Chronique générale
Finances publiques
Weiterhin steigende Ausgaben führen nach den kantonalen auch die eidgenössischen Finanzen zum kritischen Punkt — Der Ständerat genehmigt Revision des interkantonalen Finanzausgleichs — Vorlage für eine Reorganisation der Eidg. Finanzkontrolle — Der Bericht Jöhr, der für 1974 ein Defizit von gegen 2 Mia Fr. in Aussicht stellt und neue Steuern empfiehlt, erntet namentlich in Wirtschaftskreisen Kritik — Der Bericht Stocker über die Bundessubventionen beantragt Kürzungen und Streichungen, die vom Bundesrat befürwortet werden; lebhafte Reaktion der Betroffenen — Defizitäres Budget für 1967 trotz beträchtlichen Einsparungen (u.a. Aufhebung der Verbilligung der Milchprodukte); Genehmigung unter Stimmenthaltung der Sozialdemokraten — Umstrittenes Sofortprogramm des Bundesrates für eine Erhöhung der Bundessteuern wird vom Nationalrat gegen Links- und Rechtsopposition mit wenigen Abstrichen angenommen — Erhöhung der Öl- und Fettpreise, des Getreide- und des Dieselölzolls — Vorschläge des Bundesrates für eine Steueramnestie.
Les finances publiques ont causé de gros soucis aux autorités; elles ont aussi suscité des controverses d'ampleur considérable. Leur dégradation, marquée depuis plusieurs années par une augmentation très forte des dépenses, alors que les recettes ne progressaient que plus lentement, a conduit les cantons dans une situation très précaire: le recours à l'emprunt pour couvrir les déficits s'est généralisé. L'évolution s'est produite plus lentement sur le plan fédéral, mais a atteint son point critique en 1966. Si les comptes financiers de la Confédération ont bouclé en équilibre, avec un boni de 31 millions en 1965 et de 5 millions en 1966, cela n'a été qu'au prix de compressions de dépenses importantes et du renvoi de tâches prévues, en particulier au cours du dernier exercice qui prévoyait un déficit de quelque 240 millions
[1]. Sur un total de dépenses de 4920 millions en 1965 et 5683 millions en 1966, les résultats se sont montrés extrêmement tangents et dénotent une tendance indéniable au déficit. La révision des méthodes d'estimation des recettes, survenue en 1965 au DFD, a conduit depuis lors à des pronostics beaucoup plus précis: l'écart constaté en 1966 a été de 1 %. On est donc loin de la période où les recettes de la Confédération, déjouant les prévisions budgétaires, procuraient des bénéfices appréciables. Grâce aux résultats favorables du compte des variations de la fortune, le découvert du bilan a pu toutefois être ramené à 3816 millions à fin 1965 et à 3530 millions environ à fin 1966. Cependant, en même temps, le total :des avances capitalisées, non couvertes et soumises à intérêt, de la Confédération au compte spécial des routes nationales a atteint 1451, puis 1723 millions, ce qui dénote une aggravation sensible.
Le revirement de tendance a été causé par l'énorme accroissement des dépenses, de 51 % entre 1961 et 1965, qui ont atteint en même temps le 8 % (sans les parts des cantons) du produit national brut. Pour avoir une image complète de l'évolution, il faut savoir que l'ensemble des dépenses publiques — Confédératión, cantons, communes s'est élevé de 17 % en 1960 à près de 21 % du produit national brut en 1966
[2]. Ce transfert, où la Confédération a joué un rôle plus important que les chiffres ne le montrent, du moment que la progression des dépenses cantonales est due en partie à de nouvelles lois fédérales, dénote une augmentation plus rapide que celle du produit national et peut entraîner l'anémie progressive du secteur privé. Les effets inflationnistes de cette expansion sont évidents, et le retour à la stabilité, tout au moins à une progression égale à celle du produit national, ont paru être la condition première du succès dans la lutte engagée contre la surchauffe. Aussi, la réforme des finances publiques a-t-elle figuré en tête des mesures préconisées dans le programme conjoncturel complémentaire
[3], demandée avec d'autant plus d'insistance par les groupes d'intérêts privés que ceux-ci avaient l'impression de faire seuls les frais des restrictions imposées. Pour être efficace, la réforme devrait s'exercer à tous les niveaux des pouvoirs publics; or, si la Confédération a été le point de mire des critiques et des propositions, les cantons et les communes n'ont pas pu être amenés à prendre des décisions d'importance: la Confédération n'a pas les moyens de les y contraindre, et la Conférence des directeurs cantonaux des finances n'est qu'un organe consultatif. Les avertissements du Conseil fédéral n'avaient pas manqué auparavant, mais la demande n'a cessé de croître. Il a fallu que le budget 1966 soit déficitaire et que le marché des capitaux, déjà tendu, soit sollicité de façon considérable par les collectivités publiques pour que l'opinion commence sérieusement à s'alarmer. En 1966, la Confédération, les cantons et les communes ont émis des emprunts pour 1680 millions, dont 520 pour des conversions, soit 49 % des emprunts émis par des souscripteurs suisses (37 % en 1965)
[4].
