Année politique Suisse 1988 : Politique sociale
Population et travail
Le peuple a nettement rejeté l'initiative de I'USS en faveur de la réduction de la durée du temps de travail. – Le renouvellement des conventions collectives de travail dans les arts graphiques et dans l'hôtellerie a donné lieu à d'âpres négociations entre partenaires sociaux. – Suite à l'approbation par les Chambres fédérales de la révision du code des obligations, les syndicats chrétiens ont retiré leur initiative pour la protection contre les licenciements.
Mouvement démographique
La population résidante permanente de la Suisse a progressé de 0,8% en 1988 pour atteindre 6 617 700 personnes. Cet accroissement résulte d'une part d'un excédent du nombre des naissances de 19 700 personnes et, d'autre part, d'un gain migratoire de 31 300 unités. Parallèlement à la reprise de la natalité, amorcée il y a quelques années déjà, on a assisté à un regain d'intérêt à l'égard de l'institution du mariage (45 300 mariages célébrés en 1988, soit une progression de 5,2%). Pour les démographes, ces deux phénomènes ne traduiraient pas un renversement durable des tendances observées ces deux dernières décennies (notamment une baisse du taux de fécondité), mais seraient selon toute vraisemblance imputables au baby boom des années soixante
[1].
Malgré la hausse du taux de natalité, le
vieillissement de la population suisse se poursuit inexorablement. Les proportions entre les différentes classes d'âges continuent de se modifier au bénéfice des personnes les plus âgées. Quant à la perte d'importance des jeunes et des adultes actifs, elle se confirme elle aussi. La tranche des 0 à 19 ans est passée de 31% en 1970 à 23,8% en 1988. Evolution inverse pour les 20 à 64 ans qui étaient plus fortement représentés en 1988 (61,7%) qu'en 1970 (57,5%). La part des personnes âgées de 65 ans et plus est passée de 11,5% à 14,5%. A l'instar des autres pays industrialisés, cette évolution de la structure de la pyramide des âges va entraîner des bouleversements d'ordre politique, social et économique. En terme de marché du travail, la pénurie de main-d'oeuvre se fera sentir d'une façon encore plus aiguë et la productivité du facteur travail s'en trouvera affectée. Avec l'augmentation du nombre des travailleurs âgés se posera également le problème de la mobilité sur le marché du travail et celui du degré d'adaptation d'une population vieillissante au progrès technologique
[2].
Marché de l'emploi
Si l'économie suisse peut se targuer de connaître un taux de chômage parmi les plus faibles des pays industrialisés, elle souffre cependant d'une pénurie de travailleurs qualifiés. Dans un marché de l'emploi caractérisé par un déséquilibre entre une demande dépassant l'offre de personnel, les nouveaux postes de travail créés ne peuvent souvent être occupés que grâce au recours à la main-d'oeuvre étrangère, notamment frontalière, et grâce au relèvement du taux d'activité des femmes. La stagnation, voire la régression, de l'offre de main-d'oeuvre a conduit de nombreux responsables des milieux économiques et politiques à s'interroger sur la capacité de notre pays à faire face aux défis du Marché unique européen. Pour remédier de façon durable aux déséquilibres, ils préconisent un développement des possibilités de perfectionnement et de recyclage professionnels ainsi qu'un accueil plus sélectif des travailleurs étrangers et, partant, une compression des besoins de main-d'oeuvre non qualifiée. Ils exhortent par conséquent les pouvoirs publics à s'efforcer de réserver les permis de travail à des étrangers hautement qualifiés
[3].
En 1988, le
nombre des personnes occupées a augmenté globalement de 1,2% par rapport à l'année précédente. Cela signifie que 37 000 nouveaux postes de travail ont été créés. Amorcée il y a quelques années déjà, la tendance à l'accroissement de la demande d'emplois à temps partiel s'est confirmée. Si en 1982 seuls 12,5% des salariés travaillaient à temps partiel, ce taux s'est élevé à 16,1% en 1988. La part des personnes engagées selon ce mode de travail dépend fortement du type d'activité économique, s'échelonnant entre 2,6% dans le secteur de la construction et 44,1 dans celui de l'enseignement et de la recherche. Si le travail à .temps partiel semble bénéficier actuellement d'un certain intérêt auprès de la population active, il présente néanmoins une insécurité matérielle plus grande et offre des conditions de travail moins satisfaisantes qu'un emploi à temps complet
[4].
