Rétrospective annuelle 2024: Politique économique

L'année 2024 a été marquée par de longs débats sur la politique économique suisse et sur les réformes lancées par le Conseil fédéral en 2023. D'abord, quatre objets illustrent l'aspiration du Parlement à adopter des mesures pour favoriser l'industrie et les entreprises suisses face aux développements internationaux. Premièrement, le Parlement a accepté d'entrer en matière sur la révision totale de la loi sur les douanes (LD). Cette révision a pour objectif de simplifier les processus administratifs pour l'import-export, de réduire la bureaucratie et d'améliorer la répartition des compétences entre l'Office fédéral des douanes (OFDF) et les cantons. Cette révision figure parmi les cinq objets parlementaires les plus discutés en 2024 avec 351 prises de paroles et 93206 mots prononcés à la tribune (voir l'analyse APS des interventions). Deuxièmement, le Conseil national a accepté une version fortement amendée de la loi sur l'examen des investissements étrangers (LEIE). Les député.e.s ont montré une volonté claire de protéger le pays et son économie des perturbations étrangères. Troisièmement, trois motions visant à sauver l'industrie sidérurgique suisse ont été soumises aux Chambres fédérales et ont reçu le soutien de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil des États (CER-CE). Alors que plusieurs politiciennes et politiciens, notamment du PS et de l'UDC, ont plaidé dans les médias pour des mesures rapides et ambitieuses, le ministre de l'économie Guy Parmelin s'est opposé, tant à la tribune que dans les médias, à développer une politique industrielle ciblée. Une motion qui propose un financement transitoire a finalement été acceptée par le Conseil des Etats en décembre. Mais surtout, le Parlement a adopté une loi urgente pour une aide étatique au secteur de l'acier. Cette décision, qualifiée d'«historique» par la presse, a fait couler beaucoup d'encre. Quatrièmement, le Parlement a adopté au printemps la révision de la loi sur les brevets (LBI). Cette révision permet de renforcer la sécurité juridique et d'offrir une meilleure protection aux PME tant sur le plan national qu'international. Finalement, l'importance des thématiques liées à l'industrie et au commerce s'est également reflétée cette année par une augmentation notable du nombre d'articles consacrés à ces sujets dans la presse nationale par rapport à 2023 (voir l'analyse APS des journaux, Figure 2).

En termes de droit économique et de relations entre l'Etat et l'économie, les deux chambres ont accepté d'entrer en matière sur la loi sur les biens utilisés pour la torture, qui règle le commerce transfrontalier de ces biens et qui se base largement sur un règlement de l'Union Européenne (UE). Ensuite, bien qu'une tendance vers une intervention renforcée de l'État dans l'économie soit observée, un courant libéral a tout de même traversé les chambres. Le Conseil national a accepté un postulat visant à examiner les prix administrés par l'Etat. La chambre basse a accepté une motion visant à empêcher les entreprises publiques de concurrencer injustement les entreprises privées, avec notamment la diversification de la Poste dans le viseur.

Les autorités de la concurrence ont elles aussi été sous le feu des projecteurs en 2024. Premièrement, un rapport sur une réforme institutionnelle des autorités de la concurrence a poussé le Conseil fédéral à charger le DEFR de lui présenter un projet d'ici l'été 2025. Puis, la révison de la loi sur les cartels a suscité un intense débat au Conseil des Etats. En bref, la chambre haute a refusé d'imposer à la COMCO des critères plus stricts, mais a accepté de réduire le spectre des actions sanctionnables par la COMCO. En début d'année, la commission a freiné la Poste dans son expansion en lui interdisant le rachat de l'entreprise Quickmail.

En termes de droit des sociétés, le Parlement a accepté une motion visant à renforcer les fondations de famille suisses, plutôt que d'introduire un trust dans l'ordre juridique suisse. En outre, dans un rapport, le Conseil fédéral s'est opposé à réformer le droit de la Sàrl, en particulier concernant le capital minimal nécessaire à la constitution d'une telle entreprise. Suite à l'acceptation d'une motion, le Conseil fédéral devra toutefois adapter ses bases légales concernant les entreprises individuelles et le remboursement d'aides lors de la pandémie de Covid-19. Finalement, le Conseil national a accepté de réglementer davantage les frais des sociétés de recouvrement.

En outre, le Parlement s'est opposé à plusieurs propositions visant à renforcer les droits des consommateurs et consommatrices. Le Conseil national a notamment rejeté l'idée d'accroître la transparence sur l'origine des produits alimentaires, de créer un droit de libre utilisation des logiciels et du matériel informatique ou encore de créer une base légale pour encadrer les pratiques publicitaires des influenceurs et influenceuses. En outre, pour les consommateurs et consommatrices helvétiques, faire ses achats à l'étranger sera désormais moins attractif dès le 1er janvier 2025. Le Conseil fédéral a validé la réduction de la franchise-valeur de CHF 300 à CHF 150.

Finalement, en termes de développement durable, une initiative parlementaire visant à introduire le statut juridique d'«Entreprise Durable» a été retirée, faute de consensus au sein de la Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-CN) sur la forme juridique à donner à ce statut. Toutefois, le sujet de la durabilité des entreprises, en particulier des multinationales établies en Suisse, devrait revenir sur la table en 2025. Un «Appel» multipartisan en faveur d’un rehaussement des directives suisses s'est formé au printemps 2024 et s'est exprimé dans les médias. La coalition promet de mettre sous pression le Conseil fédéral, et si rien n’est proposé, de lancer une nouvelle initiative populaire sur les entreprises responsables en 2025.

Dossier: Rétrospective annuelle 2024