Chronique générale
Défense nationale
Tant le Conseil fédéral que le Conseil national ont recommandé le rejet de l'initiative pour une Suisse sans armée. Les socialistes demeurent divisés sur l'attitude à adopter à l'égard de la défense nationale. – Le Conseil fédéral a ouvert une procédure de consultation en vue de supprimer le service complémentaire. – Après avoir quelque peu tergiversé, le gouvernement a finalement décidé d'acquérir 34 chasseurs américains du type F/A-18 Hornet.
Défense nationale et société
Lancée en 1985 par le Groupement pour une Suisse sans armée et soutenue par le Parti du travail, les Jeunes socialistes, les mouvements pacifistes, les Organisations progressistes (POCH) ainsi que par des sections du Parti socialiste, l'initiative "Pour une Suisse sans armée et pour une politique globale de paix" fera à n'en pas douter date dans les annales de la vie politique de notre pays. L'initiative prévoit d'inscrire dans la Constitution fédérale les normes suivantes: la Suisse n'a pas d'armée et il est interdit à la Confédération, aux cantons, aux communes ainsi qu'aux particuliers et groupes privés d'instruire ou d'entretenir des forces armées; la Suisse mène une politique globale de paix qui renforce l'autodétermination du peuple tout en favorisant la solidarité entre les peuples
[1].
Pour le
Groupement pour une Suisse sans armée (GSsA), l'essentiel ne tient pas tant dans le résultat qu'obtiendra l'initiative, toutes les forces politiques s'accordant à reconnaître qu'elle sera balayée par le peuple, que dans les discussions qu'elle peut susciter au sein des instances dirigeantes et de la population. Se prononcer en sa faveur est, de l'avis des initiants, un encouragement pour mettre en mouvement un processus de formation de la conscience visant la transformation politique de la société. Le GSsA demande qu'un débat ait lieu autour d'une institution qui échappe selon lui au fonctionnement de la démocratie et que s'instaure une réflexion sur le rôle et l'utilité de l'armée telle qu'elle est conçue aujourd'hui. Il lui reproche, outre son manque de démocratie, sa collusion avec le capital financier, l'utilisation de la justice militaire en temps de paix et la non reconnaissance du statut d'objecteur de conscience. Il estime qu'il est plus réaliste de s'engager pour la paix que de s'armer contre une menace hypothétique. A ses yeux, l'armée est impuissante contre les vrais dangers tels que la pollution de l'environnement ou les catastrophes écologiques. Un certain nombre de militants pacifistes ont éprouvé un malaise, craignant que les initiants, dans leur volonté de mettre en question l'existence de l'armée, ne préparent en fait un plébiscite en sa faveur et ne lui offrent l'opportunité de renforcer sa légitimité au moment du vote
[2].
Dans son message,
le Conseil fédéral a recommandé le rejet de l'initiative sans lui opposer de contre-projet. Son argumentation s'articule pour l'essentiel autour de la thèse suivant laquelle la suppression de l'armée mettrait en péril la paix au lieu de la sauvegarder. Il a réaffirmé la nécessité de son existence, tant sur le plan national qu'international. Même si au niveau mondial une certaine détente entre les deux blocs semble se dessiner, le Conseil fédéral l'estime fragile et incertaine. Renoncer à maintenir une armée de milice compromettrait à ses yeux la sauvegarde de l'indépendance de la Suisse, l'intégrité de son territoire et la protection de sa population contre des attaques étrangères. Pour le gouvernement, l'armée joue un rôle de ciment entre les diverses cultures et garantit le pouvoir de l'Etat contre des conflits susceptibles de dégénérer en guerre civile. Autre argument avancé, le poids économique de l'armée. Et le Conseil fédéral de rappeler qu'au cours de ces dernières années, la moyenne des commandes de matériel, de constructions ou de services faites par le DMF s'est chiffrée à près de trois milliards de francs par an. La suppression de l'armée se traduirait à court terme par une perte de près de 21 500 emplois. Le Conseil fédéral a également réaffirmé que l'abandon de la production d'armements complexes priverait la Suisse des résultats de nombreux travaux de recherche et réduirait le niveau des produits helvétiques face à la concurrence étrangère. Au sujet de la politique suisse de paix, le Conseil fédéral a rappelé sa conviction que celle-ci devait s'ajouter et non se substituer aux efforts de défense et qu'il n'était pas incompatible de pratiquer une politique active de la paix et de vouloir empêcher la guerre en étant prêt à se défendre. Et de renchérir en ajoutant que la politique de sécurité est le fondement des bons offices de la Suisse, de sa participation aux mesures de sauvegarde de la paix, de la coopération et de l'aide au développement
[3].
