Chronique générale
Politique étrangère suisse
L’initiative populaire «Oui à l’Europe!», fixant des délais à une réactivation rapide de la demande d’adhésion de la Suisse à l’UE, a été massivement rejetée par le peuple. – Au cours de l’année sous revue, les accords bilatéraux ont été signés par l’ensemble des Etats membres de l’UE. La Confédération a lancé des négociations sur un second volet d’accords, touchant notamment à la participation de la Suisse aux accords de Schengen et de Dublin, mais aussi à la fraude douanière et à la fiscalité de l’épargne. – Après avoir été largement approuvée par les chambres fédérales, l’initiative populaire pour l’adhésion de la Suisse à l’ONU a donné lieu à une campagne vive. – La Suisse a officiellement transmis sa demande d’adhésion à la Cour pénale internationale.
Principes directeurs
En début d’année, le Conseil fédéral a rendu public son
rapport de politique extérieure 2000. Ce dernier dresse un portrait de la situation internationale et propose les futures pistes à suivre pour le gouvernement. Face à la globalisation, à la construction européenne en contrepoids de la prédominance américaine, aux migrations, à la pauvreté et aux enjeux de l’ère numérique, le rapport met en avant une coopération internationale qui n’entame ni l’indépendance, ni la marge de manœuvre de la Suisse. Parmi les objectifs annoncés: ceux d’une adhésion à l’ONU et d’une réouverture des négociations en vue d’une entrée dans l’Union Européenne (UE), alors imaginée pour la magistrature 2003-2007
[1]. Le rapport met aussi l’accent sur l’importance d’une participation helvétique au nouvel espace européen de sécurité dit «de Schengen», projet que la responsable du Département fédéral de Justice et Police Ruth Metzler a défendu en priorité auprès de ses homologues européens durant l’année sous revue.
Anticipant sur sa position monolithique vis-à-vis du contre-projet à l’initiative populaire «Oui à l’Europe» (voir infra),
le Conseil des Etats s’est montré critique envers le rapport fédéral. Les vœux gouvernementaux pour une adhésion à terme à l’UE ne l’ont pas convaincu, si bien que les sénateurs, par 25 voix contre 13, ont pris acte du rapport sans l’approuver. Deux mois plus tôt, la commission de politique extérieure des Etats avait déjà choisi cette option, à 8 contre 3. Au but explicite d’une adhésion européenne, la chambre haute préfère des horizons plus variés, comprenant notamment des accords bilatéraux et l’éventualité d’un nouvel Espace économique européen (EEE)
[2]. Le rapport a été mieux accueilli au
National. A l’exception de l’aile blochérienne des parlementaires UDC – fermement opposée aux objectifs de l’ONU et à une adhésion à l’UE – et d’une minorité radicale préconisant de prendre acte du rapport sans approuver, la majorité a donné son aval au texte gouvernemental (98 contre 40)
[3].
Pour la première fois,
le Conseil fédéral a présenté à l’Assemblée fédérale un rapport sur les traités internationaux conclus en 2000. Cette disposition fait suite à un nouvel article ajouté à la loi sur les rapports entre les conseils: chaque année, le gouvernement devra dresser la liste des traités entre la Suisse et un autre Etat. Dans ce rapport, le Conseil fédéral énumère les pays et les interlocuteurs gouvernementaux avec qui il a collaboré, et précise les dates et les grandes lignes du traité conclu
[4].
En toute fin de l’année sous revue, et de façon plutôt informelle, Moritz Leuenberger a exposé au nom du gouvernement des
objectifs pour l’année 2002. Parmi les buts principaux de la politique extérieure, l’adhésion à l’ONU, la conclusion des négociations bilatérales, le renforcement de la sécurité intérieure (lutte contre l’extrémisme de droite, renforcement de la loi sur les armes, répartition plus efficace des tâches de la police entre Confédération et cantons). Le Président de la Confédération sortant a toutefois rappelé les difficultés de projections, même à court terme, citant les exemples de Swissair et du terrorisme pour l’année 2001
[5].
Le thème de la neutralité a traversé l’entier du débat politique au cours de l’année sous revue. Les échéances sur le vote d’une adhésion à l’ONU ont notamment conduit à deux demandes parlementaires: la première, formulée par Rolf Büttiker (prd, SO) sous la forme d’un postulat, exigeait du Conseil fédéral l’ouverture d’une
large discussion nationale sur la neutralité de la Suisse et ses implications onusiennes. Le gouvernement a accepté le postulat, plaçant ce projet dans la continuité des prises de position multiples du Conseil fédéral vis-à-vis de l’enjeu de la votation. La seconde, présentée par Christoffel Brändli (udc, GR) via une recommandation, soulignait l’importance, pour le Conseil fédéral, d’expliciter sa position de neutralité dans le texte de sa demande d’adhésion à l’ONU. Joseph Deiss a aussitôt rendu public le texte à transmettre aux Nations Unies en cas de vote positif (voir infra, «ONU»)
[6].
Dans le cadre des négociations préliminaires du second volet des accords bilatéraux (voir infra),
la Conférence des gouvernements cantonaux (CdC) a adressé une lettre de mécontentement au Conseil fédéral. Les cantons souhaiteraient être plus activement impliqués dans les discussions bilatérales, notamment sur des dossiers qui les touchent de près, comme la fraude douanière ou l’application des accords de Schengen sur la libre circulation des personnes. Par la voix du conseiller aux Etats Peter Schönenberger (pdc, SG), la CdC a rappelé que la Constitution réserve des prérogatives précises aux cantons en matière de politique étrangère, alors que le Conseil fédéral, lors de discussions avec les représentants de l’UE, a lancé des propositions sans vérifier au préalable la position des cantons
[7]. Suite à ce saut d’humeur notamment, le gouvernement a demandé à la CdC de se prononcer sur un mandat de négociations préliminaires: dans leur réponse, les cantons ont insisté sur leur «grand scepticisme» quant à l’urgence de nouvelles négociations, rappelant que le premier paquet de bilatérales n’était pas encore mis en œuvre et que le second, sur les dossiers touchants les cantons – entre autres, justice, police, fiscalité et formation –, était à la fois trop important et trop lacunaire pour que des décisions puissent être prises en l’état. 22 cantons sur 26 se sont prononcés dans ce sens
[8]. Au fil des entretiens liminaires, le gouvernement a ensuite voulu rassurer les cantons sur le maintien de leurs compétences en cas d’une adhésion au régime de Schengen: selon la Confédération, la répartition des tâches entre elle et les cantons ne sera pas modifiée, ni par Berne, ni par Bruxelles
[9].
