Eléments du système politique
Problèmes politiques fondamentaux et conscience nationale
Die Spannung zwischen wirtschaftlich politischer Struktur und sozialer Realität führt zu gewaltsamen Entladungen und zur Verstärkung der Verständigungsbemühungen —Die Diskussion über eine Totalrevision der Bundesverfassung greift um sich
Questions fondamentales
Nous avions caractérisé l'année 1967 par le mouvement et la prise de conscience d'un décalage croissant entre les structures économiques et politiques et la réalité sociale. Ces deux phénomènes se sont amplifiés en 1968, en méme temps qu'ils prenaient des formes insolites. L'évolution s'est accélérée, sans que les objectifs fussent clairement définis. La critique et la recherche de nouveaux aménagements politiques se sont muées parfois en une mise en question globale de la société, de l'autorité, des usages en vigueur dans les pays démocratiques. Des éléments d'incompréhension ont fait leur apparition entre certaines catégories sociales; cette incompréhension n'a pas manqué de prendre, de cas en cas, des formes où toute autre possibilité de communication que l'affrontement violent paraissait exclue. L'illégalité et la force ont été utilisées par des milieux divers comme moyen d'expression politique, ce qui ne doit pas paraître étonnant dans une société dont les rapports internes sont régis par des règles qui paraissent à première vue laisser peu d'espoir de succès aux novateurs fondamentaux, ni non plus, lorsqu'on constate à quel point la société est sollicitée sans relâche par les nouvelles que lui apportent la radio et la télévision, et qu'on mesure la sensibilisation qui en découle; la violence ne paraît pas non plus étonnante, enfin, dans une société qui est de plus en plus liée à une communauté internationale déchirée par les conflits et les désordres, et où aucune institution ne semble à l'abri de la contestation, comme l'Eglise catholique romaine a commencé à en faire elle aussi l'expérience. Tout cela a mis en évidence la prépondérance d'un climat politique fortement émotionnel, où l'intensité des réactions semblait masquer un certain désarroi. Les failles qu'on a dfl constater, à côté des entreprises de critique totale, dans le fonctionnement de l'appareil gouvernemental et du jeu démocratique, à propos notamment de la question jurassienne, des exportations d'armes et des affrontements violents entre la jeunesse et les gardiens de l'ordre, pour ne citer que les plus spectaculaires, ont démontré combien le dialogue était nécessaire, et combien il était difficile. Des voix éminentes se sont élevées pour appeler la communauté nationale à rechercher dans le dialogue les voies de son destin, à commencer par celles du Président de la Confédération, M. Spühler
[1], et d'autres conseillers fédéraux soucieux 'de prévenir les incompréhensions
[2]. Les partis politiques ont dfl aussi s'inquiéter d'une évolution qui, en leur aliénant une catégorie importante de la population, tend à remettre en question leur fonction de principal support de la démocratie
[3]. C'est sur ce fond de recherche d'interlocuteurs, d'efforts prodigués en vue de maintenir la cohésion nationale, qu'il faut inscrire la publication, pour la première fois, d'un programme par le Conseil fédéral, ainsi que le développement des discussions sur la revision de la Constitution, le rôle de l'Etat et les nouvelles formes du fédéralisme. La projection vers l'avenir, phénomène peu commun dans l'histoire de la Confédération d'aujourd'hui, s'est inscrite dans les faits politiques. L'examen de l'évolution générale et des réformes institutionnelles doit donc être mené sous le double éclairage de l'effort prospectif et du malaise sérieux que nous venons d'évoquer.
Révision totale de la Constitution fédérale
L'abondance des problèmes réglés en 1968 par la législation et le grand nombre de réformes pendantes, dans le contexte de mise en question et de contestation violente que nous avons décrit, donnent une idée du travail gigantesque que représente la révision totale de la Constitution fédérale. Le groupe de travail, institué par le Conseil fédéral en 1967 (Commission Wahlen), a poursuivi son enquête. Son secrétariat a dû répondre à une forte demande de questionnaires: une dizaine de milliers d'exemplaires ont été expédiés, ce qui dénote un intérêt considérable dans la population. La commission devra présenter un premier rapport à fin 1969 sur les révisions partielles préalables; elle devrait être en mesure de fournir un rapport final en 1971
[4]. De très nombreux groupes se sont mis au travail pour répondre au questionnaire, mais le délai fixé par la commission n'a guère pu être respecté: la discussion ne fait encore que commencer. Une proposition de la Fondation pour la collaboration confédérale de. créer des commissions intercantonales pour les différents sujets à l'étude ainsi que d'élaborer un compte rendu détaillé commun des réponses cantonales, en vue de l'adresser à la Commission Wahlen, s'est heurtée au refus de la plupart des cantons qui préfèrent livrer leurs réponses sous la forme qui leur paraît la mieux appropriée à leur personnalité
[5]. L'opportunité de la révision totale ne paraît pas encore s'être imposée largement. Les nombreux avis publiés par les spécialistes du droit public se partagent entre les procédures de révision partielle et de révision totale
[6]. Parmi les prises de positions déjà connues, la tendance à préférer la révision partielle s'affirme chaque fois que leurs auteurs émettent une revendication qu'ils jugent fondamentale. Nous ne pouvons ici dresser le catalogue des propositions faites; mais certaines offrent la possibilité de servir de points de cristallisation de débats encore peu formulés: ce pourrait être le cas, le suffrage féminin et les articles d'exception mis à part, d'une juridiction constitutionnelle, des rapports entre la Confédération et les cantons et de leurs implications institutionnelles, de l'introduction de normes autorisant l'adhésion aux organisations supranationales, des droits sociaux, du développement des services fournis par l'Etat à la communauté, etc.
