«Pour une Suisse qui s’engage (initiative service citoyen)» (MCF 24.079)

Sauvegarder en format PDF

Bien que de nombreuses tentatives aient auparavant échoué (interventions parlementaires refusées ou retirées 13.3905, 13.3906, 13.4312, 17.3194), l’idée d’un modèle de service reposant sur l'obligation universelle de servir l'intérêt général ressurgit avec l’association Service.Citoyen.ch. Fondée en 2013 par des membres de la société civile regroupant notamment des cadres de l'armée et des civilistes, l'association prépare une initiative populaire afin de réviser l'article 59 de la Constitution fédérale. Son projet consiste en un engagement de milice au bénéfice de la collectivité et de l'environnement pour toute personne de nationalité suisse, sous la forme d'un service militaire ou d'un service d'intérêt public reconnu par la loi, tout en garantissant les effectifs de l'armée. Les étrangers résidant en Suisse pourraient avoir accès au service d'intérêt public, si la loi le permet.
Jusqu’à présent, le comité est resté plutôt discret, pour ne pas interférer dans les discussions sur la révision de la loi sur le service civil (LSC). Les arguments sont en cours d'élaboration et le lancement de l’initiative est prévu pour 2020.

Pour la majorité de la gauche, l'obligation universelle de servir désavantagerait les femmes. Les milieux proches de l'armée reprennent les conclusions d'un rapport publié en 2016. Les auteurs doutent de la faisabilité d’un tel projet sans qu'il y ait des incidences sur le marché de travail ou d'entraves à la concurrence. Le rapport en réponse au postulat 19.3735, devrait apporter des éléments de réponse. La SSO a rappelé que le peuple avait refusé l'initiative pour l'abrogation du service militaire obligatoire. Pour elle, l'instauration d'un tel modèle engendrerait une lourde bureaucratie et estime que c'est n'est pas la tâche de l'Etat d'astreindre «l'ensemble de sa population à faire du bénévolat». Une grande partie des sections des JDC Suisse ont déjà manifesté leur soutien à la future initiative et souhaitent se rallier au comité d'initiative. Enfin, d'autres acteurs ou organisations se montrent réticents en raison du calendrier. La LSC, la LPPCi sont en cours de révision et le projet DEVA en pleine mise en œuvre.

Dossier: Développement du système de l'obligation de servir

Après que le comité d'initiative a été validé au printemps, l'initiative « Service citoyen » et sa précampagne – récoltes de promesses de signature et de fonds – ont été lancées officiellement le 1er août. Le comité peut déjà compter sur le soutien de quelques parlementaires fédéraux du Centre et des Vert'libéraux. En revanche, la Gauche ne veut pas que les femmes aient de nouvelles obligations, tant que l'égalité entre les sexes n'est pas réalisée.

