Grundlagen der Staatsordnung
Föderativer Aufbau
Gründung einer « Stiftung für eidgenössische Zusammenarbeit », die das Zusammenwirken der Kantone fördern soll — Verschärfung der Auseinandersetzung im Jura nach dem Erscheinen eines Ergänzungsberichts der Juraexperten — Neue Initiative der Berner Regierung zur Lösung des Konflikts; das Rassemblement jurassien lehnt Teilnahme am angebotenen Gespräch ab — Schwächung der jurassischen Vertretung im Nationalrat.
Relations entre cantons et la Confédération
Ce sont les cantons romands qui ont particulièrement à coeur de réexaminer le
fédéralisme traditionnel et sa capacité de fonctionnement. S'ils s'efforcent, en raison de leur situation minoritaire, de renforcer les structures fédéralistes
[1], ils se rendent pourtant bien compte que celles-ci ne seront plus viables que si on les adapte aux besoins actuels. Le splendide isolement qui était auparavant de règle dans certains cantons, conduirait infailliblement à la perte dé la souveraineté cantonale et à la mort de l'idée fédéraliste. Il serait tout aussi illusoire de voir la solution des problèmes dans la création de grands cantons sur la base de l'unité linguistique, comme le proposa le Parti unitaire romand
[2]. L'énergie vitale du fédéralisme suisse repose en effet précisément sur le fait que les frontières linguistiques et confessionnelles ne coïncident pas avec celles des cantons
[3].
Voilà qui éclaire la portée politique qui s'attache à un événement tel que la création, le 30 août, de la « Fondation pour la collaboration confédérale ». L'initiative en avait été prise par la NSH, et les cantons l'avaient approuvée. La Confédération alloua à la Fondation une subvention spéciale de 50 000 francs. L'objectif principal que la Fondation se reconnaît est d'établir la documentation scientifique et technique nécessaire au renforcement de la collaboration intercantonale. Elle se propose ainsi d'aplanir la voie, souvent invoquée, mais encore peu entrée dans les faits, de la coopération entre les cantons
[4]. Des plans conduisant à cette coopération existent déjà, à l'instigation de la NSH, en Suisse romande. Les cantons et les communes d'une certaine importance doivent porter leurs efforts à l'organisation régionale et se tenir les uns les autres au courant de ceux-ci. Ils doivent aussi accorder leur législation les uns aux autres et mettre en pratique leurs études sur la collaboration
[5].
Le fédéralisme est particulièrement mis à l'épreuve, en outre, dans le domaine scolaire, dans la recherche et au sujet des finances publiques. Beaucoup dépendra de la mesure dans laquelle les cantons, à la onzième heure, parviendront à développer l'initiative nécessaire d'une part, et leur capacité d'adaptation d'autre part
[6]. Si, sur le plan universitaire, les cantons romands peuvent se féliciter déjà de certains succès, une coopération s'étendant à l'ensemble de la Suisse n'en est pas moins urgente
[7]. La collaboration sur une large échelle a été déjà mise en train en certaines régions, ainsi la Conférence permanente des cantons de Suisse centrale, fondée en octobre 1966; cette conférence a recommandé aux gouvernements de créer dans chaque canton une centrale de coordination
[8].
Question jurassienne
La question jurassienne, dont la solution n'est pas proche, a continué d'être un foyer d'agitation. Les experts Huber, Imboden et Python déclarèrent dans le rapport complémentaire qu'ils déposèrent le 31 janvier
[9], que les revendications les plus importantes de la députation jurassienne ne pouvaient être réalisées sur la base du droit constitutionnel existant. Ils affirmèrent en outre que la reconnaissance du peuple jurassien par la votation de 1950 n'entraînait aucune conséquence juridique particulière, et qu'il s'agissait là bien plus d'une simple reconnaissance ethnologique. Les séparatistes ne s'en déclarèrent pas satisfaits. Ils proclamèrent avec insistance que, dans un pays où 73 % des habitants sont « allemands », la minorité linguistique ne pourrait jamais faire aboutir ses revendications par les moyens démocratiques ordinaires
[10].
