Avec 213 candidatures (129 hommes et 84 femmes), on se bousculait au portillon sur les 36 listes déposées en vue des élections au Conseil national de 2023 en Valais. Pourtant, derrière ce chiffre brut se cachait une froide réalité: comme les huit sortants briguaient tous un nouveau mandat, le suspens était tout au plus limité. Philipp Matthias Bregy, Sidney Kamerzin, Benjamin Roduit (centre), Jean-Luc Addor, Michael Graber (udc), Emmanuel Amoos (ps), Philippe Nantermod (plr) et Christophe Clivaz (vert.e.s) possédaient une bonne longueur d'avance sur la concurrence. Selon le Temps, le seul et unique enjeu de l'élection était le duel entre Emmanuel Amoos et Sarah Constantin pour le siège socialiste. La cheffe de groupe au Grand Conseil paraissait ainsi être la seule femme en mesure de briser l'hégémonie masculine, puisque le Valais comptait une délégation composée uniquement d'hommes lors de la législature 2019-2023.
Le huitième siège accordé au Valais en 2015 en raison de l'évolution démographique avait permis une répartition équilibrée des sièges entre la gauche et la droite lors des élections de 2019, mais aussi entre les représentants du Haut-Valais et du Valais romand. Aucun parti ne semblait donc en capacité d'augmenter sa représentation en 2023. A gauche, le PS convoitait certes un deuxième siège, mais le cas échéant, cela risquait de se faire au détriment des Vert.e.s. Une ambition compliquée donc, d'autant plus que pour la première fois depuis belle lurette, les socialistes n'avait plus de tête de gondole leur permettant de récolter des voix au-delà de leur base, à l'image de Peter Bodenmann, Stéphane Rossini puis Mathias Reynard ces dernières années. Après l'élection de ce dernier au Conseil d'Etat en 2021, Emmanuel Amoos avait récupéré le siège socialiste à Berne. Considéré comme quelqu'un de «posé, calme et qui ne fait pas de grands discours, il fait moins vibrer les cœurs et les âmes militantes que d'autres», a confié un ancien député cantonal au journal le Nouvelliste. Bien qu'ils se soient efforcés de paraître unis durant la campagne, la candidature de Sarah Constantin risquait de lui faire de l'ombre. Originaire du Val d'Anniviers mais établie à Nendaz, l'enseignante pouvait ainsi compter sur le soutien de deux districts, mais aussi et surtout sur un éventuel «vote femme», alors que dans les autres partis, aucune candidature féminine présentant de réelles chance d'élection n'a émergé. Face au défi de conserver leur siège acquis en 2019, les Vert.e.s misaient de leur côté sur Christophe Clivaz, soutenu par une liste complète derrière lui.
De l'autre côté de l'échiquier politique, l'UDC du Valais romand comptait sur Jean-Luc Addor, élu depuis 2015. Ce dernier partageait l'affiche avec plusieurs jeunes politiciens aux dents longues, à commencer par Mathias Delaloye, président du Grand Conseil. Contrairement aux dernières fédérales, il n'y a pas eu de sous-apparentements avec la liste de l'UDC du Haut-Valais. Même si les deux partis ont mené la campagne côte à côte, le Nouvelliste a relevé qu'ils adoptaient des positions différentes sur certaines thématiques, notamment le développement des parcs solaires alpins ou l'augmentation des allocations familiales. Toujours à droite, le PLR lorgnait sur un siège du côté germanophone de la Raspille, avec Nicole Luggen et Niklaus Heinzmann comme candidat.e.s: une entreprise compliquée, ces derniers ayant été qualifiés de «plans C et D» par le Nouvelliste. Le PLR avait en effet essuyé les refus de Pierre-Alain Grichting et Mathias Bellwald, maire de Brigue, pour figurer sur la liste. Au Centre, les trois conseillers nationaux sortants ne risquaient a priori pas grand chose pour leur siège. Pour la «famille C», comme on l'appelle en Valais, il s'agissait surtout de la première élection sous la bannière du Centre. Parmi les autres partis, le POP, reformé en 2019 après vingt ans d'absence du paysage politique valaisan, présentait une liste complète et espérait apporter du soutien au reste de la gauche, à laquelle il s'est apparenté. Enfin, le parti vert'libéral, apparenté au PLR en 2019, partait pour la première fois seul dans la bataille.
A l'approche de l'élection, le Nouvelliste a établi un bilan de la législature des élus sortants, en s'entretenant avec d'autres élu.e.s sous la coupole et des journalistes de différents médias nationaux. Parmi les meilleurs élèves, Philipp Matthias Bregy, chef de groupe du Centre, a gagné rapidement en influence depuis son accession au national en mars 2019 (suite à l'élection de Viola Amherd au Conseil fédéral). Il a apposé sa marque conservatrice au sein de la fraction, selon l'élue verte vaudoise Léonore Porchet. Le président du Centre Gerhard Pfister a fait remarquer la personnalité joviale du haut-valaisan, capable de construire des ponts et de créer des alliances. Au national depuis 2015, Philippe Nantermod a certes été décrit comme parfois agaçant, mais ses collègues de la chambre basse parlent de quelqu'un de crédible et respecté au Parlement, qui tient ses positions. L'élu PLR a été particulièrement actif dans le domaine de la santé depuis la pandémie. Derrière le duo Brégy-Nantermod, Benjamin Roduit a été cité comme une figure importante de la délégation, lui aussi profilé dans le domaine de la santé, en siégeant au sein de la commission correspondante.
