Rétrospective annuelle 2024 : Énergie

En 2024, le thème de l'énergie a fonctionné sur courant alternatif. Après quelques années sous haute tension, l'année 2024 se résume essentiellement à la votation sur la Loi fédérale relative à un approvisionnement en électricité sûr reposant sur des énergies renouvelables (dite Loi sur l'électricité) du 9 juin 2024. Cette campagne a phagocyté les discussions politiques. Mais, alors que les énergies renouvelables indigènes s'imposaient tout en haut de l'agenda politique, l'énergie nucléaire a su s'immiscer dans le débat pour finalement (presque) voler la vedette aux énergies renouvelables.

Après avoir dessiné une réforme de l'énergie à force de compromis, le ministre de l'énergie Albert Rösti n'a pas eu le choix que de défendre cette réforme dans les urnes. La loi sur l'électricité a donné lieu à une campagne intense. La thématique de l'énergie a représenté, lors du mois de mai, jusqu'à cinq pour cent des articles de presse sur la politique suisse alors que cette thématique n'a occupé que deux à trois pour cent des articles de presse le reste de l'année (voir l'analyse APS des journaux, Figure 1). Au final, cette loi a été largement adoptée par la population helvétique (68.72%). Le score sans appel a impressionné la sphère politique, la presse helvétique saluant un «plébiscite» ou un «coup de fouet» pour les énergies vertes.

Cela n'a, pour autant, pas éteint le débat sur l'approvisionnement énergétique. Au contraire, l'adoption de la loi sur l'électricité n'a fait qu'attiser les braises du débat politique avec notamment le retour en force de l'énergie nucléaire. Depuis l'adoption de la Stratégie énergétique 2050 en mai 2017, l'interdiction de construire des nouvelles centrales nucléaires avait relégué l'énergie nucléaire dans l'ombre. Or, autant le PLR que l'UDC ont su, à force d'escarmouches, relancer l'atome. En mars 2024, ce sont d'abord la validation de l'initiative populaire «De l’électricité pour tous en tout temps (Stop au blackout)» et l'adoption du postulat sur l'exploitation et la construction de centrales nucléaires qui ont levé le tabou de l'énergie nucléaire. Puis, deux autres objets, sur les conditions nécessaires à la construction de nouvelles centrales nucléaires et sur le rôle à long-terme de l'énergie nucléaire dans le mix énergétique helvétique ont été rejetés. Il est intéressant de noter que ces objets ont été le théâtre de nombreuses prises de paroles. Le postulat adopté en mars par le Conseil national est d'ailleurs le postulat qui a généré les plus longues prises de parole au Parlement en 2024 pour un postulat. Au total, 7885 mots ont été prononcés à la tribune (voir l'analyse APS des interventions). C'est finalement le ministre de l'énergie qui a plaidé en juillet pour une énergie en ruban avant d'officialiser, fin août 2024, le retour de l'atome dans le débat politique en annonçant un contre-projet indirect à l'initiative populaire «De l’électricité pour tous en tout temps». Cette annonce a eu un écho notoire dans la presse. Près de 2 pour cent des articles de journaux sur la politique suisse ont traité spécifiquement de l'énergie nucléaire au mois d'août (voir l'analyse APS des journaux, Figure 1). La procédure de consultation s'est ouverte fin décembre. Dans son contre-projet indirect, le Conseil fédéral recommande de modifier la loi sur l'énergie nucléaire (LEnu) afin d'abroger les interdictions d'autorisation et de modifications des centrales nucléaires. En outre, la demande d'autorisation de la Nagra pour le stockage en profondeur des déchets radioactifs sur le site de Stadel (ZH) a également fait couler beaucoup d'encre à la mi-novembre (voir l'analyse APS des journaux, Figure 1).

En parallèle, le gouvernement a continué d'avancer ses pions sur deux projets majeurs de la politique énergétique helvétique: les marchés de gros de l'énergie (MCF 23.083) et les infrastructures énergétiques stratégiques (Iv.pa. 16.498). Ces deux projets de loi ont donné lieu a un ping-pong parlementaire entre les chambers fédérales. Du côté des commissions thématiques, la tendance était au refus de donner suite aux différentes initiatives parlementaires et cantonales sur l'accélération des procédures (l'accélération du développement du réseau électrique, l'accélération des procédures et la modification du droit de recours des organisations). En outre, le Conseil fédéral a répété qu'un accord sur l'électricité avec l'UE demeurait l'une de ses priorités. Dans cette perspective, deux motions du groupe du Centre sur un socle de sécurité juridique et des conventions techniques internationales ont été adoptées dans leur version amendée. Finalement, un accord de solidarité sur le gaz entre la Suisse, l'Allemagne et l'Italie a été signé. Sur ce thème, les chambres fédérales ont adopté trois motions sur la production indigène de biogaz, la création des bases légales pour un approvisionnement en gaz renouvelable et la taxation des combustibles en fonction de leur densité énergétique.

Pour conclure, si l'on regarde vers l'avenir, le Parlement a adopté sept postulats sur la promotion de la consommation de méthanol, sur des dérogations pour des installations solaires sur les bâtiments agricoles, sur la production internationale d'agents énergétiques renouvelables et synthétiques, sur le potentiel de la géothermie, sur la situation des installations hydroélectriques historiques, sur l'accélération du développement des technologies de stockage et sur une feuille de route pour sécuriser l'approvisionnement électrique. Les rapports qui découleront de ces postulats seront autant de thèmes à empoigner pour le futur de la politique énergétique helvétique.

Dossier: Rétrospective annuelle 2024