C'est pourquoi ils mirent l'accent sur des activités spectaculaires destinées à attirer l'attention sur leur cause
[11]. De même ils accordèrent leur soutien aux terroristes évadés Hennin et Boillat, qui obtinrent des tribunaux français et espagnols, au cours de 1967, la reconnaissance du caractère politique de leurs délits et par conséquent le refus d'extrader. Boillat avait en outre fait poster en Suisse, par son tuteur et complice pour l'évasion Meyrat, des lettres de menaces qui firent naître la crainte, dans les milieux antiséparatistes, que l'évadé se cachât en Suisse. Des menaces furent adressées alors aux chefs séparatistes et l'Union des patriotes jurassiens constitua des groupes armés de gardes civiques. Dans l'autre parti, où l'on disposait déjà du groupe Bélier, non armé, les Jurassiens de l'extérieur répondirent en créant un piquet d'alarme, car ni le Conseil fédéral, ni le Conseil exécutif bernois n'avaient interdit les gardes civiques. Celles-ci cessèrent toutefois leur activité lorsqu'on apprit que Boillat avait été incarcéré à Madrid
[12].
Les efforts de règlement se sont poursuivis parallèlement. Un nouveau courant se dessina dès le printemps, qu'il faut bien mettre en relation avec les changements personnels intervenus au sein du Conseil exécutif bernois
[13]. Celui-ci publia un programme, le 17 mars, dans lequel il reconnut pour la première fois le Rassemblement jurassien comme un interlocuteur valable et prévit, pour le cas où les négociations envisagées échoueraient, un plébiscite sur la séparation éventuelle du canton en deux parties
[14]. Une commission de 24 membres fut créée et chargée de procéder à une enquête aussi large que possible jusqu'en mars 1968; les décisions seraient prises après. Les concessions du Gouvernement bernois furent interprétées par le Rassemblement jurassien bien plutôt comme des signes de faiblesse, provoquées par la peur d'une intervention fédérale ou étrangère
[15]. Le comité directeur du Rassemblement refusa toute collaboration avec la Commission des 24 et le comité de travail que celle-ci forma, fort de 9 membres en majorité jurassiens (dont deux membres du Rassemblement). Celui-ci ne veut entrer en pourparlers que si les négociations sont préparées et dirigées par des médiateurs fédéraux et que si l'ancien canton et le Rassemblement, seul représentant du Jura, y participent par des délégations égales en nombre
[16].
L'idéologie de l'ethnie française a encore gagné du terrain en 1967. Ainsi, les séparatistes ont répété leur renonciation à intégrer le Laufonnais germanophone à un canton du Jura et renforcé leur opposition contre les écoles allemandes entretenues par les anabaptistes
[17]. En outre, ils répétèrent, sans succès d'ailleurs, leurs appels à l'union des Romands contre la Suisse alémanique. Ils célébrèrent leur communion linguistique, idéologique et politique avec la France. Le groupe Bélier fêta solennellement le 14 Juillet à Saint-Brais
[18]. Le « Jura libre» consacra un numéro entier au président de Gaulle après le voyage à Montréal
[19], et la Fête du peuple jurassien à Delémont fut l'occasion de lui exprimer des louanges
[20]. Les échos suscités par ces démonstrations furent mélangés. Les courbettes à l'adresse de l'ethnie française et du président de Gaulle furent condamnées même par des organes qui soutiennent d'habitude le Rassemblement, comme la «Liberté»
[21].
