Au printemps 2024, après une année 2023 marquée par une faible conjoncture et une hausse des prix de l'énergie, l'industrie sidérurgique suisse était en grande difficulté. Dans ce contexte, le député soleurois Christian Imark (udc, SO) a déposé une motion chargeant le Conseil fédéral d'agir conjointement avec le canton de Soleure pour sauver l'aciérie Stahl Gerlafingen. Au Conseil des Etats, une motion parallèle a été déposée par la députée socialiste soleuroise Franziska Roth (ps, SO). Au vu de la situation alarmante, une autre motion portant également sur les difficultés de l'industrie sidérurgique a été déposée au Conseil des Etats par Damian Müller (plr, LU).
Lors de la session d'automne 2024, le député Christian Imark a souligné que, six mois après le dépôt de sa motion, les inquiétudes concernant la fermeture des deux principaux sites de Stahl Gerlafingen demeurent vives. Bien que la faillite de ce groupe serait absorbable pour l'économie suisse dans son ensemble, le député soleurois a mis en garde contre des conséquences notables, particulièrement d’ordre environnemental. Chaque année, environ 1.5 million de tonnes de ferraille sont recyclées et transformées en Suisse, un processus qui, en cas de fermeture, nécessiterait l'exportation de ces matériaux pour traitement à l'étranger. En outre, les usines étrangères utilisent principalement du charbon, ce qui entraînerait environ 3 millions de tonnes d'émissions de CO2 supplémentaires, soit presque 10 pour cent des émissions annuelles de la Suisse. Christian Imark a également soulevé la question de l'approvisionnement stratégique, affirmant qu'il est essentiel de conserver et de traiter les matières premières au niveau national. En réponse à une question de David Roth (ps, LU), Christian Imark a souligné que les mesures demandées dans la motion devraient être étendues aux autres entreprises sidérurgiques, et pas uniquement à Stahl Gerlafingen. Toutefois, pour répondre à la suggestion de Sophie Michaud Gigon (vert-e-s, VD) il s'est déclaré en défaveur d'une politique industrielle globale en Suisse, qui serait chapeautée par l'Etat.
Le ministre de l'économie Guy Parmelin est ensuite intervenu pour rappeler l'opposition de l'exécutif à cette motion. En effet, il a expliqué qu'une collaboration a déjà été entamée avec les principaux acteurs du secteur, qu'une réorganisation des quotas d'exportation ont été négociés avec l'Union européenne (UE) et que l'usage du droit de nécessité serait difficilement justifiable, l'entreprise Stahl Gerlafingen n'étant pas considérée comme d'«importance systémique». Par ailleurs, l'entrée en vigueur en 2025 de la loi révisée sur le CO2 devrait permettre aux entreprises du domaine d'alléger leurs factures d'électricité. Ces arguments ont peu convaincu David Roth et Farah Rumy (ps, SO), qui ont demandé au conseiller fédéral de préciser davantage les mesures qu'il comptait prendre à l'avenir. L'argumentaire de Guy Parmelin n'a, par ailleurs, pas convaincu la majorité du Conseil national, qui a accepté la motion par 96 voix (38 PS, 31 UDC, 22 Vert-e-s, 4 Centre et 1 PLR) contre 83 (25 PLR, 27 UDC, 24 Centre, 7 Vert'libéraux) et 7 abstentions (2 PLR, 2 UDC, 2 Centre, 1 Vert-e-s). .

Dossier: Mesures d'aides à l'industrie sidérurgique suisse

Durant la session d'hiver 2024, le Conseil des États a traité trois motions portant sur l'industrie sidérurgique (24.3159, 24.3146 et 24.3374) lors du même débat. À la suite du retrait de la motion 24.3159 de Franziska Roth (ps, SO), il ne restait en lice plus que la présente motion de Christian Imark (udc, SO), portant spécifiquement sur l'aciérie Stahl Gerlafingen, et la motion 24.3374 du député Damian Müller (plr, LU). Tandis que le rapporteur de la Commission de l'économie et des redevances (CER-CE) Pirmin Bischof (centre, SO) a encouragé l'adoption des deux motions, qu'il a jugé complémentaires, Tiana Moser (pvl, ZH) a plaidé pour le rejet des deux motions, au nom d'une minorité formée par Andrea Caroni (plr, AR), Peter Hegglin (centre, ZG), Martin Schmid (plr, GR), Hans Wicki (plr, NW) et elle-même. Selon cette minorité, il est essentiel de préserver les conditions-cadres libérales, plutôt que de recourir à une politique industrielle interventionniste et à des subventions publiques. La députée a également souligné que, bien que la production d’acier «vert» soit importante, d’autres aciéries en Europe emploient, elles aussi, des technologies respectueuses de l’environnement.
Enfin, deux conseillers fédéraux sont intervenus dans le débat. Le ministre de l'économie Guy Parmelin a recommandé le rejet de la motion de Christian Imark, expliquant que le Conseil fédéral refuse d'accorder des aides financières à des entreprises individuelles. Il a également mentionné plusieurs mesures qui entreront en vigueur dès 2025 pour soutenir les entreprises sidérurgiques, notamment des nouveaux instruments de promotion prévus par la loi sur le CO2. Il a surtout rappelé que l'essentiel des revendications de la motion Imark ont déjà été intégrées dans les mesures urgentes adoptées durant la session d'hiver par les chambres, qui prévoit une exonération partielle des taxes d'utilisation du réseau électrique pendant quatre ans. Finalement, Albert Rösti est intervenu pour défendre la position du Conseil fédéral concernant la motion du sénateur Damian Müller. Il a recommandé le rejet de la motion, en argumentant que les demandes qui y sont formulées sont déjà en cours de traitement.
Le Conseil des États a finalement entendu les arguments de Guy Parmelin et a rejeté la motion Imark par 14 voix contre 25 et 3 abstentions. À l'inverse, la chambre basse n'a pas accédé à la demande d'Albert Rösti et a accepté la motion Müller 24.3374.

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