Même si l'initiative ne compte que très peu de partisans sous la Coupole fédérale, elle n'en a pas moins suscité de longs et passionnés débats au Conseil national. Ses adversaires, la droite et, avec davantage de retenue, la majorité socialiste, ont mis en exergue le caractère exclusivement défensif de l'armée suisse et ont douté de la reconnaissance de notre neutralité par la communauté internationale si la Suisse était privée du seul moyen de la faire respecter. Ils ont encore souligné que sa suppression serait un manquement à nos engagements internationaux, la neutralité armée impliquant la présence d'une politique de défense. Selon eux, il est illusoire de croire que le désarmement unilatéral d'un petit Etat neutre puisse faire avancer la cause de la paix et avoir un quelconque effet sur l'étranger, notamment sur les grandes puissances.
Les partisans de l'initiative, une minorité de la gauche et des Verts, ont affirmé que le déséquilibre entre les sommes consacrées à l'armée et les rentes AVS inférieures au minimum vital suffisait déjà à justifier son acceptation. Ils ont aussi noté que les changements intervenus dans la situation internationale font que la logique selon laquelle la préparation à la guerre serait la meilleure garantie de paix est devenue un non-sens. Convaincus qu'un conflit en Europe déboucherait sur une apocalypse, la seule attitude responsable consiste, à leurs yeux, dans une politique globale de paix. Et ceux-ci de souhaiter que la Suisse s'engage à inclure son armée dans le processus de désarmement engagé en Europe et qu'elle s'investisse d'une façon plus résolue en faveur de la paix.
Dans un vote par appel nominal, à la demande des partis bourgeois, le
Conseil national a rejeté l'initiative pour une Suisse sans armée et pour une politique globale de paix par 172 voix contre 13 (sept socialistes, les quatre représentants des partis progressistes et deux écologistes) et 7 abstentions (cinq socialistes et deux indépendants). Il a également écarté deux propositions présentées par H. Hubacher (ps, BS). La première visait à compléter l'obligation générale de défense inscrite dans la Constitution par l'adjonction d'un service civil social. La deuxième demandait la création d'un fonds en faveur de l'environnement. La Chambre du peuple a réservé le même sort à une proposition Braunschweig (ps, ZH) qui réclamait l'instauration d'un moratoire de quinze ans en matière d'achats d'armement ainsi qu'à une demande présentée par L. Rebeaud (pes, GE) proposant que la Confédération mène une politique globale de paix définie dans le cadre de la Constitution
[4].
Le Conseil national a rejeté par 119 voix contre 64 une motion, émanant d'une minorité de la commission chargée de l'examen de l'initiative, demandant la création d'un institut de recherche en matière de politique de paix et de sécurité ainsi que pour l'étude des conflits. La majorité de la chambre basse a en effet estimé que la Suisse s'investissait déjà suffisamment dans ce domaine, notamment par l'intermédiaire de la Croix-Rouge, et qu'il existait assez d'instituts de ce genre dans le monde
[5].
