Compte tenu de ce retrait, le peuple était appelé à voter le 24 septembre sur trois taxes énergétiques. La première, l’initiative solaire, proposait dans un premier temps une taxe d'un centime, qui serait progressivement hissé à un maxima de 0,5ct par kWh sur les énergies non renouvelables. Sa durée de vie serait de 25 ans, mais elle ne serait pleinement prélevée qu’à partir de la cinquième année. Le produit récolté – estimé à 750 millions – serait destiné pour moitié à la promotion de l’énergie solaire et, pour l’autre moitié, à l’utilisation rationnelle et durable de l’énergie (isolation des bâtiments, pompes à chaleur...). La seconde taxe, le contre projet du parlement à l’initiative solaire (Article constitutionnel sur une redevance pour l’encouragement des énergies renouvelables / redevance promotionnelle), visait à taxer de 0,3ct par kWh les énergies non renouvelables. La perception durerait de 10 à 15 ans au maximum. Le produit – estimé à 450 millions – irait pour un premier quart à la promotion du solaire et autres énergies propres (géothermie, bois, biomasse), pour un second quart à l’encouragement des économies d’énergies, pour un troisième quart affecté à l’entretien et au renouvellement des centrales hydrauliques et pour un dernier quart en fonction des besoins respectifs. La troisième taxe, l’article constitutionnel sur une redevance incitative sur l’énergie en faveur de l’environnement (contre-projet à l’initiative ‘énergie et environnement’) voulait intervenir au plus tôt en 2004 avec le nouveau régime financier de la Confédération et augmenter progressivement jusqu’au taux maximum de 2ct par kWh. Pour le Conseil fédéral, cette ‘’taxe particulière’’ viendrait ultérieurement en remplacement d’une des deux taxes précédemment citées et ouvrirait la voie à une ‘’fiscalité écologique’’. Elle serait prélevée sur les énergies non renouvelables comme le charbon, le pétrole, le gaz naturel ou l’uranium. Le produit – pouvant avoisiner 3 milliards – servirait à réduire les charges salariales annexes obligatoires (AVS, etc.). En plus d’approuver ou de rejeter ces taxes, une question subsidiaire demandait au souverain de choisir entre l’initiative solaire et le contre-projet. Il est à constater que la possibilité de donner un double oui constituait une première dans les votations populaires suisses.
La portée de la votation sur les taxes énergétiques a pris une dimension plus large lorsque le Conseil national a concrètement décidé de lier la loi sur la libéralisation du marché de l’électricité à la taxe sur l’énergie dans le but de régler notamment la question des investissements non amortissables. En désaccord sur ce lien, le Conseil des Etats a décidé d’attendre le résultat de la votation populaire de septembre.
Votation du 24 septembre 2004:
Initiative populaire ‘Pour l’introduction d’un centime solaire’ (initiative solaire)
Participation : 44,7%
Oui: 636 848 (31,9%)
Non: 1 364 751 (68,1%) / 20 6/2 cantons
Mots d’ordre :
– Oui: PS, Verts, PEP, PdT, DS, CS; USS, CSCS, USP, WWF, Pro Natura
– Non: PDC (2*), PRD, UDC, PL, PdL, Lega; Economiesuisse, USAM, TCS, Association pour l'énergie nucléaire
* Recommandations différentes des partis cantonaux
Redevance pour l’encouragement des énergies renouvelables (Contre-projet à l’initiative solaire)
Participation : 44,7%
Oui: 922 481 (46,6%) / 4 ½ cantons
Non: 1 055 977 (53,4%) / 16 5/2 cantons
Mots d’ordre :
– Oui: PS, PDC (9*),Verts, PEP, PdT, DS, CS; USS, CSCS, USP, WWF, Pro Natura
– Non: PRD (1*), UDC (3*), PL, PdL, Lega; Economiesuisse, USAM, TCS, Association pour l'énergie nucléaire
* Recommandations différentes des partis cantonaux
Redevance incitative sur l’énergie en faveur de l’environnement (contre-projet à l’initiative retirée ‘Energie et environnement’)
Participation : 44,7%
Oui: 898 050 (44,5%) / 2 ½ cantons
Non: 1 119 697 (55,5%) / 18 5/2 cantons
Mots d’ordre :
– Oui: PS, PDC (10*), Verts, PEP, PdT (1*), CS; USS, CSCS, USP, WWF, Pro Natura.
– Non: PRD, UDC (2*), PL, PdL, Lega, DS; Economiesuisse, USAM, TCS, Association pour l'énergie nucléaire
* Recommandations différentes des partis cantonaux
Le résultat de cette importante votation pour la politique énergétique et environnementale de la Suisse fut que le peuple a, non seulement, refusé de taxer les énergies polluantes en faveur de l'énergie renouvelable, mais a aussi opposé un refus clair à toute réforme écologique de la fiscalité. Les trois objets ont été rejetés par le peuple: 68.1% de non pour l'initiative solaire, 53.4% de non pour la redevance pour l'encouragement des énergies renouvelables, 55.5% de non pour la redevance incitative sur l'énergie en faveur de l'environnement. Toutefois si l'initiative solaire n'a recueillie aucune majorité cantonale, les deux contre-projets fédéraux l'ont obtenue dans certains cantons. La redevance promotionnelle a gagné dans les cantons de Zurich, Berne, Genève, Grisons et de Bâle Ville. Quant à la redevance incitative, les cantons de Zurich, Grisons et Bâle Ville ont donné leur soutien à cette réforme écologique de la fiscalité.
L'Analyse Vox de la votation menée sur une base d'enquêtes représentatives a montré que, bien que le paquet énergétique recelait une certaine complexité pouvant favoriser un vote en bloc, les votants ont su panacher leurs choix. Ceux qui ont voté en bloc l'ont fait en connaissance de cause. L'ampleur du refus des trois objets énergétiques augmente en fonction de l'âge des votant(e)s (soutien des jeunes), du lieu de résidence ('non' plus répandu en campagne qu'en ville) et surtout en fonction du niveau de formation (les bas niveaux de formation sont fortement opposés). Toutefois, selon l'analyse, l'explication du vote doit être recherchée principalement dans les indicateurs classiques de la position idéologique (sympathie partisane et position sur l'axe gauche-droite) ou en d'autres termes dans l'impact des valeurs, qui révèle un clivage entre défenseurs de l'écologie et défenseurs de l'économie, et entre partisans d'un interventionnisme et partisans du libéralisme économique.