Europe: UE
Suite aux attentats new-yorkais, et au terme d’une Conférence européenne élargie à 40 pays, la Suisse a adhéré à une
coalition contre le terrorisme visant à élargir le mouvement de solidarité avec les Etats-Unis et à afficher un soutien aux actions militaires en Afghanistan. Commentant cette adhésion, Joseph Deiss a insisté sur l’importance de ne pas sacrifier à la lutte contre les terrorisme les principes essentiels du respect des droits de l’homme
[10].
Alors que la
ratification par les pays membres de l’UE du premier volet des accords bilatéraux, accepté par le peuple en 2000
[11], devait être réalisée en début de l’année sous revue, celle-ci a connu de nombreux retards dans sa procédure, au niveau européen comme à celui des Etats signataires. Du premier au deuxième semestre 2001, la signature était au terme de l’année finalement annoncée pour le premier semestre 2002
[12]. Les Quinze se sont fait tirer l’oreille pour ratifier les accords avec la Suisse, mettant sur la table les lenteurs, voire les réticences de la Confédération à se positionner de façon satisfaisante sur les dossiers de la fraude fiscale, synonymes d’une meilleure transparence de la part des banques helvétiques. En milieu d’année, il manquait encore la ratification belge, française, irlandaise, allemande, finlandaise et hollandaise. Au cours de l’été, les parlements de ces trois derniers pays ont apposé les signatures au texte de l’accord. En
France, l’Assemblée nationale a ratifié à mains levées les accords bilatéraux, après que la Commission des affaires étrangères a donné son aval par 10 oui contre 2 non et 3 abstentions. Les débats ont mis en exergue la question encore chaude du statut des transfrontaliers français, qui perdront le libre choix de leur couverture sociale
[13]. Hasard du calendrier, l’
Irlande a avalisé l’accord le lendemain de la ratification française
[14]. En
Belgique, le Sénat est parvenu à retarder de deux semaines symboliques la signature par le gouvernement de l’accord entre le Suisse et l’UE sur la libre circulation des personnes: un moyen de faire part de son mécontentement face à la gestion helvétique de la crise du couple Sabena-Swissair
[15]. Les Parlements flamand et wallon ont finalement signé les accords en décembre, faisant de la Belgique le dernier pays à ratifier les bilatérales
[16]. Au niveau européen, les Quinze doivent encore officiellement ratifier le paquet des sept accords au nom de l’UE.
En filigrane de la procédure de ratification du premier volet des bilatérales,
le Conseil fédéral a initié les négociations sur un second paquet d’accords bilatéraux. De multiples rencontres entre représentants suisses et européens ont commencé à partir de janvier, afin de dégager au maximum l’horizon des thèmes abordés: parmi eux, les dossiers de la lutte contre la fraude et de la fiscalité de l’épargne apparaissent comme les plus brûlants. Le Conseil fédéral a vite précisé ses objectifs auprès des instances européennes: être associé à l’accord de Schengen (collaboration policière) et à celui de Dublin (asile), à l’instar de l’Islande et de la Norvège. Du côté de l’UE, Bruxelles veut obtenir un engagement maximum de la Suisse dans le domaine de la lutte contre la fraude douanière, ainsi que l’adoption par Berne des critères de fiscalité de l’épargne reconnus par l’UE, point qui toucherait à la politique bancaire helvétique, dès lors refusé par le Conseil fédéral
[17].
Après des entretiens exploratoires au cours du printemps,
les Quinze ont officiellement accepté d’élargir le cadre des «bilatérales bis» [18]. De son côté, le Conseil fédéral a défini le contenu des mandats accordés en son nom aux négociateurs des nouveaux dossiers
[19]. Trois catégories de mandats ont été désignées: de négociation (fraude douanière, environnement, produits agricoles transformés, formation et jeunesse), de prénégociations (accords de Schengen et Dublin, libéralisation des services) et de discussion (fiscalité de l’épargne). Dix mandats en tout, que les commissions de politique extérieure du Conseil des Etats et du National ont accepté à l’unanimité
[20]. Les objets de la fraude douanière et de la fiscalité de l’épargne ont rapidement constitué les principaux points de friction entre les parties en présence, si bien que le Parlement européen, en fin d’année, a menacé la Suisse de rompre les négociations sur l’ensemble des dossiers si la situation sur celui de la fraude douanière ne se dirige pas vers une amélioration
[21].
L’initiative populaire «Oui à l’Europe», maintenue par ses initiants Nouveau mouvement européen (NOMES) malgré un parcours parlementaire tumultueux qui avait abouti au rejet par les Chambres de l’initiative comme de son contre-projet (voir
APS
2000, p. 68 s.), est entrée dans sa phase de
campagne dès le début de l’année. Le comité de soutien à l’initiative se fixait comme but obtenir la majorité du peuple, ainsi que l’acceptation du texte par au moins sept cantons les romands et les deux Bâles. Pour mener sa campagne, le comité escomptait sur un budget de 1,4 millions de francs: deux semaines avant la votation, il n’aura pu récolter que la moitié
[22]. Parmi les parlementaires fédéraux au sein du comité cohabitaient 15 radicaux et autant de démocrates-chrétiens, 52 socialistes, 10 écologistes, 4 libéraux, un indépendant et un membre du POP. En découpe partisane, le mot d’ordre du «oui» n’a pas bénéficié d’une aussi belle concorde.
Si le PS a appelé facilement sa base à accepter l’initiative, le PRD l’a refusée par 98 voix sur 133, lors de son assemblée des délégués
[23]. En revanche,
le PDC suisse a créée la surprise en apportant son approbation au projet européen, par 189 voix contre 148, désavouant du même coup son président Adalbert Durrer, opposé à l’initiative, et son conseiller fédéral Joseph Deiss, tenant du calendrier européen «officiel» définit par la Confédération
[24]. Afin de dépasser les querelles parlementaires, un comité de jeunes radicaux, socialistes et démocrates-chrétiens a vu le jour pour défendre l’initiative du NOMES. Les jeunes radicaux, en opposition avec le mot d’ordre national de leur parti, avaient déjà fait connaître leur volonté de s’engager activement en faveur du oui
[25]. L’USS s’est elle aussi prononcée pour une acceptation de l’initiative par le peuple, alors que, de l’autre côté de l’échiquier idéologique, le parti libéral suisse s’annonçait aussi favorable au oui.