L'initiative pour la suppression de l'armée et en faveur d'une politique globale de paix a déjà créé un
certain malaise au sein du Parti socialiste (PSS) entre tenants et adversaires de la défense traditionnelle. Le courant pacifiste du PSS défend la thèse suivant laquelle la suppression de l'armée ne signifie pas un abandon de la défense de la Suisse, mais le développement d'une autre conception de la paix. H. Hubacher, représentant de l'aile modérée, s'est distancé de ce projet, affirmant que son parti ne pouvait pas, sur une question aussi décisive pour le peuple, se laisser entraîner dans une épreuve de force inutile. Et le président du PSS de souligner que l'armée suisse peut compter sur un large soutien populaire, jusque dans les rangs des électeurs socialistes. Les propositions de modifications constitutionnelles contenues dans l'initiative ne répondent pas selon lui aux vraies questions, comme les dépenses militaires ou le service civil. Mais, à l'instar de la majorité du groupe socialiste au Conseil national, il n'a pas pour autant cautionné l'armée dans sa conception actuelle et a interprété l'initiative comme la conséquence de ses structures qu'il juge vétustes et non démocratiques. Pour le PSS, la politique de sécurité signifie non seulement une politique sociale et étrangère, mais aussi une politique plus active de société et d'aide au développement
[6].
Organisation militaire
Les Chambres fédérales ont approuvé le projet de révision de l'organisation des troupes qui prévoit de former 31 compagnies de chasseurs de chars et 27 compagnies de lance-mines lourds. La constitution de ces nouvelles unités fait suite à l'approbation par le parlement de l'acquisition de véhicules blindés à roues "Piranha" équipés d'engins téléguidés antichars Tow en 1986 et de lance-mines lourds 74 en 1987. Les effectifs de ces nouvelles unités proviendront pour l'essentiel de la suppression des compagnies antichars actuelles
[7].
Le Conseil fédéral a pris connaissance du rapport concernant la participation des femmes à la défense générale. Les propositions qui y sont formulées visent avant tout à renforcer l'information et à rendre le
Service féminin de l'armée (SFA) plus attrayant. Pour y parvenir, les auteurs du rapport songent à améliorer les prestations de l'assurance pour pertes de gain en faveur des femmes et à leur ouvrir plus largement les structures de la protection civile. Convaincu qu'il faut promouvoir et intégrer les femmes dans tous les domaines de la défense générale sur la base du volontariat, le Conseil fédéral s'est néanmoins réservé la possibilité d'introduire une formation de base. Il s'agirait entre autres de donner aux femmes des connaissances pour agir correctement en cas de catastrophes écologiques ou de guerres
[8]. Le DMF a nommé un nouveau chef du Service féminin de l'armée: le colonnel Eugénie Pollack prendra la succession du brigadier Johanna Hurni, à la tête du SFA depuis 1977
[9].
Dans l'espoir d'étoffer les rangs du SFA, le commandant de corps E. Lüthy a évoqué la possibilité de remettre à titre volontaire une arme, destinée à se protéger, aux femmes engagées dans la défense natißnale. Cette mesure devrait selon lui inciter davantage de jeunes Suissesses à joindre ce service auxiliaire. En outre, une telle démarche s'inscrit, pour le chef de l'état-major général, dans le cadre de l'égalité entre hommes et femmes
[10].
Même s'il a promu plusieurs officiers généraux
francophones aux hauts postes décisionnels de l'armée, le Conseil fédéral n'a pourtant pas pleinement rassuré les autorités et les milieux politiques de Suisse romande qui s'inquiètent devant l'emprise alémanique sur les postes clé de la hiérarchie militaire. Après les mutations et nominations intervenues à la fin du mois de juin 1988, la Suisse latine reste toujours sous-représentée dans l'administration militaire. On compte désormais un seul romand au groupement de l'état-major général (sur un total de 15 membres), trois au groupement de l'instruction (sur 11 membres) et deux au sein de la commission de défense militaire (sur 9 membres). En raison d'une relève mal assurée, tant la supériorité numérique que l'influence des officiers suisses allemands dans les hautes sphères de l'armée vont encore s'accentuer
[11].
