Année politique Suisse 1991 : Infrastructure, aménagement, environnement
Energie
La mise en oeuvre du programme "énergie 2000" a commencé. – La progression annuelle de la consommation finale d'énergie a été la plus forte depuis 1973. – Le Conseil fédéral a autorisé la CEDRA à entamer des procédures d'expropriation pour terminer ses travaux de sondage sur la commune de Ollon. – Le référendum contre la loi sur la protection des eaux a abouti.
Politique énergétique
Longtemps paralysée par les profonds antagonismes entre partisans et opposants du nucléaire, la politique énergétique de la Confédération a-t-elle trouvé un nouveau dynamisme? En repoussant, en 1990, l’initiative pour l'abandon du nucléaire, mais en acceptant l'article constitutionnel et l'initiative sur le moratoire de dix ans, le peuple suisse avait donné l'occasion au Conseil fédéral de tracer les grandes lignes d'une nouvelle politique énergétique, susceptible de satisfaire la majorité des protagonistes. Le programme "énergie 2000" et l'arrêté fédéral sur l'énergie, adoptés en un temps record, indiquent les orientations générales de ce changement.
Après l'année des grandes décisions, 1991 a été marqué par les premiers pas de la mise en oeuvre du programme "énergie 2000". Face aux menaces de l'effet de serre, aux dangers de l'énergie nucléaire et à la dépendance accrue de la Suisse vis-à-vis de l'étranger, une telle réorientation de la politique énergétique devenait de plus en plus indispensable. Pour la concrétiser, une collaboration accrue entre les principaux acteurs concernés représente une condition primordiale. L’“armistice énergétique", issu des votations de 1990, reste cependant fragile; de nombreux problèmes, comme le stockage des déchets radioactifs, le projet de hausse de 10% de la capacité des centrales nucléaires ou la question des débits minimaux, ne sont pas encore résolus.
A la suite des votations du 23 septembre 1990, un groupe de travail réunissant des représentants des partis gouvernementaux et des membres du Département fédéral des transports, des communications et de l'énergie (DFTCE) avait été chargé d'élaborer les grandes lignes de la future politique énergétique; leur travail donna lieu à la publication du programme "énergie 2000", présenté à la presse dans sa forme définitive en mars, après avoir été approuvé par le Conseil fédéral. Le programme va dans le sens du scénario de référence renforcé et de celui du moratoire, présentés par le groupe d'experts pour les scénarios énergétiques (GESE) en 1988; il est basé sur deux axes: 1) utilisation plus rationnelle et économe de l'énergie, 2) promotion des énergies renouvelables. Afin de tirer parti au maximum de la période du moratoire de 10 ans, les objectifs fixés sont les suivants: stabiliser la consommation totale d'agents fossiles et les rejets de CO2 au niveau de 1990 d'ici à l'an 2000, puis les réduire; atténuer progressivement la croissance de la consommation d'électricité pendant une décennie, puis stabiliser la demande; favoriser les énergies renouvelables (en l'an 2000 apports de 0,5% à la production totale d'électricité et de 3% à la production actuelle de chaleur des agents fossiles); accroître la production hydraulique de 5% et la puissance des centrales nucléaires existantes de 10%.
La réalisation de ces objectifs devra s'appuyer sur une politique plus rigoureuse d'utilisation de l'énergie et de promotion des agents renouvelables. Sa mise en oeuvre dépendra largement du maintien de l’armistice énergétique" entre les principaux groupes d'intérêt concernés. Le DFTCE, qui s'est entretenu avec de nombreux représentants des cantons, des communes, de l'économie énergétique et des associations écologistes, a beaucoup insisté sur la nécessaire collaboration entre ces différents acteurs, l'information, les réunions fréquentes et les conseils devant permettre de ne pas recourir à des mesures contraignantes.