Les efforts de redressement ont porté dans divers secteurs: dans celui des institutions tout d'abord, on a préparé une réforme du contrôle des finances. La Confédération s'est attachée aussi à résoudre les problèmes posés par la planification des recettes et des 'dépenses à long terme; elle a travaillé à réduire les subventions et à trouver les moyens d'une compression générale des dépenses; elle a tenté enfin de se procurer des recettes nouvelles par l'impôt. Sur le plan de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons, la tendance de ceux-ci à se reposer de plus en plus sur l'Etat central n'a pas pu être renversée et peu de progrès ont été accomplis: le problème semble dépendre de la définition nouvelle des compétences qu'une révision de la Constitution fédérale pourrait formuler. Un pas de plus a été fait toutefois dans le renforcement des cantons à capacité financière réduite. La part de l'impôt pour la défense nationale (5 %) réservée à la péréquation financière a fait l'objet d'un projet modifiant la répartition
[5]. Selon ce projet, qui a été approuvé par le Conseil des Etats le 29 novembre, un quart de ce montant est distribué aux cantons selon leur chiffre de population, le reste étant attribué aux cantons dont la capacité, calculée selon une clé spéciale, se trouve en dessous de la moyenne suisse
[6].
Le contrôle des finances devrait permettre au Conseil fédéral d'exercer mieux sa surveillance, au Parlement la haute surveillance sur l'ensemble des actes financiers de la Confédération. Selon le projet soumis à la consultation préliminaire à fin mars, qui réorganise le système existant, le Conseil fédéral prévoyait de créer un organe indépendant de contrôle, dont le directeur serait élu avec l'accord de la délégation parlementaire des finances, et qui aurait accès immédiat aux commissions des finances, à la délégation, au Conseil fédéral, aux départements et aux services, ainsi qu'aux personnes et établissements extérieurs à l'administration, mais gérant des fonds alloués par l'Etat central
[7]. Les réactions enregistrées ont été marquées par le souci de donner à cet organe des compétences préventives, de l'associer à l'élaboration des projets impliquant de fortes dépenses, ainsi que du budget
[8]. Le Conseil fédéral publia un message à ce sujet à la fin de l'année
[9].
