La crise du Covid-19 a remis à l'agenda – tant politique que sociétal – la question de la place accordée à l'agriculture dans l'auto-approvisionnement alimentaire. Au début du semi-confinement, les supermarchés ont été pris d'assaut par des personnes cherchant à constituer des réserves alimentaires. Certains rayons ont été temporairement vidés, ce qui a soulevé beaucoup d'inquiétudes sur les capacités d'approvisionnement de la Suisse, particulièrement dans une situation de rupture des chaînes d'approvisionnement à l'international. Un groupe de travail – mis en place par la cellule de crise de la Confédération – a réfléchi, au début de la crise, à l'introduction d'une limitation d'achat pour certains produits particulièrement prisés (conserves, produits surgelés, aliments de base, etc.). Une mesure qui n'a finalement été introduite que pour les masques médicaux et les médicaments réduisant la fièvre. Ce groupe de travail a, de plus, élaboré tout un scénario en cas d'aggravation de la crise, avec une série de mesures à appliquer afin d'assurer un approvisionnement continu de la population (passant de l'ouverture des stocks de la Confédération au rationnement alimentaire ou, en dernière instance, à la mise en place d'une optimisation des cultures avec une réduction de la production animale).
Aujourd'hui, l'agriculture suisse contribue à hauteur d'environ 60 pourcent à l'approvisionnement de la population en denrées alimentaires (ce chiffre est légèrement plus bas si l'on en déduit les importations de fourrages destinés aux animaux). Pour une partie du monde agricole, cette pandémie est l'occasion de rappeler l'importance systémique que revêt ce secteur, égratignant au passage les diverses initiatives souhaitant interdire les pesticides de synthèse. Tout en admettant qu'il y a des efforts à faire d'un point de vue environnemental, Christian Hofer, directeur de l'OFAG depuis 2019, a également tenu à rappeler l'importance de la production suisse, ainsi que la solidité du système d'approvisionnement. Ainsi, la Suisse n'aura pas eu besoin de puiser dans les stocks obligatoires de la Confédération. Ceux-ci, qui ont été initiés durant la première guerre mondiale, sont prévus pour tenir 3 à 4 mois en cas de grave crise d'approvisionnement. Ces réserves sont gérées par 120 firmes (dont Migros et Coop) sous mandat de la Confédération. Selon Réservesuisse, la coopérative qui s'occupe de la gestion de ces stocks, les grands détaillants auraient une quantité équivalente de réserves constituées de manière privée.
Ce débat sur la sécurité alimentaire intervient alors que la nouvelle version de la politique agricole PA22+ est actuellement discutée au Parlement. Pour l'USP, cette crise est un moyen de pression, afin que la prochaine politique agricole ne prévoie pas de baisse de la production, comme actuellement planifié (à cause d'une réduction de l'utilisation des pesticides, de l'augmentation des contributions aux bonnes pratiques écologiques, etc.). L'USP a également l'intention de s'appuyer sur la thématique de la sécurité alimentaire en temps de crise pour attaquer les deux initiatives sur les pesticides sur lesquelles la population aura à se prononcer en 2021, comme l'indique un document interne de l'organisation révélé par le groupe CH Media.