Autre membre du groupe du Centre, Sidney Kamerzin, élu en 2019, ne serait pas encore assez profilé sur un thème précis afin d'exercer une influence, bien que son parti aurait souhaité qu'il prenne plus de place sur les enjeux énergétiques. Quant à Christophe Clivaz, il a souffert de la difficulté des écologistes à faire passer leurs propositions minoritaires, mais s'est petit à petit fait sa place dans son parti avec son profil de scientifique, préférant la rigueur aux grandes allocutions. Jean-Luc Addor, certes clivant par sa ligne de droite dure, a été qualifié de référence pour l'UDC en Suisse romande, où les profils comme le sien sont rares. A Berne, il occupe le terrain (166 interventions durant la législature) sans pour autant chercher et trouver des majorités. Enfin, Emmanuel Amoos et Michael Graber, arrivés en 2021, n'auraient pas encore réussi à imposer leur patte. Pour Amoos, le Nouvelliste a relevé que les figures socialistes romandes se sont déjà appropriés de nombreuses thématiques («Samuel Bendahan (VD) sur l'économie, Pierre-Yves Maillard (VD) sur le travail, Roger Nordmann (VD) sur l'énergie ou Baptiste Hurni (NE) sur la santé»). Quant à Michael Graber, propulsé rapidement à la tête du comité référendaire contre la loi climat, il s'est surtout illustré par ses excès verbaux au Parlement, a constaté le Nouvelliste.
D'après le Nouvelliste, la question de la représentation féminine n'a pas figuré en haut de l'affiche durant la campagne. Pourtant, avec la sénatrice Marianne Maret comme seule femme dans la délégation valaisanne entre 2019 et 2023, et de surcroît un Conseil d'Etat exclusivement masculin depuis 2021, «quatorze des quinze postes les plus en vue de la politique nationale et cantonale sont occupés par des hommes». En Valais plus que dans d'autres cantons, «les femmes peinent à faire leur place en politique» a écrit le Temps. Selon la verte Céline Dessimoz, candidate aux Etats, le Valais est un canton où le patriarcat est plus installé qu'ailleurs, et les choses y bougent, mais lentement.
Sans surprise, l'élection n'a pas débouché sur des changements. Les huits sortants ont été réélus, et la députation valaisanne est donc toujours composée de trois centristes, deux UDC, un PLR, un socialiste et un vert. Au PS, le «vote femme» n'a pas suffi pour Sarah Constantin (11'804 voix), qui a échoué à bonne distance d'Emmanuel Amoos (15'400 voix). Ce dernier a renvoyé la responsabilité à d'autres partis: «je ne peux pas me réjouir qu’aucune femme ne soit représentée dans la délégation, mais ce n’est pas toujours au PS de remplir ce rôle». Au niveau des résultats des partis, l'UDC a réalisé une progression lui permettant de devenir la deuxième force politique du canton, avec 24.5 pour cent des suffrages (+4.7pp). Le Centre demeure la première force du canton avec un score stable par rapport à 2019 (35.4%, +0.6pp), mettant un frein à la lente érosion vécue par le parti depuis plusieurs décennies. Pour la première fois depuis 1995, la «famille C» n'a pas régressé lors de l'élection au National. C'est la gauche qui recule, passant de 26.7 à 23.4 pour cent. Malgré tout, les Vert.e.s (8.4%, -2.2pp) étaient soulagés de conserver leur siège, «limitant la casse» selon le président Philippe Cina. Le PS a légèrement reculé (14.3%, -0.8pp) et le POP a apporté 0.7%. Avec 14.7 pour cent (-2.6pp), le PLR a manqué ses objectifs dans le Haut, et a souffert du faible taux de participation dans le Bas-Valais, là où il dispose traditionnellement d'une bonne base électorale. Enfin, les vert'libéraux ont récolté 2pour cent des voix.
La participation s'est élevé à 48.7 pour cent, contre 54 pour cent en 2019. Le Valais s'est certes situé au-dessus de la moyenne nationale de 46.6 pour cent, mais c'était la première fois que le taux de participation passait en-dessous de 50 pour ecent. Différentes hypothèses ont été mises en avant par le Nouvelliste pour expliquer cette diminution: trop de listes, l'absence de vote électronique, la complexité du système, mais aussi l'absence d'enjeu.

Dossier: Eidgenössische Wahlen 2023 - Überblick