Instruction
Le Conseil fédéral a ouvert une procédure de consultation relative à une révision de la loi fédérale sur l'organisation militaire. Ce projet prévoit de
supprimer le service complémentaire de l'armée d'ici au 1 er janvier 1991. Cette proposition obéit à des impératifs liés à des questions d'effectifs et à la volonté d'établir une équité entre soldats, le statut de complémentaire étant souvent ressenti comme discriminatoire. Le Conseil fédéral a également tenu à rappeler qu'en raison de l'évolution technologique, il existe de nombreuses activités qui exigent peu de mobilité ou de force physique de la part des militaires. Le service complémentaire serait remplacé par une incorporation et une instruction différenciées afin de tenir compte des différences d'aptitude physique. Le projet de révision entend également abaisser le nombre des inspections de neuf à trois, soit une par classe d'âge. Elles seront organisées par répartition régionale et non plus communale. Le personnel des arsenaux gagnera ainsi du temps qu'il pourra consacrer à l'entretien du matériel et aux travaux supplémentaires découlant de la prochaine introduction du nouvel uniforme et du nouvel équipement. Le projet de révision touche aussi les contrôles de sécurité en matière de maintien du secret militaire et de lutte contre l'espionnage. La nouvelle réglementation proposée concerne les mesures à appliquer à ceux qui ont accès à des documents ou installations secrets afin qu'un maximum de garanties soient données
[12].
Mis sur pied au cours du mois de novembre, l'exercice de défense générale "Ex DG 88" a permis de vérifier le bon fonctionnement des organes de coordination et de conduite en cas de conflits ou de catastrophes écologiques. La direction générale de l'exercice a reconnu qu'il fallait encore améliorer la collaboration entre les organes concernés, en particulier dans le cadre de l'alarme et de l'information de la population
[13].
Armement
Les Chambres fédérales ont approuvé le programme d'armement 1988 devisé à 2,195 milliards de francs. Y figure, outre l'achat de mines antichars 88, de 4100 véhicules tout terrain équipés de catalyseur et la modernisation du réseau d'ondes dirigées, un montant de 472 millions de francs pour la transformation de 195 chars 68. Si ce crédit destiné à améliorer la conduite du feu des chars 68 afin de les intégrer dans les formations de ripostes n'a pas suscité de controverses au Conseil des Etats, il n'a par contre pas fait l'unanimité au Conseil national où les socialistes, soutenus par les écologistes, l'ont vivement contesté. H. Hubacher (ps, BS) a rappelé que l'armée avait déjà procédé à de nombreuses transformations sur ce char. Mais la majorité bourgeoise n'a pas voulu retrancher cette somme des dépenses de la défense nationale et a rejeté la proposition socialiste par 115 voix contre 46. La part des acquisitions revenant à l'industrie suisse s'est élevée à environ 52%, aux-quels se sont ajouté des affaires compensatoires de 665 millions de francs. Au niveau suisse, la part dévolue à l'industrie va à raison de 65% au secteur privé et de 35% aux entreprises fédérales d'armement. La part des commandes au secteur privé revenant à la Suisse alémanique s'est élevée à 66%, pour la Suisse romande à 32% et pour la Suisse italienne à 2%
[14].
Au cours de l'examen du programme de législature 1987-1991, le Conseil national a rejeté une motion socialiste, soutenue par l'extrême gauche et les écologistes, visant à bloquer, à leur niveau actuel, les dépenses du DMF pour les quatre années à venir. Parce qu'il estime qu'une majorité de Suisses sont favorables à des économies dans le domaine militaire et arguant du faible rejet par le peuple du référendum sur les dépenses militaires, le groupe socialiste a souhaité faire plafonner les dépenses militaires et affecter les économies ainsi réalisées à la politique sociale et à la politique de l'environnement. Les partisans de l'actuelle politique de sécurité du Conseil fédéral ont répliqué en soulignant que les dépenses dans le secteur militaire ont crû de manière plus modérée que celles d'autres secteurs et qu'un plafonnement ne tenait pas compte des besoins de la défense. Ils ont également rappelé le rôle dissuasif de l'armée suisse et se sont opposés à ce que sa crédibilité soit mise en jeu
[15].