Dans le Jura lui-même, l'opposition au Rassemblement a paru se renforcer. Certes, la Fête du peuple jurassien, qui était en même temps la célébration du 20e anniversaire du mouvement séparatiste, a attiré des effectifs considérables à Delémont. L'Union des patriotes jurassiens, pour sa part, a réuni, le même jour, une quantité appréciable de partisans à une fête champêtre, mais sans atteindre, de très loin, l'importance de la Fête de Delémont
[22]. L'Union des patriotes annonça pourtant un renforcement de ses adhérents
[23], et les élections nationales le confirmèrent. Le Parti libéral-radical, qui présentait une liste d'où les séparatistes avaient été éliminés, et qui par conséquent subissait la concurrence d'une liste dissidente, parvint cependant à renforcer ses positions, alors que les dissidents ne recueillaient que peu de voix. Le Parti socialiste qui, par souci d'unité, n'avait pas cru pouvoir renoncer à l'appui séparatiste, perdit de nombreux suffrages et dut abandonner le siège qu'il détenait aux socialistes de l'ancien canton. De même, les chrétiens-sociaux du Laufonnais perdirent leur siège au prófit de la liste de même couleur déposée dans l'ancien canton. Le Jura ne parvint à garder que trois représentants au Conseil national. Ces résultats, qu'il faut attribuer aux divisions suscitées par le séparatisme, furent très défavorables pour le Jura, ce qui renforça le mouvement tendant à créer un nouvel arrondissement électoral
[24].
On ne peut manquer de constater que le nouveau style politique des autorités (abandon par la Confédération de la place d'armes pour la cavalerie, honneurs décernés dans le canton à des représentants de la Troisième Force) d'une part, et que l'intransigeance du Rassemblement jurassien de l'autre (refus de négocier avec Berne, soutien aux activités subversives et aux terroristes, rejet ostensible de la Suisse) ont pour effet d'éloigner la Troisième Force des séparatistes. Les anti-séparatistes comptent de plus en plus pouvoir faire triompher leurs thèses dans un plébiscite éventuel; ce sont eux qui le demandent maintenant, et non plus le Rassemblement
[25].
La Confédération n'est pas sortie de sa réserve en 1967, malgré une intervention du conseiller national G. Baechtold (soc., VD)
[26] destinée à la faire agir dans le conflit, et malgré l'indiscrétion commise par les séparatistes à la Fête du peuple jurassien
[27].
[1] Suite d'articles sur la collaboration intercantonale, in GdL, 35, 36, 37, 40 et 42, 11.2.-20.2.67.
[2] Voir plus bas, p. 24.
[3] Cf. GdL, 288, 9.12.67; NZZ, 3924, 20.9.67.
[4] Cf. GdL, 196, 23.8.67; NZZ, 3576 et 3583, 31.8.67; GdL, 203, 31.8.67; Bund, 239, 1.9.67, ainsi que APS 1966, p. 9.
[5] PS, 286, 20.11.67; JdG, 278, 28.11.67.
[6] NZZ, 3043, 14.7.67, et plus bas, p. 61, 119 ss. et 125 s.
[7] NZZ, 2866, 1.7.67. Cf. aussi APS 1966, p. 119 ainsi que plus haut, note 15.
[8] Vat., 269, 20.11.67. Voir aussi La Suisse, Annuaire national de la NSH, 39/1968, Les uns à côté des autres — et les uns avec les autres?, Berne (1967).
[9] HANS HUBER, MAX IMBODEN, LOUIS PYTHON, Rapport complémentaire concernant les propositions de la Députation jurassienne, Berne 1966. Cf. APS 1965, in ASSP, 6/1966, p. 147, pour le rapport principal. Le rapport complémentaire avait été demandé par la députation jurassienne.
[10]« Quand la voie démocratique est bouchée », in Jura libre, 847, 4.1.67.
[11] Préparation d'une manifestation destinée à troubler la réception du président du Grand Conseil, Péquignot, à Saignelégier: cf. TdG, 112, 16.5.67; 113, 17.5.67; Bund, 147, 17.5.67; Tw, 113, 18.5.67; NZ, 221, 18.5.67. — Démonstration lors de la réception du Nouvel-An au Palais fédéral, cf. JdG, 8, 11.1.67.