Temps de travail
Déposée en 1984 par l'Union syndicale suisse (USS), l'initiative pour la réduction de la durée du temps de travail a été repoussée par le souverain. En effet, c'est par 1 475 536 non contre 769 264 oui qu'il a signifié son refus de voir progressivement entrer en vigueur la semaine de 40 heures. Le peuple a ainsi suivi les recommandations du Conseil fédéral et des Chambres qui avaient proposé le rejet d'une initiative qui visait à abaisser par étapes la durée hebdomadaire du travail à 40 heures, sans diminution de salaire, et entendait faire bénéficier les travailleurs d'une partie de l'accroissement de la productivité dû au progrès technique, tout en créant les conditions du plein emploi
[5].
Initiative pour la réduction de la durée du temps de travail. Votation du 4 décembre 1988
Participation: 52,9%
Non: 1 475 536 (65,7%) / 21 cantons
Oui: 769 264 (34,3%) / 2 cantons (JU et TI)
Mots d'ordre:
Non: PRD, PDC*, UDC, PLS, PEP; Vorort, UCAP, USAM, USP.
Oui: PSS, PES, POCH, PdT, PSO, Alliance Verte; USS, CSCS.
Liberté de vote: AdI*, AN', PA; Association suisse des employés.
Recommandations différentes des partis cantonaux
A l'instar de celle du Conseil des Etats en 1987, la majorité bourgeoise du Conseil national, soutenue pour l'occasion par les indépendants et certains écologistes, a invoqué des motifs économiques et juridiques traditionnels pour justifier son opposition à l'initiative. Elle a davantage stigmatisé la forme, à savoir l'ancrage constitutionnel, que le fond, c'est-à-dire la réduction de la durée du temps de travail. L'argument le plus fréquemment avancé par les opposants avait trait aux conventions collectives de travail. En effet, selon eux, une réglementation de la durée du travail par la Constitution et la loi les viderait de leur substance. Mais les partisans de l'initiative ont réfuté cette affirmation en relevant que les conventions collectives ne se limitent pas à la seule réglementation de la durée du travail. Les représentants de la droite ont fustigé en particulier la formulation de l'initiative jugée trop rigide et empêchant, selon eux, tout aménagement ultérieur du temps de travail et des loisirs. Et ceux-ci de poursuivre en insistant sur le fait que toute réglementation légale serait incompatible avec les conditions différentes qui règnent d'une branche économique à une autre.
Quant aux partis de gauche, ils ont tenu à souligner l'esprit de l'initiative qui, selon eux, marque un tournant en matière de priorités sociales. Ils ont défendu le principe suivant lequel la généralisation de la semaine de 40 heures s'inscrit dans l'objectif de protection de la santé des travailleurs et permet de réparer certaines injustices liées à la durée du travail entre différents secteurs d'activité. Aux prévisions alarmistes de la droite quant à l'aptitude de l'économie suisse à faire face à la concurrence étrangère en cas de succès de l'initiative, la gauche a souligné que la Suisse, avec une moyenne de 42,5 heures de travail hebdomadaire, accusait un retard en comparaison avec ses voisins européens. Et d'ajouter que les secteurs les plus exposés à la concurrence, la chimie et l'horlogerie, connaissent déjà la semaine de 40 heures sans pour autant constater une baisse de compétitivité. Finalement le Conseil national a recommandé le rejet de l'initiative par 115 voix contre 51
[6].
Les associations économiques se sont penchées presque exclusivement sur l'analyse et l'évaluation d'une réduction du temps de travail sous l'angle des coûts salariaux. Une diminution du temps de travail imposée par la Constitution représenterait, selon elles, des coûts supplémentaires pour des branches économiques qui éprouvent déjà des difficultés à maintenir leur capacité concurrentielle et affaiblirait l'économie suisse au niveau de sa compétitivité. Elles ont également ajouté que nombre d'entreprises et secteurs économiques ont déjà introduit la semaine de 40 heures ou le feront dans les années à venir. D'une façon générale, tant le patronat que la droite politique ont stigmatisé l'intervention du législateur dans un domaine qu'ils considèrent comme du ressort des partenaires sociaux
[7].
