Entre deux réformes, la politique agricole continue d'agiter la Berne fédérale
En 2025, trois thèmes ont particulièrement marqué les débats agricoles. Premièrement, la présence de PFAS sur les terres agricoles de nombreux domaines et, par effet ricochet, dans les aliments, a fait couler beaucoup d'encre. Ainsi, les médias ont largement relayé l'histoire de la contamination de viande provenant de Saint-Gall, tandis que le Parlement a discuté à plusieurs reprises de cette question – notamment dans le cadre d'une session extraordinaire. Deuxièmement, la gestion du loup a également figuré à l'agenda politique avec de nombreuses propositions visant à simplifier son abattage (Mo. 25.3549, Mo. 24.4257, Po. 25.3027, Mo. 25.3715), à améliorer la protection des troupeaux (Mo. 23.3828) et d'ordre financières (Mo. 24.4469, Po. 24.4300). La gestion des populations de loups, l'augmentation du nombre de meute et les tirs ordonnés par les canton ont été des sujets largement relayés dans les médias, notamment la différence entre les cantons s'agissant des erreurs dans les abattages. Troisièmement, l'amélioration des conditions de vie des agricultrices et agriculteurs a été un thème récurrent, que ce soit la réduction de la charge administrative (Mo. 24.3020, Mo. 24.3078, Iv. ct. 24.303), la transparence des prix (Iv. pa. 22.477) ou encore l'amélioration de la condition des partenaires en cas de divorce (MCF 24.094). S'agissant de la charge administrative, deux autres décisions sont également à relever: d'une part, la décision du Parlement d'alléger le nouveau système d'enregistrement des intrants et des produits phytosanitaires Digiflux, et, d'autre part, la mise en œuvre par le Conseil fédéral d'une motion demandant une réduction du nombre de contrôle dans les fermes. Les premiers jalons d'un plan d'action sur les contrôles élaboré en collaboration avec les acteurs de la branche ont ainsi été posés, reprenant une revendication souvent clamée lors des manifestations paysannes de 2024.
Les produits phytosanitaires ont également été thématisés – bien qu'avec moins de véhémence que par le passé – particulièrement la simplification de leur homologation (Mo. 23.4197, Mo. 23.4289, Iv. pa. 22.441, Mo. 21.3770), afin d'avoir suffisamment de substances actives pour lutter contre les maladies et les organismes nuisibles. Le Conseil fédéral a d'ores et déjà annoncé des modifications d'ordonnance pour répondre à ces doléances. Les moyens financiers destinés à l'agriculture pour les années 2026-2029 (MCF 24.061) ont, quant à eux, définitivement été rehaussés de CHF 400 millions par le Parlement par rapport à la proposition initiale du Conseil fédéral, qui prévoyait des coupes. Lors des discussions sur le budget 2026 de la Confédération, les chambres ont également pris le Conseil fédéral à contre-pied en accordant notamment plus de soutien que prévu à la viticulture, alors que, dans la même dynamique, le Conseil des Etats a proposé de renoncer à plusieurs mesures d'économies concernant l'agriculture dans le programme d'allégement budgétaire 2027 de la Confédération. Finalement, le débat récurrent de la protection de l'agriculture suisse face à la concurrence internationale a une nouvelle fois trouvé des échos dans les médias et dans les travées du Palais fédéral. En effet, avec l'accord avec les pays du Mercosur, en cours de négociation depuis de nombreuses années, la modernisation de l'accord de libre-échange avec le Chili, celui signé avec la Malaisie et l'accord provisoire avec les Etats-Unis de Donald Trump, les concessions faites dans le domaine agricole suscitent à chaque fois le débat, notamment s'agissant des mesures de compensation et des normes de production différentes avec les pays partenaires. Finalement, le paquet d'accords Suisse-UE, s'il est adopté, aura également un effet (in)direct sur l'agriculture. En effet, alors que l'accord agricole déjà existant sera reconduit, un accord sur la sécurité alimentaire (touchant notamment à la question de l'homologation des produits phytosanitaires) fait également partie de la proposition.
Bien qu'aucune initiative populaire sur l'agriculture n'ait été soumise aux citoyennes et citoyens cette année, plusieurs textes touchant aux questions agricoles, au bien-être animal ou à la chasse sont ou ont été en discussion. Par ordre chronologique de lancement, deux initiatives déposées conjointement visent des interdictions d'importation de produits provenant d'animaux maltraités. Il s'agit, dans le premier cas, des produits de la pelleterie ainsi que de la fourrure et dans le deuxième cas, du foie gras – deux sujets plusieurs fois débattus par les chambres fédérales. Dans les deux cas, des contre-projets sont en discussion et ont de bonnes chances d'être adoptés par le Parlement. Un autre sujet également maintes fois discuté et qui fait l'objet d'une nouvelle initiative populaire est l'expérimentation animale. Quelques mois après le rejet de la précédente tentative pour interdire cette pratique, l'initiative «Oui à un avenir sans expérimentation animale» a réussi à obtenir suffisamment de signatures. Le Conseil fédéral s'est prononcé contre cette proposition et n'a pas voulu formuler de contre-projet. Deux autres initiatives vont probablement influencer le débat politique de manière plus forte ces prochaines années. La première a été lancée par Franziska Herren – qui était déjà aux manettes de l'initiative pour une eau potable propre (rejetée par la population en 2021). Cette fois-ci, l'initiante veut atteindre en dix ans un taux d'autoapprovisionnement alimentaire de 70 pour cent en augmentant la part de la production agricole destinée directement aux êtres humains et en réduisant la production animale. Le Conseil fédéral s'est prononcé contre cette initiative, mais a toutefois dit vouloir intégrer certains éléments dans la prochaine politique agricole (PA 30+). La deuxième initiative veut régler de manière stricte et très contraignante l'utilisation des nouvelles techniques génétiques pour l'élaboration de nouvelles variétés végétales et espèces animales. Bien qu'elle n'en soit qu'au stade de la récolte de signature, elle s'inscrit dans un débat mouvementé autour de ces questions au niveau fédéral, en lien avec la prolongation du moratoire sur le génie génétique et la volonté du Conseil fédéral de créer une loi spécifique à ces nouvelles techniques. Finalement, une initiative a échoué cette année au stade de la récolte de signatures. Il s'agit de l'initiative «Pour des mesures de régulation efficaces contre une propagation incontrôlée du loup, du lynx, de l’ours et des rapaces de toutes sortes».
Toutes ces discussions se déroulent alors que plusieurs gros dossiers sont en préparation et seront à l'ordre du jour en 2026: la Politique agricole 2030+, la révision de la LDFR ainsi que les différents accords commerciaux qui pourraient impacter, d'une manière ou d'une autre, l'agriculture. La résonance médiatique devrait donc à nouveau être forte dans ce domaine politique, alors que l'année 2025 a montré une présence moins forte des thématiques agricoles en comparaison à l'année précédente (voir l'analyse APS des journaux) – une année 2024 marquée, rappelons le, par les mouvements de «révolte agricole».