faisant oeuvre, en cela, de pionnière en Suisse
[37]
.
La
Conférence universitaire suisse a sollicité, pour la prochaine période académique 1992-1995, un crédit de 1983 millions de francs de subventions de base ainsi que 540 millions de francs de subsides d'investissements. Ces sommes devraient permettre d'augmenter de 3% par an, en termes réels, les moyens financiers des universités, afin qu'elles puissent procéder au renouvellement du corps professoral ainsi que des équipements et faire face aux nouveaux défis que constitue notamment l'intégration europénne
[38]
. Elle demande également que la Confédération octroie un soutien pécuniaire extraordinaire de 120 millions de francs, répartis sur six ans, à la recherche en informatique, afin de combler le retard pris par la Suisse dans ce domaine
[39]
.
En septembre,
les universités romandes et
les hautes écoles de la région Rhône-Alpes ont signé une convention de collaboration impliquant une organisation commune du troisième cycle (doctorat), une reconnaissance mutuelle des acquis correspondant aux études effectuées, la création d'instituts conjoints ainsi que la réalisation de projets scientifiques et de réseaux de banques de données
[40]
.
La commission de la science et de la recherche du Conseil national a accepté la nouvelle
loi sur les EPF mais a introduit un certain nombre de modifications par rapport au projet adopté par le Conseil des Etats en 1989. Ainsi, elle propose de renoncer au niveau hiérarchique de la direction du domaine des EPF et à l'assemblée de ce même domaine. Afin d'anticiper les critiques qui s'ensuivraient relatives à la représentation des différents groupes fréquentant les établissements polytechniques, la commission suggère de renforcer le droit de participation dans le cadre de l'assemblée des hautes écoles. Elle prévoit, pour le Conseil des EPF, une direction partagée entre un président l'exerçant en tant que fonction subsidiaire et un délégué
[41].
Le Conseil des Etats a accepté, à l'unanimité, les
projets de construction des EPF et de leurs établissements annexes, devisés à près de 334 millions de francs. De ce crédit, 35,8% sont dévolus à 1'EPFL (119,4 millions) qui, dans le cadre de la cinquième phase de la deuxième étape de son transfert à Ecublens (VD), doit construire et étendre son centre de recherche en physique des plasmas, bâtir un édifice dévolu à l'enseignement et aux services ainsi qu'aménager des ouvrages d'infrastructures. L'EPFZ se voit attribuer 4,7% du crédit total (15,8 millions), afin d'acquérir un terrain nécessaire à sa future extension et de subventionner la Fondation pour le logement des étudiants. A l'heure actuelle, I'EPFZ ne peut abriter, à prix modéré, qu'1,8% de ces derniers. L'Institut Paul-Scherrer reçoit 17,4% des subventions fédérales (58,155 millions), notamment pour l'édification de plusieurs laboratoires devant lui permettre de développer sa recherche non-nucléaire. En réponse à une remarque du sénateur Onken (ps, TG), F. Cotti précisa qu'il serait irresponsable, à l'heure actuelle, de comprimer davantage ce type de recherche. Le laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherches (EMPA) devant être transféré dans de nouveaux locaux situés à la périphérie de la ville de Saint-Gall, il se voit doté de 28% des fonds fédéraux (93,6 millions). Enfin, 14% de la somme totale sont attribués à l'institut fédéral pour l'aménagement, l'épuration et la protection des eaux (EA-WAG), pour la construction de nouveaux bâtiments et de laboratoires
[42]
.
[19] BO CE, 1990, p. 1 ss. et 275 s.; BO CN, 1990, p. 760. Cf. aussi APS 1989, p. 231.
[20] TA, 12.2.90; L'Hebdo, 20.9.90.
[21] BO CN, 1990, p. 1798 ss. Cf. APS 1989, p. 231 s.
[22] Rapp. gest. 1990, p. 154 ss.; NZZ, 14.9. et 21.11.90.
[23] CUR: 24 Heures, 9.I.90. Motions: Délib. Ass. féd., 1990, IV, p. 66 et 150.
[24] FF, 1990, III, p. 1015 ss.; BO CE, 1990, p. 926 ss.
[25] Les conventions du Conseil de l'Europe ont trait à l'équivalence des diplômes donnant accès aux hautes écoles et des périodes d'études, à la reconnaissance académique des qualifications universitaires, au maintien du paiement des bourses aux étudiants poursuivant leurs études à l'étranger ainsi qu'à l'équivalence générale des périodes d'études universitaires. La convention de l'UNESCO permet la reconnaissance des études et des diplômes relatifs à l'enseignement supérieur dans les Etats de la région Europe (c'est-à-dire les pays d'Europe occidentale, plus les Etats-Unis et le Japon notamment).
[26] Sur les 4 400 étudiants suisses inscrits à l'étranger (statistiques 1989 de l'UNESCO), seuls 2 800 sont considérés comme "mobiles" par l'Office fédéral de la statistique. Parmi eux, un sur trois effectue des études postgrades: Office fédéral de la statistique, La mobilité des étudiant(e)s, Berne 1990; SHZ, 23.8.90.
[27] Ces négociations ont abouti en 1991.
[28] FF, 1990, III, p. 1015 ss.; Presse du 10.1. et du 18.9.90; 24 Heures et NZZ, 5.5.90. Cf. APS 1989, p. 232 s.
[29] Rapp. gest. 1990, p. 154 ss.
[30] Cette décroissance serait liée au fait que les examens de maturité ont désormais lieu en janvier. Pour les chiffres, cf.: Office fédéral de la statistique, "Etudiants des hautes écoles suisses 1990/91 ", in Info à la carte, Berne 1991.
[32] Presse des 8.2., 21.2., 1.3., 9.3. et 8.6.90; JdG, 10.10.90; NZZ, 12.2. et 8.6.90.; L'Hebdo, 15.2. et 18.10.90; DP, 988, 22.3.90.
[33] BO CN, 1990, p. 1252 s. Le Centre européen de la culture partage ses locaux avec l'IUEE.
[35] Cf. APS 1989, p. 232.
[37] Bund, 23.3.90; TW, 23.3. et 2.6.90.
[40] JdG, 13.7.90; Suisse, 28.9.90.
[41] NZZ, 23.2., 10.5. et 14.9.90. Cf. aussi APS 1989, p. 233.
[42] FF, 1990, II, p. 1549 ss.; BO CE, 1990, p. 750 ss.; NZZ, 28.8.90; Vr, 2.10.90.
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