Pour les syndicats, l'initiative visait à protéger la santé physique, psychique et social du travailleur qui, selon eux, est de plus en plus exposé aux maladies et aux accidents du travail. Ils cherchaient également à diffuser dans l'ensemble de l'économie les acquis des négociations collectives obtenus dans certaines branches
[8].
Le rejet par plus de 65% des votants de l'initiative pour la semaine de 40 heures nous rappelle s'il en était besoin, l'attachement presque mythique que porte une majorité de Suisses à la valeur travail. Ce sont principalement des arguments d'ordre économique qui ont motivé leur choix. En effet, nombre d'entre eux ont ressenti l'initiative comme une menace pour la prospérité économique de la Suisse. D'autres ont étayé leur refus en estimant que la réglementation légale de la durée du travail constituait une atteinte grave au système de partenariat social en se substituant aux conventions collectives. Quant aux citoyens ayant apporté leur soutien à l'initiative, ils ont été d'avis qu'une réduction de la durée du travail aurait eu des répercussions individuelles positives, comme une amélioration de la qualité de vie ou une baisse du surmenage, aurait permis de favoriser une restructuration sociale et d'atteindre un équilibre entre les divers secteurs économiques. L'analyse Vox a également démontré que l'attitude des votants à l'égard de l'initiative s'est caractérisée par une polarisation partisane et que les mots d'ordre des partis ont été largement suivis, tant à gauche qu'à droite
[9].
Tant les associations patronales que les syndicats s'accordent à reconnaître que l'aménagement du temps de travail correspond aux désirs de nombreux travailleurs souhaitant bénéficier de
l'horaire variable. Toutefois les avis divergent lorsqu'il s'agit de lui donner un contenu. Si les premières lui apportent un large soutien car elles considèrent la flexibilité comme indispensable pour faire face aux défis économiques du vingtième siècle, les seconds se montrent plus partagés et la conçoivent d'abord sous l'angle de la santé et de la promotion de la qualité de vie. Aux appels en faveur de davantage de flexibilité lancés par les employeurs, les organisations de salariés répondent en exigeant des garanties liées à la légalité, à la sécurité et à la santé du travailleur. Dans ce registre, on peut mentionner qu'après de longues négociations, les partenaires sociaux de la branche de l'industrie de la métallurgie et des machines ont convenu d'une nouvelle convention collective qui instaure justement l'horaire de travail variable
[10].
Le Fonds national suisse de la recherche scientifique a présenté deux études réalisées dans le cadre du programme de recherche no 15 "Vie au travail: humanisation et développement technologique" qui entendent justement faire le point sur la question de l'aménagement du temps de travail. De ce programme, il ressort que la flexibilité peut revêtir différentes formes, comme le travail à temps partiel, le prolongement du congé maternité, le travail en équipes la nuit ou le week-end et qu'elle s'adresse en priorité aux femmes et aux jeunes travailleurs. Les auteurs du rapport ont constaté que les horaires actuels ne correspondent plus aux besoins des entreprises. En effet, devant une concurrence toujours plus effrénée, elles ont besoin de davantage de souplesse pour adapter leur production à une demande fluctuante. Il leur faut, de surcroît, rentabiliser des investissements considérables, ce qui exige une exploitation continue du capital
[11].
Salaires
Les salaires ont augmenté de 3,4% en valeur nominale entre octobre 1987 et octobre 1988. Quant au salaire moyen, il s'établit à 3903 francs. Compte tenu du renchérissement de 1,8%, la hausse nominale se traduit en termes réels par une progression de 1,7%. Cette accélération de croissance par rapport à 1987, année où la hausse en valeur réelle se situait à 0,4%, est imputable selon l'OFIAMT à la bonne conjoncture économique, à la pénurie de main-d'oeuvre et à la hausse de l'inflation. La branche de la construction a connu l'augmentation la plus nette avec 4,3%
[12].