Le gouvernement entend agir à trois niveaux: Confédération / cantons et communes / économie et particuliers. Sur le plan fédéral, le parlement avait adopté à la fin de l'année 1990 l'arrêté fédéral sur l'énergie qui constitue un texte avant-coureur de la loi sur l'énergie prévue pour 1995; d'autre part, la politique énergétique des cantons et des communes devra être renforcée de même que les initiatives et les investissements volontaires du secteur privé et des particuliers. Pour coordonner l'ensemble de ces actions, le Conseil fédéral a mis sur pied une structure organisationnelle complexe. Le programme dans son ensemble est placé sous l'égide du chef du DFTCE; celui-ci dirige le groupe d'accompagnement, composé de représentants des cantons, des communes, de l'économie privée et des associations écologistes qui se réunira une fois par année pour faire le point sur l'état d'avancement du programme. Le directeur du programme, subordonné au chef du DFTCE, doit assumer la coordination générale. En cours d'année, quatre groupes d'action ont été créés pour la réalisation de chaque objectif du programme dans les domaines des combustibles, des carburants, de l'électricité et des énergies renouvelables. Les projets et opérations spécifiques resteront cependant du ressort des participants; la responsabilité de chaque opération revient à celui qui en a pris l'initiative, alors que les organes créés serviront à contrôler les résultats. D'autre part, le DFTCE s'est engagé à produire chaque année un rapport sur l'évolution du programme; en septembre 1991, le premier rapport a été publié
[1].
L'arrêté fédéral pour une
utilisation économe et rationnelle de l'énergie, adopté à la fin de l'année 1990, est entré en vigueur le premier mai. Le projet d'ordonnance, mis en consultation par le Conseil fédéral, a été très critiqué par différentes associations de l'économie énergétique; certaines ont exigé que le texte soit retravaillé
[2].
Le Conseil fédéral a annoncé qu'il allait
libérer plus de 900 millions de francs jusqu'en 1995 pour la politique énergétique. 400 millions seront consacrés à des programmes exemplaires d'économie d'énergie, touchant les bâtiments fédéraux (300 millions) et les CFF (100 millions). Les quelques 500 millions restant serviront dans une large mesure à la mise en oeuvre de l'arrêté fédéral. Cependant, face aux difficultés financières de la Confédération, des mesures d'économie ont été prises; ainsi, en 1992, sur les 100 millions prévus pour le programme seuls 50 seront disponibles
[3].
Parmi les principales actions en cours, dans le cadre du programme "énergie 2000", on peut citer: au niveau de la Confédération, le plus
grand poids donné à l'information et aux conseils en matière énergétique, à la traduction dans les faits d'un plan de
formation et de perfectionnement professionnels, à l'intensification de la recherche énergétique, à la
promotion des installations pilotes et des techniques énergétiques nouvelles (plan DIANE qui dispose d'un fonds de 50 millions de francs jusqu'en 1995), au.soutien aux programmes d'impulsion RAVEL (utilisation rationnelle de l'électricité), PACER (énergies renouvelables) et PI BATIMENT (conservation et rénovation); au niveau des cantons, le renforcement de leur politique énergétique; dans nombre d'entre eux, la loi cantonale sur l'énergie a été modifiée ou est en voie de l'être en fonction du nouvel arrêté sur l'énergie. A l'échelon des communes, il faut signaler le projet "Energie dans la cité", placé sous le patronage du WWF et de la fondation suisse de l'énergie (FSE), qui réunit plusieurs municipalités (essentiellement en Suisse allemande), afin de les inciter, par un travail en commun et un échange d'informations, à mener des politiques énergétiques plus actives à un niveau décentralisé. Plusieurs expériences, devant servir d'exemples sont en cours à Zurich, Schaffhouse et Bergün (GR) notamment
[4].
De façon générale, le programme a été bien reçu par les différents partis politiques et groupes d'intérêt. La conférence des directeurs cantonaux de l'énergie l'a approuvé dans ses grandes lignes et s'est engagée à
faire participer activement les cantons; elle a décidé de créer deux groupes de travail, l'un chargé de préparer la future loi sur l'énergie et l'autre de formuler des propositions pour la mise en oeuvre des recommandations tarifaires de la Confédération. Bien que favorables au programme, les socialistes et les écologistes lui reprochèrent de rester trop dépendant du nucléaire et se sont montrés moins optimistes que le chef du DFTCE sur la possibilité de réaliser les objectifs fixés. Certaines organisations écologistes ont proposé de compléter le programme par un nouvel arrêté fédéral, prévoyant la création d'un fonds "Energie", financé par une hausse de 15% du prix du courant et destiné à promouvoir la politique énergétique
[5].
Afin de renforcer et compléter le programme "énergie 2000", le comité d'action du nord-est de la Suisse contre les centrales atomiques (NWA) a l'intention de lancer une initiative populaire pour la promotion de l'énergie solaire et une meilleure utilisation de l'énergie. L'initiative aurait pour ambition de renoncer progressivement à l'énergie nucléaire après la fin du moratoire et de réduire d'un quart la production de CO2 jusqu'en 2010
[6].
