Avec 59 candidatures réparties sur 16 listes, le canton de Neuchâtel voyait un nombre record de prétendantes et prétendants se lancer dans la course à un siège au Conseil national lors des élections fédérales de 2023. Parmi ces candidatures, on comptabilisait 29 femmes pour 30 hommes. Malgré une parité presque respectée chez les candidat.e.s, l'un des principaux enjeux de l'élection était de savoir si l'une des candidates parviendrait à se frayer un chemin jusqu'à la Berne fédérale. Rien n'était cependant moins sûr, puisque les quatre conseillers nationaux sortants, Fabien Fivaz, Denis de la Reussille, Baptiste Hurni et Damien Cottier, briguaient tous un nouveau mandat, et espéraient de facto bénéficier de la prime au sortant pour poursuivre leur séjour sous la coupole.
A gauche de l'échiquier politique, l'objectif consistait à conserver les trois sièges acquis en 2019, lorsqu'un siège supplémentaire avait été conquis par les Vert.e.s au détriment de l'UDC. Cette élection avait été un succès total pour le parti écologiste. Alors que sa collègue Céline Vara accédait aux Conseil des Etats, Fabien Fivaz était lui élu au national. Dans un contexte moins favorable aux écologistes en 2023, le chaux-de-fonnier a pu mettre en avant son bilan lors de la campagne. En présidant la commission de la science, de l'éducation et de la culture du Conseil national (CSEC-CN), et en siégeant dans celle de la politique de sécurité (CPS-CN), il s'est notamment engagé pour la dépollution des sols et pour le soutien à la recherche. Le journal ArcInfo a cependant regretté qu'aucun des 83 objets qu'il a déposé durant la législature n'ait été accepté. Bien que les positions écologistes soient minorisés au Parlement, Fabien Fivaz a fait remarquer que certaines de ses propositions sont passées sous d'autres formes, en poussant par exemple le Conseil fédéral à durcir les normes sur le plomb dans les sols.
Le deuxième siège de la gauche était occupé par le popiste Denis de la Reussille depuis 2015. Ce dernier n'a lui non plus pas vu un seul de ses objets passer la rampe des chambres lors de la législature. Se sachant isolé à la gauche de la gauche, il a concentré son engagement au sein de la commission de politique extérieure (CPE-CN), défendant notamment l'aide au développement. Pour conserver son siège, le POP comptait sur l'apparentement avec le PS et les Vert.e.s, mais aussi avec Solidarités. L'autre parti d'extrême-gauche a lancé quatre candidatures féminines dans la course, tenant ainsi un discours résolument féministe et progressiste. Enfin, le troisième élu sortant de gauche était le socialiste Baptiste Hurni. Lors de ces élections, le président de la section romande de la fédération suisse des patients chassait sur deux tableaux, puisqu'il briguait également un siège aux Etats. Bien qu'il s'agissait de sa première législature, ArcInfo a rappelé que Baptiste Hurni n'avait pas tardé à se faire un nom sous la coupole, grâce à son engagement en faveur des patient.e.s bien entendu, mais également sur les droits des locataires et des problématiques de transport et d'environnement.
Du côté du PLR, l'objectif était de récupérer le siège perdu en 2015, pour revenir à deux députés. Pour ce faire, le parti comptait sur sa figure de proue Damien Cottier, élu en 2019 et président du groupe parlementaire libéral-radical aux chambres fédérales. En une législature, ce dernier a su s'imposer comme un personnage central à Berne, grâce notamment à sa longue expérience parlementaire cantonale, ses connaissances pointues des institutions helvétiques et son travail en tant que collaborateur personnel de Didier Burkhalter entre 2010 et 2017, a analysé ArcInfo. Du côté des challengers, cette élection soulevait également des attentes. En 2019, l'UDC avait perdu son siège en ne récoltant que 12 pour cent des suffrages. Le conseiller national sortant Raymond Clottu ne s'était alors pas représenté après des querelles internes qui lui avaient values une exclusion de la section cantonale. En 2023, «la crise d'adolescence est passée», a martelé Niels Rosselet-Christ, président de la section cantonale, député au Grand Conseil et candidat, lors du lancement de la campagne. Les ambitions étaient donc clairement affichées, même sans apparentement avec le PLR. Un apparentement a par contre été conclu avec le candidat de l'UDF, présent pour la première fois dans le canton. Au centre, les Vert'libéraux ont présenté deux listes et ont affiché leurs ambitions de faire leur entrée dans la députation neuchâteloise. Avec la transition énergétique comme thème-phare, le parti d'obédience libérale a regretté une législature «perdue» en ce qui concerne les relations avec l'UE. Le PVL s'est allié avec le Centre et le PEV afin de maximiser ses chances. Enfin, plusieurs jeunesses de partis ont présenté des listes (JLR, jeunes UDC, JS, jeunes Vert.e.s et jeunes Vert'libéraux).