Dans le camp opposé, l’initiative a dû affronter les arguments des partisans d’un «non raisonnable» qui, sans refuser l’UE, jugent les termes et les délais prévus par l’initiative imprudents ou irréalisables. Dans cet ordre d’idées, un comité de 102 parlementaires, principalement radicaux et alémaniques, s’est formé sous le nom «Penser européen, agir intelligent»
[26]. Plus strictement réfractaire à toute idée d’adhésion,
l’ASIN a évidemment apposé son refus à l’initiative des jeunes. Parmi ses arguments en forme de mise en garde, une hausse massive de la TVA, des difficultés majeures dans l’agriculture et l’impossibilité de faire face aux flux migratoires ne seraient que quelques dangers qui accompagneraient une Suisse devenue membre de l’UE
[27]. Quelques jours plus tard, en assemblée à Martigny (VS),
l’UDC a en toute logique suivi la voie de l’ASIN en enterrant l’initiative à l’unanimité moins deux voix
[28]. Autres mots d’ordre négatifs: Economiesuisse et l’Association suisse des banquiers. A l’instar de ces deux représentants de poids, l’USAM et l’USP ont jugé l’initiative aventureuse et précipitée
[29].
Initiative «Oui à l’Europe!»
Votation du 4 mars 2001
Participation: 55,8%
Oui: 597 217 (23,1%) / 0 cantons
Non: 1 982 549 (76,9%) / 26 cantons
Mots d'ordre:
– Oui: PDC (19*), PS, PL (2*), PES (2*), PdT; USS, CSS.
– Non: UDC, PRD (4*), PEP, UDF, DS, Lega, PdL; Economiesuisse, USAM, USP.
*Recommandations différentes des partis cantonaux
Le 4 mars, le résultat de la votation s’est exprimé en véritable camouflet pour les initiants comme pour les europhiles helvétiques. Avec plus de trois quarts de refus populaire et un rejet de l’ensemble des cantons, l’échec de l’initiative est sans appel. Entre le non ferme de l’ASIN et de l’UDC et le non «raisonnable» de multiples sources, dont le Conseil fédéral, le projet du NOMES n’est apparu que comme une option sans caractère de nécessité. Une bonne participation a pu démontrer cependant l’importance attachée par les électeurs au dossier européen. Parmi les plus hostiles à l’initiative, le canton d’Appenzell Rhodes-Intérieures a pris la tête (90,3% de non), alors que Neuchâtel fut le plus près d’accepter le texte du NOMES (55,8% de non). Si beaucoup s’attendaient à un refus, tous ont été surpris de son ampleur, à tel point que la première réaction de l’ASIN fut de proposer le retrait immédiat de la demande d’adhésion à l’UE déposée, puis gelée en 1992. Quant à l’UDC, elle a déposé une motion – refusée par le National – exigeant que le Conseil fédéral ajourne tous les travaux liés à l’adhésion à l’UE, rendus selon elle obsolètes par les chiffres de la votation. Ueli Maurer a même remis en question l’avenir politique de Joseph Deiss au poste des affaires étrangères, arguant du fait que la fibre pro-européenne du ministre ne pouvait être représentative d’une population opposée à l’Europe.
Au contraire, le gouvernement a donné une analyse positive du résultat, y constatant un refus populaire de brusquer les choses et une adéquation sur la ligne européenne du Conseil fédéral. Ce dernier a ainsi maintenu son calendrier européen éventualité d’une réouverture des négociations en cours de magistrature 2003-2007 et a confirmé ses priorités: entrée en vigueur des accords bilatéraux à brève échéance, puis réalisation de nouvelles négociations bilatérales, enfin, à plus long terme, adhésion de la Suisse à l’UE. L’analyse VOX relativise cependant ces deux commentaires unilatéraux et montre que, parmi les opposants, ceux qui rejetaient toute idée d’adhésion étaient un peu plus nombreux (51%) que ceux qui considéraient le moment précipité
[30].
Autres institutions européennes
Le parlement a pris acte du
rapport de la délégation suisse auprès de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Dans leur présentation, les délégués ont mis l’accent sur les principaux thèmes de leurs travaux: démocratie et droits de l’homme, cohésion sociale, développement et consolidation de la stabilité démocratique en Europe de l’Est et protection des diversités culturelles. En outre, le gouvernement a annoncé sa volonté de ratifier d’ici la fin de la magistrature 2003 la Convention pénale que le Conseil de l’Europe consacre à la
lutte contre la corruption. Celle-ci entend harmoniser les normes pénales des Etats membres et simplifier la coopération internationale. Le texte devrait permettre de combler quelques lacunes du droit suisse, notamment en matière de répression de la corruption passive de fonctionnaires étrangers
[31].
La Délégation suisse auprès de l’AELE et du Parlement européen a présenté son
rapport à l’Assemblée fédérale. Les deux Chambres réunies en ont pris acte et l’ont approuvé. De plus, le Conseil fédéral a présenté un message relatif à l’actualisation de la Convention de 1960 instituant l’AELE. Cet amendement constitue une révision et une modernisation du texte fondateur de l’Association, en fonction des changements des relations entre la Suisse et ses partenaires (Islande, Lichtenstein, Norvège) survenus suite aux accords bilatéraux entre la Confédération et l’UE. Les droits garantis par ces accords ont ainsi été élargis aux pays membres de l’AELE. Les deux Chambres ont unanimement avalisé le texte du Conseil fédéral
[32].
Le Mexique est en outre devenu le premier pays non européen a signer une convention avec les Etats de l’AELE. La Suisse s’est en effet jointe à la signature d’un
accord de libre-échange avec le Mexique, qui comprend la libéralisation du commerce des produits industriels et des services, ainsi que des dispositions concernant la protection et la promotion des investissements directs, la protection de la propriété intellectuelle et l’accès non discriminatoire aux marchés publics. Un volet agricole a aussi été joint au dossier. Les Chambres ont ratifié l’accord en cours d’année
[33].