Au lendemain des votations de septembre 1990, plusieurs motions des groupes écologiste, socialiste, indépendant-évangélique et de la conseillère nationale Segmüller (pdc, SG), réclamant différentes mesures concrètes du Conseil fédéral dans le domaine de la politique énergétique, avaient été déposées. Dans une réponse exhaustive, où il retrace les grandes orientations du programme "énergie 2000", le Conseil fédéral proposa de transmettre comme postulat l'essentiel des dispositions contenues dans les motions, ce qui fut accepté par les motionnaires
[7].
Par ailleurs, le Conseil des Etats a accepté le postulat Huber (pdc, AG) qui demande au Conseil fédéral de présenter au parlement un projet cohérent de politique énergétique pour l'avenir avant de présenter un projet de loi
[8].
La deuxième phase de la campagne de publicité "
Bravo", lancée en octobre 1988, afin de promouvoir une utilisation rationnelle de l'énergie dans l'économie est arrivée à son terme. Le bilan est peu satisfaisant; la partie de la campagne "Energie et temps libre/sport" a même dû être annulée, faute d'une entente entre le DFTCE et les associations sportives. Les autorités fédérales se sont montrées déçues du manque de motivation et d'engagement des associations privées. Cependant, à la fin de l'année 91 a débuté la troisième phase de la campagne, qui durera jusqu'en 1993; elle s'adresse tout particulièrement aux jeunes et sera axée sur le thème de l'énergie grise
[9].
A la fin de l'année 1991, la Suisse a signé, ainsi que 34 autres Etats (certains non-européens) la
charte européenne de l'énergie. L'idée d'un tel texte a été lancée par la commission de la CE; son objectif principal est d'améliorer la coopération entre les pays d'Europe de l'Ouest et ceux de l'Est, notamment en reliant leur réseau énergétique. Tirant la leçon de la crise du Golfe, les pays signataires espèrent renforcer la sécurité de leur approvisionnement énergétique par la mise en place d'un grand marché de l'énergie à l'échelle européenne. En échange de leurs investissements et de leur savoir-faire, les pays de l'Europe de l'Ouest pourront accéder aux immenses ressources énergétiques de l'Europe de l'Est. Pour l'instant, la charte n'est qu'une déclaration politique, définissant les moyens de travailler ensemble, mais il est prévu de la compléter par des protocoles juridiquement contraignants
[10].
Le conseiller fédéral A. Ogi a présidé, au mois de juin, la conférence ministérielle de l'agence internationale de l'énergie (AIE), consacrée à l'approvisionnement en énergie durant les périodes de crise. A la suite de la guerre du Golfe, elle a recommandé aux différents Etats membres d'essayer de réduire leur dépendance en pétrole vis-à-vis du Moyen-Orient, en diversifiant leurs sources d'approvisionnement, et de constituer des réserves de pétrole pour une période de 90 jours
[11].
La consommation finale d'énergie a connu une
progression de 6,2% en 1991, ce qui représente la plus importante augmentation annuelle depuis 1973. Un tel résultat va à l'encontre de la réalisation des objectifs du programme "énergie 2000", qui visait à stabiliser la consommation d'agents fossiles et la demande d'électricité. La brusque hausse de cette année est imputable pour une bonne part à la demande accrue de produits pétroliers et plus particulièrement de combustibles (+11,10/6). Les températures peu clémentes de l'hiver et la baisse du prix du mazout extra-léger (—20% en termes réels) constituent les principales raisons de la progression du secteur des combustibles
[12].
Energie nucléaire
Parallèlement aux efforts entrepris pour augmenter la puissance des centrales nucléaires (le programme "énergie 2000" prévoit une augmentation de 10%) et en raison du moratoire, se dessine, parmi les exploitants de centrales nucléaires, une
tendance visant à prolonger de moitié la durée d'exploitation des centrales, initialement programmée à 40 ans. Une telle prolongation de leur durée de vie devra être accompagnée par une lutte constante contre le vieillissement et par un contrôle strict de la sécurité car il a été constaté que la majorité des incidents était dû au vieillissement et à l'usure des matériaux
[13].
Les forces motrices bernoises (FMB) ont présenté au Conseil fédéral la demande d'un
permis non-limité dans le temps pour l'exploitation de la centrale de Mühleberg (BE) et d'une autorisation pour augmenter de 10% la puissance du réacteur. Le Conseil d'Etat et le Grand Conseil bernois se sont déclarés favorables à cette requête en dépit de l'opposition des socialistes et des écologistes. Toutefois, ce préavis devra encore être soumis à une votation populaire cantonale consultative en 1992. La Division de sécurité des installations nucléaires de l'OFEN a transmis un préavis favorable quant à l'octroi d'un permis illimité
[14].
