Se recentrer sur les attributions constitutionnelles de l'armée. Pas de participation aux exercices d'alliance de l'Otan! (Mo. 24.3012)

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Le 31 janvier 2024, le Conseil fédéral a publié un rapport en réponse au postulat de Josef Dittli 23.3131. Dans ce document, il a indiqué que les exercices menés avec des Etats membres de l'OTAN «dans toutes les gammes de capacité» de l'armée suisse devaient être encouragés. C'est à la suite de la publication de ce rapport que la Commission de la politique de sécurité du Conseil national (CPS-CN), préoccupée par la possibilité qu'une telle initiative mette à mal la neutralité de la Suisse, a déposé une motion demandant au Conseil fédéral de modifier le cadre légal actuel afin d'interdire à l'armée de participer à des exercices de l'OTAN aux cours desquels les alliés s’entraîneraient à mettre en application les clauses de l'article 5 du traité de l'OTAN, qui impose aux Etats membres de l'alliance d'intervenir en cas d'attaque contre l'un des autres signataires du traité de l'Atlantique nord.
Dans son message du 10 avril 2024, le Conseil fédéral a proposé aux chambres de rejeter cette motion en affirmant que la participation à des exercices militaires internationaux était essentielle pour garantir la sécurité de la Suisse. A cet égard, le gouvernement a estimé que les exercices auxquels la Suisse pouvait prendre part, avec des pays membres de l'OTAN, dans le cadre du Partenariat pour la paix permettaient à l'armée de tester et de développer ses capacités de défense. En outre, selon le gouvernement, la motion de la CPS-CN limiterait inutilement les moyens d'action de la Suisse et son aptitude à participer à des exercices organisés par l'OTAN, alors que le Conseil fédéral souhaite garantir un maximum de flexibilité pour s'adapter à l'évolution du contexte géopolitique.
S'exprimant au nom de la commission, le conseiller national Fabian Molina (ps, ZH) a appelé ses collègues à adopter cette motion, arguant qu'il n'était pas honnête pour la Suisse d'être associée à certains exercices de l'OTAN mais de refuser – lorsqu'elle n'en voyait pas l'intérêt – de s'engager aux côtés des membres de l'OTAN en se référant au droit de la neutralité. Il a également affirmé que selon la majorité de la commission, la Suisse devait faire preuve de clarté et rejoindre l'OTAN si elle voulait participer aux exercices organisés dans le cadre de cette alliance. Par ailleurs, il a estimé que la participation de la Suisse à ces exercices pouvait laisser penser que la Suisse fait partie de l'OTAN, mais sans lui donner les moyens de prendre part au processus de prise de décisions stratégiques. A cet égard, Jean-Luc Addor (udc, VS), qui a aussi tenté de convaincre ses collègues de soutenir la motion déposée par la CPS-CN, a affirmé qu'en affichant ainsi sa proximité avec l'OTAN, la Suisse était exposée «à un risque d'escalade accru sans, au demeurant, pouvoir bénéficier du devoir d'assistance prévu par le traité». Il a en outre estimé que la position du Conseil fédéral n'était pas cohérente, puisque le gouvernement affirmait que la Suisse ne participerait pas aux exercices organisés aux frontières extérieures de l'OTAN, mais demandait tout de même de disposer de la marge de manœuvre suffisante pour le faire.
La conseillère nationale Jacqueline de Quattro (plr, VD), qui a pris la parole au nom de la minorité de la commission, a indiqué qu'en s'entrainant avec des puissances membres de l'OTAN, la Suisse était en mesure de développer sensiblement ses propres capacités de défense. Par ailleurs, elle a estimé qu'en tant que partenaire solide de l'Alliance atlantique sans en être membre, elle pourrait continuer à coopérer avec l'OTAN en conservant une certaine liberté d'action. C'est également ce qu'a affirmé la cheffe du Département de la défense, Viola Amherd, lorsqu'elle a pris la parole au nom du Conseil fédéral pour s'opposer à cette motion. Répondant à une question de la conseillère nationale Schlatter (vert-e-s, ZH), qui lui a demandé comment la Suisse pouvait participer à un exercice de l'OTAN en tant que pays neutre si la plupart des exercices de l'OTAN impliquaient une mise en application de l'article 5, elle lui a répondu qu'il était exclu que la Suisse participe à un exercice de l'OTAN qui mettrait en cause la neutralité de la Suisse.
Lors du vote, la motion de la CPS-CN a été acceptée par 118 voix contre 69 et 3 abstentions. La minorité était principalement composée du PLR, des Vert'libéraux et du Centre.

