Nouvel appel d’offres pour les concessions FM à partir du 1er janvier 2027 (Mo. 25.3950)

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«Lorsque l'on voit qu'une décision politique était mauvaise, il faut pouvoir la corriger»: ce sont les mots du rapporteur Damien Cottier (plr, NE) à la tribune du Conseil national, lors de la présentation à ses collègues de la motion de la CTT-CN demandant au Conseil fédéral de renoncer à la désactivation de la FM fin 2026. Mi-2023, le Conseil fédéral avait décidé de prolonger une dernière fois de deux ans les concessions de radios FM, alors que la désactivation avait été décidée en concertation avec la branche – le conseiller fédéral Rösti l'a rappelé lors des débats – il y a plus de 10 ans. Cependant, la perte d'audience de 25 pour cent subie par la SSR lorsqu'elle a débranché la FM fin 2024 a révélé que l'on avait sous-estimé la part d'auditeurs et d'auditrices qui utilisaient encore ce canal. Alors que la plupart des postes radios à domicile auraient été changés pour passer au DAB+, c'est principalement en voiture que la FM serait encore écoutée. En désactivant les ondes ultra-courtes (OUC) pour les radios suisses, le risque est fort que les auditeurs et auditrices se tournent vers des radios étrangères; un «Swiss Finish» serait donc autodestructeur, a justifié Damien Cottier. Selon lui, il ne s'agit pas de renoncer à sortir de la FM à moyen terme, mais seulement de ralentir le rythme en prolongeant les concessions actuelles ou en lançant un nouvel appel d'offres.
Au nom d'une forte minorité – la décision de déposer la motion a été prise par 10 voix contre 10, 4 abstentions et la voix prépondérante du président au sein de la commission –, la députée vert'libérale Barbara Schaffner (pvl, ZH) a rappelé que la durée de vie de la FM avait déjà été prolongée «à de nombreuses reprises». De nombreuses radios ont entre-temps investi dans le DAB+, se fiant à la convention au sein de la branche, et attendent donc avec impatience la désactivation de la FM, a-t-elle avancé, alors que la perte d'audience était à prévoir. L'exemple de la Norvège montre que cette diminution est en général suivie d'une stabilisation. Le maintien de la FM coûterait entre CHF 15 et 20 millions par an, a ensuite mis en avant Albert Rösti au nom du Conseil fédéral: en fin de compte, ce sont les privés qui mettent la main à la poche via la redevance. L'exécutif prônait ainsi le rejet de la motion. Mais si celle-ci était acceptée, Albert Rösti a précisé qu'une simple prolongation des concessions existantes ne serait pas idéale pour des raisons d'égalité de traitement entre les émetteurs. La solution privilégiée serait une nouvelle attribution de concessions pour une période de dix ans
Au vote, l'hémicycle a accepté la motion par 124 voix contre 62 et huit abstentions. Les groupes UDC et PLR ont dit oui, avec quelques abstentions, comme la majorité du groupe du Centre, alors que la majorité des groupes socialistes, verts, et vert'libéraux étaient contre.

La présence de Roger Schawinski au Palais fédéral ce jour-là a-t-elle joué un rôle dans ce résultat ? Une chose est sûre, comme l'ont rappelé le Tages Anzeiger et l'Aargauer Zeitung: le pionnier de la radio en Suisse s'est toujours opposé à la désactivation de la diffusion FM, et son lobbying véhément n'est pas passé sous le radar. Il a été rejoint dans ce combat par l'Association des radios privées suisses (ASRP) et les Radios régionales romandes (RRR), qui ont pris position contre la désactivation, arguant que «la survie de plusieurs radios régionales dépend directement de la poursuite de la diffusion FM durant quelques années». D'après les partisans de la FM, son maintien ne coûte rien aux contribuables ni à la Confédération. En revanche, Unikom, une petite association de radios indépendantes, de start-ups et de diffuseurs de podcast, n'a pas goûté cette «peur du changement». Selon elle, les petites radios ont depuis longtemps dirigé leur modèle d'affaires vers la diffusion digitale, et craignent que les grandes radios qui peuvent se permettre une double diffusion via la FM et le DAB+ aient un avantage sur le marché de la publicité en cas de maintien de la technologie des ondes ultra-courtes.

A 21 voix contre 18 et 5 abstentions, le Conseil des Etats a confirmé la décision du Conseil national de prolonger la diffusion FM après 2026. En particulier, le soutien des parlementaires latins à la motion de la CTT-CN – ainsi que les abstentions de Pascal Broulis (plr, VD), Mathilde Crevoisier Crelier (ps, JU), Johanna Gapany (plr, FR), Pierre-Yves Maillard (ps, VD) et Fabio Regazzi (centre, TI) – ont fait pencher la balance. Durant les débats, les sénatrices Marianne Maret (centre, VS) et Isabelle Chassot (centre, FR) ont affirmé que le report des auditeurs et auditrices vers les radios étrangères en cas de suppression de la FM serait particulièrement marqué en Suisse latine, en raison de la proximité culturelle et linguistique avec la France et l'Italie, mais aussi géographique, afin de capter la FM en bonne qualité. L'effet serait moindre pour la Suisse alémanique, en raison du dialecte. Elles ont également rappelé que le parc automobile suisse compte encore 1.7 millions de voitures qui ne sont pas équipées du DAB+, sur un total de 4.8 millions: «en Suisse, on écoute encore beaucoup la radio dans sa voiture». Ainsi, la perte d'audience pourrait avoir des conséquences graves pour les radios privées, qui estiment que les pertes publicitaires seraient cinq fois supérieures aux coûts d'exploitation de la FM. Marianne Maret a précisé que la CTT-CE, qui a recommandé l'adoption par 5 voix contre 2 et 2 abstentions, a rencontré différents acteurs du secteur durant ses auditions, notamment l'ASRP, les RRR, et Unikom.
Les opposants à la prolongation de la FM se sont appuyés sur des arguments similaires à ceux mentionnés à la chambre basse. Alors que 9 minutes de radio sur 10 sont écoutées via DAB+, c'est s'agripper à une technologie du passé que de maintenir la FM. De plus, c'est une punition pour les radios qui se sont conformées à la convention et préparées au changement, ont souligné Andrea Gmür-Schönenberger (centre, LU) et Josef Dittli (plr, UR), qui ont également envoyé une pique à Roger Schawinski, «le critique le plus virulent de la suppression», mais qui a déjà renoncé à sept de ses dix installations FM, surtout dans les zones peu peuplées où ce n'est pas forcément rentable d'émettre par OUC. Des arguments qui n'ont donc pas suffi à convaincre la majorité de leurs collègues.