Modification de la loi sur le matériel de guerre (Mo. 23.3585)

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Depuis le début de l'année 2023, divers objets (23.401, 23.402, 23.403, 23.3005) ont souhaité modifier la loi sur le matériel de guerre (LFMG). Dans le même ordre d'idée, la motion 23.3585, déposée par la CPS-CE, souhaite modifier l'art. 22 de la LFMG en y ajoutant un point b. Ce dernier prévoit une dérogation du droit d'exportation d'armes lors de circonstances exceptionnelles ou si les intérêts du pays en termes de politique extérieure et de sécurité sont en jeu. De plus, le projet demande d'informer la CPS-CE et la CPS-CN de toute dérogation. Aussi, en cas de dérogation par voie d'ordonnance, les conditions pour la prolonger y sont énumérées. Ce changement rappelle les discussions de l'été 2021 autour de l'initiative populaire 21.021. En effet, lors des discussions du contre-projet, la réforme qui permettait au Parlement d'exercer une compétence de dérogation aux critères d'autorisation de la LFMG avait été rejetée.
Le Conseil fédéral est favorable à la motion. La modification de l'article 22 permettrait aux Sept sages d'adapter la politique d'exportation d'armes en fonction du contexte de politique extérieur et de la politique de sécurité. De plus, cet ajout n'invaliderait en rien la Convention de la Haye – base servant à définir la neutralité suisse – et n’enfreindrait pas le droit international. «Seule cette compétence dérogatoire permettrait au Conseil fédéral de réagir de manière appropriée et rapide aux nouvelles circonstances de la politique de sécurité, naturellement, toujours dans les limites fixées par le droit international et les obligations qui en découlent pour la Suisse», a résumé Guy Parmelin durant les débats au Conseil des Etats.
La minorité Jositsch (ps, ZH), Vara (vert-e-s, NE), Zopfi (vert-e-s, GL) a prôné le rejet de la motion, arguant que cette dernière est un retour en arrière. «Hätten wir dann noch eine halbwegs neutrale Position in diesem Konflikt ?», a ainsi demandé Daniel Jositsch durant les débats, après avoir suggéré que des armes suisses pourraient se retrouver dans une guerre similaire à celle qui ravage l'Ukraine au moment des débats si la motion était acceptée.
Avant le vote, il a encore été rappelé que la motion n'a pas d'effet rétroactif. En ce sens, elle ne s'applique pas à la réexportation vers l'Ukraine qui est actuellement une zone de guerre.
La motion a été acceptée par 27 voix contre 11. Le PS et les Vert-e-s ont constitué la majorité des oppositions.

Dossier: Vorstösse zur Änderung des Kriegsmaterialgesetzes (Wiederausfuhr von Kriegsmaterial)

Le Conseil national a, à son tour, discuté de la motion de la CPS-CE sur l'exportation de matériel de guerre. La CPS-CN avait soutenu le projet par 14 voix contre 9 et 1 abstention. En chambre, les débats ont abordé plusieurs aspects de l'objet. Pour les partisans de la motion, il a été question de soutenir l'industrie militaire suisse afin de garantir l'approvisionnement de l'armée. «L'enjeu est évidemment le maintien, en Suisse, d'une capacité industrielle adaptée aux besoins de notre défense, donc de celle de notre pays. Car nous savons que sans exportation de matériel et d'autres systèmes de défense ou plus généralement de sécurité, notre armée offre un marché trop petit pour garantir la survie d'une industrie de la défense et de la sécurité.», s'est exprimé Jean-Luc Addor (udc, VS) au nom de la majorité de la CPS-CN. De plus, il a été affirmé que cette modification de la loi permettrait au Conseil fédéral de réagir plus rapidement si un nouveau conflit provoquait une situation particulière, relativement à l'exportation d'armes.
Du côté des oppositions, Fabien Fivaz (verts, NE) et Marionna Schlatter (verts, ZH) ont rappelé que l'Ukraine ne serait en rien aidée par l'acceptation cette motion, qui n'a pas d'effet rétroactif. Aussi, des craintes ont été évoquées concernant le respect de la neutralité. De plus, des exemples passés d'exportation qui auraient pu mener à des guerres civiles ont été évoqués – à l'image du cas de la livraison souhaitée de blindés Mowag au Brésil. «C'est à mon avis le pire exemple d'imaginer que nous puissions livrer des armes à un pays qui l'utilise contre sa population civile», a souligné Fabien Fivaz. Les politicien.ne.s se sont aussi montré.e.s outré.e.s que le retrait de l'initiative populaire (initiative correctrice) et l'acceptation du contre-projet sur l'exportation du matériel de guerre soient rediscutés après deux ans. Marionna Schlatter a demandé que les décisions prises en 2021 soient respectées et que les politicien.ne.s tiennent leur promesse en laissant de côté la flexibilité de décision prévue par la motion.
Guy Parmelin a rappelé la position favorable du Conseil fédéral et l'a justifiée en déclarant qu'«aux yeux du Conseil fédéral, il est primordial que la Suisse dispose d'un outil lui permettant de réagir rapidement, de façon exceptionnelle, à ces nouvelles réalités géopolitiques et sécuritaires.» De plus, le conseiller fédéral a souligné que les dérogations respecteraient le droit international, la politique étrangère de la Suisse ainsi que ses obligations internationales et le droit de neutralité.
Le Conseil national a adopté la motion par 117 voix contre 74 (0 abstention). Alors que la majorité des politicien.ne.s affilié.e.s au Centre avaient soutenu l'initiative correctrice, cette fois-ci, seuls trois d'entre eux se sont alignés avec le camps rose-vert et se sont opposés à la motion.

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