Aux yeux des observateurs et observatrices de la politique neuchâteloise, c'est le siège popiste qui paraissait être le plus menacé, par l'UDC avec Rosselet-Christ ou par le parti vert'libéral avec Brigitte Leitenberg. Outre Leitenberg, l'autre éventualité de voir une femme parmi les député.e.s passait par une élection de Baptiste Hurni ou de Fabien Fivaz aux Etats. Le cas échéant, la candidate arrivant derrière eux serait logiquement la présidente du Grand Conseil Martine Docourt, candidate malheureuse aux Etats il y a quatre ans, chez les socialiste ou Clarence Chollet chez les Vert.e.s.
La question de la représentation féminine a figuré en haut de l'affiche durant la campagne. Historiquement, le canton de Neuchâtel a été un pionnier en matière de participation des femmes à la vie politique. En 1919, il s'agissait du premier canton à organiser un scrutin pour donner le droit de vote aux femmes, adopté finalement en 1959 en même temps que Genève et Vaud. Neuchâtel était également le premier canton à compter une femme au sein de son Parlement en 1971, alors que la même année, Tilo Frey était l'une des onze femmes à entrer à l'Assemblée fédérale. Récemment, le Parlement neuchâtelois est devenu le premier de Suisse à compter une majorité de femmes, lors des élections cantonales de 2021. 58 femmes ont obtenu l'un des 100 sièges, un chiffre passé à plus de 60 suite à des démissions. Le revers de la médaille, a expliqué le journal Le Temps, c'est que Neuchâtel se place dans la moyenne inférieure des cantons romands lorsqu'on considère la part des élues au Conseil national, au Conseil des Etats, au Conseil d'Etat et au Grand Conseil lors des cinquante dernières années.
Lors de l'élection, le PLR, le PS et les Vert.e.s ont conservé leur siège, comme attendu. Et comme l'on pouvait s'en douter, cela n'a pas passé pour le POP, qui quitte donc la capitale fédérale après deux législatures. Le rééquilibrage gauche-droite a donc bien eu lieu, puisque c'est l'UDC qui a repris son strapontin abandonné en 2019. La surprise du jour provenait plutôt du visage agrarien qui occupera cette place. Bien que favori, Niels Rosselet-Christ (7'392 voix) a été devancé par l'ancien député et agriculteur Didier Calame (8'436 voix), probablement vu comme plus consensuel. Le principal intéressé était lui-même surpris, puisqu'il a dû se rendre en trombe à Neuchâtel à l'annonce des résultats, alors qu'il était parti disputer un concours de tir à Sornetan, dans le Jura bernois. Malgré sa déception personnelle, le président Rosselet-Christ a passé une «journée magnifique, car l'UDC a retrouvé sa place auprès de la population neuchâteloise et fait table rase du passé».
Dans le détail, le PS a récolté 22.5 pour cent des suffrages (+5.9 points de pourcentage par rapport à 2019), devant le PLR avec 21 pour cent (-1.3pp). Suivant la tendance nationale, les Vert.e.s ont reculé à la quatrième place (16.5%, -4.3pp), devancé.e.s par l'UDC (17.3%, +4.6pp). Damien Cottier (11'063 voix) et Fabien Fivaz (10'197 voix) ont ainsi conservé leur siège, alors que Baptiste Hurni (14'025 voix), élu aux Etats, laisse le sien à Martine Docourt (8'126 voix). Pour le POP et son allié SolidaritéS(11.7%, -2.4pp), il s'agit de la fin d'une «exception», selon Le Temps, bien que le parti se félicite de demeurer la première force politique dans les villes du haut du canton, à savoir Le Locle et La Chaux-de-Fonds. La déception était de mise du côté vert'libéral, dont l'espoir de décrocher un siège n'a pas tenu bien longtemps. Le parti a en effet largement manqué le coche, récoltant seulement 6.8 pour cent des suffrages (-2.3pp). Parmi les autres partis, le Centre a récolté 2.6 pour cent, le PEV 1.1 pour cent et l'UDF 0.7 pour cent. La participation s'est monté à 40.25 pour cent. Céline Vara ayant conservé son siège aux Etats, la députation neuchâteloise à Berne pour la période 2023-2027 se composera donc de deux femmes et quatre hommes.
Election Conseil national 2023 – Neuchâtel