Conventions collectives de travail (CCT)
Une nouvelle convention collective de travail (CCT) dans
l'industrie de la métallurgie et des machines a été ratifiée, sans grand enthousiasme, par l'Association patronale suisse des constructeurs de machines et industriels en métallurgie (ASM) et par les syndicats dont faisaient partie entre autres la FTMH et la Fédération chrétienne des ouvriers sur métaux. Pour la première fois, il y a un accord unique qui s'applique aussi bien aux ouvriers qu'aux employés. La FTMH militait depuis longtemps en faveur d'une signature conjointe de la CCT, ce que les organisations d'employés avaient refusé à maintes reprises. Les syndicats se sont déclarés particulièrement satisfaits de cette extension. En raison des restructurations dans le monde du travail, le nombre de personnes occupées dans les bureaux tend à augmenter tandis que celui des personnes oeuvrant dans les ateliers tend à diminuer, contribuant ainsi à affaiblir les syndicats qui se heurtent déjà à certains problèmes de recrutement. La CCT s'applique aussi aux employés à temps partiel qui travaillent plus de douze heures par semaine et aux auxiliaires engagés pour plus de trois mois. Pour l'essentiel, la nouvelle CCT prévoit le libre passage intégral en ce qui concerne les contributions du deuxième pilier ainsi qu'une réglementation sur la flexibilité de la durée de travail. En effet, elle offre la possibilité de déroger à la durée normale de travail dans les limites de 35 à 45 heures par semaine, la durée hebdomadaire devant toutefois atteindre les 40 heures en moyenneannuelle
[13].
Loin de faire l'unanimité, la nouvelle convention a été l'objet d'oppositions au sein de l'association patronale et des syndicats. Au centre des controverses, la durée des vacances. Aux syndicats qui revendiquaient une semaine de vacances supplémentaire pour tous les travailleurs, l'ASM a répliqué en insistant sur le fait qu'elle ne pouvait ou ne voulait pas supporter des charges supplémentaires. Le compromis finalement trouvé prévoit que les ouvriers auront des jours de vacances supplémentaires en 1989 et 1990 calculés selon leur âge
[14].
Après plusieurs mois de négociations infructueuses, les partenaires sociaux de la branche de
l'hôtellerie et de la restauration ont finalement convenu d'une nouvelle convention collective. L'Union Helvetia avait dénoncé en début d'année la CCT la liant à la Société suisse des hôteliers (SSH) et à trois autres associations patronales car elle ne souhaitait pas seulement reconduire la convention mais obtenir de meilleures conditions de travail. Comme la Société suisse des hôteliers opposa une fin de non-recevoir au premier projet de convention et comme le syndicat du personnel refusa pour sa part de céder sur la question des salaires minimums, la branche se retrouva sans contrat collectif. Le litige portait notamment sur la rémunération minimale et l'introduction du 13e mois de salaire. Finalement, un compromis entre partenaires sociaux a pu être trouvé sous la forme d'un nouveau contrat collectif prévoyant, entre autres, un salaire minimum de 1920 francs pour le personnel sans formation, contre 1800 auparavant. Ce minimum passera à 2000 francs dès 1990. Pour le personnel qualifié ayant cinq ans d'expérience, le minimum sera de 2100 francs. Autre innovation: l'introduction progressive d'un 13e salaire qui ne sera versé intégralement qu'à partir de 1991 et seulement pour les employés dans leur cinquième année de travail
[15].
L'épreuve de force qui a opposé l'Association suisse des arts graphiques (ASAG) au syndicat du livre et du papier ainsi qu'à l'Union suisse des lithographes a finalement connu son épilogue après plus de sept mois de vide contractuel. Le conflit pour le renouvellement de la CCT dans les
arts graphiques vécut son point culminant avec un débrayage de deux heures conçu comme l'expression d'un mécontentement face aux résultats des négociations jugés décevants par les syndicats. Si les employeurs de la branche qualifièrent cet arrêt du travail de "grève nationale illégale", les syndicats déclarèrent que ce débrayage n'avait rien à voir avec une grève mais permettait aux employés de compenser une partie de leurs heures supplémentaires. Finalement, les revendications des syndicats furent partiellement concrétisées: l'unification des dispositions régissant les relations entre l'ASAG et les trois principaux syndicats, un accord sur l'introduction progressive d'une cinquième semaine de vacances et l'alignement progressif des salaires des femmes sur ceux de leurs homologues masculins
[16].
