Elections au Conseil des Etats 2003

Sur les 46 sièges de la Chambre haute, 40 étaient à repourvoir en automne 2003. Si l’élu d’Obwald avait été reconduit tacitement par manque de concurrence, celui d’Appenzell Rhodes-Intérieurs et ceux de Zoug et des Grisons avaient déjà été attribués selon les procédures cantonales respectives. Alors que lors des dernières élections fédérales 17 sénateurs sortant ne s’étaient plus présentés, ils n’étaient cette fois plus que six (3 radicaux, 2 pdc et 1 socialiste) à renoncer volontairement à leur mandat. Deux sortants n’ont plus été réélus (les radicaux Michèle Berger-Wildhaber à Neuchâtel et Jean-Claude Cornu à Fribourg). Le renouvellement des élus avait été nettement plus important en 1999 avec 20 nouveaux membres. Sur les 19 conseillers nationaux désireux de poursuivre leur activité parlementaire dans la chambre des cantons, trois y sont parvenus : la bernoise Simonetta Sommaruga (ps), la zurichoise Trix Heberlein (prd), ainsi que la bâloise Anita Fetz (ps). Le seul canton à envoyer deux femmes est demeuré celui de Genève. Après le premier tour, les rapports de force politique n’avaient que peu changé. La principale surprise est venue du canton de Berne où le parti radical, dont la sortante Christine Beerli ne se représentait plus, a dû abandonner son siège à la conseillère nationale socialiste Simonetta Sommaruga. Des deuxièmes tours ont eu lieu dans six cantons avec 8 sièges à repourvoir (deux au Tessin et dans le canton de Vaud et un dans les cantons de Neuchâtel, du Valais, de Fribourg et Schwyz). Le grand perdant de ce deuxième tour a incontestablement été le PRD qui a perdu trois sièges. Dans le canton de Schwyz, les radicaux ne sont pas parvenus à placer un nouvel élu après le départ de leur représentant sortant. Dans les cantons de Neuchâtel et de Fribourg, ce sont les sortants, respectivement Michèle Berger-Wildhaber et Jean-Claude Cornu, qui n’ont pas été reconduits dans leur fonction. Pour expliquer les pertes à Schwyz et à Fribourg, la raison la plus souvent invoquée a été le manque de soutien des démocrates-chrétiens. Il est probable que les discussions au niveau fédéral aient eu une influence sur la mobilisation des électeurs du PDC. Les élus radicaux se sont retrouvés dans l’inconfortable situation d’avoir besoin des voix PDC, alors que leur parti national acceptait l’idée du sacrifice d’un siège PDC au Conseil fédéral au profit de l’UDC. Alors qu’en Suisse centrale c’est l’UDC qui en a bénéficié, en terre fribourgeoise ce sont les socialistes qui ont hérité du siège. A Neuchâtel, c’est une droite divisée par la présence de l’UDC au second tour qui a permis à la gauche de remporter la mise, faisant de ce canton le premier à envoyer une délégation entièrement socialiste à Berne. Dans les cantons de Vaud et du Tessin les tickets sortants, respectivement socialiste/radical et démocrate-chrétien/radical, ont été reconduits alors que le deuxième démocrate-chrétien valaisan a été confirmé. Pour la deuxième législature consécutive, seuls les partis gouvernementaux sont représentés au Conseil des Etats.

C’est incontestablement le Parti radical, en passant de 18 à 14 élus, qui a été le grand perdant de ces élections à la Chambre haute. D’une part, il cède trois sièges au PS, qui dispose maintenant de neuf élus et égalise ainsi son meilleur résultat de 1979. Les socialistes dépassent ainsi les démocrates du centre, qui avec un siège supplémentaire (8 élus), réalisent toutefois leur meilleure performance. D’autre part, après douze ans de domination, le PRD cède la première place au PDC (15 élus). La cause la plus souvent invoquée pour expliquer cette débâcle radicale a été l’attitude du parti national.

Candidats et listes - Elections fédérales 2003

Les apparentements sont utiles pour l’obtention de mandats. Une analyse du scrutin de 1999 a relevé que le bloc rose/vert a utilisé de manière plus conséquente et plus systématique ce système que les partis bourgeois et ceux d’opposition de droite. Les auteurs ont calculé le résultat qui serait sorti des urnes sans ces alliances et sont arrivés à la conclusion que 20 mandats auraient été répartis différemment. De plus, ces ententes ont été profitables aux partis y ayant intensément recouru et ont permis d’accroître les chances des petites formations.