Planification des finances publiques
Une planification à long terme des finances publiques a été prévue dans le programme complémentaire. Le DFD, au cours de 1965 déjà, s'est livré à des estimations qui l'ont conduit à prévoir, pour la période âllant de 1966 à 1974, une série de déficits au compte financier, allant de 500 millions à 1 milliard
[10]. Les chiffres publiés avec le budget 1967 indiquent que l'administration a prévu déjà un déficit de 1 milliard en 1967, à supposer que toutes les demandes pendantes soient satisfaites
[11]. Selon la méthode utilisée, les calculs ont été poussés assez loin pour la période allant jusqu'en 1969, alors que pour celle de 1970 à 1974, les estimations sont plus vagues. Dans la période rapprochée, les calculs faits sur la base des prix initiaux sont réajustés d'année en année en fonction du renchérissement intervenu. Ce travail a cependant été rejeté dans l'ombre par celui, parallèle, accompli par une commission de huit experts économistes présidée par le professeur Jöhr de Saint-Gall. Formée, à l'origine, pour établir des méthodes d'estimations et pour vérifier celles mises au point par l'administration, elle a préféré, au cours de quatorze mois d'activité, poursuivre son travail jusqu'au bout et établir ses propres conclusions prospectives. Son rapport, publié le 5 septembre, a soulevé un vif intérêt. La commission a fondé ses calculs sur les données de croissance économique qu'elle tirait des quinze dernières années. Elle a admis un taux de croissance de la population active de 0,6 %, un accroissement annuel de la productivité de 2,8 %, ainsi que la progression du produit national brut (PNB) réel à un taux de 3,5 %. Elle a présenté ses calculs selon.trois variantes, aux prix de 1965, puis en admettant une hausse de l'indice des prix du PNB de 1 % (ce qui correspond à la stabilité des prix à la consommation) et enfin en prévoyant une hausse de l'indice des prix du PNB de 3 % (hausse des prix à la consommation de 2 %). Selon la variante la plus élevée, la hausse du PNB nominal serait donc de 6,5 % par an. La commission a réduit chacun des groupes de recettes et de dépenses à une fonction d'élasticité, en tenant compte d'une part des tâches déjà arrêtées ainsi que d'autres, probables (transports, routes, aide aux universités), des conséquences probables de l'AELE et du Kennedy Round sur les droits de douane; pour les recettes fiscales, d'autre part, elle s'est fondée sur les bases légales de 1965. Elle a .ainsi pu estimer le taux de croissance des recettes à 8,5 % pour les impôts et à 4,6 % pour les droits de douane et les autres postes, aboutissant à un total de recettes, selon la variante supérieure, de 9151 millions en 1974. Pour les dépenses, elle a retenu un taux de croissance de 9,4 %, qui porterait le total à 11.054 millions en 1974. Le déficit s'élèverait alors à 1903 millions. Les calculs parallèles menés pour les cantons et les communes aboutissent à des déficits de 2196 et de 1536 millions en 1974. La part des dépenses publiques au PNB serait alors de 25 % environ
[12]. La commission a émis aussi des conclusions, d'ordre politique. Elle a constaté qu'il y avait peu de possibilités de restreindre les dépenses, qu'il faudrait donc rechercher de nouvelles recettes pour éviter un endettement estimé à 12 milliards en 1974 (et dont la charge représenterait plus d'un demi-milliard); elle a suggéré d'éviter les dépenses publiques à l'étranger, et tout au moins de compenser celles-ci par des impôts nouveaux pour éviter l'inflation. Elle a émis l'avis que les calculs devraient être révisés tous les deux ans. Enfin, une hausse des impôts correspondant aux montants à couvrir serait encore supportable pour l'économie et n'empêcherait pas la hausse du niveau de vie.
Ce travail, très important, n'a pas manqué d'impressionner. Il a contribué à accélérer une prise de conscience que le Conseil fédéral n'était pas parvenu à obtenir malgré ses avertissements. Cependant, il a été critiqué assez vivement par des observateurs, pour la plupart liés aux affaires, qui ont reproché à la Commission Jöhr d'avoir pris des options politiques en préjugeant de décisions encore pendantes, d'avoir fait preuve de fatalisme et d'avoir voulu forcer l'idée d'une hausse des impôts
[13]. La guerre menée ainsi contre l'expertocratie s'explique par la volonté d'agir d'abord sur les dépenses, comme nous allons le voir; elle n'a d'ailleurs pas empêché le Conseil fédéral de juger les travaux de la Commission Jöhr comme utiles et extrêmement valables, même lorsque ses conclusions s'écartent de celles du rapport
[14]. Un autre groupe d'experts a en outre estimé les besoins d'investissements pour l'infrastructure à 585 milliards d'ici à 1985, dont 295 à la charge des pouvoirs publics, ce qui n'est pas contradictoire avec le rapport Jöhr
[15].
