A priori, les amateurs et amatrices de suspense ne devaient pas se tourner du côté du Valais lors de l'élection au Conseil des Etats des fédérales de 2023. En effet, les deux sortant.e.s centristes Marianne Maret et Beat Rieder, briguaient tous deux un nouveau mandat. Avec Maret, élue en 2019, seule femme de la députation valaisanne à Berne, et francophone, et Rieder, le haut-valaisan élu en 2015, le Centre disposait d'un duo équilibré afin de conserver les deux sièges qu'il occupe depuis 1857 à la chambre haute.
Pour les sept autres candidat.e.s, les chances étaient donc maigres sur la ligne de départ. Pourtant, ces derniers nourrissaient quand même l'espoir d'accéder à la chambre des cantons, à commencer par le conseiller national libéral-radical Philippe Nantermod, déjà candidat il y a quatre ans. Quatrième du premier tour, il avait renoncé au second. En repartant au combat en 2023, il aspirait à «une délégation un peu plus équilibrée» et à «une juste représentativité», appelant à une alliance entre les partis hors Centre pour ne présenter que la candidature la mieux classée au second tour. Considéré comme trop clivant, il n'avait pourtant que peu de chances de bénéficier du soutien de la gauche et de l'UDC dans ce cas, en raison notamment de ses positions sur la pandémie, sur la guerre en Ukraine ou encore sur la crise du Credit Suisse. Cependant, ses espoirs reposaient sur le fait que, lors des dernières élections, des candidats n'étaient pas passé loin de briser l'hégémonie du parti démocrate-chrétien (avant le changement de nom de ce dernier pour devenir le Centre). En effet, en 2015, le PLR Pierre-Alain Grichting était passé à 1'481 voix d'un siège, alors qu'en 2019, il avait manqué 1'370 voix au socialiste Mathias Reynard. Ils ne faisaient cependant pas face à deux sortant.e.s lors de ces élections.
Du côté socialiste justement, les candidates se dénommaient Aferdita Bogiqi, conseillère communale à Monthey, pour le Valais romand, et Claudia Alpiger, présidente de la section germanophone. Pour le parti de gauche, il s'agissait avant tout de profiler de nouvelles personnes pour d'autres échéances, n'ayant pas de ténor comme Mathias Reynard parmi les candidatures, ce dernier ayant été entre-temps élu au Conseil d'Etat.
Du même côté de l'échiquier politique, les Vert-e-s ont lancé Céline Dessimoz, cheffe de groupe au Grand Conseil, dans la course. Chez l'UDC, c'est le conseiller national Jean-Luc Addor qui était candidat, comme en 2019. Enfin, le PVL prenait part pour la première fois à la course aux Etats, avec Jeannette Salzmann et Philippe Jansen.
Selon le Nouvelliste, un seul scénario pouvait permettre un changement de composition de la délégation valaisanne. Il aurait pour cela fallu qu'au national, un.e haut-valaisan.ne arrive en seconde position derrière Nantermod sur la liste PLR. Ainsi, la possible accession de Nantermod aux Etats lors du second tour aurait permis au Haut-Valais de récupérer le siège perdu par le viégeois Thomas Egger en 2019 au Conseil national. Sachant cela, les Haut-Valaisan.ne.s auraient pu se mobiliser afin de soutenir la candidature de Nantermod contre celle de Maret. Malgré le caractère très clanique des élections en Valais, ce scénario demeurait pourtant hautement improbable au vu de l'absence d'une forte candidature haut-valaisanne sur la liste libérale-radicale. C'est donc une campagne sans grand suspense qui s'est déroulée, les partis étant bien conscients que la mère des batailles se livrerait en 2027. En effet, lors des prochaines fédérales, il est très probable que les deux centristes ne se représentent plus (Rieder l'a déjà annoncé). Ainsi, certains gardaient probablement leurs ressources pour cette campagne-là, où la brèche serait ouverte pour défier l'hégémonie du Centre.
Avec une participation de 49.7 pour cent, le premier tour a livré les résultats attendus. Beat Rieder est passé proche d'être élu directement, en récoltant 52'748 voix, la majorité absolue étant fixée à 54'206 voix. Marianne Maret (43'204 voix) a terminé un peu plus loin, mais néanmoins avec un matelas de 18'000 voix d'avance sur son principal adversaire Philippe Nantermod (25'145 voix). Ont suivi dans l'ordre Jean-Luc Addor (23'371 voix), Céline Dessimoz (13'704 voix), Claudia Alpiger (12'497 voix) et Aferdita Bogiqi (11'235 voix). Les deux candidatures vert'libérales ont recueilli moins de 7'000 voix.
Malgré ce retard considérable, Nantermod s'est quand même lancé dans la bataille au second tour. Pour une question de crédibilité selon lui, il était indispensable que les électeurs et électrices aient droit à un second tour. Un autre son de cloche a retenti dans d'autres partis. Le Centre a regretté que le canton doive ainsi dépenser «CHF 500'000 francs» pour un second tour joué d'avance. Des voix d'autres obédiences ont également exprimé leur désapprobation quant à la candidature du libéral-radical. Seul l'UDC du Haut-Valais a appelé à voter pour Nantermod, qui a aussi bénéficié du soutien de Jean-Luc Addor «à titre personnel». En revanche, les Vert'libéraux ont renoncé à le soutenir en raison de son manque d'engagement sur les questions environnementales. Bien que la question se soit posée, les Vert-e-s ont renoncé à repartir dans la course avec Céline Dessimoz. Cela risquait de faire de l'ombre à Marianne Maret au profit de Nantermod, peu apprécié à gauche pour ses positions qualifiées de néo-libérales, notamment sur le thème de la santé.
Même avec une participation en baisse à 38.4 pour cent, les résultats du deuxième tour n'ont pas surpris. Beat Rieder (56'306 voix) et Marianne Maret (54'273 voix) ont été élu.e.s, alors que le retard de Philippe Nantermod a augmenté (il a récolté 29'143 voix). Il s'est donc agi d'un pari raté pour le PLR: le Nouvelliste a parlé d'une claque retentissante, qui laissera des traces. Même dans le fief libéral de Martigny, Nantermod a terminé troisième. Selon le quotidien cantonal, le résultat a légitimé la mainmise du Centre à la chambre haute, l'effet inverse que celui recherché par le PLR. Le parti aurait ainsi grillé un joker, quatre ans avant la grande bataille de 2027. Comme on s'en doutait, les électeurs et électrices de gauche ont soutenu Marianne Maret, revenue à hauteur de son colistier, lors de ce deuxième tour.
Comme depuis 1857, les sièges valaisans au Conseil des Etats seront donc toujours occupés par les centristes lors de la législature 2023-2027.

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