[12] Cf. TdG, 54, 4.3.67; 65, 17.3.67; 75, 31.3.67; 101, 1.5.67; 102, 2.5.67; 105, 6.5.67; 119, 24.5.67; NZZ, 1178, 17.3.67; 1620, 14.4.67; 1749, 21.4.67; 1991, 7.5.67; 2249, 23.5.67; 2559, 12.6.67; NZ, 146, 31.3.67; BN, 169, 22.4.67; GdL, 108, 16.5.67; TdL, 162, 11.6.67.
[13] Cf. APS 1966, p. 19, note 13.
[14] Cf. NZZ, 1188, 18.3.67; TdG, 66, 18.3.67; 67, 20.3.67; Bund, 101, 20.3.67; GdL, 67, 21.3.67.
[15] Voir entre autres les déclarations de R. Béguelin et de R. Schaffter à la Fête du peuple jurassien, à Delémont; cf. NZ, 419, 11.9.67. L'erreur psychologique commise par le Conseil exécutif, qui n'avait pas communiqué son programme à la députation jurassienne avant de le publier, fut fortement critiquée.
[16] Cf. BN, 383, 11.9.67; TdG, 258, 3.11.67; 298, 20.12.67. Voir aussi Lib., 60, 11.3.67; Bund, 143, 11.5.67.
[17] Cf. Bund, 141, 9.5.67.
[18] Celui-ci prétendit à cette occasion qu'il n'y avait jamais eu de véritable frontière entre le Jura et la France, cf. Bund, 200, 18.7.67.
[19] Jura libre, 875, 9.8.67.
[20] Cf. NZ, 419, 11.9.67; Bund, 248, 12.9.67; BN, 384, 11.9.67; NZZ, 3762, 11.9.67; GdL, 212, 11.9.67. Le Jura libre (880, 13.9.67), qui cite l'Est républicain, rapporte qu'un envoyé du président de Gaulle se trouvait à la Féte.
[21] Cf. Lib., 214, 14.9.67. — Voir aussi JdG, 174, 28.7.67; 190, 16.8.67; TdG, 186, 10.8.67; NZZ, 3357, 13.8.67; 3422, 18.8.67; 5352, 11.12.67.
[22] Cf. TdG, 212, 11.9.67; Bund, 247, 11.9.67.
[23] Cf. GdL, 95, 25.4.67.
[24] Jura libre, 887, 1.11.67; TdG, 270, 17.11.67. II faut noter que, sur les trois sièges restants, un a été repourvu sur une liste PAB proposée aux électeurs de tout le canton, sauf l'Oberland.
[26] JdG, 261, 8.11.67; TdG, 262, 8.11.67; Bund, 297, 8.11.67.
[27] Le Groupe d'études historiques et politiques (Studiengruppe für historische Standortbestimmung) constitué par le Conseil fédéral, et composé de hauts fonctionnaires et de personnalités diverses, pour procéder à des études politiques générales, avait consacré une séance, le 20 novembre 1965, à la demande du conseiller fédéral Wahlen, au problème jurassien. Le protocole confidentiel de cette discussion tomba entre les mains des séparatistes qui le publièrent en sensation. Parmi les avis contenus dans ce texte, celui du professeur H. Lüthy a particulièrement frappé, qui préconise s'il le faut la création de deux demi-cantons jurassiens. Cette solution parait être la seule praticable en cas de séparation (cf. Civitas, 23/1967-68, p. 532 ss.). — Texte de l'intervention de M. Lüthy in TdG, 222, 22.9.67 et NZ, 480, 17.10.67. Résumé du protocole entier in Bund, 254, 19.9.67. Voir encore Jura libre, 880, 13.9.67, et GONZAGUE DE REYNOLD, Destin du Jura, Lausanne 1968.