L'Office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail (OFIAMT) a enregistré en 1988
quatre conflits collectifs du travail ayant entraîné un arrêt du travail d'une durée minimum de 24 heures. Tous ont connu leur épilogue durant l'année. Chaque cas de grève n'a touché qu'une seule entreprise. Quant au nombre des travailleurs impliqués, il s'est élevé à 131 et celui des journées de travail perdues à 870. Classés par branche économique, les quatre conflits précités ont touché l'industrie textile, celle des machines, le groupe des réparations ainsi que l'hôtellerie et la restauration. Les principaux motifs invoqués avaient trait à l'introduction de nouveaux horaires de travail par équipes, à des questions salariales, à des entorses à la loi sur le travail et à l'insécurité des salariés quant à l'avenir de leur entreprise
[17].
Des différends, qui avaient pour origine la conclusion de nouvelles conventions collectives de travail, sont également survenus entre partenaires sociaux dans les arts graphiques et dans l'hôtellerie. Ces deux branches ont traversé plusieurs mois sans convention, mais sans que cela n'aboutisse à une grève de plus de 24 heures (boycott dans l'hôtellerie et débrayage durant quelques heures par les typographes)
[18]. D'autres conflits, ayant eux non plus entraîné aucun débrayage, ont éclaté dans la branche des communications (revendications d'augmentation des indemnités de résidences) et dans celle des transports aériens (plaintes concernant l'insuffisance des effectifs de personnel et surcharge de travail)
[19].
Protection des travailleurs
Les Chambres fédérales sont enfin parvenues à éliminer toutes les divergences qui subsistaient entre elles au sujet de la révision de la protection contre les licenciements dans le contrat individuel de travail. Cette révision du code des obligations devait servir de contre-projet indirect à l'initiative des syndicats chrétiens "Pour. la protection contre les licenciements". Au cours de la procédure d'élimination des divergences, le Conseil national s'est rallié sur plusieurs points à la position défendue par le Conseil des Etats. Si, dans un premier temps, la chambre basse avait maintenu l'obligation non seulement de notifier le congé immédiat par écrit, mais encore de le motiver sur demandé de l'une ou l'autre des parties, elle est ensuite revenue sur sa décision et a renoncé à exiger la forme écrite en cas de résiliation sans délai, sauf si l'intéressé en fait la demande. Un autre point de litige avait trait à l'indemnité versée par l'employeur en cas de licenciement immédiat sans justes motifs. Le Conseil national, qui s'était prononcé en faveur de la version selon laquelle le juge a l'obligation d'exiger de l'employeur une indemnité en faveur du travailleur, s'est finalement aligné sur la solution du Conseil des Etats qui stipule que le juge a la possibilité mais non l'obligation de condamner l'employeur à verser une indemnité.
Quant à la
protection des femmes enceintes contre les licenciements, elle s'étend dorénavant à toute la durée de la grossesse et aux seize semaines qui suivent l'accouchement. Cette disposition avait déjà été traitée et approuvée par les deux chambres lors du débat relatif à la révision de la loi sur l'assurance-maladie et maternité, raison pour laquelle le parlement a renoncé à y revenir dans ses travaux sur la révision de la protection contre les licenciements dans le contrat de travail individuel. Cette procédure a toutefois été contestée par certains conseillers nationaux démocrates du centre et libéraux ainsi que par une majorité de radicaux qui ont rappelé que le souverain avait refusé le projet d'assurance-maladie et maternité lors de la votation populaire du 6 décembre 1987. Deux propositions — Allenspach (prd, ZH) et Früh (prd, AR) — pour le renvoi de cet article en commission ont été repoussées par une majorité formée de socialistes, d'écologistes, d'indépendants et de démocrates-chrétiens qui les ont considérées comme une tentative de remise en cause de la protection
[20]. Si les associations économiques ont vivement critiqué cette nouvelle réglementation, elles se sont néanmoins abstenues de lancer un référendum contre cette révision
[21].