Quatre avions de combat étaient en lice pour remplacer le Mirage IIIS: le Jas-39 Gripen, prototype suédois n'ayant pas encore officiellement effectué son premier vol, le Mirage 2000 français conçu chez Dassault et les deux chasseurs américains, le F-16 Fighting Falcon et le F/A-18 Hornet. Après les résultats de l'évaluation préliminaire, destinée à sélectionner les deux avions les plus performants, A. Koller avait, pour des raisons d'ordre militaire et financier, accordé sa préférence aux deux appareils américains. Le Conseil fédéral a cependant ajourné la ratification du choix du DMF et demandé de nouvelles études mettant en valeur des considérations de politique économique et étrangère afin de ménager les susceptibilités. En effet, la Suisse cherche à établir une meilleure collaboration avec la Communauté européenne avant l'échéance de 1992, une élimination d'office du Mirage pouvait créer un certain malaise. Quant au Gripen 39 suédois, le gouvernement ne pouvait pas, au nom des Etats neutres et de l'AELE, l'écarter immédiatement. Malgré des offres de coopération en matière de technologie avancée et une baisse notoire du prix d'achat, le Conseil fédéral a finalement écarté le Mirage 2000 et réservé le même sort au prototype suédois pour ne retenir que les deux appareils américains jugés plus aptes à remplir les conditions exigées du nouveau chasseur, tant sur le plan technologique que militaire.
Des deux chasseurs, le gouvernement a porté son choix sur le
F/A-18 Hornet. En effet, il est ressorti de l'évaluation principale que ce modèle est le mieux approprié pour assurer la sauvegarde de la souveraineté de l'espace aérien de la Suisse. De surcroît, il nécessite moins d'adaptations pour satisfaire aux exigences helvétiques que le F-16. Si le F/A-18 coûte quelque 15% de plus que le F-16, ses performances sont, de l'avis des experts, d'un tiers supérieures à celles de son concurrent. Comme la demande de crédit ne doit pas excéder trois milliards de francs, seuls 34 exemplaires - au lieu des quarante initialement prévus - pourront être acquis, sous réserve de l'approbation du programme d'armement 1990. Les nouveaux missiles air-air et les coûts relatifs à l'aménagement des cavernes et des abris qui vont abriter le nouvel avion de combat ne sont pas pris en compte dans l'enveloppe budgétaire. Les firmes américaines construisant ce chasseur se sont engagées à compenser à 100% cette commande auprès des industries suisses. Le choix du Conseil fédéral n'a pas fait l'unanimité et a suscité diverses réactions. Si certains se sont félicités que des considérations militaires l'aient emporté sur des considérations politiques, d'autres, et principalement en Suisse romande, ont au contraire déploré qu'à l'heure de la construction européenne le Mirage 2000 n'ait pas été retenu dans la phase principale d'essai
[16].
Constructions militaires
Le parlement a octroyé des crédits pour un montant total de 410,79 millions de francs pour le programme des constructions militaires et des acquisitions de terrain pour 1988. L'accent principal a été mis, à raison de plus d'un tiers du crédit d'engagement, sur les ouvrages de combat et de conduite de l'armée. Une attention toute particulière a été portée aux efforts de protection de l'environnement. En effet, dans le programme de constructions figure un crédit de 75 millions pour la lutte contre les nuisances du bruit sur la place d'armes de Thoune. A ce propos, A. Koller a relevé que les diverses mesures de protection de l'environnement ont représenté ces dernières années des investissements militaires d'environ six pour cent
[17].