Sur cette question, deux motions ont été déposées au Conseil national, la première par le groupe écologiste, qui propose au Conseil fédéral de retirer l'autorisation d'exploiter la centrale de Mühleberg, la seconde par la conseillère nationale Bäumlin (ps, BE) qui demande au gouvernement de faire exécuter une contre-expertise de la centrale par un organisme international indépendant
[15]. En 1990 déjà, l'association "Mühleberg unter der Lupe", se basant sur un rapport de l'institut d'écologie appliquée de Darmstadt (RFA) avait mis en cause la sécurité de la centrale. De nombreuses oppositions à l'octroi d'un permis définitif, issues de Suisse, d'Allemagne et d'Autriche, avaient été envoyées au DFTCE
[16].
Les promoteurs de la centrale nucléaire expérimentale de
Lucens (VD) qui avaient demandé au Conseil fédéral, en 1988, l'autorisation d'engager des travaux de désaffection définitive de la centrale, se sont à nouveau adressés à la Confédération afin qu'elle participe pour un montant de 5 millions de francs à la couverture des frais de l'opération; les coûts totaux de celle-ci atteignant 16 millions de francs. Les deux Chambres se sont prononcées favorablement
[17].
Le Conseil d'Etat français a donné raison au recours de la ville de Genève, du canton de Genève, de la ville de Lausanne et de nombreuses associations écologistes contre la remise en fonction du surgénérateur
Superphénix de Creys-Malville (F). Une partie du décret de 1989, fixant les conditions du redémarrage, a été jugée illégale en raison d'une faute de procédure, le gouvernement français ayant délégué de façon abusive des compétences au ministère de l'industrie. Ce n'est toutefois qu'une victoire incomplète pour les recourants, car seule une partie du décret a été annulée; ainsi, une remise en fonction du surgénérateur n'exigerait pas une nouvelle enquête publique. Pour l'instant, suite à des incidents intervenus en juillet 1990, la centrale n'est plus en fonction, mais un redémarrage pourrait intervenir au cours de l'année 1992
[18].
Les déchets nucléaires constituent un des problèmes les plus épineux de la politique énergétique. En ce qui concerne le
stockage des déchets faiblement et moyennement radioactifs, quatre sites, Oberbauenstock (Uri), Ollon (VD), Piz Pian Grand (GR) et Wellenberg (NW) sont encore envisagés pour y construire un dépôt final. Suite aux oppositions de la commune d'Ollon et du CADO (comité anti-déchets Ollon), les travaux de forage de la CEDRA (Coopérative pour l'entreposage des déchets radioactifs) ont pris beaucoup de retard. Afin de conserver une certaine simultanéité des recherches sur les quatre sites, la CEDRA avait suspendu ses travaux à Oberbauenstock, Piz Pian Grand et Wellenberg jusqu'à ce que le retard soit comblé. Afin d'y parvenir, le Conseil fédéral, saisi par la CEDRA en décembre 1990, a autorisé au printemps cette dernière à entamer des procédures d'expropriation sur les communes d'Ollon et d'Aigle, pour mener à terme ses
travaux de sondage. Par ailleurs, le Conseil fédéral avait mis en consultation un "protocole d'accord" dans les quatre cantons concernés. En acceptant ce document, les cantons s'engageraient à permettre la réalisation des travaux autorisés par le Conseil fédéral sur leur territoire. Toutefois, l'écho est resté négatif dans les cantons d'Uri et des Grisons, tandis que Nidwald prévoit de faire voter ses citoyens
[19].
A côté de ces procédures, l'Agneb (groupe de travail de la Confédération pour la gestion des déchets nucléaires) a publié son rapport annuel, dans lequel il s'oppose à la poursuite des forages dans les quatre sites envisagés et propose, pour des raisons financières et de temps, de concentrer les efforts sur un seul endroit
[20].
Pour ce qui touche les
déchets hautement radioactifs, plusieurs options au nord-est de la Suisse, dans les cantons de Zurich, Argovie, Schaffhouse et de Thurgovie sont à l'étude, mais les recherches ne sont qu'à leur début. Face aux importants retards dans la construction des dépôts, la CEDRA a fixé un calendrier précis: la construction d'un entrepôt définitif pour les déchets faiblement et moyennement radioactifs devra avoir commencé avant la fin du siècle et le lieu de l'entreposage définitif des déchets hautement radioactifs devra être trouvé avant l'an 2000
[21].