Dépenses
Tout au cours de l'année, mis en éveil par le budget 1966 et ses perspectives déficitaires, la plupart des groupes n'ont cessé de réclamer une compression massive des dépenses publiques. Le DFD lui-même, jusqu'à la fin de mai, a mis l'accent sur cette nécessité: il s'agissait là d'une condition primordiale à la recherche de l'équilibre financier et la création de nouvelles recettes ne devait avoir lieu que plus tard
[16]. Mais, dès ce moment-là, l'adaptation du fisc à la situation est devenue elle aussi urgente aux yeux de l'administration, sans pour autant que les mesures d'économie perdent de leur nécessité; il y a eu simplement un déplacement de valeurs
[17]. La commission d'experts instituée à la suite d'une motion adoptée par les Chambres en décembre 1964 et chargée d'examiner les subventions fédérales (Commission Stocker, du nom de son président) a déposé son rapport en juillet 1966
[18]. Elle n'a eu à s'occuper que d'un secteur, particulièrement coûteux, des dépenses de la Confédération: les subventions ont augmenté très rapidement au cours des dernières années, sans répondre à une politique définie. Selon la commission, la subvention doit servir à régulariser l'évolution économique; elle ne doit pas devenir un instrument de sauvegarde des structures; par conséquent, elle devrait n'être permanente qu'aussi longtemps qu'elle concourt au but fixé, et prévoir des délais de démantèlement progressif. De même, dans certains cas, le poids de la subvention pourrait être supporté par les consommateurs sans inconvénients pour les ajustements structurels recherchés. En outre, le taux de subventionnement devrait être fixé assez bas, de façon à ce que les milieux intéressés, participant au financement, fassent preuve de plus de réserve. Enfin, le rôle de la subvention dans la péréquation financière entre les cantons est important; il faut donc renforcer la clé de répartition. Ces considérations ont amené la commission, après examen de toutes les subventions, à proposer des réductions ou des suppressions de l'ordre de 140 millions, soit 10 % des montants versés en 1966. Ce sont entre autres l'aide aux chemins de fer privés (couverture de déficits, rapprochement des. tarifs), les mesures d'abaissement des prix agricoles (lait, produits laitiers surtout), l'aide aux caisses-maladies et aux compagnies d'assurance-accidents, celle attribuée à diverses organisations sociales dispersées, le soutien des syndicats, la subvention à l'école primaire qui ont fait l'objet de propositions de réduction ou de suppression. Le Conseil fédéral s'est associé aux conclusions de la commission et a décidé de les réaliser dans leur ensemble et le plus rapidement possible
[19]. En même temps, il a confié à une Commission Stocker élargie le soin de soumettre toutes les dépenses fédérales à un examen analogue; un regroupement des dépenses selon leur affectation permettrait peut-être d'effectuer de nouvelles économies.
Le rapport Stocker a, comme les observateurs le prévoyaient, suscité des réactions fort négatives de la part des milieux visés par les réductions. Alors que certains faisaient valoir la nécessité de réaliser tout en bloc, d'autres ont reproché au Conseil fédéral de reprendre les propositions Stocker sans examen et de rejeter ainsi sur le Parlement la responsabilité des décisions politiques. Les cantons financièrement faibles ont posé comme préalable la révision de la péréquation en leur faveur
[20]. Les groupements de gauche ont protesté contre le transfert des charges au consommateur
[21]. L'Union des entreprises de transports publics, dans un mémoire, chercha à justifier l'utilisation des fonds reçus en fonction des améliorations survenues ou en cours
[22].
Après avoir consulté les cantons, le 26 septembre, le Conseil fédéral mit au point un programme de compression des dépenses, dont le premier élément apparut dans le budget 1967. Sur les propositions de la commission Stocker, un certain nombre pouvait être réalisé par la voie budgétaire, en fonction des compétences attribuées au gouvernement, soit près de 50 millions. Pour les autres, il convenait de procéder à des révisions de lois et d'arrêtés fédéraux, soit pour un montant de 73 millions; les propositions ont fait l'objet d'un message au début de 1967
[23]. En ce qui concerne l'abandon du subventionnement à l'école primaire, la révision de l'article 27 bis Cst. est nécessaire.
