Mettre en place un "pour-cent de sécurité" temporaire pour le financement transitoire de l'AVS et de l'armée (Mo. 24.3587)

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Les prescriptions en vigueur en ce qui concerne les exercices de tir de l'armée visent à protéger la population des nuisances sonores qu'ils pourraient occasionner. Mais pour la Commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats (CPS-CE), ces restrictions vont trop loin et empêchent les militaires de s'entraîner suffisamment pour faire face à la situation géopolitique tendue à laquelle est confrontée la Suisse. C'est la raison pour laquelle les membres de la CPS-CE ont déposé un postulat demandant au Conseil fédéral d'envisager une modification des dispositions de l'Ordonnance sur la protection contre le bruit (OPB ; RS 814.41) relatives aux places d'armes, de tir et d'exercice militaires. Il s'agit de déterminer si ces règles sont plus exigeantes que celles en vigueur dans d'autres domaines d'action de l'Etat. Le deuxième objectif de ce postulat est de savoir quelles économies pourraient être réalisées en modifiant les prescriptions de l'ordonnance mentionnée plus haut.
S'exprimant au nom de la commission, le conseiller aux Etats bernois Werner Salzmann (udc) a appelé ses collègues à voter en faveur du postulat affirmant que la guerre en Ukraine avait rendu plus vraisemblable le scénario d'une attaque armée contre la Suisse. Il a donc indiqué que la formation des soldats, notamment en matière de tir, était devenue essentielle pour garantir la sécurité du pays. Ceci rendrait la modification des prescriptions en matière de protection contre le bruit nécessaire. Et il a rappelé que d'autres domaines dans lesquels l'Etat était actif étaient confrontés à moins de restrictions que l'armée. Il a conclu son intervention en affirmant que l'argent que l'armée devait investir dans des mesures permettant l'insonorisation de ses exercices de tirs pourrait être employé pour renforcer la capacité de défense de la Suisse.
L'écologiste Céline Vara (NE) a quant à elle invité ses collègues à soutenir la proposition de minorité qu'elle avait déposée en commission et donc à rejeter ce postulat. En effet, elle affirme que l'armée doit être à l'écoute des besoins de la population. Elle estime qu'«à l'instar des bruits routiers, aériens ou ferroviaires, ces nuisances sonores provoquent un stress chronique». L'élue neuchâteloise a également indiqué que ce type d'exercices pouvaient occasionner des maux de tête, de l'hypertension artérielle ou des infarctus du myocarde. Par ailleurs, elle a souligné le fait que les tirs organisés par l'armée dévalorisaient les biens immobiliers qui se trouvaient à proximité de la zone où avaient lieu ces exercices et rendaient moins attractifs les restaurants ou hôtels de la région concernée. La socialiste Franziska Roth (ps, SO) a elle aussi demandé à ses collègues de voter en faveur de la proposition Vara en affirmant que la guerre en Ukraine ne devait pas conduire les parlementaires fédéraux à mettre en cause des dispositifs de protection de la population dont la valeur est considérable. Andrea Gmür-Schönenberger (centre, LU) a répondu à cette attaque en affirmant que les partisans du postulat de la CPS-CE «nehmen die Gesetze ernst», mais qu'il était nécessaire de prendre en compte l'évolution spectaculaire de la situation sécuritaire au cours des dernières années. C'est aussi ce qu'a affirmé la ministre de la défense Viola Amherd à la fin des débats, lorsqu'elle a pris la parole pour défendre la position du Conseil fédéral et appeler les sénateurs à soutenir le postulat. Elle a par ailleurs indiqué qu'il était possible d'envisager la mise en place de dispositifs réduisant davantage les nuisances sonores, telles que la construction de halles fermées, mais que ces mesures étaient très coûteuses et ne pourraient pas être appliquées partout.
Les sénateurs ont accepté le postulat de la CPS-CE par 27 voix contre 12 et aucune abstention.

Le conseiller aux Etats Benedikt Würth (centre, SG) estime que la Confédération fait face à trois défis en matière de finances fédérales, dont l'un concerne directement le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS). En effet, si les deux premiers défis mentionnés par cet élu concernent la réduction du déficit de CHF 4 milliard de l'AVS et la stabilisation de cette institution au moins jusqu'en 2030, le troisième relève du financement de l'armée, puisqu'il s'agit de trouver un système permettant de financer l'augmentation des dépenses de la défense à un 1 pour cent du PIB. Pour parvenir à atteindre cet objectif, Benedikt Würth a déposé une motion demandant au Conseil fédéral de soumettre au Parlement deux projets d'actes législatifs. Le premier viserait à assurer des recettes supplémentaires pour l'AVS et à réduire ainsi son déficit. Ce projet permettrait également de stabiliser l'AVS jusqu'à 2030 et au-delà. Le second projet porterait sur le mode de financement de l'augmentation des dépenses de l'armée. Il s'agirait de dédier 0.4 point de TVA au financement de la défense. Le motionnaire propose que cette modification du cadre législatif soit effective à partir du 1er janvier 2026. Il demande également au Conseil fédéral de présenter une stratégie permettant de renforcer la capacité de défense du pays.
Lors du traitement de cet objet par le Conseil des Etats, le conseiller aux Etats Beat Rieder (centre, VS) a indiqué qu'il était nécessaire de procéder à une «seriöse Vorprüfung dieser Motion», puisque les enjeux liés à l'adoption de cet objet parlementaire étaient relativement importants. Il a donc déposé une motion d'ordre demandant de transmettre la motion à la Commission des finances du Conseil des Etats (CdF-CE) pour qu'elle procède à un examen préalable de cet objet. Benedikt Würth a apporté son soutien à la motion d'ordre déposée par Beat Rieder, mais il a estimé qu'il était nécessaire que les membres de la CdF demeurent conscients du fait que la Confédération dispose actuellement de moyens financiers limités. Selon lui, il est donc indispensable que les parlementaires ne fassent pas preuve d'idéologie mais soient plutôt déterminés «eine Lösung zu entwickeln».
Le conseiller aux Etats Charles Juillard (centre, JU) a quant à lui proposé que lors de l'examen de la motion Würth par la CdF-CE, l'idée de créer un paquet garantissant le financement de l'AVS et de l'armée soit envisagé. L'élu jurassien a tenu à rappeler qu'un tel dispositif avait déjà été mis en place dans le cadre du projet de réforme de la fiscalité et du financement de l'AVS qui avait fait l'objet d'un référendum en 2019.
La motion d'ordre Rieder, qui demandait la transmission de la motion Würth à la CdF-CE pour examen, a été adoptée tacitement.

Lors de sa séance du 20 février 2024, la Commission des finances du Conseil des Etats (CPS-CE) a décidé à l'unanimité de reporter l'examen de la motion Würth, estimant qu'elle ne disposait pas encore des informations nécessaires pour prendre une décision éclairée en matière de financement de l'AVS et de financement de l'armée. Les travaux de la commission dans ce domaine sont donc reportés jusqu'à une date qui reste encore à définir, probablement en janvier 2026.