Organisations internationales
Acceptée par le Conseil fédéral en 2000,
l’initiative populaire «pour l’adhésion de la Suisse à l’Organisation des Nations Unies» a animé le débat politique suisse au cours de l’année. En première étape de consultation parlementaire, la nouvelle initiative a recueilli l’assentiment du Conseil des Etats. Un résultat tranché 37 oui, 2 non qui faisait écho au très net agrément, quelques jours plus tôt, de la commission des affaires extérieures de la même chambre 11 voix contre 1. A la Chambre des cantons, seules deux voix UDC ont rompu l’harmonie de l’ensemble
[34]. Dans la foulée de ce bon résultat, les milieux économiques se sont engagés derrière le Conseil fédéral pour le plébiscite d’une adhésion à l’ONU. Economiesuisse s’est présenté comme l’acteur principal de la campagne. Dans le camp des opposants, l’UDC a proposé au National un contre-projet à l’initiative populaire. Plaçant toujours la notion de neutralité en axiome helvétique indépassable, le parti a déposé un texte en deux propositions: inscrire dans la Constitution l’obligation pour la Suisse de défendre son indépendance aussi face aux organisations internationales, ce qui lui permettrait de revendiquer un statut à part à l’ONU, une adhésion partielle avec des prérogatives spécifiques. Seconde proposition, une adhésion sans obligation de participer à des sanctions militaires décidées par l’organisation contre un ou plusieurs pays. Les deux volets du contre-projet n’ont pas résisté au vote de la commission de politique extérieure du Conseil national, qui les a rejeté par 18 voix contre 4
[35]. Dans un débat fleuve 72 parlementaires inscrits pour prendre la parole , la chambre du peuple s’est montré dans son immense majorité favorable à l’initiative. Même l’UDC a dû compter sur quelques voix discordantes parmi ses représentants au parlement. Facteur de coopération internationale pour les promoteurs de l’adhésion ou spécificité intangible pour les opposants, le concept de neutralité a été au centre des débats, si bien que Joseph Deiss s’est engagé à publier avant le vote une déclaration claire et ferme sur le projet de neutralité suisse à inscrire au texte de la demande d’adhésion (voir supra). Finalement, le oui l’a emporté par 153 voix contre 42
[36].
Le texte de l’initiative accepté aux chambres, le Conseil fédéral a inscrit au 3 mars 2002 la votation sur son objet
[37].
La campagne s’est ouverte sur l’annonce par le gouvernement d’un budget de 1,2 million de francs pour la promotion de l’initiative. Au même moment, il a publié comme promis la demande d’adhésion stipulant notamment que «la Suisse est un Etat neutre» et que «la neutralité d’un Etat membre est compatible avec les obligations de la Charte des Nations Unies»
[38]. Du côté de l’économie, un front massif a réuni entre autres Economiesuisse et l’Union suisse des arts et métiers (USAM). En fin d’année, l’USS s’est prononcée en faveur de l’adhésion. Chez les opposants, l’UDC a pu s’appuyer sur le soutien de ses membres, refusant l’horizon onusien par 389 voix contre 44 lors de l’assemblée des délégués. Samuel Schmid, pour le gouvernement, a réfuté les arguments de Christoph Blocher selon lesquels une adhésion serait synonyme d’un alignement aveugle sur les actions militaires de l’ONU. Le président du parti, Ueli Maurer, a rappelé que la non-adhésion figurait au programme de l’UDC depuis des années
[39].
Alors que la campagne était déjà sur les rails en Suisse, le chef de la Mission d’observateur auprès des Nations Unies, l’ambassadeur Jenö Stähelin, a présenté devant le Conseil de sécurité un ensemble de propositions dont l’objectif est d’améliorer l’efficacité du régime des sanctions. Ce dossier est le résultat d’une demande formulée par Kofi Annan en 1998, afin d’aiguiser les instruments de coercition à l’encontre des Etats mais non des populations dans la cible de l’ONU. La Suisse a ainsi financé une recherche d’experts qui se sont réunis à plusieurs reprises à Interlaken (BE) et dont les travaux, connus sous le nom de «processus d’Interlaken», ont été remis sous la forme de deux textes remis aux Nations Unies
[40].
Concernant l’élection d’Adolf Ogi comme délégué spécial de l’ONU pour le sport, voir infra, part. I, 7b (Sport).
Dans un contexte tendu,
Joseph Deiss a effectué une visite en Israël et dans les territoires palestiniens. A Tel-Haviv et à Gaza, où le conseiller fédéral a rencontré Yasser Arafat, le responsable des affaires étrangères a abordé la question des droits de l’homme et l’éventualité d’une conférence sur la Quatrième Convention de Genève, dont le texte, reconnu par l’ensemble de la communauté internationale à l’exception d’Israël, aurait dû réglementer les agissements de l’Etat hébreu dans les territoires palestiniens. Sans l’agrément d’Israël, ni celui des Etats-Unis, cette conférence a eu lieu à Genève en fin d’année. La déclaration finale qui est sortie rappelle que la Quatrième Convention de Genève est applicable aux territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem-Est. Elle appelle toutes les parties en conflit à respecter les clauses et les garanties humanitaires de la Convention
[41].
Déposée en 1998 par Remo Gysin (ps, BS), l’initiative parlementaire pour une
approbation par le parlement des augmentations de capital du FMI a été discutée par les deux Chambres en cours d’année. Au Conseil des Etats, le projet visant à opérer un contrôle plus strict vis-à-vis des flux financiers manipulés par le FMI a reçu une approbation unanime. Au National, 186 parlementaires contre 4 ont accepté le texte
[42].
Lors de la quatrième conférence ministérielle de l’OMC à Doha (Qatar), Pascal Couchepin a soutenu un programme de négociation visant à encourager le développement d’un système commercial multilatéral. Pour ce faire, le chef de la délégation helvétique a invité les membres présents à signer une initiative visant à transformer l’Agence de coopération et d’information sur le commerce international (ACICI), sise à Genève, en une organisation internationale. L’initiative se fonde sur l’agence ACICI lancée par la Suisse en 1998 pour soutenir les pays les moins favorisés dans leurs efforts visant à développer une diplomatie commerciale plus active. En 2001, l’agence fonctionnait avec un budget de deux millions de francs intégralement financé par la Suisse. Face à la perspective d’une libéralisation toujours croissante, les syndicats, des oeuvres d’entraide, des associations paysannes et des organisations de défense de l’environnement ont demandé sans succès au Conseil fédéral de s’engager plus fermement en faveur d’une nouvelle appréciation des problèmes rencontrés par les pays en développement, et de se focaliser sur la cohérence des dossiers en cours plutôt que d’ouvrir de nouveaux cycles de négociation. La conférence s’est achevé sur la
décision commune de lancer un nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales, le «Doha Development Agenda» qui devrait être bouclé en 2005. En Suisse, des manifestation pacifiques ont accompagné la tenue du sommet de l’OMC à Doha
[43].