Pour faire face au retour prochain (vers le milieu des années 90) des déchets radioactifs des centrales suisses traités à l'étranger, et étant donné les retards des travaux de la CEDRA, les propriétaires des différentes centrales, réunis au sein de la société ZWILAG (Zwischenlager Würenlingen AG), avaient décidé, en 1988, de faire construire un
dépôt intermédiaire pour les déchets hautement et moyennement radioactifs à longue durée de vie à l'institut Paul Scherrer sur la commune de
Würenlingen (AG). Au cours de l'année 1991, le Conseil fédéral a procédé à la consultation des cantons au sujet de ce dépôt. La grande majorité d'entre eux s'est prononcée favorablement. La durée de fonctionnement du dépôt est prévue entre 40 et 60 ans; durant ce laps de temps la construction des dépôts définitifs sera terminée
[22]. Par ailleurs, le Conseil fédéral a autorisé les forces motrices du nord-est de la Suisse (NOK) à construire et mettre en service un dépôt intermédiaire pour déchets faiblement, moyennement et fortement radioactifs sur l'aire de la centrale de Beznau, qui devrait entrer en fonction dans un ou deux ans
[23].
Au niveau fédéral, une motion Fischer (prd, AG), cosignée par 69 députés des partis bourgeois, demandant une révision partielle de la législation sur l'énergie nucléaire afin de
faciliter les procédures d'autorisation pour la création de dépôts pour déchets radioactifs, a été adoptée par le Conseil national
[24].
La
loi-cadre sur la radioprotection a été adoptée à l'unanimité par les deux Chambres; cette décision n'était qu'une formalité, toutes les divergences entre le Conseil national et le Conseil des Etats ayant été réglées en 1990. En résumé, la loi repose sur trois principes: premièrement, toute exposition à des radiations doit être justifiée; deuxièmement, toute exposition justifiée doit être aussi faible que possible; troisièmement, les valeurs limites de dose doivent être fixées individuellement
[25].
En cas d'accidents nucléaires provoquant la dispersion de substances radioactives, le Conseil fédéral a prévu, dans un
projet d'ordonnance, de distribuer à l'ensemble de la population suisse des tablettes d'iode. La prise de telles tablettes a pour effet de bloquer la contamination des organes humains par la radioactivité en saturant ceux-ci d'iode inactif, ce qui permet de les préserver de l'iode radioactif
[26].
Energie hydro-électrique
Le parlement, à une très large majorité, a
accepté au vote final la
révision de la loi sur la protection des eaux et a
rejeté l'initiative populaire "pour la sauvegarde de nos eaux"; seuls trois parlementaires se sont opposés à cette loi au Conseil national alors qu'elle a été adoptée à l'unanimité au Conseil des Etats
[27].
Un comité référendaire, réunissant les propriétaires suisses de petites centrales hydro-électriques, a fait aboutir un
référendum contre la loi. Ceux-ci estiment qu'un tiers des petites centrales hydro-électriques (environ 350) sont menacées par la réglementation des débits minimaux (quantités d'eau qui doivent être maintenues en permanence tout au long de la rivière) prévus par la loi. Les arguments des référendaires se veulent avant tout d'ordre écologique: les petites centrales produisent une énergie non-polluante et renouvelable et elles sont souvent bien implantées dans le paysage
[28].
Après le gouvernement valaisan, le tribunal administratif de ce canton a également rejeté les recours contre le projet
Cleuson-Dixence (VS), qui prévoit de doubler la puissance de turbinage des installations de la Grande-Dixence. Cependant, un dernier recours du WWF est toujours en suspens auprès du Tribunal fédéral. L'organisation de protection de la nature n'est pas fondamentalement opposée au projet mais demande certains aménagements afin de diminuer les impacts sur l'environnement, parmi lesquels la fixation d'un débit résiduel en aval du barrage. Suite à ce recours à la cour fédérale, vingt-trois communes de la région se sont exprimées en faveur du projet et ont envoyé une lettre commune au WWF, lui demandant de retirer sa plainte
[29].