Estimant que la révision du code des obligations dans le domaine du droit du travail représente à la fois un compromis acceptable et un progrès social dans le domaine de la protection contre les licenciements,
la Confédération des syndicats chrétiens de Suisse a décidé de retirer son initiative populaire "Pour la protection des travailleurs contre les licenciements". Déposée en 1981, elle demandait en particulier la justification des licenciements, l'interdiction de licencier en cas de maladie, d'accident ou de grossesse et la possibilité de faire intervenir la justice en cas de licenciement non justifié. Seul point de l'initiative à n'avoir pas été pris en considération par ladite révision, la protection complémentaire des travailleurs contre les licenciements abusifs: la révision prévoit des dédommagements pouvant aller jusqu'à compenser six mois de perte de salaire, alors que l'initiative aurait voulu que cette forme de licenciement ne soit pas reconnue
[22].
Après le Conseil national en 1987, le Conseil des Etats s'est à son tour penché sur le projet de révision de la loi fédérale sur le service de l'emploi. Rendue nécessaire par les profondes mutations qui se sont produites sur le marché du travail, notamment la prolifération des agences de location de services, la révision entend accorder une meilleure protection aux travailleurs employés dans une agence de travail temporaire. En raison d'une vive opposition des représentants des milieux économiques qui la jugent trop interventionniste, le Conseil des Etats a adopté une révision assouplie par rapport au projet du Conseil fédéral et à la version du Conseil national. Si la majorité bourgeoise de la chambre haute n'a pas contesté la lutte contre les abus et l'extension de l'autorisation obligatoire aux entreprises de placement, elle s'est toutefois écartée sur plusieurs points de la version du Conseil national. Ainsi a-t-elle, malgré une résistance socialiste et démocrate-chrétienne, supprimé l'obligation imposée à l'entreprise de verser des sûretés en garantie des prétentions de salaire des travailleurs qu'elle engage. Au niveau du contrat de travail temporaire, elle a renoncé à l'obligation de fixer la rémunération par écrit et a raccourci les délais de licenciement pour mieux répondre aux besoins des entreprises de travail temporaire. En ce qui concerne l'application des conventions collectives de travail, le Conseil des Etats a décidé qu'elle ne toucherait que le salaire et la durée du travail. A la fin de l'année, les divergences entre les deux Chambres n'étaient toujours pas aplanies
[23].
Sélection bibliographique
W. Haug, "Ausblick auf die Zukunft der schweizerischen Bevölkerung: Bevölkerungsperspektiven 1986-2025", in Zeitschrift für Volkswirtschaft und Statistik, 124/1988, p. 193 ss.
Office fédéral de la statistique, Scénarios de l'évolution de la population de la Suisse de 1986 à l'an 2025, Berne 1988.
C. Lalive D'Epinay / C. Garcia, Le mythe du travail en Suisse, Genève 1988.
H. Schwarz, Volkswirtschaftliche Wirkungen der Ausländerbeschäftigung in der Schweiz, Grüsch 1988.
G. Sheldon, "Qualitative Ungleichgewichte auf dem schweizerischen Arbeitsmarkt", in Zeitschrift für Volkswirtschaft und Statistik, 24/1988, p. 259 ss.
Arbeit-Freizeit-Lebenszeit: Grundlagenforschungen zu Übergängen im Lebenzyklus, Opladen 1988.
Handbuch Arbeitszeit: Perspektiven, Probleme, Praxisbeispiele, Zürich 1988.
O. Stich, "Le refus de l'initiative pour les 40 heures", in Documenta, 1988, no 4, p. 30.
P. Kugler, "Wie gross ist die Lohndiskriminierung in der Schweiz wirklich?", in Wirtschaft und Recht, 40/1988, p. 299 ss.
H. Reis, Die Lohndifferenzen zwischen Männern und Frauen in der Schweiz, Bern 1988.
J.-P. Bonny, Unsere Sozialpartnerschaft: ein auch in Zukunft notwendiges Instrument?, Basel 1988.
Convention collective de travail: pourquoi?, La Chaux-de-Fonds 1988.
Revue économique et sociale, 40/1988, no 1–2 (numéro spécial sur la paix du travail en Suisse).
[1] Presse du 18.2.89; NZZ et Suisse, 28.4.89.