Les Chambres fédérales ont pris connaissance du rapport du Conseil fédéral sur la situation et la
planification dans le domaine des places d'armes, d'exercices et de tirs. Rédigé avant la votation populaire sur l'initiative de Rothenthurm (SZ), il en ressort pour l'essentiel que l'armée aura toujours davantage de peine à réaliser de nouvelles places d'armes et qu'elle devra se contenter de rénover et d'utiliser de façon optimale les terrains existants. A. Koller a indiqué qu'après l'aménagement d'une place d'armes à Rothenthurm, projet redimensionné et conforme aux exigences voulues par le souverain, le DMF ne prévoyait plus d'en construire de nouvelles. Si le Conseil des Etats a pris acte sans opposition de ce rapport, il en alla différemment au Conseil national où le député Herczog (poch, ZH), soutenu par une partie de la gauche, formula une demande de renvoi. En effet, il a reproché au gouvernement de n'avoir pas adapté son rapport à la situation actuelle qui se caractérise, à ses yeux, par une hostilité croissante de la population à l'égard de toute nouvelle place d'armes. Pour le député du POCH, le DMF doit dégager les conséquences qui résultent de l'acceptation de l'initiative de Rothenthurm pour la planification future et pour un éventuel abandon des projets envisagés. Son amendement a été rejeté par une majorité du Conseil national qui a estimé que la place d'armes envisagée à Rothenthurm constituait un cas particulier et a jugé illogique de renvoyer le rapport
[18].
Objecteurs de conscience
Le projet du Conseil fédéral de
décriminalisation partielle de l'objection de conscience qui stipule que celui qui ne peut concilier, pour des raisons éthiques ou religieuses authentiques, le service militaire avec les exigences de sa conscience soit soumis à l'accomplissement d'un travail d'intérêt public d'une durée d'une fois et demie de celle du service militaire refusé, s'est heurté à de vives oppositions au sein de la commission du Conseil national. En effet, elle n'a accepté le projet de révision du code pénal militaire qu'à une faible majorité. Les avis très partagés sur la question de l'objection de conscience n'ont rendu que plus difficile l'adoption d'une position commune. Le projet a été critiqué tant par la gauche qui le juge insuffisant que par la droite qui l'estime déjà trop généreux. La commission a par contre largement approuvé le projet de révision de la loi fédérale sur l'organisation militaire. Les modifications proposées prévoient que les hommes qui font du service sans armes pour des raisons de conscience soient astreints à un cours de répétition supplémentaire s'ils sont dans l'élite, à treize jours supplémentaires lorsqu'ils sont dans la Landwehr et à six jours s'ils sont dans le Landsturm
[19].
Une centaine de personnes ont fondé le Syndicat suisse des objecteurs de conscience. Ce mouvement a pour but de légaliser le statut des objecteurs et de renforcer la solidarité entre eux. Il entend également apporter son soutien à toutes les forces visant à supprimer la criminalisation et la psychiatrisation des objecteurs. Les participants ont adopté une première résolution dans laquelle ils condamnent le projet de révision du code pénal militaire proposé par le Conseil fédéral. En effet, ils estiment qu'il constitue une solution trompeuse, illusoire et préjudiciable au problème de l'objection. Ils sont en outre disposés à soutenir l'introduction d'un authentique service civil pour autant que l'examen des consciences soit supprimé, que la justice militaire n'intervienne plus et que l'objection soit décriminalisée
[20].
Protection civile
La conseillère fédérale E. Kopp a présenté une série de propositions visant à
améliorer la capacité d'intervention de la protection civile (PC) non seulement en cas de conflit armé, mais aussi pour venir en aide à une population victime d'une catastrophe naturelle ou industrielle. Le groupe de travail, institué par le chef du DFJP à la suite des événements de Tchernobyl et de Schweizerhalle qui avaient remis en cause la conception de la PC, a dressé une liste de recommandations qui s'adressent en priorité aux cantons et aux communes. Parmi celles-ci figurent notamment un développement de la formation des cadres et des spécialistes de la PC, la mise sur pied d'un réseau d'alarme et d'alerte simplifiés et la constitution de formations d'intervention rapide. Il propose en outre que la moitié au moins des abris publics soient libérés afin d'être disponibles en cas de danger soudain. Les auteurs du rapport ont été divisés quant à l'aspect militaire à donner ou non à la PC. Si les Alémaniques souhaitent que la formation de ses futurs membres soit assurée par des cadres de l'armée, les Romands s'y opposent par contre fermement, arguant du caractère civil de la protection civile
[21].
