La question du statut des pilotes n’a pas pu être définitivement réglée. L’année a commencé pour Swiss sous les plus mauvaises auspices, car l’Association du personnel de cockpit de Crossair (CCP) refusait de reconnaître le syndicat des pilotes de Swissair (Aeropers). Celui-ci craignait un traitement différenciés entre les pilotes de Crossair et Swissair, notamment sur le plan salarial. Menacé par une plainte d’Aeropers, il a toutefois décidé d’abandonner son droit exclusif de négociation sur la future CCT. Trois mois plus tard, CCP quittait prématurément la table de négociation suite à l’accord entre Swiss et Aeropers sur la CCT. Les doléances du personnel de cockpit de Crossair portaient sur l’organigramme, la future grille à l’ancienneté et les salaires. Le Tribunal arbitral de Bâle a jugé discriminatoire la CCT conclue entre Aeropers et Swiss. La cour a mis en évidence des inégalités en matière salariale, de vacances et de bonus en se basant sur le traitement accordé aux pilotes de l’ex-Swissair. Le syndicat des pilotes de l’ex-Crossair – rebaptisé entre-temps Swiss Pilots – a exigé une égalité de traitement de ses 1'050 pilotes avec les 830 de l’ex-Swissair. Il a refusé les CHF 16 millions proposés par Swiss pour réduire les inégalités dans les salaires et les vacances et ne s’est pas rendu aux négociations. Malgré l’absence de Swiss Pilots, la direction de Swiss a présenté deux scénarios pour harmoniser les conditions salariales. Swiss Pilots a refusé d’entrer en matière sur les deux scénarios proposés et mettait en avant le sien : il proposait de geler les salaires des pilotes de l’ex-Swissair sur le réseau européen aussi longtemps que nécessaire pour que les pilotes Crossair rattrapent le retard, à coups de 4% par année environ. Comme les négociations étaient à nouveau interrompues, Swiss Pilots choisissait de consulter sa base avant de retourner à la table des pourparlers. 80% des anciens pilotes confirmaient leur mandat de négociation au syndicat. Entre-temps, la direction de Swiss a adressé à Swiss Pilots un ultimatum lui donnant jusqu’au 15 septembre pour adhérer à la nouvelle CCT. En réponse, Swiss Pilots a déposé une nouvelle plainte devant le tribunal de Bâle. Celle-ci portait sur les salaires et les critères qui déterminaient quels seraient les premiers pilotes à être licenciés dans le cas d’un redimensionnement de Swiss. Les pilotes de l’ex-Crossair se sentaient désavantagés par rapport aux pilotes de l’ancienne Swissair à cause d’un principe d’ancienneté introduit dans la CCT. Contestant l’inégalité de traitement et estimant qu’offrir plus déséquilibrerait ses finances, Swiss, pour sa part, a également saisi le Tribunal arbitral de Bâle lui demandant de trancher sur la base d’une nouvelle procédure.

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Conformément à la décision du Tribunal arbitral de Bâle l’année précédente, la direction de Swiss a accordé aux pilotes de l’ex-Crossair le même nombre de jours de vacances et les mêmes bonus qu'aux ex-Swissair. Par ailleurs, la centaine de pilotes de MD 83 a obtenu un salaire identique à celui des pilotes ex-Swissair de Airbus A320 en vertu du droit à un salaire égal pour travail égal. Devant à nouveau se prononcer sur la querelle entre le syndicat Swiss Pilots et Swiss, le Tribunal arbitral de Bâle a donné une seconde fois raison au syndicat des pilotes de l’ex-Crossair. La compagnie aérienne s’est vue obligée de respecter une règle de proportionnalité dans les licenciements des pilotes. La Cour a estimé que toute réduction d’effectifs dans le corps des pilotes devait toucher les membres de l’ex-Crossair et de l’ex-Swissair dans une proportion de 4 moyen et long-courriers pour 5 court-courriers, quels que soient le type d’appareils concernés et les besoins de l’entreprise. (Les 1'050 pilotes provenant de l’ex-Crossair et les 850 de l’ex-Swissair ont donné la clé au calcul de la proportionnalité.) La règle était valable avec effet rétroactif pour les 169 licenciements prononcés en début d’année et pour toute nouvelle mesure jusqu’à l’expiration du contrat collectif de travail fin octobre 2005. Considérant ces 169 licenciements comme abusifs et discriminatoires, le juge a enjoint Swiss à réintégrer les pilotes, s’il ne trouvait pas d’autre accord avec eux. L’autre requête de Swiss Pilots, demandant que les pilotes de l’ex-Swissair soient les premiers touchés en cas de licenciements, a été rejetée par le tribunal.

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Le jugement du Tribunal arbitral n’a toutefois pas été appliqué, car le syndicat, après négociations avec Swiss, a renoncé à demander son application et l’annulation des 169 licenciements de février. Swiss Pilots acceptait ainsi le partage inégal des licenciements entre les deux corps de pilotes et la suppression de 559 postes parmi ses membres. En contrepartie, la compagnie leur a octroyé une indemnité de départ de 16 mois de salaire. Les autres pilotes de l’ex-Crossair ont obtenu d’être en partie protégés contre les licenciements jusqu’à la fin octobre 2005. La concession la plus importante de Swiss a été l’abandon de la constitution juridique de la filiale régionale low cost Swiss Express. Présentée en mai, cette dernière – censée permettre des économies de 20% - était appelée à regrouper tous les vols régionaux en Europe et n’aurait incorporé que des pilotes de l’ex-Crossair. S’estimant relégué à des emplois de seconde zone, Swiss Pilots en avait fait un casus belli. Lors de la votation, la base de Swiss Pilots a accepté à 74% l’accord signé par sa direction avec Swiss. La mauvaise situation financière et la volonté de Swiss de rejoindre une des grandes alliances aériennes ont pesé lourd dans l’armistice signée par le syndicat Swiss Pilots.

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