Alors que de nombreux Etats annonçaient leur adhésion à la Cour pénale internationale qui, à La Haye (NL), sera chargée de réprimer les crimes de génocide, de guerre et contre l’humanité, la commission de politique extérieure du National a apprécié favorablement la demande d’adhésion suisse (19 à 2 et une abstention) malgré une opposition de l’UDC sur des points de souveraineté de la justice nationale. La chambre du peuple a ensuite largement validé le texte par 135 voix contre 26: l’UDC s’était à nouveau élevée contre le bien-fondé de la demande d’adhésion, proposant de la soumettre au référendum obligatoire, projet refusé par 131 voix contre 31. Après une adoption unanime du Conseil des Etats,
la Suisse a officiellement transmis sa demande d’adhésion, devenant ainsi le 43e pays à déposer les instruments de ratification, sur un quorum de 60 Etats nécessaires à l’entrée en fonction de la Cour. Celle-ci, qui sera permanente, succédera aux Tribunaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda. Elle n’interviendra que lorsque les justices nationales ne seront pas en mesure de traiter un dossier
[44].
Joseph Deiss, lors de sa rencontre avec le président du Comité international de la Croix-Rouge, Jakob Kellenberger, a annoncé une
augmentation du soutien de la Confédération à l’institution. Une enveloppe de 100 millions de francs lui sera allouée en 2002, contre 99,6 millions en 2001. Le CICR a de plus inauguré à Versoix (GE) son nouveau centre de formation: le bâtiment d’«Ecogia», restauré à hauteur de 9,6 millions de francs, accueillera les débutants et les délégués plus expérimentés pour mieux les préparer aux nouveaux visages des conflits armés. Des partenariats avec d’autres associations humanitaires sont aussi prévus
[45].
En outre, le Conseil fédéral a présenté un message posant les modalités de sa participation au financement de la
Fondation du Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Entre 1997 et 2000, le Musée genevois – qui attire plus de 60 000 visiteurs chaque année – a bénéficié d’une subvention fédérale annuelle de 840 000 francs, auxquels s’ajoutent les 430 000 francs du canton de Genève et les 200 000 francs du CICR. Pour la période 2002-2005, l’arrêté propose une augmentation de l’aide gouvernementale, pour un chiffre de 964 000 francs annuels. Le message du Conseil fédéral a suscité l’adhésion unanime du parlement
[46].
Dans son rapport désormais annuel sur les activités des organisations internationales en Suisse, le Conseil fédéral a mis en perspective les avantages économiques pour Genève: 2,8 milliards de francs annuels seraient échangés dans le canton grâce à la présence des OI sur son sol. Mais il a aussi relevé que la Cité de Calvin allait atteindre certaines limites au niveau de ses infrastructures. De plus, la concurrence d’autres villes de renom – Montréal, Stockholm, Bonn et Vienne dans le cas de la future Agence mondiale anti-dopage – rendent la course aux OI plus compliquée. De ce point de vue, le texte recommande à Genève d’adapter ses conditions d’accueil et de cibler ses choix dans les candidatures. La Confédération aimerait à terme que le rayonnement international de Genève profite à l’ensemble de la Suisse, tant pour l’accueil de conférences que pour l’installation d’OI. Dans un premier temps, la coopération avec Vaud apparaît essentielle: sur les 40 000 employés d’organisations internationales et leur famille installés sur les bords du Léman, 10% habitent dans le canton de Vaud. Au vu de ces chiffres,
les autorités vaudoises ont annoncé l’octroi d’une
subvention d’un million de francs –200 000 francs annuels –
au centre d’accueil Genève internationale, afin d’aider à l’encadrement des fonctionnaires internationaux qui arrivent en Suisse
[47].
Entre temps,
Genève a décroché l’organisation de la première phase de la conférence sur la société de l’information, prévue en 2003. Après une année de réflexion, l’Union internationale des télécommunications (UIT) a préféré Genève à sa rivale Tunis, qui abritera la suite de la Conférence deux ans plus tard. La conférence genevoise se proposera de mettre internet au service de tous, de garantir la diversité culturelle et de donner un visage humain et social aux nouvelles technologies. En abritant déjà l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, l’OMS, l’OIT, le Haut-commissariat aux droits de l’homme, l’OMC, la Cité de Calvin réunissait plusieurs atouts pour accueillir une telle conférence
[48]. Dans son élan, Genève s’est porté candidat pour abriter le siège de la nouvelle organisation qui va naître de la fusion des deux plus grandes associations mondiales des villes, la Fédération mondiale des cités urbaines (FMCU) et l’International union of local authorities (IULA), englobant près de 90% des villes du globe. Barcelone, la Haye, Lille et Varsovie ont aussi annoncé leurs candidatures
[49].
En revanche, Genève n’a pas été choisie pour héberger
la réunion interafghane sous l’égide des Nations Unies. Celles-ci ont jeté leur dévolue sur Berlin pour y organiser le sommet où le futur politique de l’Afghanistan a été discuté
[50].
Après une année de fonctionnement, le
Centre pour le contrôle démocratique des forces armées (DCAF) a dressé un premier bilan positif de ses services. Trente pays ont rejoints son Conseil de fondation, dont la Russie, les Etats-Unis et presque tous les pays européens. La Confédération a décidé de porter sa contribution de 5 à 7 millions de francs pas an – contre 0,5 million de la part des autres Etats membres. Surtout, le DCAF a reçu un important mandat du gouvernement yougoslave, portant sur six domaines: bases pour une nouvelle politique de sécurité, réforme des secteurs de la sécurité, adaptation des bases légales, réforme de l’armée, réforme de la police et contrôle des services de renseignements. Ce projet mobilise une centaine d’experts de 25 pays. Depuis octobre 2000, le centre a en outre réuni un millier d’experts au cours d’une vingtaine de conférences internationales
[51].
Pays en développement
En cours d’année, la Direction du développement et de la coopération (DDC) a mis l’accent sur l’importance d’une adhésion de la Confédération à l’ONU, organisme avec lequel la DDC travaille étroitement sans que la Suisse en fasse partie. Pour ce faire,
la DDC a beaucoup communiqué afin de mettre en lumière son étroite collaboration avec les Nations Unies: 100 millions ont été injectés par la Confédération en 2001 dans la coopération au développement de l’ONU, et 70 millions dans son aide humanitaire. En outre, le Conseil fédéral entend renforcer les moyens d’action de la DDC dans le domaine de la promotion civile de la paix, via une loi qui devrait être soumise aux chambres en 2002. Cette dernière aura pour but de renforcer un «pool» d’experts d’environ 150 personnes présentes sur le terrain pour des engagements de longue durée
[52].
Une motion Hollenstein (pe, SG) a été transmise par le Conseil national comme postulat. Elle demandait au Conseil fédéral de mettre sur pied une loi afin de mieux encadrer le
personnel travaillant dans le développement en terrain étranger. Une meilleure protection sociale et un réajustement des prestations salariales sont à la base de la proposition de la parlementaire. Selon le gouvernement, les travaux de la DDC vont justement dans le sens d’une nouvelle évaluation des règlements et des structures existants, ce qui ne justifie pas une nouvelle loi
[53].
