Pour les élections fédérales 2023, 384 personnes réparties sur 22 listes briguaient un des 19 sièges vaudois au Conseil national, dépassant ainsi le record de 2019 (377 personnes). Parmi les candidatures, 141 étaient des femmes, soit 37%. La différence était plus marquées à droite où moins de 25% étaient des femmes, au centre ce chiffre s’élevait à 35%, tandis qu'à gauche, les listes étaient paritaires. La moyenne d'âge des profils était de 41 ans, chiffre stable par rapport à 2015 et 2019. Sur les 300 communes vaudoises, 125 étaient représentées par au moins un.e candidat.e.
Les partis politiques se sont lancés dans la course au national avec différents objectifs. Le Centre vaudois, ne disposant jusque-là que d'une faible visibilité à Berne, a souhaité bénéficier d'un nouvel élan et continuer sur sa lancée, après s'être recréé une présence en terre vaudoise avec l'élection inattendue de la centriste Valérie Dittli au Conseil d'Etat au printemps 2022. Pour cela, le parti a décidé de tourner le dos à l'Alliance vaudoise, préférant s'apparenter avec les petites formations centristes (Les Libres et le Parti évangélique). Ce choix a alimenté les tensions durant la campagne, puisque perçu comme une trahison par ses alliés (PLR-UDC). Le Centre a également refusé un quelconque apparentement avec les Vert'libéraux qui se sont donc lancés seuls dans la course.
Le Parti vert'libéral, qui avait progressé aux dernières élections fédérales et avait réussi à récupérer un siège supplémentaire, allait cette année devoir se battre pour maintenir son deuxième siège menacé notamment par l'UDC. En effet, l'UDC s'est donné comme objectif de reconquérir un quatrième siège à Berne, perdu lors des dernières élections fédérales. Pour mettre en œuvre cette volonté, la section cantonale a lancé une troisième liste, complétant la liste principale et la liste jeune, intitulée «UDC Liberté & Mobilité». Le but était ainsi de mobiliser le plus largement possible en menant une campagne de terrain. De plus, le quatrième parti du canton a misé sur son apparentement avec le PLR pour regagner des places dans le classement. Le défi du parti était également de trouver une personnalité pour remplacer le conseiller national Jean-Pierre Grin, quittant le Parlement après 16 ans de mandat. Ce sont 57 personnes qui défendaient les couleurs du PLR, premier parti de la majorité, sur trois listes différentes: une liste principale, une liste intitulée «Energie libérale» et enfin une liste jeune. Parmi les cinq conseillers nationaux sortants, ce sont Daniel Ruch et Alexandre Berthoud qui se trouvaient sur la sellette. En effet, dû à leur arrivée en fin de législature, leur réélection n'était pas assurée.
De l'autre côté de l'échiquier politique, le Parti socialiste était lui sorti la mine basse des élections cantonales de 2022 où il avait perdu cinq sièges au Grand Conseil et sa conseillère d'Etat Cesla Amarelle n'avait pas été réélue. Les socialistes voulaient assurer à tout prix leurs cinq sièges à la chambre du peuple. Pour cela, le parti présentait une liste paritaire de 19 candidat.e.s et misait sa campagne sur le pouvoir d'achat, jugé comme préoccupation centrale de la population suisse. Les socialistes espéraient pouvoir compter sur Pierre-Yves Maillard, président de l'USS, comme locomotive pour la campagne. Il a logiquement été placé en tête de liste au Conseil national. Du côté des Vert.e.s, le parti vaudois souhaitait continuer sur sa lancée de la «vague verte de 2019» qui leur avait permis une progression de deux à quatre sièges à la chambre basse ainsi que la conservation de leur fauteuil à la chambre haute. L'objectif de la section cantonale était de confirmer ses quatre sièges en réélisant les élu.e.s écologistes sortant.e.s. Pour cela, les Vert.e.s ont présenté une liste de 19 candidat.e.s et fait campagne sur les questions climatiques, mais également en faveur d'une économie circulaire et d'une agriculture durable. Finalement, les partis de la gauche radicale ont voulu retrouver le siège perdu à la chambre basse en 2011. C'était le cas notamment du POP Vaud qui a présenté sa liste paritaire de 19 personnes représentant «des professions de la société réelle afin de remettre au cœur de la politique suisse des préoccupations sociales fortes». Ensemble à Gauche, qui a également présenté sa liste, a toutefois regretté qu'une alliance plus large à gauche n'ait pas pu être trouvée pour contrer la montée de la droite.
Le dimanche 22 octobre, c'est une vague rose qui a déferlé sur le canton de Vaud. Après l'élection de Pierre-Yves Maillard aux Etats, les socialistes ont gagné un siège supplémentaire au Conseil national et se sont classés en première position avec 24.2% des voix (4.9 points de pourcentage de voix supplémentaires par rapport à 2019). Trois jeunes élu.e.s ont ainsi rejoint le groupe socialiste sous la coupole: Jean Tschopp, Jessica Jaccoud et Brenda Tuosto. Une d'entre eux repourvoyait le nouveau siège du parti, tandis que les deux autres remplaçaient Pierre-Yves Maillard, élu à la chambre haute, et Ada Marra, ayant atteint son nombre maximal de mandats. Ils ont rejoints les conseillères et conseillers sortants Roger Nordmann, Samuel Bendahan, et Brigitte Crottaz. Le score fut qualifié de «phénoménal» par le président vaudois du parti, les socialistes prenaient ainsi une belle revanche sur les élections cantonales 2022.