Les membres de la Commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats (CPS-CE) ont débattu de la motion déposée par la Commission de la politique de sécurité du Conseil national (CPS-CN). Cette motion vise à interdire la participation de l’armée suisse aux exercices de l’OTAN qui mettent en scène la réponse – dans le cadre de l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord – des membres de l’organisation en cas d’attaque contre l’un d’entre eux.
Les membres de la CPS-CE ont décidé à l’unanimité, moins 1 abstention, de recommander au Conseil des Etats de ne pas donner suite à cet objet, notamment parce qu'ils estiment que la participation de l’armée suisse à des exercices organisés par l’OTAN ne vise pas à préparer une éventuelle intervention de la Suisse aux côtés des Etats alliés. Selon eux, l'engagement de l'armée dans ce type d'exercices aurait pour seule mission de développer ses capacités de défense et ne remettrait pas en cause la neutralité helvétique. De telles initiatives seraient donc favorables à la politique de sécurité de la Suisse. Exiger la non participation de la Suisse aux entrainements organisés par l’OTAN rendrait par ailleurs l’armée moins performante. Les membres de la CPS-CE ajoutent également que certains militaires suisses participent déjà à des «exercices comprenant des séquences de défense». La CPS-CE considère même que ces collaborations pourraient être approfondies.
L'objet devrait être examiné par le Conseil des Etats lors de la session d’automne 2024.

Les membres du Conseil des Etats ont débattu de la motion de la Commission de la politique de sécurité du Conseil national (CPS-CN) visant à interdire la participation de l’armée suisse aux exercices de l’OTAN. S'exprimant au nom de la commission, Daniel Jositsch (ps, ZH) a appelé ses collègues à rejeter la motion en affirmant que la Suisse devait se préparer à n'importe quel type de situation d'urgence, donc aussi à l'éventualité d'une guerre au cours de laquelle la Suisse aurait pour alliés des pays membres de l'OTAN. Heidi Z'graggen (centre, UR), qui avait déjà défendu cette motion contre la majorité de la Commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats (CPS-CE), a quant à elle tenté de convaincre ses collègues du Conseil des Etats de voter en faveur de cet objet en arguant que les soldats suisses pourraient ne pas être très motivés par l'idée de participer à des exercices à l'étranger, puisque l'armée suisse est une armée de milice. A cet égard, elle a notamment fait mention du faible nombre de militaires s'étant portés volontaires pour participer à un exercice organisé en 2025 en Autriche. Heidi Z'graggen a également indiqué que la participation à des exercices simulant la mise en application des clauses de l'article 5 du Traité de l'OTAN (soutien des Etats membres de l'OTAN en cas d'attaque contre un autre Etat membre) pourrait mettre en cause la neutralité de la Suisse. En effet, en tant qu'Etat neutre, la Suisse peut difficilement prendre des initiatives en temps de paix qui la contraindraient à se soustraire à certaines obligations relatives à son statut d'Etat neutre si une guerre devait éclater.
S'exprimant au nom du groupe socialiste, Franziska Roth (ps, SO) a exprimé son opposition à la motion de la CPS-CN en indiquant que la participation de la Suisse à des exercices organisés en partenariat avec l'OTAN lui permettrait de contribuer à la paix et à la sécurité du continent européen, sans attendre que d'autres pays ne lui viennent en aide en cas d'attaque. Les élus UDC ne partageaient pas cette opinion. Ce fut notamment le cas de Werner Salzmann (udc, BE), qui a rappelé à ses collègues que la neutralité de la Suisse était aussi une question d'image. Selon lui, il n'était donc pas judicieux de participer à des exercices de l'OTAN, puisqu'ils pouvaient laisser entendre que la Suisse fait partie intégrante de cette alliance.
Pour s'opposer au discours des partisans de la motion, certains élus qui y étaient opposés, tels que la centriste Brigitte Häberli-Koller (centre, TG), ont affirmé que la participation à des exercices simulant l'application de l'article 5 ne signifiait pas que la Suisse agirait selon les clauses de cet article en cas d'attaque contre un Etat membre de l'Alliance. Le conseiller national uranais Josef Dittli (plr) a quant à lui indiqué que la Suisse avait déjà participé à des exercices conduits en partenariat avec l'OTAN dans le domaine de la cyberdéfense. Puisque les questions relatives à la cyberdéfense sont aujourd'hui couvertes par l'article 5 du Traité de l'OTAN, la Suisse ne pourrait plus y prendre part si la motion était acceptée, alors que ces enjeux revêtent une grande importance stratégique.
A la fin des débats, la ministre de la défense Viola Amherd a pris la parole, au nom du Conseil fédéral, pour appeler les parlementaires à rejeter la motion. Elle a notamment affirmé que la participation de la Suisse à des exercices de l'OTAN ne la conduirait pas à prendre part à la défense de l'Alliance et que les militaires suisses ne s'entraineraient donc pas à défendre les frontières extérieures de l'OTAN. Elle a par ailleurs indiqué que, puisque la motion interdisait tout exercice associé à l'article 5, la Suisse n'aurait plus que très rarement l'occasion de participer à des exercices de l'OTAN.
Au vote, la motion a été rejetée par 29 voix contre 12 et 4 abstentions. L'objet est donc liquidé.