Le nombre de candidats pour les élections au Conseil national s’élevait à 2836 répartis sur 262 listes, soit neuf candidats et six listes de moins qu’en 1999. C’est la première fois depuis les années septante que le nombre de prétendants était en baisse. La proportion de femmes était proche de celle des dernières élections à environ 35%. Les partis de gauche se situaient en dessus de la moyenne avec les écologistes, qui ont présenté 50,2% de femmes, et les socialistes, 48,3%. Pour leur part, les radicaux (35,2%), les démocrates-chrétiens (27,3%) et les démocrates du centre (20%) n’atteignaient pas la moyenne nationale. Dans les deux Appenzell, Obwald, Nidwald, Glaris et Uri, il n’y avait pas de listes de candidats car l’unique siège est attribué selon le système majoritaire. Le parti radical a présenté plus de candidats qu’en 1999, passant de 355 à 420. L’UDC (383, 1999 :332) et les Verts (291, 1999 :188) ont fait de même, alors que le PS et le PDC ont connu peu de changements. L’UDF et le PEV étaient plus présents en 2003, notamment dans des fiefs catholiques comme Fribourg ou le Jura. Alors que 36 candidats avaient 18 ans (1999 :20), la plus âgée en avait 92 (1999 :90) [2].

Sur les 262 listes déposées, il y a eu 67 apparentements de listes (1999 : 63). Le camp rose-vert (PS, PES, autres listes écologistes et diverses gauches) a affronté le scrutin de manière plus unie que les partis bourgeois, ce qui lui avait déjà permis d’obtenir des mandats restants en 1999. Ce n’est qu’à Genève et à Zurich qu’ils ne sont pas parvenus à s’entendre. A Genève, si le PS et le PES se sont entendus, c’est l’extrême gauche (Alliance de gauche composée du PdT et de SolidaritéS) qui est partie seule au combat. Sur les bords de la Limmat, les écologistes ont préféré se joindre à une large alliance du centre comprenant entre autres le PDC et le PEV, plutôt qu’au PS, apparenté aux diverses listes alternatives. Dans les autres cantons où les PES et le PS se sont présentés, ils se sont apparentés et ont également accepté d’autre partenaires : en Argovie et à Bâle-Ville les listes alternatives, à Fribourg le PCS et le PEV, dans les cantons de Vaud et de Neuchâtel les partis d’extrême-gauche (pdt et SolidaritéS). A Schwyz, les socialistes ont fait cause commune avec une liste syndicale et à Zoug avec les alternatifs (Alternative Kanton Zug). Dans le canton du Jura, ainsi que dans les Grisons et à Schaffhouse, le PS a fait cavalier seul, aucune autre liste de gauche n’étant présentée. Dans le camp bourgeois, la grande alliance UDC-PRD-PDC n’a pu être finalisée qu’à Bâle-Campagne, Schaffhouse et Vaud, où s’ajoutait également le PLS. En 1999 elle avait été possible en Argovie, à Bâle-Campagne, dans les Grisons, en Thurgovie (PEV en plus) et dans le canton de Vaud (pls en plus). Les radicaux et les démocrates du centre se sont apparentés à Berne, en Argovie, en Thurgovie et à Zurich. Dans ce dernier canton, aucun terrain d’entente n’avait été trouvé entre ces deux partenaires en 1995 et 1999. Les radicaux se sont toutefois distanciés de l’UDC à Neuchâtel (alliance avec le pls), à Fribourg (avec pdc), Genève (avec le pls et le pdc) et Bâle-Ville (avec pls et pdc). L’UDC s’est alliée à l’UDF à Saint-Gall, à la Lega au Tessin ainsi qu’à une liste de seniors (Aktive Seniorinnen und Senioren) à Lucerne. Les démocrates-chrétiens ont fait cause commune avec le PEV en Argovie et en Thurgovie. A Berne, ils ont choisi la Liste romande, groupement autonomiste du Jura bernois formé de personnes de diverses origines partisanes. A Zurich, les PDC et le PEV se sont alliés au PES et à trois petits partis pour former une alliance du centre. En Valais, à Zoug, à Soleure et à Schwyz, les partis bourgeois n’ont pas réuni leurs forces, si ce n’est parfois leurs sections de jeunes. Sur la droite de l’échiquier politique, les Démocrates suisses et le Parti de la liberté se sont unis à Zurich (avec le concours de l’UDF et de la liste Junge ins Parlament !), à Berne (avec la liste du Parti Indépendant Santé), à Bâle-Campagne, en Argovie (ainsi que la liste Aktive Senioren für die Schweiz) et en Thurgovie. Le PEV et l’UDF ont lié leur destin dans le canton de Vaud, alors que l’Alliance de gauche (Parti du travail et SolidaritéS) se concluait à Genève. Dans les cantons du Jura et des Grisons, aucune alliance inter-partisane n’a été conclue.