Autres grands gagnants de ces élections, l'UDC avec 15.1% des voix (+1.8pp) a récupéré un siège. La délégation se compose donc des élus sortants Jacques Nicolet et Michaël Buffat – également candidat pour l'élection au conseil des Etats – et est complétée par les nouveaux élus Yvan Pahud, chef de groupe au Grand Conseil, et l'inattendu Sylvain Freymond, agriculteur de 39 ans. Selon Floriane Gonet, secrétaire générale de l'UDC Vaud, cette montée est due aux inquiétudes grandissantes des Vaudois.e.s liées à l'immigration et à la hausse du coût de la vie qui ont renforcé la confiance envers le parti.
Le Centre (2.3%, +4.5pp) a fait son grand retour, regagnant le siège perdu par Claude Béglé en 2019 à la chambre basse. Sa représentante, alors presque inconnue de la politique vaudoise, est la futurologue Isabelle Chappuis. Le choix de tourner le dos à l'Alliance, qui avait subi les critiques, a été gagnant pour le parti. Son président l'a qualifié de résultat «au-delà des espérances» dans Le Temps.
De son côté, le PLR, traditionnellement premier parti du canton, a été recalé à la seconde place avec 20.3% des voix (-0.9pp). Les libéraux-radicaux ont perdu un de leur cinq sièges. C'est le conseiller national et vice-président cantonal Alexandre Berthoud qui s'est vu contraint de quitter le Parlement. Son collègue Daniel Ruch, qui était également menacé, a repris le siège qui était réservé à Pascal Broulis en cas de non-élection aux Etats et s'est placé aux côtés des autres élu.e.s sortant.e.s: Jacqueline de Quattro – arrivée en tête de liste –, Olivier Feller et Laurent Wehrli. Face à cette grosse déception, Florence Bettschart-Narbel, présidente du PLR Vaud, a expliqué que le parti «était peut-être [...] trop confiant, pensant trop vite que les cinq sièges étaient acquis». Lors du congrès qui a suivi les résultats, la présidente a insisté sur le fait que leur siège n'avait pas été volé par Le Centre ou l'UDC mais que: «nous avons perdu ce siège parce que nous n’avons pas assez fait de voix». L'avis qu'avec le Centre dans l'Alliance, le siège du PLR aurait été maintenu était donc controversé. Les analyses postérieures ont révélé que dans le cas d'un apparentement des listes PLR, UDC et Le Centre, la différence se serait jouée à 594 suffrages. C'est-à-dire que Le Centre aurait dû récolter 594 voix supplémentaires pour gagner un siège et que le «grand vieux parti vaudois» n'en aurait pas perdu. Au sujet du futur de l'Alliance vaudoise, qui avait été un succès lors de l'élection au Conseil d'Etat en 2022, le président de l'UDC Vaud, Kevin Germanier a déclaré qu'il n'y avait «aucune raison de renier une alliance qui permet au canton d’aller dans le bon sens, même si cela prend du temps». En effet, malgré le recul des libéraux-radicaux, les camps bourgeois et rose-vert ont gardé le même rapport: 10 sièges à droite contre 9 à gauche.
Déception également du côté des Vert.e.s qui ont perdu un siège et sont redevenus la quatrième force du canton (11.8%, -6.2pp). La climatologue Valentine Python ne retourne pas à Berne pour cette 52ème législature. La vague verte de 2019 n'a donc duré qu'une seule législature. Raphaël Mahaim, qui était également candidat à la chambre haute, a fini deuxième du second tour face à Pascal Broulis et reste donc siéger au national aux côtés des réélues écologistes Sophie Michaud Gigon et Léonore Porchet. Le troisième siège redistribué à un nouveau parti s'est fait en défaveur des Vert'libéraux (3.9%, -0.9pp). Céline Weber devra donc assurer seule la représentation de son parti à Berne, se voyant privée de son collègue le conseiller national François Pointet. Finalement, la gauche radicale n'a pas réussi à reconquérir son siège perdu en 2011 avec 2.7% de voix pour Ensemble à gauche et 1.6% pour le POP.
En résumé, la députation vaudoise pour la 52ème législature se compose de 6 PS (2019: 5), 4 PLR (2019: 5), 4 UDC (2019: 3), 3 Vert.e.s (2019: 4), 1 vert'libéral (2019: 2), et 1 Centre (2019: 0). 11 hommes et 8 femmes ont été élus par la population vaudoise avec un taux de participation qui s'est élevé à 40.2 pour cent, moyenne inférieure aux scrutins précédents (41.4% en 2019).