Le Conseil fédéral a fait part de sa volonté d’augmenter la part du PNB dévolu à l’aide humanitaire de 0,34% en 2000 (3,2% des dépenses de la Confédération) à 0,4% à l’horizon 2010, soit une augmentation de 80 à 100 millions de francs par année. Pour l’année 2000, 1,5 milliards de francs ont été alloués à la coopération au développement, à l’aide humanitaire et à la coopération avec les pays de l’Est
[54]. Durant l’année sous revue, la DDC a été présente dans 27 pays, consacrant 46% de ses fonds à la reconstruction dans les Balkans. Le reste a été utilisé en Afrique (16%), en Asie (11%), en Amérique latine (4%) et dans des organisations et institutions diverses (23%). Dans cette configuration, l’Inde arrivait en seconde position dans la liste des Etats où la Confédération s’investit le plus, avec 33,8 millions de francs d’aide au développement (après le Mozambique, 35 millions de francs). Lors de la conférence annuelle de la coopération au développement, la DDC et le secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) ont placé l’Inde en tête des débats, afin d’améliorer la participation suisse dans le pays
[55].
Suite à la guerre civile et aux attaques aériennes américaines et anglaises sur le territoire afghan,
la Confédération a déployé un programme humanitaire afin de venir en aide aux populations civiles. Un mini pont aérien a été mis en place entre Zurich et Turkménabad, alors qu’un convoi de sept camions a suivi le même trajet, acheminant des tentes, des couvertures, des sacs de couchage et des ustensiles de cuisine. L’aide suisse s’est effectuée en collaboration avec le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR). De plus, le Conseil fédéral a augmenté son soutien financier à l’Afghanistan pour l’année 2001 de 5 millions de francs, soit un total de 17,5 millions de francs. Enfin, la DDC a annoncé son intention de rétablir une présence helvétique à Kaboul: l’antenne humanitaire suisse à Islamabad devrait être déplacée dans la capitale afghane en 2002, après qu’une mission d’évaluation aura donné son feu vert. En revanche, l’éventualité du retour d’un corps diplomatique à Kaboul, retiré depuis 1979, n’a pas été discutée
[56].
Commerce extérieur suisse
Dans son
rapport sur la politique extérieure 2001, le gouvernement
a soumis aux Chambres la liste des accords économiques menés avec ses partenaires : accord de libre-échange entre les Etats de l’AELE et le royaume de Jordanie, de la République de Croatie et de la Turquie, accords avec la Communauté européenne et la Norvège, accords de coopération économique avec la République fédérale de Yougoslavie et la Bosnie et Herzégovine, accords de réassurance avec la France et l’Autriche. Les deux Chambres ont adopté le rapport
[57].
Malgré un premier semestre de forte vitalité économique, la Suisse a marqué le coup de la conjoncture internationale dès le milieu de l’année sous revue. Victime du fort ralentissement de l’économie et du commerce mondiaux, les exportations ont perdu de l’élan. Le taux de croissance du PNB, de 3,3% en 2000, est descendu à 1,6%. Les exportations n’ont enregistré qu’une augmentation de 6,2% (valeur nominale), contre 11,2% l’année précédente. Elles ont représenté une somme totale de 110 969,9 millions de francs. Principaux secteurs concernés : la chimie et les appareils électroniques (58,2% des exportations pour ces deux activités). L’Allemagne (22,4%), la France (9,1%) et l’Italie (7,9%) ont été les trois principaux clients européens (la zone UE représente 61% des exportations suisses), alors que les Etats-Unis (10,9%) furent le plus important client non européen
[58].
La somme totale des importations suisses a représenté un montant de 110 488,7 millions de francs, soit une augmentation de 4,2% (valeur nominale) par rapport à l’année précédente. Appareillage électronique et chimie (en tout, 42,7%) ont constitué les principales importations, achetées principalement à l’UE (79,8% du total des importations). Parmi les pays européens, l’Allemagne (32,1%), la France (10,9%) et l’Italie (10,2%) se retrouvent en tête. Les Etats-Unis ont représenté 5,4% des importations totales
[59].
Politique économique extérieure
Après sa présentation par le Conseil fédéral, la
loi sur les embargos a été acceptée de justesse par le Conseil national. Elle a du franchir un tir de barrage de la part de l’UDC, pour des raisons de neutralité, et de la gauche, opposés à des méthodes qui touchent selon lui plus les populations que les dirigeants des Etats visés. Au final, le texte a été avalisé par 58 voix contre 47 et 33 abstentions. Discutée au Conseil des Etats, la loi a soulevé quelques divergences dans la formulation de termes mais a finalement été adoptée à l’unanimité. Elle se propose d’offrir un cadre juridique plus fort à la Confédération en lui permettrant une plus grande marge de manœuvre dans la mise en pratique de sanctions internationales, principalement sous l’égide de l’ONU comme ce fut le cas lors des embargos contre l’Irak, la Sierra Leone ou, la Yougoslavie ou Haïti
[60].
Relations bilatérales
Le Conseil fédéral a publié
deux messages en vue d’éviter la double imposition de l’Ukraine et de la République kirghize. Concernant le premier pays, les deux Chambres se sont favorablement prononcées en cours d’année, alors que seul le Conseil des Etats a avalisé la convention avec la République kirghize. Sur le même sujet, le Conseil national et le Conseil des Etats ont ratifié la convention avec l’Autriche, dont le message avait été publié l’année précédente par le Conseil fédéral
[61].
A quelques jours de l’inauguration en grande pompe de la
nouvelle ambassade suisse à Berlin, une anecdote «people» s’est muée en controverse politique sérieuse: Shawne Borer-Fielding, épouse de l’ambassadeur helvétique en Allemagne, Thomas Borer, et accessoirement ex-Miss Beauté texane, est apparue en tenue très sexy de cow-girl dans un magazine allemand pour jeunes. L’affaire, d’abord uniquement médiatique, a pris une tournure politique lorsque le DFAE, échaudé par les poses peu protocolaires de la Miss, a demandé à Thomas Borer et au magazine en question des explications sur ces clichés jugés «à la limite du mauvais goût». Immédiatement, la femme du diplomate s’est officiellement excusée auprès de Joseph Deiss, qui avait annoncé prendre l’affaire «très au sérieux» et envisager d’éventuelles sanctions. Les excuses acceptées, la nouvelle ambassade suisse, qui se dresse entre le Reichstag et la Chancellerie, a été officiellement inaugurée par Moritz Leuenberger
[62].
