L'annuaire sur la «Qualité des médias» 2023 s'est concentré sur l’acceptation de l'IA dans le milieu journalistique, par exemple avec l'usage de ChatGPT. Les chercheurs et chercheuses de l'Institut de communication et des médias de l'Université de Zurich (IKMZ), qui ont rédigé le rapport, ont observé que les habitant.e.s de la Suisse sont, pour la plupart, moins enclin.e.s à lire des articles écrits uniquement par l'intelligence artificielle (29%) que des articles écrits par des journalistes (84%). Cependant, quand il est question de «soft-news » ou de lectures par habitude – célébrités, sport, bourse ou météo –, les conclusions du rapport changent. Dans ce cas, une part de lecteur.trice.s plus élevée est susceptible de lire un article généré par une IA.
Les lecteur.trice.s et consommateur.trice.s ont toutefois affirmé souhaiter que les journalistes disent s'ils ont eu recours à une IA. La majorité des personnes qui ont pris part à l'étude ont exprimé des craintes vis-à-vis de la qualité des informations produites par une IA, redoutant principalement la perte de pluralisme des sources et un contexte favorable à la transmission de fausses informations. Les participant.e.s ont aussi relevé le fait que les médias économiseraient sur leur budget en utilisant des IA. Le Tages Anzeiger a évoqué la thématique, suite à la publication du rapport, en affirmant que, dans le groupe Tamedia, lorsque leurs journalistes usent d'une IA sans que la main humaine ne contrôle l'écrit par la suite ceci est mentionné. Dans le cas de figure où un.e employé.e relit, corrige ou complète le travail fournit par l'IA – par exemple pour une traduction ou une transcription d'interview – la mention n'est pas faite. Le débat sur l'IA pourrait être particulièrement important dans le cadre des discussions autour de l’«initiative SSR (200 francs, ça suffit)» qui vise à diminuer la redevance radio-télévision. Ce dernier point est problématique pour le secteur des médias, qui peine à trouver les fonds nécessaires pour son activité. En effet, les lecteur.trice.s sont de moins en moins prêt.e.s à payer pour le contenu médiatique, l'aide aux médias a été refusée en 2022 et les publicités ne rapportent plus autant qu'avant depuis que la digitalisation, avec par exemple Google et Meta, a déplacé les annonces publicitaires vers le web sur lequel les médias suisses ne touchent aucun revenu.
Le rapport a aussi évoqué la part de la population (42,7 %), en constante croissance, qui évite l'information, notamment en raison de la négativité des nouvelles. Par exemple, les jeunes femmes qui ont étudié moins longtemps ont statistiquement plus de chances d'éviter l'information. En revanche, le rapport met en lumière le fait que les personnes s'isolant des médias restent enclines à lire des articles positifs – traitant de bonnes nouvelles – ou des articles constructifs – présentant des solutions ou des améliorations possibles. Comme le rapport le mentionne, des études ont montré que l'intérêt pour l'information et l'intérêt pour la politique s'influencent mutuellement. Le renforcement de l'intérêt pour l'information, par exemple en évoquant des événements positifs, pourrait non seulement renforcer la démocratie en Suisse, mais aussi la participation à la vie politique.
De l'autre côté du tableau, la diversité des médias reste problématique. En effet, les médias se concentrent sur quelques grands groupes, qui sont répartis différemment entre la Suisse romande –TX Group et SSR possèdent ensemble 81,5 pour cent du marché – et la Suisse alémanique – TX Group (29,4%), SSR (26,8%), CH Media (16,1%) et Ringier (12,8%). D'après le rapport, leur monopole diminue la qualité journalistique, notamment parce que des articles sont repris pratiquement à l'identique dans différents journaux appartenant au même groupe. Malgré ce constat, la qualité des médias suisses est à son plus haut point depuis 2015. Ceci est en partie expliqué par les différentes crises qui ont éclaté depuis 2020 – Covid et guerre en Ukraine. Elles ont notamment augmenté la pertinence des articles et des reportages. Le rapport note qu'en fonction du type de média, la qualité varie, mais que de manière générale, elle s'améliore dans les médias suisses. Trois possibles améliorations ont été mentionnées. Premièrement, bien que l'actualité citadine soit souvent évoquée, les agglomérations ou régions périurbaines restent sous-représentées dans les publications. Deuxièmement, la résonance des entreprises dans les médias est plus importante lorsqu'elle provient du secteur financier et se sont principalement les scandales qui sont mis en avant. Le rapport souligne que cela peut péjorer l'image du secteur dans l'opinion publique et mener à mal des votations ou projets de loi en raison d'une perte de confiance dans le secteur économique. Finalement, certains journaux auraient des tendances plus à gauche – WOZ – ou à droite – Weltwoche – en termes de politique.
Par ailleurs, dans une étude se concentrant sur l'année électorale de 2023 et le soutien apporté aux objets, il a été observé que les médias suisses soutiennent plus facilement la position du gouvernement et que les initiatives populaires trouvent moins de soutien. Ce constat est plus marqué lorsque les initiatives proviennent de la droite et non de la gauche politique. Lorsque la nature des objets n'est pas différenciée, les objets provenant du centre-gauche sont plus soutenus que les objets du centre-droit.
En conclusion, bien que la qualité des médias s'améliore, le secteur médiatique fait face à de grands dilemmes. Son financement et une tendance grandissante à rejeter l'information s'imposent parmi les difficultés rencontrées. De plus, l'IA joue un rôle grandissant dans le journalisme, ce qui bouleverse les institutions et continuera d'être la cause de débats dans les années qui viennent.