Pour combler les lacunes tant qualitatives que quantitatives dans la formation des personnes incorporées dans la protection civile, il faudrait selon l'Office fédéral de la protection civile (OFPC) recruter quelque deux cents instructeurs supplémentaires à plein temps. Cette augmentation des effectifs permettrait de rendre plus effective, pour tous les cadres, l'obligation légale de participer au cours de perfectionnement
[22].
Sélection bibliographique
H. Eberhart, "Für eine Existenz in Freiheit und Menschenwürde, Auseinandersetzung mit der Vision einer Schweiz ohne Armee", in Civitas, 43/1988, p. 179 ss.
H. Eberhart, "Ideologie und Realität in der Sicherheitspolitik, Gewissensprüfung eines Demokraten", in Civitas, 43/1988, p. 328 ss.
H. Eberhart e.a., Sollen wir die Armee abschaffen? Blick auf eine bedrohliche Zeit, Frauenfeld 1988.
GSoA, Schweiz ohne Armee: Argumentenkatalog, Effretikon 1988.
H.-U. Helfer, Wer steckt hinter 'Schweiz ohne Armee': Informationen zu Personen und Organisationen, Zürich 1988.
A. Koller, "Die Zukunft unserer Landesverteidigung", in Documenta, 1988, no 3, p. 14 ss.
A. Koller, "L'initiative pour une Suisse sans armée", Documenta, 1988, no 2, p. 26 s.
A. Koller, "Schweizerische Sicherheitspolitik heute", in Schweizer Monatshefte, 68/1988, p. 201 ss.
H.R. Kurz, Die Schweizer Armee heute. Das aktuelle Standardwerk über die schweizerische Landesverteidigung, Thun 1988.
"Mehr Freiheit – Keine Armee!", in Provo, 3/1988, Nr. 7.
M. Meier, Der überwundene Krieg in Europa ermöglicht die Abschaffung der Armee in der Schweiz, Maur 1988.
H. Saner, Identität und Widerstand. Fragen in einer verfallenden Demokratie, Basel 1988.
A. Stahel, "Das militärstrategische Denken in der Schweiz", in ASSP, 28/1988, p. 157 ss.
R. de Diesbach, L'armée, Lausanne 1988. L'auteur aborde des sujets comme l'organisation de la défense, la formation de la milice et l'armement en pleine modernisation. Mais il analyse aussi le coût réel de l'effort militaire et les retombées financières de la présence de l'armée sur les régions et les cantons. Il décrit l'interdépendance de la promotion civile et l'avancement militaire ainsi que le rôle et le pouvoir des associations militaires. R. de Diesbach s'intéresse également aux conséquences de la dénatalité sur les effectifs de l'armée, à l'objection de conscience ainsi qu'à l'interdépendance entre l'industrie et les achats d'armement.
Schweizerischer Friedensrat (éd.), Keine Grenzen für die Luftwaffe? Die 10 Milliarden-Aufrüstungspläne der Kampfflieger, Zürich 1988.
"EMD Vorschlag zur Dienstverweigerung. Stallgeruch", in Provo, 3/1988, Nr. 2.
T. Wyder, Wehrpflicht und Militärdienstverweigerung: Entstehung, Gesetz, Arten und Sanktionen in der Schweizer Armee, Bern 1988.
P. Albrecht e.a., Schutzraum Schweiz. Mit dem Zivilschutz zur Notstandsgesellschaft, Bern 1988. Il s'agit d'un ouvrage collectif analysant de façon critique l'organisation actuelle de la protection civile en Suisse. Les auteurs estiment que la protection totale de la population est une illusion car elle implique une discipline totale qui n'existe pas. Ils proposent par conséquent un moratoire dans la mise en place de la protection civile. Ce temps de réflexion devrait être mis à profit, selon eux, pour rechercher de nouvelles conceptions et permettre une analyse de certains problèmes, comme l'engagement des femmes dans la PC et la criminalisation de ceux qui refusent de servir.