La campagne électorale - Elections fédérales 2003

A la fin de l’été, le thème des assurances sociales s’est définitivement imposé. Le Conseiller fédéral Couchepin avait ouvert le débat au printemps en évoquant l’augmentation de l’âge de la retraite, dans un horizon de 10 à 20 ans, comme une des solutions pour faire face à la baisse de la proportion entre personnes actives et rentiers. Certains commentateurs ont estimé que cette situation avait facilité la campagne de la gauche et affaibli les radicaux.

De nombreux observateurs ont relevé le manque de contenu de la campagne et déploré que des questions fondamentales comme l’état des finances publiques, le système de la santé ou encore l’avenir des retraites n’occupent que des places secondaires dans les débats. Il a notamment été reproché aux partis de céder à la tentation de la provocation et de la surenchère médiatique. En misant principalement sur des affiches et des slogans hostiles à leurs adversaires politiques, ils auraient négligé de traiter des thèmes importants pour l’avenir du pays. La section saint-galloise de l’UDC est ainsi parvenue à faire la une des quotidiens en évoquant le projet d’une affiche, à connotation xénophobe, sans toutefois l’avoir encore diffusée. Une affiche nationale des démocrates du centre, représentant un poulet plumé par la politique des autres partis, a également suscité de nombreuses réactions. Les socialistes y ont répondu en proposant, sur leur site Internet, de plumer à leur tour l’UDC. Les attaques directes contre les conseillers fédéraux des autres formations politiques ont également été nombreuses. Le PS a mené deux campagnes d’affiches contre des membres bourgeois du gouvernement (Couchepin et Deiss). Le PDC, voulant réagir aux attaques, a adressé des critiques directes, par l’entremise d’une lettre ouverte, au ministre socialiste des transports, Moritz Leuenberger, en remettant en cause sa gestion de l’Office fédéral de l’aviation civile. Selon les observateurs, le seul parti gouvernemental à n’avoir pas cherché à mener une campagne spectaculaire a été le PRD. C’est principalement à l’importance croissante des médias dans la campagne qu’a été attribuée cette volonté de frapper les esprits.

Une présence croissante des conseillers fédéraux, active ou passive, dans la campagne électorale a caractérisé ce scrutin. Outre les attaques directes contre les ministres d’autres partis, c’est l’engagement partisan qui semblait avoir pris de l’importance. Ainsi, si les membres du gouvernement figuraient déjà sur des affiches dans les années 1970, la dimension partisane de cette participation a été perçue comme plus accentuée en 2003. Les membres du PRD et de l’UDC se sont engagés de manière classique en participant à des manifestations de leurs formations. Le PS a utilisé l’image de sa ministre des affaires étrangères. Le PDC a le plus eu recours aux services de ses ministres. Ainsi Ruth Metzler et Joseph Deiss ont très activement participé à la campagne itinérante menée à travers tout le pays. A chaque escale, au moins un des deux ministres devait être présent afin de prendre contact avec la population et participer à la présentation des candidats locaux. Le fait que les thèmes de la campagne électorale soient proches des dossiers traités dans leurs départements respectifs a encore accentué cette impression de fusion entre les ministres et leur parti. Cet engagement partisan a atteint des dimensions qui n’ont pas manqué de faire réagir certains anciens ministres qui, sans condamner catégoriquement tout engagement, ont souligné qu’une politisation excessive du collège gouvernemental pourrait poser quelques problèmes. D’une part, en s’affichant comme représentants exclusifs de leurs partis, les ministres risquaient d’y être étroitement associés par les citoyens et ainsi de perdre une part de leur légitimité de représentant de tous les Suisses. D’autres part, une trop grande implication partisane pourrait nuire à la collaboration avec les autres membres du collège, une fois les élections passées.

