Après une longue période d'incertitude entre avril et août 2025, l'économie suisse a été particulièrement secouée par l'annonce des droits de douanes américains. Depuis le 7 août 2025, les entreprises exportatrices helvétiques sont touchées par ces droits de douanes à hauteur de 39 pour cent (contre 10% auparavant). En raison de l'augmentation des droits de douane, le Groupe d’experts de la Confédération pour les prévisions conjoncturelles a revu ses prévisions pour l'année 2025, en estimant une croissance économique à hauteur 1.3 pour cent (nettement inférieure à la moyenne de 1.8% depuis 1980), suivie d’un ralentissement en 2026 à 0.9 pour cent. Le SECO a constaté un recul du PIB de 0.5 pour cent lors du troisième trimestre 2025. En ce qui concerne le commerce extérieur, dans son communiqué de presse pour le troisième trimestre 2025, le DFF a constaté un affaiblissement des exportations helvétiques de 3.9 pour cent par rapport au trimestre précédent, tendance due à une chute des exportations vers les USA de 8.2 pour cent sur un trimestre.
Les droits de douane additionnels ont représenté une pression significative pour les branches touchées. Dans la presse, la situation du secteur pharmaceutique a fait couler beaucoup d'encre. En effet, les entreprises pharmaceutiques représentent un peu moins de 60 pour cent des exportations helvétiques vers les Etats-Unis. Dans un premier temps, les médicaments ont été exemptés des droits de douane, selon l'accord pharmaceutique de l'OMC. Cependant, le président américain s'est tout de même attaqué à ce secteur et a menacé d'imposer des droits de douane de 100 pour cent si les entreprises pharmaceutiques ne baissaient pas leurs prix sur le sol américain. Pour éviter ce qui aurait été une catastrophe, les entreprises phares du secteur ont annoncé des investissements massifs outre-Atlantique dès le mois d'avril 2025 – CHF 19 milliards pour Novartis (CdT, 15.4) et CHF 41 milliards pour Roche (NZZ, 23.4). Au troisième trimestre de 2025, les exportations de la branche ont baissé de 7.2 pour cent par rapport au trimestre précédent, malgré leur exemption des droits de douane. L'économiste Giovanni Barone-Adesi a toutefois expliqué ce repli par le fait que, face à l’incertitude entourant les tarifs douaniers américains, les entreprises pharmaceutiques ont préféré stocker leurs produits aux États-Unis, entraînant ainsi une baisse momentanée de la demande (CdT, 22.10).
Les regards se sont également tournées vers l'industrie horlogère. Les exportations vers les Etats-Unis ont baissé au troisième trimestre de 2025 de 3.7 pour cent par rapport à l'année précédente, avec une chute drastique de 55.6 pour cent au mois de septembre 2025. La situation a inquiété, étant donné que le marché américain est le premier marché extérieur pour le secteur horloger. Cependant, le patron de Swatch, Nick Hayek, a relevé dans Le Temps du 5 août que les fabricants de montres n'étaient pas les plus exposés aux droits de douanes, mais que la force du franc demeurait leur plus grand problème.
Un autre secteur industriel sous pression était celui des machines. Contrairement à l'industrie pharmaceutique qui opère avec des marges élevées, le secteur technologique est confronté à une concurrence internationale plus importante. Lors d'une conférence de presse à Berne, Swissmen a estimé que les chiffres d'affaires des entreprises de la branche avaient baissé de 2.5 pour cent et les commandes de 13.4 pour cent au deuxième trimestre 2025, par rapport à l'année précédente. De plus, selon un sondage de Swissmen, un tiers des entreprises se sont dites prêtes à délocaliser leur production dans l'Union européenne. Comme l'a rapporté Olivier Haegeli, président de la Chambre de commerce et d'industrie du Jura, cette industrie qui représente 330'000 emplois en Suisse espérait un soutien fort du Conseil fédéral.
Au total, selon le Tages-Anzeiger, ce sont 300'000 emplois qui seraient mis en danger par la décision du président américain (WOZ, 7.8). Le message a été entendu et les chambres fédérales ont notamment décidé de prolonger la durée maximum des indemnisations en cas de réduction de l'horaire de travail (RHT) à 24 mois afin de soutenir les entreprises exportatrices, lors de la session d'automne 2025.
Finalement, les différentes régions suisses n'ont pas été frappées de la même manière. Les droits de douane ont été particulièrement reçus comme un coup de massue pour les cantons abritant un grand nombre d'entreprises dépendantes des exportations vers les Etats-Unis, tel que le canton de Nidwald – avec la présence du constructeur aéronautique Pilatus –, ou encore les cantons de Neuchâtel et du Jura – sièges de nombreuses entreprises horlogères, pharmaceutiques et de l'industrie des machines.