[2] Sur la natalité en Suisse: TA, 21.10.88. Sur la pyramide des âges: Bund, 6.12.88; La Vie économique, 61/1988, no 10, p. 5. Cf. aussi Office fédéral de la statistique, Scénarios de l'évolution de la population de la Suisse de 1986 à l'an 2025, Berne 1988. Source: OCDE, Le vieillissement démographique, conséquences pour la politique sociale, Paris 1988.
[3] Presse du 9.1.88. Avec 21 004 chômeurs (0,7%) à fin décembre 1988, le nombre de personnes sans emploi a atteint son niveau le plus bas depuis novembre 1982 (Rapp. gest. 1988, p. 340). Sur l'emploi: presse du 7.1.89; Vat., 9.1.88. (Interview K. Hug). Cf. aussi La Vie économique, 62/1989, no 1, p. 11 ss.
[4] La Vie économique, 62/1989, no 4, p. 22 ss. ; presse du 16.2.89. Pour l'emploi cf. supra, part. I, 4a (Konjunkturlage).
[5] Résultats: FF, 1989, I, p. 226 ss.; presse du 5.12.88. Cf. aussi APS 1987, p. 183 s. Généralités sur l'initiative: DP, 17.3. et 24.11.88; L'Hebdo, 24.11.88. Campagne précédent le scrutin populaire: cf. presse du mois de novembre 1988.
[6] BO CN, 1988, p. 120 ss. et 473; BO CE, 1988,p.121; FF, 1988, I, p. 1371 s. Cf. aussi APS 1987, p. 183 s.
[7] RFS, 13.9., 20.9. et 1.11.88; SAZ, 24.11. et 8.12.88.
[8] USS, 3.2., 2.3., 7.9. et 7.12.88. Cf. aussi presse du 29.1.88.
[9] Vox, Analyse des votations fédérales du 4 décembre 1988, Genève 1989.
[10] Positions patronales: SAZ, 21.4.88. Positions syndicales: USS, 9.11.88. Cf. aussi Lib., 14.7. et 15.7.88. Flexibilité dans l'industrie de la métallurgie et des machines cf. infra, Conventions collectives de travail.
[11] Handbuch Arbeitszeit: Perspektiven, Probleme, Praxisbeispiele, Zürich 1988; cf. aussi presse du 8.11.88. et APS 1987, p. 185 s.
[12] Principaux résultats de l'enquête d'octobre 1988 sur les salaires et traitements effectuée par I'OFIAMT: La Vie économique, 62/1989, no 7, p. 3; cf. aussi presse du 16.9.89. Sur les négociations salariales entre partenaires sociaux qui se sont déroulées en 1988 cf. presse du 8.12.88. Enquête annuelle sur les salaires des cadres en Suisse: presse du 8.9.88. Sur les discriminations salariales entre hommes et femmes cf. infra, part. I, 7d (Condition de la femme) et Lit. Kugler et Reis.
[13] La Vie économique, 61/1988, no 8, p. 3; NZZ, 26.4., 27.6. et 4.7.88; JdG, 4.7. et 12.7.88; TW, 18.7.88. Cf. aussi infra, part. IIIb (Arbeitnehmer).
[14] USS, 13.7.88; SAZ, 18.8.88.
[15] TA, 5.3., 23.4., 8.7., 13.7. et 23.8.88; NZZ, 30.6. et 22.9.88; JdG, 2.7., 7.9. et 22.9.88; presse du 5.7., 21.7., 19.8. et 7.9.88.
[16] Presse des mois de mars à octobre 1988; cf. aussi USS, 15.6. et 26.10.88.
[17] La Vie économique, 62/1989, no 4, p. 20 s.
[18] Cf. supra, Conventions collectives de travail.
[19] La Vie économique, 62/1989, no 4, p. 20 s.
[20] BO CN, 1988, p. 1 ss., 169 ss. et 473; BO CE, 1988, p. 57 ss. et 120. Modification du CO: FF 1988, I, p. 1378 ss. Cf. aussi APS 1987, p. 188.
[21] SAZ, 4.2. et 10.10.88
[22] FF, 1988, II, p. 606; presse du 25.4.88; DP, 5.5.88. Cf. aussi APS 1987, p. 188 s.
[23] BO CE, 1988, p. 564 ss. Cf. aussi APS 1987, p. 189. Sur le travail temporaire: BZ et NZZ, 3.11.88.
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