Alors que le Parlement a décidé d'augmenter le budget dédié à l'armée, que l'Ukraine est en guerre avec la Russie et que la Suède a rejoint l'OTAN, le GSsA a fêté en 2023 ses 40 ans. Dans ce contexte brûlant se pose une question essentielle pour l'organisation antimilitariste: est-ce que le pacifisme envisagé par le GSsA à ses débuts a encore lieu d'être en Suisse?

Au cœur du monde politique suisse, depuis février 2022, divers débats, qui évoquent des interrogations essentielles lévitant autour de ce courant de pensée, ont été menés. D'une part, il a été décidé de rehausser le budget de l'armée afin d'atteindre un pour cent du PIB. D'autre part, la réexportation d'armes a remis beaucoup de questions sur le devant de la scène, principalement concernant la neutralité suisse. En juin 2023, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a tenu un discours par vidéo conférence pour le Parlement. Il a ainsi essayé de convaincre les helvètes d'accepter la réexportation d'armes tout en les remerciant pour leur soutien. Il a clamé: «rappelez-vous que nous demandons des armes pour redevenir une terre de paix». La fraction UDC, à l'exception de Franz Grüter (udc, LU) et Hannes Germann (udc, SH), a boycotté l'événement, au nom de la neutralité suisse. Cette action a été très critiquée par d'autres politicien.ne.s à l'image de Roger Nordmann (ps, VD): «cette absence était totalement indigne. Elle montre la vassalisation de ce parti par rapport à la Russie de Vladimir Poutine», pouvait-on lire dans Le Temps le 16 juin.

La population suisse, a par le passé questionné l'usage d'armes pour atteindre la paix. En effet, en 1989, les votant.e.s suisses s'accordaient même à 35,6 pour cent pour abolir l'institution militaire suisse, une révolution. Même le GSsA, qui était alors à l'origine de cette initiative, avait été surpris du pourcentage de la population favorable à un tel changement. Cette révélation a par la suite aussi permis quelques innovations importantes comme la mise en place du service civil et la validation par la population de tout achat d’importance de matériel militaire qui jusqu'alors n'était pas nécessaire. Dans les années 90, certains membres du mouvement ont cependant pris un tournant, avançant deux nouvelles initiatives considérées comme étant «une grave erreur politique» par Andreas Gross (ps, ZH) – un des membres fondateurs –, le poussant à se retirer, remettant en doute la pérennité du mouvement. Plus de 20 ans après ces événements, le groupement était toujours présent dans l'arène politique helvétique et réussissait presque une victoire historique. En effet, en s'opposant à l'enveloppe budgétaire prévue pour des nouveaux jets de combat, les pacifistes rataient de peu la majorité dans les urnes en 2020. De plus, jusqu'au 24 février 2022, les dépenses militaires tendaient à diminuer chaque année un peu plus. Mais, comme avançait Alexandre Vautravers – rédacteur en chef de la «Revue militaire suisse»– dans Le Temps en mai 2023, «on a sifflé la fin de la récréation en Europe, où il s’agit à nouveau d’assumer ses responsabilités et ses frontières». Cette position reste toutefois en opposition avec celle des membres du GSsA, qui ne perdent pas foi en la naissance d'une Suisse sans armée. «Nous restons utopistes mais nous sommes aussi réalistes», s'est exprimée Pauline Schneider – secrétaire politique du GSsA – pour le quotidien vaudois. Cette position a aussi été appuyée par les propos d'Andreas Gross qui a affirmé qu'une politique de paix est beaucoup plus qu'une négation de l'armée, évoquant aussi les divergences d'opinions, marquées par le Röstigraben, que ceci crée au sein même du mouvement, entre pacifistes et antimilitaristes. A la question «le pacifisme est-il mort dans les rues de Boutcha un jour de février 2022», Paolo Gilardi – membre historique du mouvement à Genève – a répondu: «non, la situation actuelle nous donne plus que jamais raison.» En effet, les pacifistes, bien que divisés entre en idéalisme et réalisme, semblent convaincu que la paix reste possible.

Dossier: Gruppe für eine Schweiz ohne Armee (GSoA)