Le Conseil des Etats a ratifié un accord d’assistance mutuelle en cas de catastrophe avec l’Autriche
[63].
Les deux Chambres fédérales ont ratifié l’accord d’entraide judiciaire entre la Confédération et la République populaire de Chine. Le texte publié par le gouvernement devrait permettre une meilleure coopération en matière pénale entre la Suisse et la Région administrative spéciale de Hong Kong. L’importance de l’ancienne colonie britannique sur la place financière internationale implique aussi le développement du crime organisé et du blanchiment d’argent sale: l’accord entre les deux Etats espère réglementer la lutte contre ces abus
[64].
Le Conseil fédéral a publié un message relatif au Traité d’entraide judiciaire en matière pénale avec l’Egypte. Cet accord, premier du genre conclu par la Suisse avec un pays arabe, devrait apporter aux deux Etats de nouveaux moyens dans la lutte respective contre la criminalité et dans le contrôle mutuel du respect des droits de l’homme
[65].
La Chambre du peuple a entériné à l’unanimité moins une voix l’accord avec la Hongrie en matière de
lutte contre la criminalité publié par le gouvernement en 2000 et avalisé par le Conseil des Etats la même année
[66].
Le Bureau suisse de liaison auprès de l’Autorité palestinienne a été vertement critiqué par le gouvernement israélien, qui l’a jugé «indésirable dans sa forme actuelle». Cette réaction a fait suite aux déclarations de la cheffe du Bureau, Annick Tonti, suite à l’élection d’Ariel Sharon, propos considérés comme déplacés du côté israélien. La représentante suisse avait fait part de son sentiment de moins entendre parler de paix depuis quelques mois, notamment depuis l’élection de Sharon
[67].
Les Chambres ont approuvé les accords de libre-échange conclus entre les pays membres de l’AELE et le Mexique (voir supra)
[68].
Alors que, la même semaine, l’Assemblée nationale française reconnaissait un
génocide arménien nié par la Turquie, le Conseil national a rejeté de justesse (73 voix contre 70) un postulat Zisyadis (pdt, VD) allant dans ce sens. Le gouvernement turc s’est déclaré satisfait de la décision des parlementaires helvétiques
[69].
En prélude à la votation sur l’ONU,
le secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan a effectué un séjour en Suisse. Parlant «d’interdépendance mondiale» et rappelant les multiples définitions que l’on peut donner à la notion de neutralité, Kofi Annan s’est activement engagé en faveur d’une adhésion de la Suisse à l’ONU, soutenu dans ses efforts par Moritz Leuenberger et l’ensemble du DFAE
[70].
A Genève,
Jacques Chirac a pris la parole pour la première fois dans le cadre d’une session de l’ONU, lors d’une séance de la Commission des droits de l’homme qui a vu aussi s’exprimer deux autres chefs d’Etat:
Vojislav Kostunica (République fédérale de Yougoslavie) et
Jospeh Kabila (Congo démocratique) . A cette occasion, le président de la Confédération a multiplié les entretiens diplomatique: avec son homologue français au sujet du Protocole de Kyoto, avec le président congolais concernant les avoirs gelés de Mobutu, avec Vojislav Kostunica enfin, sur les thèmes du Kosovo et de la Macédoine
[71].
La Confédération a en outre accueilli
le président tchèque Vaclav Havel lors d’une visite de quelques jours sur le territoire helvétique. L’ancien opposant au communisme a relevé l’inspiration que pourrait apporter le modèle suisse à l’UE, alors que Moritz Leuenberger a souligné le rapprochement de la Confédération et de la Tchéquie depuis la chute du rideau de fer
[72].
En sa qualité de président de la Confédération,
Moritz Leuenberger a effectué de nombreux voyages diplomatiques au cours de l’année sous revue. Il s’est rendu en Suède y rencontrer le premier ministre Göran Persson, alors président de l’Union européenne. Les délégations helvétiques et suédoises ont notamment abordé le second volet de négociations bilatérales. Plusieurs pays de l’Est européen ont aussi été visités, notamment l’Estonie, la Lituanie, la Hongrie et la Slovaquie. Auparavant, il avait été accueilli en République fédérale de Yougoslavie par le président Kostunica. A relever que le secrétaire d’Etat Franz von Däniken s’est rendu en Corée du Nord, première visite officielle helvétique depuis 1974 dans cet Etat dictatorial
[73].
Outre sa visite diplomatique en Israël et dans les territoires palestiniens où il s’est entretenu avec Yasser Arafat et a visité un camp de réfugiés,
Joseph Deiss s’est rendu aux Etats-Unis
, pour y rencontrer son homologue Clin Powell et plusieurs membres de l’administration Bush. Le chef du DFAE a remis au président une lettre de Moritz Leuenberger, regrettant la décision américaine de ne pas ratifier les accords de Kyoto et lui demandant en vain de reconsidérer sa position. Joseph Deiss est retourné plus tard dans l’année aux Etats-Unis, à New York
, pour assister en observateur à l’Assemblée générale des Nations Unies et préparer le terrain d’une demande d’adhésion, alors que la campagne était déjà engagée par le Conseil fédéral en Suisse. Suite au discours bellicistes de George W. Bush en réaction aux attentats new-yorkais, Joseph Deiss a désapprouvé la mort de victimes civiles innocentes lors de représailles et a souhaité que ces dernières ne sortent pas du cadre de l’Etat de droit auquel doivent se tenir les démocraties. Autre pays visité au cours de l’année: l’Algérie, où le conseiller fédéral fut convié à un colloque interdisciplinaire sur la question de l’identité nationale, la Bulgarie, où le chef du DFAE a rencontré le président Peter Stoïanov à Sofia, et le Tchad
, à l’occasion de la quinzième conférence ministérielle de la francophonie à N’Djamena. Il a enfin conclu l’année par une visite en Espagne où Joseph Deiss a rencontré son homologue Josep Piqué i Camps. Les discussions ont porté sur le nouveau dossier des bilatérales «bis» que la Suisse espère voir avancer le plus vite possible: en assumant la présidence de l’UE en 2002, l’Espagne pourrait à cet effet jouer un rôle important
[74].