Budget 1967
Après de gros efforts de compression, le Conseil fédéral a publié un projet de budget pour 1967
[24], qui prévoyait un déficit de 432 millions au compte financier, après que les premières estimations eurent donné un chiffre de 1128 millions. Les dépenses, prévues à 5827 millions, étaient inférieures à celles du budget de 1966 (5867 millions); en fait, comme les parts des cantons sont très inférieures les années où le rendement de l'impôt sur la défense nationale est moindre, les dépenses effectives de la Confédération accusent une augmentation de 1,2 %, ce qui n'en constitue pas moins une stabilisation brutale. Le déficit est dû avant tout au plus faible rendement de l'impôt et des droits de douane: 5395 millions prévus au lieu de 5629 au budget 1966. La stabilisation des dépenses a pu être obtenue par le renvoi de l'exécution de certains projets, par des transferts (aide au logement, dont le financement devrait être assuré par des banques), enfin par la suppression de quelques subventions, dont le plus gros poste reposait sur le placement des produits laitiers (43 millions d'économies). Au cours des débats parlementaires, le déficit présumé a pu être encore ramené à 413 millions. Les accrochages qui eurent lieu au sujet des subventions furent rudes. La Commission des finances du Conseil national avait proposé que les subsides aux organisations ne soient diminués que de moitié en 1967, et supprimés en 1968. Elle l'emporta sur la plupart des points. Mais les subventions aux organisations de salariés furent âprement défendues dans leur intégrité par les représentants des syndicats, sans succès d'ailleurs. Quant aux suppressions impliquant un transfert des charges sur les consommateurs, elles furent combattues par les socialistes qui furent encore mis en minorité. Ceux-ci s'abstinrent en signe de protestation lors du vote d'ensemble
[25].
Recettes
La nécessité d'adapter les recettes aux dépenses a été déjà soulignée à fin mai par le DFD qui a repris l'idée de percevoir des péages pour les tunnels routiers alpestres
[26]. En même temps, il annonçait la formation d'une commission chargée de rechercher des ressources nouvelles, composée de professeurs, de directeurs cantonaux des finances, de représentants des groupes économiques et politiques. Cette commission, présidée par M. Rohner, député de Saint-Gall au Conseil des Etats, se réunit en septembre et fut saisie des rapports Jöhr et Stocker. Elle réagit plus en commission parlementaire qu'en groupe d'experts et réclama du Conseil fédéral un programme défini
[27]. Le 26 septembre, celui-ci fit lire aux Chambres une lettre annonçant un programme fiscal d'urgence, sur lequel. les deux conseils devraient délibérer à la session de décembre, de façon à ce que le projet puisse être soumis au peuple au printemps 1967. D'emblée, le Conseil des Etats a refusé de se plier à cette procédure, préférant attendre les conclusions du Conseil national
[28]. Deux semaines plus tard, désirant profiter de l'atmosphère créée par la publication des rapports Jöhr et Stocker, le Conseil fédéral soumettait un programme fiscal immédiat à la consultation des cantons et des milieux intéressés. II proposa de renoncer à la réduction de 10 % accordée sur l'impôt sur le chiffre d'affaires (ICHA), de biffer les médicaments, les livres, les savons et produits de lessives de la liste franche de l'ICHA, de hausser le taux de l'ICHA pour les travaux professionnels du bâtiment à 4 %, avec un stade provisoire à 3 %, de supprimer le rabais de 10 % accordé sur l'impôt pour la défense nationale (IDN). Il demanda en outre la modification de la Constitution de façon à introduire un taux maximum plus élevé que le taux actuel pour 1'IDN, avec la compétence pour le parlement de fixer ce taux, dans la norme établie, au moyen d'un arrêté fédéral de portée générale; il s'agissait là d'une innovation de grande portée, qui permettrait d'assouplir la législation fiscale actuellement entièrement tributaire du jugement référendaire. Enfin, le Conseil fédéral suggérait de prolonger de un à deux ans la levée de l'impôt sur les coupons aboli par la loi du 13 octobre 1965 sur l'impôt anticipé
[29]. Le rapport probable des nouvelles mesures, impôt sur les coupons mis à part, serait de 70 millions en 1967 (entrée en vigueur au ler juillet), de 389 millions en 1968, 357 en 1969, 546 en 1970 et 540 en 1971
[30]; ce ne serait pas suffisant pour couvrir les déficits annoncés, mais permettrait au moins de mener une révision des tâches de la Confédération et de ses recettes sans trop forte pression. La consultation fut défavorable en général et révéla un désaccord profond. Sur un point seulement, tous se trouvèrent d'accord, à savoir pour condamner la modification constitutionnelle, question de principe à régler isolément et non dans le cadre d'un programme immédiat. Les cantons s'opposèrent pour la plupart à la suppression du rabais sur l'IDN, alors que les organisations de gauche protestaient contre la hausse de l'ICHA, supportée selon elles uniquement par les consommateurs, et que les milieux d'affaires prêchaient la prudence et la circonspection, en attendant les résultats des propositions de compression des dépenses
[31].