[7]. La controverse entre centralisateurs et fédéralistes s'est en tous cas déjà développée au sujet du Conseil des Etats, que d'aucuns voudraient abolir, d'autres transformer en une assemblée d'ambassadeurs cantonaux, à pouvoirs consultatifs òu coordinateurs, et d'autres en une deuxième Chambre représentative de tous les courants politiques et dotée de pouvoirs réduits
[8]. Dans le même ordre d'idées, il faut signaler l'adoption par le Conseil national, contre l'avis du Conseil fédéral, d'un postulat Schmid (ind., ZH) préconisant l'unification des procédures pénales et civiles cantonales
[9]. Ces exemples, sans être révélateurs d'une évolution inéluctable, montrent néanmoins le surgissement de préoccupations susceptibles de grands développements.
Par ailleurs, la révision totale de la constitution d'Obwald a été menée à chef; les nouveaux textes ont été approuvés par le peuple
[10]. Enfin, la garantie à la constitution révisée du Tessin a été accordée par les Chambres, qui, malgré le fait qu'il ne s'agissait que d'une revision rédactionnelle, ont tenu à exprimer une réserve, de façon à assurer à la prescription qui fait de la religion catholique romaine la religion de l'Etat une interprétation conforme à la Constitution fédérale
[11].
[1] Allocutions du 1er janvier et du 1er août; cf. Bund, 1, 3.1.68; JdG, 1, 3.1.68; 5, 8.1.68; NZZ, 470, 2.8.68; GdL, 179, 2.8.68; NZZ, 473, 4.8.68.
[2] Discours de M. von Moos au Congrès du Parti conservateur chrétien-social, le 27 avril; cf. NZZ, 259, 29.4.68; de M. Gnägi au 50e anniversaire du PAB de Schaffhouse, le 27 avril aussi, cf. NZZ, 260, 29.4.68; de M. Celio à plusieurs reprises, mais surtout lors des Rencontres suisses à Lausanne, le 9 novembre, cf. texte in Revue économique et sociale, 27/1969, p. 7 ss.; voir aussi NZZ, 696, 11.11.68; GdL, 264, 11.11.68; Lb, 268, 14.11.68; BN, 485, 16.11.68, et NZZ, 363, 17.6.68.
[4] Cf. FF, 1968, I, p. 1236; Rapp. gest., 1968, p. 143; NZZ, 329, 30.5.68; 610, 3.10.68; TdG, 127, 31.5.68; Bund, 168, 21.7.68; NZ, 52, 1.2.68. Voir aussi APS, 1967, p. 8 s.
[5] Cf. TdG, 4, 5.1.68; 127, 31.5.68; NZZ, 33, 16.1.68; 329, 30.5.68.
[6] Cf. notamment Totalrevision der Bundesverfassung, ja oder nein? — Quelques opinions sur la révision de la Constitution fédérale, fascicule spécial de la Revue de droit suisse, Nlle série, 87/1968, 1, n° 4 (contient des articles de R. BÄUMLIN, M. BATTELLI, M. BRIDEL, J. DARBELLAY, K. EICHENBERGER, A. FAVRE, E. FISCHLI, H. HUBER, M. IMBODEN, W. OSWALD, P. SALADIN, D. SCHEFOLD, B. SCHNYDER). Voir aussi M. USTERI, « Voraussetzungen einer Totalrevision der Bundesverfassung », in Wirtschaft und Recht, 20/1968, p. 201 ss.
[7] Cf. TdG, 263, 8.11.68 ; NZZ, 581, 20.9.68 ; Vr, 104, 4.5.68.
[8] Cf. NZ, 11, 8.1.68; NZZ, 743 et 746, 1. et 2.12.68; JdG, 236, 9.10.68; GdL, 32, 8.2.68; TdG, 127, 31.5.68; Lb, 194, 20.8.68; Weltwoche, 1821, 4.10.68. Les propositions de réformes émanent surtout de milieux socialistes, cf. TdL, 37, 6.2.68, ainsi que, récemment, de l'Université de Zurich, cf. Lb, 209, 6.9.68.
[9] Cf. NZZ, 611, 3.10.68.
[10] Cf. Vat., 103, 2.5.68; 110, 10.5.68; 118, 20.5.68. La votation a donné 2388 oui contre 645 non, avec une participation de 46,8 % due à l'absence d'opposition véritable. Voir aussi plus bas, p. 134.
[11] Cf. FF, 1968, II, p. 205 ss.; Bull. stén. CN, 1968, p. 623 ss.; NZZ, 589, 24.9.68; 787, 19.12.68. Voir aussi APS, 1967, p. 133.