Initiative populaire « Pour l'interdiction d'exporter du matériel de guerre » (95.015)

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Estimant que les buts poursuivis par l'initiative populaire "Pour l'interdiction d'exporter du matériel de guerre" auraient des conséquences néfastes tant pour la défense nationale et pour des secteurs clefs de l'industrie d'exportation que pour les entreprises d'armement de la Confédération, le Conseil fédéral a décidé de rejeter le texte du PS. Soucieux toutefois de combler les lacunes observées sous le régime en vigueur ainsi que de favoriser la collaboration de l'industrie helvétique avec ses partenaires étrangers, le gouvernement a simultanément soumis au parlement son projet de révision totale de la loi sur le matériel de guerre. Conçu comme une contre-proposition indirecte à l'initiative, celui-ci reprend le principe qui sous-tend la loi actuelle, à savoir que les opérations en relation avec du matériel de guerre doivent être soumises à autorisation, et non interdites. Une des principales innovations introduites par la révision concerne l'extension de la notion de matériel de guerre dont le contenu sera énuméré en détail dans une ordonnance: devraient dorénavant être assujettis à la nouvelle réglementation non seulement le matériel susceptible de servir de moyen de combat, mais également des équipements spécifiques pour l'instruction ainsi que certains instruments et machines de fabrication, de contrôle et d'entretien du matériel de guerre. Outre ces nouvelles dispositions, le projet contient une interdiction générale de toute activité visant à développer les armes atomiques, biologiques et chimiques (ABC) et soumet parallèlement au régime de l'autorisation tant les transferts de technologie à des fins militaires que les opérations de courtage pour du matériel ne se trouvant jamais sur le territoire helvétique.

Dossier: Export von Pilatus PC-7 und PC-9
Dossier: Volksinitiativen zur Regelung des Kriegsmaterialexports

Si le projet du Conseil fédéral a reçu le soutien de 5 partis politiques (PDC, PSS, PES, PLS et AdI), il a en revanche suscité l'ire des milieux économiques, parmi lesquels la Société suisse des constructeurs de machines (VSM) et le Vorort dont les réserves ont trouvé un écho favorable auprès du PRD et de l'UDC. Clairement définis par l'ex-chef du DMF, Kaspar Villiger, comme devant figurer sur la liste du matériel tombant sous le coup de la nouvelle loi, les avions Pilatus de type PC-7 et PC-9 équipés de points d'ancrage ("hard points") ont été au centre d'une vive controverse, suite aux précisions apportées en la matière par une infime majorité de la Commission de la politique de sécurité du Conseil national: tout PC-7 ou PC-9 équipé de plus de deux points d'ancrage devrait être considéré comme du matériel militaire. A l'annonce de cette décision, les responsables de l'entreprise Pilatus ont menacé de délocaliser leur production si une telle option devait finalement être retenue.

Dossier: Export von Pilatus PC-7 und PC-9
Dossier: Volksinitiativen zur Regelung des Kriegsmaterialexports

Au coeur du dilemme entre valeurs éthiques et intérêts économiques, la politique suisse d'exportation de biens et services à des fins purement ou potentiellement militaires a retenu l'attention du parlement à plusieurs reprises, puisque celui-ci s'est tour à tour penché sur l'initiative populaire du parti socialiste "Pour l'interdiction d'exporter du matériel de guerre", sur la révision de la loi sur le matériel de guerre (LMG) ainsi que sur celle concernant le contrôle des biens à usages civil et militaire. Au cours des débats fleuves qui ont animé le traitement de ces trois objets successifs, un net clivage s'est dessiné entre députés de la gauche - désireux de traduire dans les faits l'image d'une Suisse neutre et à vocation humanitaire - et parlementaires bourgeois dont les principaux arguments se sont focalisés sur la nécessité de sauvegarder des emplois en Suisse et de ne pas affaiblir la place industrielle helvétique par une réglementation limitant les exportations, fussent-elles de matériel de guerre.