Résolu à pousser l'effort jusque dans ses dernières conséquences, le Conseil fédéral décida de proposer le programme immédiat aux Chambres, par un message du 7 novembre; il abandonnait la modification du système de l'IDN et ramenait le taux de l'ICHA pour les travaux professionnels du bâtiment à 3 %. Il suggérait encore, sans la proposer formellement, la prolongation de l'impôt sur les coupons
[32]. La controverse continua à se développer, autant sur les principes que sur des prétextes à temporiser. Le Parti socialiste, appuyé par les organisations de salariés et de consommateurs, érige en pétition de principes la répartition égale de la charge entre l'impôt direct et l'impôt indirect; l'impôt direct fédéral devrait aussi fournir les moyens de redistribuer les revenus, d'où la nécessité de frapper plus les gros contribuables. Pour la gauche, donc, le projet devait être allégé quant à l'ICHA (intégralité de la liste franche, maintien du rabais) et renforcé quant à l'IDN (hausse du taux maximum et de la progression)
[33]. Les autres partis gouvernementaux, en opposition fondamentale avec les socialistes sur ce terrain, acceptaient le projet avec beaucoup de réserve, résolus cependant à refuser la hausse du taux maximum de l'IDN et la prolongation de l'impôt sur les coupons; pour eux, l'impôt direct doit être réservé, autant que possible, aux cantons et aux communes qui n'ont pas d'autres ressources fiscales d'importance. Pour des raisons politiques, ils ne tenaient pas à s'exposer trop en faveur d'un programme que l'opposition d'un groupe nombreux ferait presque à coup sflr échouer à la votation populaire. Ce sont les radicaux qui firent preuve du plus de retenue, posant la condition de l'unité des quatre partis gouvernementaux comme préalable
[34]. Les milieux patronaux, quant à eux, soucieux de ne pas trop accorder à l'Etat, souhaitaient que les mesures de hausse se limitent à l'ICHA et s'opposaient aux thèses socialistes sur l'IDN au nom de la nocivité d'une fiscalité directe trop lourde pour l'économie
[35].
Au Conseil national, une motion socialiste demandant la prolongation de l'impôt sur les coupons échoua tout d'abord, malgré l'appui du Conseil fédéral, devant les objections juridiques de la majorité
[36]. Puis, les 19 et 20 décembre, après un long débat d'entrée en matière, à laquelle communistes et indépendants s'opposèrent, les thèses diverses s'affrontèrent sous forme d'amendements; les indépendants, opposés à la hausse de l'ICHA, échouèrent; les socialistes tentèrent d'augmenter le taux maximum de l'IDN à 10 % pour les revenus, assorti d'une progression jusqu'à 170.000, sans succès; une seconde proposition, conciliatrice, socialiste, de porter le taux à 9 % connut le même sort; les libéraux essayèrent en vain d'empêcher la suppression du rabais de 10 % sur l'IDN. Seule la proposition de maintenir la liste franche de l'ICHA dans son état actuel fut admise. L'ensemble du projet fut voté en définitive par 115 voix contre 38, le groupe socialiste s'étant divisé; les non provenaient aussi bien de libéraux, d'indépendants que de socialistes
[37]. Les tentatives préliminaires de conciliation avaient échoué, et le Parti radical, notamment, ne manifestait plus une volonté bien ferme de porter la responsabilité d'un programme par essence impopulaire; les élections de l'automne 1967 paraissent avoir eu raison de la volonté gouvernementale, dont beaucoup d'observateurs ont estimé qu'elle s'était manifestée trop vite après avoir fait trop longtemps défaut, dans un climat d'urgence où les problèmes fondamentaux de la répartition des charges et des recettes entre les différents pouvoirs publics étaient escamotés
[38].