La demande de concession, déposée en 1988 auprès du gouvernement bernois par les forces motrices de l'Oberhasli en vue d'une extension des installations hydro-électriques du
Grimsel (BE), avait été l'objet de nombreuses critiques et oppositions à cause de ses répercussions sur l'environnement. Cette année, le projet, retravaillé et modifié par différentes mesures visant à réduire les dégâts causés à la nature, a été retransmis au gouvernement bernois; les grandes lignes du projet n'ont cependant pas été modifiées. Son élément principal est la construction d'un deuxième barrage en amont du premier qui permettrait, par le stockage de 400 millions de m3 d'eau, de produire 1000 Mwh durant l'hiver, période où la production d'énergie hydro-électrique est la plus faible. Les différentes améliorations n'ont pas empêché le dépôt de 1100 oppositions auprès des autorités bernoises
[30].
Un consortium réunissant Motor Columbus, NOK et les forces motrices du Liechtenstein travaille depuis plus de dix ans sur le projet de construction de
cinq barrages successifs sur le Rhin, entre Trübbach (SG) et Sennwald (SG) à la frontière du Liechtenstein. Une étude du consortium a abouti à la conclusion qu'un tel projet serait écologiquement supportable. En dépit de ces résultats, toutes les communes suisses touchées ont déjà exprimé leur opposition
[31].
Malgré l'autorisation du gouvernement du canton des Grisons, les premiers travaux de sondage pour la construction d'une installation de pompage au
Val Curciusa (GR) se sont heurtés à la résistance d'une partie de la population locale et d'organisations écologistes
[32]. D'autre part, lors d'une votation populaire sur le projet des forces motrices grisonnes de construire une installation hydro-électrique sur la Landquart, cinq communes sur les onze consultées se sont prononcées négativement; les opposants craignaient en particulier les répercussions d'une telle réalisation sur l'environnement. Ce résultat compromet sérieusement le projet des forces motrices, même si la décision finale d'autoriser la construction revient au gouvernement cantonal
[33].
Le Conseil des Etats a adopté une initiative du canton du Valais qui propose d'instaurer une responsabilité civile illimitée des exploitants de centrales hydro-électriques et la
création d'un fonds de solidarité fédéral destiné à couvrir les dommages causés lors de catastrophes majeures (guerre ou phénomènes naturels hors du commun comme des séismes, des glissements de terrain ou des éboulements)
[34].
Produits pétroliers et gaz
Contrairement à ce que la crise du Golfe avait pu laissé croire,
le prix de l'essence n'a pas connu de hausses au cours de l'année. Au contraire, dès le déclenchement de l'intervention armée de la coalition internationale, les prix ont commencé à baisser après avoir régulièrement augmenté depuis le début de la crise. Trois raisons principales peuvent expliquer ce phénomène: les nombreuses réserves stockées par les compagnies pétrolières (en Suisse, elles étaient suffisantes pour huit mois au début de l'année), l'augmentation de la production de pétrole des pays producteurs épargnés par la guerre et enfin, la faiblesse de la résistance irakienne qui laissait présager un conflit bref. Moins d'une année après le début de la crise du Golfe, le prix de l'essence était quasiment retombé à son niveau d'avant le 2 août 1990
[35].
Le Conseil fédéral a annoncé ses intentions
d'augmenter les taxes sur le prix de l'essence. Cette mesure qui devrait bénéficier à trois départements (DFTCE, DFI, DFF) est motivée par plusieurs éléments: disposer de fonds nécessaires à l'achèvement du réseau routier, concrétiser les objectifs fixés à la conférence mondiale sur le climat visant à stabiliser, puis réduire les émissions de CO2 et remplir les caisses vides de la Confédération. Cette mesure s'avère, pour le Conseil fédéral, d'autant plus légitime que le prix de l'essence en Suisse est l'un des plus bas d'Europe, de même que les taxes perçues par les autorités publiques
[36].
Energies alternatives
L'acceptation de l'initiative du moratoire a, entre autres, exprimé la volonté populaire de voir se développer de nouvelles sources d'énergie; cela s'est traduit, dans le cadre du programme "énergie 2000", par un accroissement des subventions et des soutiens en faveur de la promotion des énergies alternatives.
A la suite des votations du 23 septembre 1990, plusieurs motions (Bürgi (pdc, SZ): le bois comme source d'énergie; David (pdc, SG): énergie solaire; Ruf (ds, BE): recherche dans le domaine des énergies renouvelables; Savary (pdc, FR): encouragement à la géothermie et Wiederkehr (adi, ZH): promotion de l'énergie solaire) demandant des efforts accrus dans le domaine des énergies alternatives avaient été déposées; elles ont toutes été transmises comme postulat
[37].
