Le Conseil national a débattu du projet du Conseil fédéral visant à améliorer le statut des partenaires travaillant sur les exploitations agricoles en cas de divorce. Ce projet fait suite à une motion déposée par le groupe bourgeois-démocrate et acceptée par le Parlement en 2021. Représentant la Commission de l'économie et des redevances (CER-CN), Sidney Kamerzin (centre, VS) a rappelé qu'un tiers des conjoint.e.s qui travaillent sur le domaine agricole ne touche aucun salaire aujourd'hui, grevant notamment leur prévoyance sociale, bien qu'un changement générationnel se fasse ressentir. En effet, de plus en plus de femmes travaillent également à l'extérieur du domaine et bénéficient ainsi d'une certaine couverture sociale. Le rapporteur a par ailleurs précisé que des bases légales existent pour justifier une rémunération des personnes travaillant dans l'entreprise familiale – à l'image de l'article 165 du Code civil qui prévoit une indemnité équitable en cas de collaboration dans l'entreprise du partenaire – mais qu'elles sont trop peu appliquées. La commission partage donc l'avis du Conseil fédéral sur la nécessité d'informer les couples de leurs droits, tout en évitant un excès de bureaucratie. Ainsi, tout agriculteur qui fera appel à des contributions financières pour des améliorations structurelles devra, soit «s'engager à recevoir un conseil commun au sujet du régime matrimonial et du règlement de leur collaboration par un spécialiste qualifié ou alors apporter la preuve du versement d'un salaire en espèces ou d'une partie du revenu».
Défendant la minorité Bertschy (pvl, BE), Jürg Grossen (pvl, BE) a déploré que l'objectif principal de la motion d'origine ne soit pas mis en œuvre dans la proposition du Conseil fédéral. Les verts'libéraux redoutent, en effet, que ce ne soit qu'un exercice alibi, à savoir que le couple puisse tout à fait décider de ne rien entreprendre après s'être fait conseiller. Ainsi : «Die Frau bestätigt künftig selbst, dass sie keinen Anspruch auf soziale Sicherheit und Absicherung hat.» Pour Jürg Grossen, une mise en œuvre de la motion du PBD aurait signifié une protection sociale pour toutes les personnes qui travaillent, à l'image de ce qui se fait dans toutes les autres branches économiques. Cela constituerait la meilleure solution en cas de divorce et serait dans l'intérêt de l'Etat qui n'aurait plus à payer des prestations complémentaires ou de l'aide sociale aux femmes qui se retrouvent sans rien après la séparation. Toutes ces raisons poussent le groupe vert'libéral à plaider pour un renvoi du projet en commission afin d'agir réellement pour les femmes touchées par cette problématique.
Le groupe des Vert.e.s et le groupe socialiste ont tous deux plaidé pour la proposition de renvoi en commission, estimant que le projet devait être amélioré, mais ont annoncé soutenir le projet dans son ensemble au cas où la proposition minoritaire ne passerait pas la rampe. Le groupe du Centre soutient, lui, le projet tel quel, estimant que les bases légales sont suffisantes et que la plupart des domaines familiaux ont trouvé une solution. Le groupe UDC, représenté par la vigneronne et agricultrice de formation Katja Riem (udc, BE), s'est également montré en faveur de la solution proposée par le Conseil fédéral, tout en admettant qu'elle ne fera pas des miracles. La bernoise a ajouté qu'elle souhaite un avenir avec des femmes paysannes qui co-dirigent les domaines familiaux plutôt que des femmes qui reçoivent un salaire de leur mari, ce qui tend à renforcer les rapports de dépendance: «Was wir brauchen, sind starke, gut ausgebildete Bäuerinnen, die als selbstständige Partnerinnen auf Augenhöhe betriebswirtschaftlich mitentscheiden, Verantwortung übernehmen und ihre Höfe mitgestalten.» L'UDC s'était initialement opposée au projet du Conseil fédéral lors de la procédure de consultation, comme précisé par Katja Riem. Le groupe libéral-radical s'est montré peu convaincu par le projet des autorités, pointant plusieurs faiblesses, notamment le fait que les exploitations situées en montagne seraient principalement concernées (ce sont elles qui font le plus recours aux aides structurelles) et que les exploitations ne faisant pas appel à ces aides ne seraient donc pas touchées par ces mesures. Beat Walti (plr, ZH) s'est également questionné sur la nécessité de remplir un énième formulaire sans pour autant qu'il n'y ait de résultat concret. De plus, seuls les couples mariés ou en partenariat enregistré seraient concernés, excluant toutes les autres formes de partenariat (concubinat, etc.). Finalement, dans un esprit libéral, le PLR n'a pas souhaité que l'Etat s'immisce davantage dans l'organisation de la vie privée des gens, préférant laisser aux organisations paysannes le soin de trouver des solutions.
Guy Parmelin, chargé de l'agriculture au sein du Conseil fédéral, a admis, en plénum, que cette proposition aurait toute seule un effet limité, mais qu'il fallait voir le contexte plus global des mesures prises ces derniers temps pour renforcer l'égalité dans le secteur agricole. Il a ainsi cité les campagnes d'information et de sensibilisation, les améliorations s'agissant de la couverture sociale couplées au versement des paiements directs à partir de 2027, ainsi que les améliorations prévues dans la révision partielle de la Loi sur le droit foncier rural (LDFR).
L'entrée en matière s'est faite sans opposition, alors que seuls 56 parlementaires ont soutenu la proposition de minorité de Kathrin Bertschy, contre 126 et 4 abstentions. La répartition des voix ne respecte pourtant pas complètement les recommandations de vote des partis de gauche, alors que 6 vert.e.s et 2 socialistes se sont opposé.e.s au renvoi en commission du projet, rejoignant ainsi les voix des centristes, des libéraux-radicaux et des agrariens. Au vote sur l'ensemble toutefois, seuls des parlementaires du PLR se sont opposés au projet (170 voix contre 12 et 4 abstentions).
Dossier: Lage der Bäuerinnen verbessern