Il faut noter enfin, dans le domaine fiscal encore, la hausse des suppléments de prix sur les huiles et graisses comestibles, décidée par le Conseil fédéral pour aligner les prix de ces denrées sur ceux des produits laitiers libérés, et approuvée avec le budget
[39]. Par ailleurs, un projet de hausse des droits de douane pour le carburant Diesel a été soumis à la consultation le ler novembre; le Conseil fédéral a décidé l'entrée en vigueur, dès le 5 décembre, des nouveaux droits, légèrement diminués par rapport au premier projet, sous réserve de l'approbation parlementaire
[40]. En outre, le Conseil fédéral a relevé les droits frappant les céréales panifiables importées, dès le 1er octobre
[41]. Enfin, la question des amnisties fiscales a occupé les esprits. En réponse à une motion Mäder, approuvée par les Chambres, le Conseil fédéral a proposé d'étendre à l'IDN le bénéfice des amnisties fiscales cantonales, selon deux variantes, l'une prévoyant, l'amnistie totale, liée à l'amnistie cantonale, la seconde la simple suppression des pénalités en cas de dénonciation spontanée. Le Conseil des Etats a adopté la première variante en la modifiant un peu
[42].
[1] Cf. Message du Conseil fédéral concernant le compte d'Etat de la Confédération pour l'année 1965, du 19 avril 1965, ainsi que GdL, 35, 7.3.67.
[2] Cf. L'Economie suisse en 1966, Union de Banques Suisses, Zurich 1966, p. 10.
[3] Cf. plus haut, p. 43.
[4] Cf. La Vie économique, 40/1967, p. 91 ss.
[5] Cf. Message du Conseil fédéral du 19 septembre 1966, in FF, 1966, II, p. 535 ss.
[6] NZZ, 3951, 19.9.66; 4776, 7.11.66; Bull. stén. CE, 1966, p. 307 ss.
[7] NZZ, 1383, 30.3.66; 3393, 11.8.66.
[8] NZZ, 1404, 31.3.66; 2399, 31.5.66; 4377 et 4385, 14.10.66.
[9] FF, 1966, II, p. 724 ss.
[10] Cf. Rapport du Conseil fédéral sur sa gestion en 1965, p. 9.
[11] Cf. Message du Conseil fédéral concernant le budget de la Confédération pour 1967, p. 40.
[12] Rapport de la commission d'experts chargée de procéder d une évaluation des recettes et des dépenses de la Confédération pour la période de 1966 d 1974 (Commission Jôhr), Berne 1966. Cf. aussi NZZ, 3729 et 3743, 6.9.66; 3809, 10.9.66; TdG, 208, 6.9.66.
[13] NZZ, 3772, 8.9.66; Vat., 219, 21.9.66 (interpellation Korner, ces., LU) ; NZZ, 3987, 21.9.66 (Société pour le développement de l'économie suisse); Bund, 380, 29.9.66 (interpellation Raissig, rad., ZH, et Correspondance politique suisse); Vat., 246, 22.10.66 (service de presse conservateur).
[14] Message du Conseil fédéral concernant le budget 1967, cf. plus haut, note 11.
[15] Groupe de recherche de l'Institut pour l'aménagement local, régional et national, présidé par le professeur Rotach; cf. NZ, 526, 13.11.66.
[16] Cf. TdG, 96, 26.4.66; NZ, 189, 26.4.66; Vat., 102, 3.5.66; Weltwoche, 1695, 6.5.66.
[17] Cf. NZ, 241, 28.5.66; NZZ, 2839 et 2843, 28.6.66; Ostschw., 191, 20.8.66.
[18] Réexamen général des subventions fédérales, Rapport de la Commission d'experts instituée par le Conseil fédéral, Berne, juillet 1966.
[19] Cf. GdL, 208, 6.9.66; 210, 8.9.66; 211, 9.9.66; NZZ, 3729 et 3743, 6.9.66; voir aussi Message du Conseil fédéral concernant le budget 1967, p. 18 ss.
[20] Cf. Vat., 210, 10.9.66; 219, 21.9.66 (Interpellation Torche, ccs., FR, au CE); Bund, 372, 24.9.66; NZZ, 3907, 16.9.66; 4037, 24.9.66; 4099, 28.9.66.
[21] Cf. NZ, 413, 7.9.66; 464, 7.10.66; TdG, 234, 7.10.66.
[22] Cf. GdL, 257, 3.1 1.66.
[23] Cf. FF, 1967, 1, p. 301 ss. Voir aussi Message du Conseil fédéral concernant le budget 1967, p. 18 ss.