Cet affrontement d'ordre quasi dogmatique fut particulièrement vif au sein du Conseil national qui empoigna ces différents dossiers lors de la session parlementaire de printemps durant laquelle un flot de propositions individuelles fut abordé. Le pragmatisme économique devait néanmoins largement l'emporter sur les considérations idéalistes, puisqu'après avoir provoqué le rejet de l'initiative socialiste par 122 voix contre 59, la majorité de droite siégeant au Conseil national forma un front uni permettant d'assouplir plusieurs dispositions contenues dans le contre-projet indirect du gouvernement qui visait à combler les lacunes les plus criantes de la loi sur le matériel de guerre de 1972, jusqu'alors en vigueur. Point de la révision le plus médiatisé, la question de l'exportation des avions Pilatus de type PC-7 et PC-9 munis de plus de deux points d'ancrage bénéficia de la clémence des parlementaires bourgeois qui - en décidant de soustraire ces avions d'entraînement du champ d'application de la nouvelle réglementation - répondirent favorablement aux pressions exercées plusieurs semaines auparavant par l'industrie suisse des machines. C'est en effet par 114 voix contre 67 que le Conseil national refusa de soumettre l'exportation de ces appareils au régime de l'autorisation, suivant en cela une proposition Engelberger (prd, NW) contraire à la volonté du Conseil fédéral ainsi que d'une minorité de la Commission de la politique de sécurité emmenée par la socialiste zurichoise Haering-Binder. Hormis les Pilatus, devaient également être biffés de la liste des biens considérés comme matériel de guerre les équipements servant à l'instruction au combat ainsi que les machines et outils destinés exclusivement à la fabrication, au contrôle et à l'entretien du matériel de guerre après que le député radical zurichois Erich Müller eut déposé une proposition dans ce sens qui fut approuvée par 101 voix contre 81. Ce rétrécissement conséquent du champ couvert par la loi aurait également pu concerner les pièces détachées et les éléments d'assemblage utilisés à des fins militaires si pareille proposition n'avait finalement pas été repoussée à une voix près. C'est en revanche à une plus large majorité que la Chambre du peuple a décidé de soumettre le courtage de matériel militaire à autorisation, entérinant ainsi une des principales innovations contenues dans le projet du gouvernement. Quant à la proposition Dupraz (prd, GE) qui entendait ajouter les mines antipersonnel à la liste des armes qu'il est interdit de fabriquer et d'exporter, elle a été adoptée par 110 voix contre 43.

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Dossier: Volksinitiativen zur Regelung des Kriegsmaterialexports

La campagne qui a précédé le vote du mois de juin sur l'initiative populaire «Pour l'interdiction d'exporter du matériel de guerre» s'est largement focalisée sur la question hautement controversée de l'impact que cette disposition pourrait avoir sur le marché de l'emploi en Suisse. A ce titre, des interprétations fort divergentes ont été données au sujet du nombre de places de travail qui auraient pu disparaître en cas d'acceptation de cette revendication par le souverain: Reconnaissant que cette interdiction pourrait entraîner des suppressions d'emplois de l'ordre de 1000 à 2000 postes de travail, les partisans de l'initiative - à savoir le PS, les écologistes et plusieurs oeuvres d'entraide - ont toutefois motivé le bien-fondé de leur démarche en invoquant les lacunes contenues dans les versions révisées des lois sur le matériel de guerre et sur le contrôle des biens à usages civil et militaire. La relative petitesse de ce chiffre n'a alors pas manqué de radicalement trancher avec le nombre de 120 000 emplois avancé par les opposants à cette initiative au rang desquels ont figuré en premier lieu la Société suisse des constructeurs de machines (VSM), l'Association suisse des industries de l'aéronautique (ASIA), le Vorort ainsi que l'ensemble des partis bourgeois. Dans une période caractérisée par une relative tension sur le marché de l'emploi en Suisse, les considérations d'ordre économique ont alors largement pris le pas sur les arguments éthiques des partisans de l'initiative, puisque celle-ci a été rejetée par le peuple par 1 243 869 voix contre 361 164, ainsi que par tous les cantons.


Votation du 8 juin 1997

Participation: 35,5%
Non: 1 243 869 (77,5%)
Oui: 361 164 (22,5%)

Mots d'ordre:
- Oui: PS, PES; Déclaration de Berne, Pain pour le prochain, WWF, CSCS.
- Non: PRD, PDC, UDC, PLS, PdL, PEP, AdI, DS; Vorort, Centre patronal.
- Liberté de vote: USS, FTMH.

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L'analyse Vox sur les résultats de ce scrutin a permis de montrer que l'orientation idéologique des votants ainsi que leurs préférences partisanes ont eu une incidence significative sur le comportement de vote. Ainsi, les personnes situées à gauche de l'échiquier politique ont soutenu dans une large mesure l'initiative alors que celles se déclarant du centre ou de la droite l'ont très clairement repoussée. Il est toutefois à signaler qu'une majorité de sympathisants du PS a rejeté l'initiative. Si aucune différence de vote n'a réellement pu être mise en évidence selon le statut professionnel, la catégorie sociale, l'âge, le sexe ou la formation des votants, l'interdiction d'exporter du matériel de guerre a en revanche été moins fortement repoussée en Suisse romande et en ville qu'en Suisse alémanique et à la campagne. Concernant les motifs invoqués par les votants à l'appui de leur décision, il apparaît très clairement que ce sont les craintes de voir disparaître de nombreuses places de travail en Suisse qui ont incité les détracteurs de cette initiative à la balayer, alors que du côté des partisans, plus de la moitié des raisons avancées a fait référence à des valeurs pacifistes ou éthiques.

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