La controverse concernant la construction d'un ou de deux tunnels ainsi que leur financement s'est poursuivie en 1995. En début d'année, deux événements ont notamment contribué à échauffer les esprits. D'une part, la prise de position du conseiller national zurichois Blocher (udc) en faveur, pour des raisons financières, de la construction du seul tunnel du Gothard n'a pas manqué de susciter de vives réactions tant de la part du conseiller fédéral Ogi que des cantons bernois et romands. Les cantons romands et bernois ont dénoncé - notamment lors d'une manifestation de soutien au Lötschberg qui s'est tenue à Berne et qui a réuni les milieux économiques et politiques des cantons concernés - le fait que cette proposition ne prenne en compte que les intérêts du pôle économique zurichois, négligeant totalement ceux de la Suisse occidentale. Ils ont en outre souligné que, si seules des considérations d'équilibre budgétaire devaient être prises en compte, la construction du Lötschberg s'imposait, son coût étant moins élevé et sa réalisation plus rapide.
D'autre part, la publication d'un rapport commandé à un bureau londonien par le DFTCE a confirmé les craintes de ceux qui, à l'instar du chef des finances Otto Stich, doutaient fortement de la rentabilité des NLFA. L'étude des experts anglais a en effet souligné que la rentabilité des transversales alpines reposait sur certaines conditions, dont la réalisation ne pouvait de loin pas être tenue pour garantie. Plus précisément, l'expertise a mis en évidence le fait que, pour avoir une chance de rembourser les prêts en 2070, il serait indispensable d'augmenter de 15 pour cent les tarifs du transport ferroviaire et d'accroître, dans la même mesure, les coûts du transport routier afin que le rail conserve sa compétitivité. De plus et surtout, ces hausses devraient être valables à l'échelle européenne - ce qui présuppose une politique de coordination en la matière - afin d'éviter que les transporteurs routiers ne préfèrent contourner la Suisse. En conclusion de leur étude, les experts londoniens ont souligné que si ces conditions devaient ne pas être remplies, les intérêts mêmes des emprunts pourraient être difficiles à rembourser, ce qui signifierait un accroissement incontrôlable de la dette. Outre le coût global des NLFA, l'étude londonienne a également analysé la rentabilité des différentes variantes en discussion. Ainsi, elle a estimé que la construction de la seule galerie de base du Gothard, à laquelle s'ajouteraient uniquement dans un second temps les voies d'accès, était la solution la plus économique. Les autres alternatives retenues par l'étude londonienne se classent ainsi (par ordre de coût croissant): la construction simultanée du Gothard et des voies d'accès, la construction du Lötschberg suivie de celle du Gothard, la construction échelonnée inverse des deux axes, la construction simultanée des deux axes.
Dossier: Histoire des nouvelles lignes ferroviaires à travers les Alpes (NLFA)