Estimant que le thème de l’Europe était absent de la campagne, le Nouveau mouvement européen suisse (NOMES) a élaboré un « label Europe » permettant d’identifier les candidats aux Chambres fédérales favorables à l’ouverture de négociations d’adhésion durant la prochaine législature. Lancé à la fin du mois d’août, les candidats ont signé une plate-forme comprenant sept points dont le principal était l’exigence d’ouverture de négociations d’adhésion au cours de la prochaine législature. A quelques jours des élections, 291 candidats, dont 69 sortants, avaient accepté de la signer. Le PS était la formation qui comptait le plus grand nombre de signataires. Malgré ces efforts, cette thématique n’était même pas présente en Suisse romande, région habituellement plus prompte à ouvrir une discussion sur ce sujet.

L’Institut de sondage GfS a mené une série de six sondages consacrés aux préoccupations des électeurs. Ces derniers ont principalement mentionné cinq thèmes : les retraites (allant de la santé financière au taux de rendement des avoirs du deuxième pilier), la situation économique (chômage et perspectives conjoncturelles), la santé publique (comprenant également la problématique des primes obligatoires, en constante augmentation), l’asile et les finances publiques (fiscalité et comptes publiques). En janvier, la première préoccupation était la question de l’asile. L’actualité de la fin de l’année 2002, avec le rejet de justesse de l’initiative de l’UDC demandant un durcissement en la matière, pouvait expliquer ce choix. En deuxième position, on trouvait la situation économique, suivie de la santé publique, des retraites, de l’Europe puis des finances. Le thème de l’intégration européenne a ensuite perdu en importance, n’entrant plus dans les cinq principales préoccupations des citoyens durant le reste de la campagne. L’économie a toujours occupé la première ou la seconde place durant l’année, terminant en deuxième position. La thématique de l’asile, en disparaissant de l’agenda politique, a suscité un intérêt décroissant durant l’année. Elle ne s’est retrouvée qu’au quatrième rang des préoccupations lors du sondage de septembre. L’importance de l’actualité immédiate a été confirmée par la question de l’âge de la retraite. Alors qu’elle n’était qu’en quatrième position jusqu’à l’été, le débat lancé par Pascal Couchepin en a fait un thème central de la fin de campagne. Un phénomène conjoncturel important a été l’apparition du thème de l’environnement à la fin de l’été, principalement en raison de la canicule ayant frappé toute l’Europe. Concernant la force des partis, l’ordre voyant l’UDC devant le PS, suivi du PRD et du PDC devait être confirmé selon le dernier sondage réalisé par ce même institut. Depuis août 2001, aucun parti gouvernemental n’était parvenu à en dépasser un autre. Quant à la polarisation, elle semblait devoir se poursuivre sous l’effet de deux tendances : d’une part, la progression de la droite et le transfert de nombreuses voix du PRD et du PDC vers l’UDC ; d’autre part, le renforcement des principales forces du camp rose/vert (PS et PES).

Retraits - Elections fédérales 2003

Le nombre de retraits du Conseil national a été de 32, contre 40 en 1999. Douze élus radicaux ne se sont plus présentés, de même que huit démocrates-chrétiens, sept socialistes, deux UDC, un Vert, un libéral ainsi qu’un représentant de l’Alliance de gauche. Parmi les conseillers nationaux sortants, 19 ont déposé une double candidature Conseil national-Conseil des Etats. Le seul candidat à se retirer de la Chambre basse pour tenter sa chance au Conseil des Etats a été le Tessinois Giuliano Bignasca (Lega). Parmi les plus anciens représentants du peuple tirant leur révérence, on signalera les départs du Neuchâtelois Claude Frey (prd, élu en 1979), de l’ Uranais Franz Steinegger (prd, 1980) et du démocrate-chrétien zougois Peter Hess (1983). A la Chambre haute, on mentionnera notamment la radicale zurichoise Vreni Spoerry (conseillère nationale de 1983 à 1996 puis conseillère aux Etats de 1996 à 2003), le démocrate-chrétien fribourgeois Anton Cottier (élu depuis 1987), ainsi que Christine Beerli, élue depuis 1991 et candidate malheureuse au Conseil fédéral en décembre de l’année sous revue.