E. Kopp, "Zivilschutz für alle, alle für den Zivilschutz", in Documenta, 1988, no 3, p. 12 ss.
[2] GSoA-Zitig, 1988, Nr. 19-27; Friedenszeitung, 1988, Nr. 82 et 88; VO, 10.11.88.
[3] FF, 1988, II, p. 946 ss. Sur la politique de paix et de sécurité cf. supra, part. I, 2 (Principes directeurs et Aide publique au développement).
[4] BO CN, 1988, p. 1709 ss. et 1756 ss.
[5] BO CN, 1988, p. 1710 ss. et 1769 ss. Sur la politique de sécurité et de paix: Bund, 2.3., 3.3., 5.3., 10.3., 15.3., 17.3., 18.3. et 19.3.88. Cf. aussi infra part. I, 8a (Recherche).
[6] Cf. "Schweiz mit oder ohne Armee" et "Diskussion über die Armeeabschaffungsinitiative", in SP-Pressedienst, 16.5. et 13.12.88. Cf. aussi TW, 24.5.88; Lib., 17.9.88; SGT, 19.9.88. Autres positions: Milieux patronaux: SAZ, 1.12.88; RFS, 51/52, 20.12.88. Syndicats: USS, 14.12.88. Position de l'armée: ASMZ, 154/1988, p. 733 ss.
[7] FF 1988, II, p. 1097 ss.; BO CE, 1988, p. 440 s. et 942; BO CN, 1988, p. 1577 ss. et 1977; RO, 1988, p. 2192.
[10] Presse du 6.1.88; TA, 9.1.88; NZZ, 15.1.88.
[11] Presse du 4.4. et 30.6.88; Lib., 5.4.88; BaZ, 6.4.88; L'Hebdo, 7.4. et 18.8.88. Le divisionnaire A. Tschumy succède au cdt de corps R. Moccetti en qualité de commandant du corps de montagne 3.
[12] FF, 1988, Il, p. 1075; presse du 7.6.88.
[13] Presse du 12.11. et 23.11.88.
[14] FF, 1988, II, p. 12 ss. et III, p. 1429 ss.; BO CE, 1988, p. 125 ss.; BO CN, 1988, p. 1557 ss.
[15] BO CN, 1988, p. 522 ss. Sur les dépenses militaires cf. L'Hebdo, 3.11.88. et infra, part. I, 5 (Voranschlag 1989).
[16] Phase de sélection: presse du 8.3.88. Choix définitif: presse du 4.10.88. Mirage 2000: LNN, 30.1.88; NZZ, 24.2.88; DP, 11.2.88; L'Hebdo, 6.10.88; ASMZ, 154/1988, p. 5 ss. Polémique sur le prix: TA, 10.9.88; BZ, 14.9.88.
[17] FF, 1988, I, p. 1465 ss. et III, p. 732 ss.; BO CE,
1988, p. 435 ss.; BO CN, 1988, p. 1433 ss.
[18] FF, 1987, II, p. 869 ss.; BO CN, 1988, p. 231 ss. et 426; BO CE, 1988, p. 134 ss. Cf. aussi APS 1987, p. 90 ss. et infra, part. I, 6d (Natur- und Heimatschutz).
[19] JdG et NZZ, 25.5.88; presse du 21.10.88. Cf. aussi ASMZ, 154/1988, p. 389 ss.; Friedenszeitung, 1988, Nr. 77/78; APS 1987, p. 92.
[20] Presse du 28.11.88; VO, 1.12.88; Friedenszeitung, 1988, Nr. 88. Le nombre des objecteurs de conscience a connu une légère régression par rapport à 1987 avec 548 refus de servir contre 601 (Rapp. gest. 1988, p. 274).
[21] Presse du 30.4.88. Généralités sur la PC: LM, 28.6., 29.6., 30.6., 1.7. et 2.7.88.