Dossier: Développement du système de l'obligation de servir

Lors de la session de printemps 2025, le Conseil national a examiné l'initiative populaire «Pour une Suisse qui s’engage (initiative service citoyen)». Cette initiative populaire vise à modifier la Constitution fédérale de sorte que toute personne de nationalité suisse soit appelée à effectuer un service citoyen. Ce service citoyen consisterait soit en un service militaire, soit en un engagement améliorant le bien-être de l'ensemble de la collectivité. Au cours des débats en chambre, le conseiller national Jean-Luc Addor, (udc, VS), qui s'exprimait au nom de la Commission de la politique de sécurité du Conseil national (CPS-CN), a indiqué que comme le Conseil fédéral, la commission proposait le rejet de l'objet, sans contre-projet direct ou indirect, puisque ses membres estiment que les dysfonctionnements et les problèmes d'effectifs que connaissent aujourd'hui l'armée et la protection civile pourraient être résolus grâce à une modification de la Loi fédérale sur le service civil (LSC) et de la Loi fédérale sur la protection de la population et sur la protection civile (LPPCi). Une minorité a aussi été proposée par la conseillère nationale Andrea Zryd (ps, BE). Cette proposition de contre-projet indirect vise à réduire le temps de travail hebdomadaire maximum afin de permettre à ceux qui le désirent de s'engager davantage pour la société. Elle a été rejetée par 16 voix contre 6 et 2 abstentions. Il a également fait mention d'une autre proposition de contre-projet indirect, qui visait à introduire une obligation de servir axée sur les besoins des instances concernées. L'élu valaisan a précisé qu'elle a été rejetée en commission par 22 voix contre 2 et aucune abstention.
Jean-Luc Addor a aussi rappelé certains des arguments sur lesquels s'est fondée la CPS-CN pour proposer le rejet de l'initiative populaire. Il a ainsi affirmé que l'idée d'instaurer un service également obligatoire pour les femmes irait à l'encontre des aspirations d'un nombre considérable d'entre elles et pourrait avoir un effet négatif sur l'économie, «puisque la société civile se verrait retirer un nombre encore plus grand de personnes que ce n'est le cas lors du service militaire». Par ailleurs, le conseiller national valaisan a estimé que cette initiative n'apporterait pas de réponse au manque d'effectifs de la protection civile et risquait aussi de favoriser une diminution des effectifs de l'armée, puisque le service militaire serait mis sur un pied d'égalité avec un service permettant de s'engager pour le bien de la collectivité. Il a donc annoncé que la commission recommandait au Parlement, par 21 voix contre 3 et aucune abstention de rejeter l'initiative «service citoyen».
Le PLR s'est prononcé contre cet objet, comme l'a notamment affirmé le conseiller national Heinz Theiler (plr, SZ) l'engagement volontaire de citoyennes et citoyens actifs dans des organisations de secouristes, dans des associations musicales ou sportives ou en tant que pompières et pompiers deviendrait quelque chose d'obligatoire. L'UDC s'est alignée sur le parti bourgeois, rappelant que ce texte risquait de priver le marché du travail de deux fois plus de travailleuses et travailleurs qu'aujourd'hui. La gauche s'est quant à elle prononcée en faveur de l'objet. Pour les Vert-e-s, cette initiative populaire est en effet un moyen d'élargir la notion de service en faveur du pays à tous les engagements qui permettent de faire avancer le bien commun. C'est en substance ce qu'a affirmé le conseiller national Gerhard Andrey (vert-e-s, FR) lorsqu'il a indiqué qu'«aujourd'hui encore, la sécurité est pensée de manière trop étroitement militaire». Le PS s'est par la suite attaché à montrer qu'une réduction des forces de travail mentionnée par la droite n'était pas problématique puisqu'elle permettrait de préserver davantage l'environnement et de favoriser l'égalité entre les hommes et les femmes, comme l'a indiqué la conseillère nationale Anna Rosenwasser (ps, ZH).
Au moment de clore les débats, la ministre de la défense Viola Amherd, qui s'exprimait au nom du Conseil fédéral, a appelé les parlementaires à rejeter l'initiative sans contre-projet direct ou indirect, en mettant elle aussi en avant les effets négatifs qu'elle pourrait avoir sur le marché du travail.
Lors du vote, les parlementaires ont décidé par 166 voix contre 19 et 3 abstentions de suivre le projet du Conseil fédéral pour chaque article, c'est à dire de se prononcer contre toutes les clauses de l'initiative populaire dite «service citoyen». Ils ont par ailleurs rejeté la minorité Zryd par 126 voix contre 56 et 6 abstentions. Puisque l'entrée en matière du Parlement est obligatoire dans le cadre de l'examen d'une initiative populaire, les membres du Conseil national n'ont pas procédé à un vote sur l'ensemble du texte. L'objet doit à présent être examiné par le Conseil des Etats.

Dossier: Développement du système de l'obligation de servir

Lors de sa séance du 2 mai 2025, la Commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats (CPS-CE) a finalement décidé, par 8 voix contre 1 et 1 abstention, de ne pas élaborer de contre-projet à l'initiative service citoyen. Elle propose au Conseil des Etats de rejeter cette initiative populaire, arguant que l’obligation de servir doit avant tout viser à maintenir les effectifs de l’armée et de la protection civile. Selon la commission, il ne doit donc pas s'agir, en premier lieu, «d'obliger des citoyennes et des citoyens à accomplir des tâches pour la collectivité et l’environnement». La commission estime que différentes modifications législatives remplissent déjà les objectifs d'alimentation de l'armée et de la protection civile pour les années à venir. Elle cite notamment la modification de La loi fédérale sur le service civil (LSC) et de la Loi fédérale sur la protection de la population et sur la protection civile est fondamentale (LPPCi), tout comme la mise en place d’une obligation de servir dans la sécurité sur la base des motions 25.3420 et 25.3015, déposées respectivement par la CPS-CE et la CPS-CN. La commission considère par ailleurs que l'initiative «priverait le marché du travail d’une quantité disproportionnée de main-d’œuvre».
La minorité de la commission a quant à elle salué le fait que l'initiative prenne en compte la question de l'obligation de servir des femmes et a indiqué qu'elle défendait une conception large de la notion de politique de sécurité, envisageant ainsi un service citoyen favorisant la protection de l’environnement et la cohésion sociale.
En résumé, la commission a rejeté par 6 voix contre 2 et 2 abstentions une proposition visant à rédiger un deuxième contre-projet à l'initiative populaire, après que la commission a finalement décidé de ne pas déposer le contre-projet élaboré par l'administration fédérale.

Dossier: Développement du système de l'obligation de servir