Lancé en mai 1990, par la Société suisse de l'énergie solaire (SSES) et d'autres organisations, le programme Solar 91 avait pour objectif la construction de 700
installations solaires en Suisse jusqu'au ler août 1991. Le projet a connu un succès inattendu; au mois de mai déjà, 500 nouvelles installations étaient projetées ou mises en service
[38].
Les forces motrices bernoises (FMB) et la société Elektrowatt ont commencé la construction de l'installation solaire du Mont-Soleil, sur la commune de Saint-Imier (BE). Le coût du projet se monte à 10 millions de francs (le canton de Berne y contribuera pour un quart). Il s'agira de la plus grosse installation solaire en Europea
[39].
Le canton de Berne fait figure de canton-pionnier pour la promotion de l'énergie solaire; grâce notamment à de nombreuses subventions publiques, plus de la moitié de l'énergie solaire produite en Suisse provient de ce canton. Au niveau international, la Suisse est considérée comme un des pays à la pointe en Europe dans le domaine de l'énergie solaire; cela est dû principalement au savoir-faire et à l'argent disponible dont ce type d'énergie bénéficie en Suisse. Toutefois, le potentiel de cette énergie renouvelable reste, à court et à moyen terme, relativement peu important; ainsi, selon une étude de l'Union des centrales suisses d'électricité, pour atteindre les objectifs d"`énergie 2000" dans le domaine des énergies renouvelables (0,5% de la production totale d'électricité), il faudrait construire environ 40 000 centrales solaires pour un coût total d'environ 2,5 milliards de francs
[40].
Jusqu'à maintenant,
l'énergie éolienne est restée très peu développée en Suisse. Quelques innovations semblent néanmoins voir le jour. Les forces motrices du nord-est de la Suisse ont décidé de construire la plus grande installation éolienne de Suisse sur la commune de Fläsch (GR) à près de 1000 mètres d'altitude. Les trois éoliennes de l'installation devraient produire 800 000 kwh par année (en comparaison, l'installation solaire du Mont-Soleil ne devrait en produire que 720 000). Dans le canton de Berne, des études ont été faites, qui indiquent que près de 2% de l'énergie consommée dans le canton pourrait être produite par des éoliennes; plus de 400 lieux propices à l'énergie éolienne ont été signalés. Pour l'instant, l'énergie éolienne est économiquement plus intéressante que l'énergie solaire
[41].
Une étude commandée par le DFTCE a montré que
l'huile de colza pouvait être transformée relativement facilement en un carburant diesel de qualité. La production d'un tel carburant, peu polluant, pourrait permettre de résoudre certains problèmes d'écoulement des surplus agricoles. Un premier bus au colza est entré en fonction cette année à Zurich. Cependant, le prix du diesel à base de colza reste prohibitif (4 à 5 francs suisses par litre); sa production à plus large échelle nécessiterait un soutien financier important de la Confédération. D'autre part, le WWF a contesté les qualités écologiques de ce carburant qui ne contribuerait que très modestement à la réduction des émissions de CO2
[42].
Sélection bibliographique
DFTCE, Le programme Energie 2000, Berne 1991.
DFTCE, Programme "Energie 2000", 1er rapport annuel 1991, Berne 1991.
P. Lehman, "Economie et production d'énergie demain en Suisse", in Stratégies énergétiques, biosphère et société, 1991, no 1/2, p. 43 ss.
Office fédéral de l'énergie, Statistique suisse de l'électricité, Berne 1991.
S. Thönen, Wachstum und Krise der schweizerischen Elektrizitätswirtschaft 1945-75: Ein historischer Beitrag zur aktuellen Energiedebatte, Bern 1991.
B. Pellard, "Concentrer et enterrer nos déchets toxiques", in Les cahiers de l'électricité, Octobre 1991, n 14, p. 34 ss.
R. Avrillier, "L'arrêt du Conseil d'Etat et l'arrêt de SuperPhénix", in Stratégies énergétiques, biosphère et société, 1991, n 1/2, p. 77 ss.
J.-P. Bommer, "L'interminable controverse sur les "débits minimaux"", in Les cahiers de l'électricité, Janv. 1992, n 15, p. 16 ss.
M. Zangger, "Cleuson-Dixence: le grand projet valaisan pour le 21ème siècle", in Les cahiers de l'électricité, Janv. 1992, n 15, p. 24 ss.
K. Eichenberger, "Le marché pétrolier international après la crise du Golfe", in La Vie économique, 64/1991, n 9, p. 22 ss.