Le ministre de l’Economie
Pascal Couchepin s’est rendu à Paris pour y discuter avec des membres du gouvernement Jospin. La ratification tardive des bilatérales par la France, finalement signées quelques jours plus tard, a notamment été abordée. Pascal Couchepin s’est ensuite envolé pour l’Iran, accompagné d’une quarantaine d’hommes d’affaires suisse. Il s’est entretenu avec le président Mohammad Khatami des relations économiques entre les deux pays. Plus tôt dans l’année, le conseiller fédéral avait visité le Nigéria, où l’affaire des fonds suisses de l’ex-dictateur Sani Abacha a été abordée en même temps que de nouveaux investissements helvétiques dans le pays. Il s’est aussi rendu à Singapour et à Brunei, afin de consolider le développement des entreprises suisses en Asie du Sud-Est
[75].
Sélection bibliographique
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[1] Le rapport sur la politique extérieure 2000 a été discuté avant les résultats de l’initiative populaire «Oui à l’Europe», dont le refus écrasant par le peuple a conduit le Conseil fédéral à plus de réserve dans son calendrier européen. Voir infra.1
[2]
FF, 2001, p. 237 ss.;
BO CE, 2001, p. 33 ss.; presse du 16.1.01 (commission).2
[3]
BO CN, 2001, p. 727 ss.3
[4]
FF, 2001, p. 5227 ss.4
[6]
BO CE, 2001, p. 676 s. (Büttiker);
BO CE, 2001, p. 677 ss. (Brändli); presse du 20.9.01 (texte de l’adhésion).6
[11] Voir
APS
2000, p. 66 ss.11
[12]
TG, 8.11.01. En début d’année, Joseph Deiss maintenait que la ratification serait terminée mi-2001 (
LT, 3.1.01).12
[17] Dans le cadre de la politique fiscale des Quinze, une directive sur l’imposition des revenus de l’épargne des non-résidants prévoit notamment la suppression du secret bancaire à l’horizon 2010 (
Lib., 5.6.01). Voir
APS 2000, p. 103.17
[19] Presse du 18.5.01.19
[21]
LT, 20 et 29.11.01. Ces points de conflits entre Berne et l’UE ont motivé une interpellation du groupe socialiste au CN, qui a interrogé le CF sur ses projets à l’encontre des fraudeurs et de la contrebande. Celui-ci a répondu elliptiquement que le résultat des négociations devrait fixer les instruments de lutte adoptés par la Suisse. Les auteurs de l’interpellation se sont déclarés non satisfaits (
BO CN, 2001, p. 946).21
[26] Presse du 24.1.01.26
[28] Presse du 29.1.01.28
[30]
FF, 2001, p. 1916 ss.; BO
CN, 2001, p. 933 (motion UDC); presse du 5.3.01 (résultat votation, déclarations); H. Hirter / W. Linder,
VOX nº 73,
Analyses des votations fédérales du 4 mars 2001, Berne 2001.30
[31]
FF, 2001, p. 215 ss.;
BO CN, 2001, p. 147 ss.;
BO CE, 2001, p. 30 ss. (rapport OSCE); communiqué du 14.2.01 de l’Office fédéral de la justice (lutte contre la corruption).31
[32]
FF, 2001, p. 4729 ss.;
BO CN, 2001, p. 1541 ss. et 2012;
BO CE, 2001, p. 837 s. et 1044 (amendement Convention).32
[33]
FF, 2001, p. 1744 ss.;
BO CN, 2001, p. 498 ss.;
BO CE, 2001, p. 368 ss.33
[34]
BO CE, 2001, p. 442 et 677 s. Voir
APS 2000, p. 70.34
[36]
BO CN, 2001, p. 991 ss. et 1454.36
[37]
FF, 2001, p. 5473 s. et 5733 ss.37
[39] Presse du 26.11.01.39
[41]
LT, 23.3 et 6.12.01.41
[42]
FF, 2001, p. 2789 s.;
BO CN, 2001, p. 952 ss.;
BO CE, 2001, p. 247 s. et 472.42
[43] Presse du 10 au 13.11.01.43
[44]
FF, 2001, p. 359 ss. et 2801 s.;
BO CN, 2001, p. 156 ss.;
BO CE, 2001, p. 465 ss.;
Lib, 2.2.01 (commission);
LT, 13.10.01 (dépôt de l’adhésion). Voir aussi
APS 2000, p. 21 s. et 72.44
[45]
LT, 3.11.01 (Confédération);
LT, 9.5.01 (Ecogia).45
[46]
FF, 2001, p. 1467 ss.;
BO CN, 2001, p. 989 ss. et 1455;
BO CE, 2001, p. 186 s. et 711.46
[47]
LT, 9.3 et 28.3.01.47
[50] Presse du 21.11.01.50
[51]
24h, 16.10.01. Voir aussi
APS
2000, p. 72.51
[53]
BO CN, 2001, p. 351.53
[57]
FF, 2002, p. 1198 ss.;
BO CN, 2002, p. 52 s., 97 ss. et 473;
BO CE, 2002, p. 177 ss. et 266.57
[58]
FF, 2002, p. 1198 ss.58
[60]
FF, 2001, p. 1341 ss.;
BO CN, 2001, p. 1246 ss.;
BO CE, 2001, p. 838 ss.;
FF, 2002, p. 2595 ss. Voir aussi
APS, 2000, p. 70.60
[61]
FF, 2001, p. 1563 ss. (Ukraine) et 4415 ss. (République kirghize);
BO CN, 2001, p. 768 (Autriche) et 1165 (Ukraine);
BO CE, 2001, p. 59 s. (Autriche), 242 (Ukraine) et 595 (République kirghize).61
[62] Presse du 4 au 12.5.01.62
[63]
BO CE, 2001, p. 29.63
[64]
FF, 2001, p. 133 ss.;
BO CN, 2001, p. 608;
BO CE, 2001, p. 116 s.64
[65]
FF, 2001, p. 4680 ss.65
[66]
BO CN, 2001, p. 607 s. Voir
APS 2000, p. 27.66
[68]
FF, 2001, p. 1744 ss.;
BO CN, 2001, p. 498 ss.;
BO CE, 2001, p. 368 ss.68
[69]
BO CN, 2001, p. 164 ss.;
NZZ, 16.3.01 (reactions turques).69
[73]
LT, 17.2.01 (Suède);
24h, 25.7.01 (pays de l’Est);
LT, 11.4.01 (Corée du Nord).73
[74]
LT, 9-11.4.01 (Etats-Unis);
LT, 12.11.01 (Etats-Unis, second voyage) ;
TG, 30.3.01 (Algérie);
Lib., 3.3.01 (Bulgarie);
LT, 9.2.01 (Tchad);
24h, 15.12.01 (Espagne).74
[75]
LT, 12.9.01 (France);
24h, 8.10.01 (Iran);
TG, 2.6.01 (Nigéria);
Lib., 8.2.01 (Singapour).75