[24] Message du Conseil fédéral concernant le budget de la Confédération pour 1967. Voir aussi BN, 453, 25.10.66; Tw, 254, 28.10.66; PS, 262, 12.11.66.
[25] Délibérations du CN, le 30 novembre, les 1er, 2, 5, 6, 7, 19 et 20 décembre (NZZ, 5193, 30.11.66; 5201, 5206 et 5208, 1.12.66; 5232, 2.12.66; 5293 et 5296, 6.12.66; 5318, 7.12.66; 5528, 20.12.66; 5534, 21.12.66), du CE les 12, 13 et 20 décembre (NZZ, 5418 et 5422, 13.12.66; 5529, 20.12.66).
[26] Cf. plus bas. p. 81.
[27] Cf. GdL, 210, 8.9.66; 218, 17.9.66; NZ, 414, 8.9.66; 469, 11.10.66; NZZ, 3971, 21.9.66.
[28] Cf. GdL, 225, 27.9.66; 227, 29.9.66; NZZ, 4077, 27.9.66; 4099, 28.9.66. La Commission Rohner, de son côté, refusa aussi la procédure d'urgence, cf. note 27.
[29] Cf. NZZ, 4361, 13.10.66; GdL, 240, 14.10.66. Sur la loi du 13 octobre 1965, cf. RO, 1966, p. 385 ss.
[30] Les chiffres indiqués sont ceux des recettes nettes, part des cantons à l'IDN déduite. Le poids principal des ressources nouvelles repose sur I'ICHA, au début du moins.
[31] Cf. GdL, 261, 8.11.66; NZZ, 4744, 4.11.66. — Voir aussi NZZ, 4492, 21.10.66 (Union centrale des associations patronales); 4727, 4.11.66 (Union suisse des Arts et Métiers, qui accepte un taux de 3 % pour l'ICHA sur les travaux professionnels du bâtiment); TdG, 247, 22.10.66 (Union syndicale suisse). Critique générale in NZZ, 4481, 20.10.66.
[32] FF, 1966, Il, p. 657 ss.
[33] Cf. NZZ, 5173, 29.11.66; TdL, 335, 1.12.66. — Voir aussi Tw, 21, 26.1.66; 266, 11.11.66; 270, 16.11.66; 281, 29.11.66; 282, 30.11.66; PS, 264, 15.11.66; NZZ, 4913, 15.11.66; 5173, 29.11.66.
[34] Cf. NZZ, 5078, 24.11.66; 5138, 28.11.66.
[35] Cf. NZZ, 4757, 5.11.66; 4857, 11.11.66; 5195, 30.11.66; JdG, 298, 21.12.66.
[36] Motion Eggenberger (soc., SG), repoussée le 6 décembre par le CN, par 98 non (en majorité radicaux, libéraux, indépendants et conservateurs) contre 61 oui et 13 abstentions à l'appel nominal. Cf. Bull. stén. CN, 1966, p. 595 ss.
[37] Cf. NZZ, 5528 et 5529, 20.12.66: 5538, 21.12.66; GdL, 297, 20.12.66; 298, 21.12.66; Tgv, 299, 20.12.66; 300, 21.12.66; PS, 300-302, 28.-30.12.66.
[38] On sait que, depuis lors, le CN est revenu sur sa décision après celle, positive, du CE. Sur les jugements généraux, et l'attitude du Parti radical, cf. BN. 482, 12.11.66; 493, 19.11.66; 526,10.12.66; Bund, 492, 17.12.66; NZZ, 5569, 23.12.66; GdL, 305 31.12.66.
[39] Voir plus haut, p. 59 s., et RO, 1966, p. 1738. Cette hausse rapportera 40 millions par an.
[40] Cf. Message du 16 décembre 1966, in FF. 1966, Il, p. 935 ss., ainsi que TdG, 256, 2.11.66; GdL, 285, 6.12.66. Cette mesure doit rapporter 30 à 35 millions par an.
[41] Cf. CdL. 231, 4.10.66. Rétablissement du droit à 3 francs par 100 kg, qui devrait rapporter 12 millions par an.
[42] Message du 6 juin 1966, in FF, 1966,1, p. 955 ss., ainsi que Bull. stén. CE, 1966, p. 270 ss.