A. Ogi, "Solar 1991 – ein Beitrag für Energie 2000", in Documenta, 1991, n 4, p. 25 ss.
[1] Presse du 2.3.91 (présentation du programme); JdG et NZZ, 5.7.91 (1ère réunion du groupe d'accompagnement); presse du 21.9.91 (rapport annuel); voir aussi Lit. DFTCE. Cf. aussi APS 1990, p. 136 ss.
[2] SHZ, 27.6.91; Bund, 7.8.91; cf. aussi APS 1990, p. 138.
[3] Presse du 2.3.91; Bund, 2.12.91.
[4] Energie dans la cité: SN, 25.4. et 26.4.91.; BZ, 26.4.91; SGT, 27.5.91. Bergün: TA, 27.5.91. Cf. aussi infra, part. II, 4a.
[5] LNN et TW, 18.1.91; Suisse, 23.2.91 (position des socialistes).
[7] BO CN, 1991, p. 2082 ss.; APS 1990, p. 138. s.
[8] BO CE, 1991, p. 224 ss.
[9] Il s'agit de la somme d'énergie qu'il a fallu utiliser pour extraire la matière première, la transformer, créer un produit, le mettre sur le marché et enfin l'éliminer. Bund, 1.2.91; NZZ et JdG, 8.11.91; cf. aussi APS 1989, p. 129.
[10] SHZ, 25.7.91; Express, 18.7.91; NZZ et JdG, 18.12.91.
[11] Suisse et Vr, 4.6.91.
[13] 24 Heures, 18.9.91; TA, 27.9.91.
[14] TW, 5.3., 28.6., 10.8. et 18.9.91; Suisse, 8.8. et 11.9.91; cf. aussi APS 1990, p. 142.
[15] Délib. Ass. féd., 1991, I/II, p. 62 et 76.
[16] TW, 23.1.91; Suisse, 5.3.91.
[17] FF, 1991, II, p. 415 ss.; BO CE, 1991, p. 815 s.; BO CN, 1991, p. 2205 s.; 24 Heures, 3.12.91.
[18] JdG, 11.2., 8.5. et 28.5.91. Cf. aussi APS 1989, p. 131 s.
[19] FF, 1991, II, p. 927 ss. (droit d'expropriation); JdG et 24 Heures, 23.5.91. Cf. APS 1990, p. 143 s.
[20] NZZ et Suisse, 17.7.91.
[21] NZZ et Bund, 10.4.91.
[22] BaZ, 22.2.91; TA, 21.8.91. Cf. aussi APS 1990, p. 144.
[23] Rapp.gest. 1991, p. 314.
[24] BO CN, 1991, p. 1337 s. et 2100 ss.; SGT, 26.11.91.
[25] BO CN, 1991, p. 84;BO CE, 1991, p. 331; FF, 1991, I, p. 1277 ss.; cf. aussi APS 1990, p. 142.
[27] BO CN, 1991, p. 192; BO CE, 1991, p.50; FF, 1991, I, p. 226 ss.; cf. aussi APS 1990, p. 144.
[28] FF, 1991, II, p. 1532 s.; Suisse, 2.3. et 16.3.91; Liberté, 4.4.91; LNN, 13.5.91. Voir aussi infra, part. I, 6d (Protection des eaux).
[29] Presse du 20.3.91; NF, 11.4. (tribunal administratif), 14.5. (recours du WWF) et 22.11.91 (communes). Cf. aussi APS 1990, p. 145.
[30] Presse du 21.6.91; Bund, 30.11.91. Cf. aussi APS 1988, p. 135, 1989, p. 134 et 1990, p. 145.
[31] SGT, 29.11.91; TA, 30.11.91. Cf. aussi APS 1985, p. 102.
[32] BüZ, 2.8., 10.8., 14.8. et 23.9.91.
[34] BO CE, 1991, p. 811 ss.; NF, 1.10.91.
[35] Presse du 4.1. et 18.1.91.
[36] Presse du 16.9. et 14.10.91; voir aussi supra, part. I, 5 (Indirekte Steuern) et infra part. I, 6d (Qualité de l'air).
[37] BO CN, 1991, p. 2487 ss.
[39] Ww, 29.8.91; voir aussi APS 1990, p. 147.
[41] Fläsch: BaZ, 12.6.91; LNN, 17.6.91. Berne: Bund, 24.1.91.
[42] Dém, 30.3.91; Bund, 16.4.91; BaZ, 29.5.91.
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